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Date de création : 09.08.2009
Dernière mise à jour :
31.01.2016
113496 articles
Un Homme vit une Couleuvre.
Ah ! méchante, dit-il, je m’en vais faire une oeuvre
Agréable à tout l’univers.
A ces mots, l’animal pervers
(C’est le serpent que je veux dire
Et non l’homme : on pourrait aisément s’y tromper),
A ces mots, le serpent, se laissant attraper,
Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire,
On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
Afin de le payer toutefois de raison,
L’autre lui fit cette harangue :
Symbole des ingrats, être bon aux méchants,
C’est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
Ne me nuiront jamais. Le Serpent, en sa langue,
Reprit du mieux qu’il put : S’il fallait condamner
Tous les ingrats qui sont au monde,
A qui pourrait-on pardonner ?
Toi-même tu te fais ton procès. Je me fonde
Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi.
Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice,
C’est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ;
Selon ces lois, condamne-moi ;
Mais trouve bon qu’avec franchise
En mourant au moins je te dise
Que le symbole des ingrats
Ce n’est point le serpent, c’est l’homme. Ces paroles
Firent arrêter l’autre ; il recula d’un pas.
Enfin il repartit : Tes raisons sont frivoles :
Je pourrais décider, car ce droit m’appartient ;
Mais rapportons-nous-en. – Soit fait, dit le reptile.
Une Vache était là, l’on l’appelle, elle vient ;
Le cas est proposé ; c’était chose facile :
Fallait-il pour cela, dit-elle, m’appeler ?
La Couleuvre a raison ; pourquoi dissimuler ?
Je nourris celui-ci depuis longues années ;
Il n’a sans mes bienfaits passé nulles journées ;
Tout n’est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants
Le font à la maison revenir les mains pleines ;
Même j’ai rétabli sa santé, que les ans
Avaient altérée, et mes peines
Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin
Sans herbe ; s’il voulait encor me laisser paître !
Mais je suis attachée ; et si j’eusse eu pour maître
Un serpent, eût-il su jamais pousser si loin
L’homme, tout étonné d’une telle sentence,
Dit au Serpent : Faut-il croire ce qu’elle dit ?
C’est une radoteuse ; elle a perdu l’esprit.
Croyons ce Boeuf. – Croyons, dit la rampante bête.
Ainsi dit, ainsi fait. Le Boeuf vient à pas lents.
Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête,
Il dit que du labeur des ans
Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants,
Parcourant sans cesser ce long cercle de peines
Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines
Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ;
Que cette suite de travaux
Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes,
Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux,
On croyait l’honorer chaque fois que les hommes
Achetaient de son sang l’indulgence des Dieux.
Ainsi parla le Boeuf. L’Homme dit : Faisons taire
Cet ennuyeux déclamateur ;
Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,
Au lieu d’arbitre, accusateur.
Je le récuse aussi. L’arbre étant pris pour juge,
Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ;
Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs.
L’ombrage n’était pas le seul bien qu’il sût faire ;
Il courbait sous les fruits ; cependant pour salaire
Un rustre l’abattait, c’était là son loyer,
Quoique pendant tout l’an libéral il nous donne
Ou des fleurs au Printemps, ou du fruit en Automne ;
L’ombre l’Eté, l’Hiver les plaisirs du foyer.
Que ne l’émondait-on, sans prendre la cognée ?
De son tempérament il eût encor vécu.
L’Homme trouvant mauvais que l’on l’eût convaincu,
Voulut à toute force avoir cause gagnée.
Je suis bien bon, dit-il, d’écouter ces gens-là.
Du sac et du serpent aussitôt il donna
Contre les murs, tant qu’il tua la bête.
On en use ainsi chez les grands.
La raison les offense ; ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes, et gens,
Et serpents.
Si quelqu’un desserre les dents,
C’est un sot. – J’en conviens. Mais que faut-il donc faire ?
- Parler de loin, ou bien se taire.
A l’heure d’amour, l’autre soir,
La Mort près de moi vint s’asseoir ;
S’asseoir, près de moi, sur ma couche.
En silence, elle s’accouda.
Sur mes yeux clos elle darda
Son grand œil noir, lascif et louche ;
Puis, comme l’amante à l’amant,
Elle mit amoureusement
Sa bouche sur ma bouche !
« Viens, dit le spectre en m’enlaçant,
« Viens sur mon cœur, viens dans mon sang
« Savourer de longues délices.
« Viens ; la couche, ô mon bien-aimé !
« A son oreiller parfumé,
« Ses draps chauds comme des pelisses.
« Nous nous chérirons nuit et jour :
« Nos âmes sont deux fleurs d’amour,
« Nos lèvres deux calices. »
Je crus, sur mon front endormi,
Sentir passer un souffle ami
D’une saveur déjà connue.
J’eus un rêve délicieux.
Je lui dis, sans ouvrir les yeux :
« Chère, vous voilà revenue !
« Vous voilà ! mon cœur rajeunit.
« Fauvette, qui revient au nid,
« Sois-y la bienvenue.
« Sans remords comme sans pitié,
« Méchante, on m’avait oublié ;
« Allons, venez, Mademoiselle.
« Je consens à vous pardonner,
« Mais avant, je veux enchaîner
« Ma folle petite gazelle. »
Et, comme je lui tends les bras,
Le spectre me répond tout bas :
« C’est moi…ce n’est pas elle… »
« – C’est toi, la Mort ! eh bien ! tant mieux.
« Mon âme est veuve ; mon cœur vieux,
« J’avais besoin d’une maîtresse.
« Une tombe est un rendez-vous
« Comme un autre ; prélassons-nous
« Dans une éternelle caresse ! »
Je l’embrasse ; elle se défend,
Recule et me dit : « Cher enfant,
« Attends, rien ne nous presse !…
« Gardons-nous pour des temps meilleurs ;
« Mais aujourd’hui, je cherche ailleurs
« Des amoureux en hécatombe.
« Ailleurs, je vais me reposer
« Et couper en deux le baiser
« D’un ramier et de sa colombe !
« Sois heureux, tu me reverras ;
« Sois amoureux, et tu seras
« Mûr pour la tombe ! »
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d’un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique
Et Thomas de Quincey buvant
L’opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
Certain Païen chez lui gardait un Dieu de bois,
De ces Dieux qui sont sourds, bien qu’ayants des oreilles.
Le païen cependant s’en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois.
Ce n’étaient que voeux et qu’offrandes,
Sacrifices de boeufs couronnés de guirlandes.
Jamais Idole, quel qu’il fût,
N’avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d’orage en quelque endroit
S’amassait d’une ou d’autre sorte,
L’homme en avait sa part, et sa bourse en souffrait.
La pitance du Dieu n’en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n’en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l’Idole,
Le trouve rempli d’or : Quand je t’ai fait du bien,
M’as-tu valu, dit-il, seulement une obole ?
Va, sors de mon logis : cherche d’autres autels.
Tu ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides :
On n’en peut rien tirer qu’avecque le bâton.
Plus je te remplissais, plus mes mains étaient vides :
J’ai bien fait de changer de ton.
Quand il eut terminé, quand les soleils épars,
Éblouis, du chaos montant de toutes parts,
Se furent tous rangés à leur place profonde,
Il sentit le besoin de se nommer au monde ;
Et l’être formidable et serein se leva ;
Il se dressa sur l’ombre et cria : JÉHOVAH !
Et dans l’immensité ces sept lettres tombèrent ;
Et ce sont, dans les cieux que nos yeux réverbèrent,
Au-dessus de nos fronts tremblants sous leur rayon,
Les sept astres géants du noir septentrion.
L’anémone et l’ancolie
Ont poussé dans le jardin
Où dort la mélancolie
Entre l’amour et le dédain
Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaîtra
Les déités des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux
Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût.
Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.
Par-dessus l’horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l’heure du couchant;
Une humble marguerite, éclose au bord d’un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l’avoine folle,
Blanche épanouissait sa candide auréole;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l’éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
— Et, moi, j’ai des rayons aussi!- lui disait-elle.
Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’lnfanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte
Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir
Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre et de l’Aventure
Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout
se tait
Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
Voici que vient l’été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c’est le temps de la Raison ardente
Et j’attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu’elle prend afin que je l’aime seulement
Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant
Elle a l’aspect charmant
D’une adorable rousse
Ses cheveux sont d’or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent
Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d’ici
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi
Lune melliflueuse aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants
Et prit son miel lunaire à la rose des vents