Thèmes

afrique alphabet ange anime banniere scintillante belle belle image blog cadeau cadre chat

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· BELLE IMAGES creas divers (7102)
· Cadres (2571)
· Cadeau des amis et amies recu merci (2210)
· Femmes (1498)
· Visage de femme (1611)
· Stars (1230)
· TUBE COOKIE (1017)
· GIF ANIMAUX ANIMES (1136)
· FOND D ECRAN DRAGON (575)
· GIF SCTILLANT (617)

Rechercher
Derniers commentaires Articles les plus lus

· tatouage et peinture
· FOND D ECRAN D ILES PARADISIAQUES
· FOND D ECRAN TIGRE
· parchemin
· mdr

· recette pate a sel
· ongles jaunes
· tuning
· gifs scintillant
· tatouage et peinture
· recette pour la colle
· fond d ecran
· chevaux
· gagnant du loto
· scintillant

Voir plus 

Abonnement au blog
Recevez les actualités de mon blog gratuitement :

Je comprends qu’en m’abonnant, je choisis explicitement de recevoir la newsletter du blog "chouky39" et que je peux facilement et à tout moment me désinscrire.


Statistiques

Date de création : 07.05.2008
Dernière mise à jour : 30.06.2017
122498 articles


POEME VICTOR HUGO

sous les arbres

Publié à 12:17 par chouky39 Tags : amour femme création sourire nature nuit chien fleurs coeurs
sous les arbres

Ils marchaient à côté l’un de l’autre; des danses
Troublaient le bois joyeux; ils marchaient, s’arrêtaient,
Parlaient, s’interrompaient, et, pendant les silences,
Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.

Ils songeaient; ces deux coeurs, que le mystère écoute,
Sur la création au sourire innocent
Penchés, et s’y versant dans l’ombre goutte à goutte,
Disaient à chaque fleur quelque chose en passant.

Elle sait tous les noms des fleurs qu’en sa corbeille
Mai nous rapporte avec la joie et les beaux jours;
Elle les lui nommait comme eût fait une abeille,
Puis elle reprenait: -Parlons de nos amours.

-Je suis en haut, je suis en bas,- lui disait-elle,
-Et je veille sur vous, d’en bas comme d’en haut.-
Il demandait comment chaque plante s’appelle,
Se faisant expliquer le printemps mot à mot.

O champs! il savourait ces fleurs et cette femme.
O bois! ô prés! nature où tout s’absorbe en un,
Le parfum de la fleur est votre petite âme,
Et l’âme de la femme est votre grand parfum!

La nuit tombait; au tronc d’un chêne, noir pilastre,
Il s’adossait pensif; elle disait: -Voyez
-Ma prière toujours dans vos cieux comme un astre,

-Et mon amour toujours comme un chien à tes pieds.-

saturne

Publié à 12:01 par chouky39 Tags : vie moi monde fond création dieu nuit soi mort fleurs livre voyage pensée
saturne

Il est des jours de brume et de lumière vague,
Où l’homme, que la vie à chaque instant confond,
Étudiant la plante, ou l’étoile, ou la vague,
S’accoude au bord croulant du problème sans fond ;

Où le songeur, pareil aux antiques augures,
Cherchant Dieu, que jadis plus d’un voyant surprit,
Médite en regardant fixement les figures
Qu’on a dans l’ombre de l’esprit ;

Où, comme en s’éveillant on voit, en reflets sombres,
Des spectres du dehors errer sur le plafond,
Il sonde le destin, et contemple les ombres
Que nos rêves jetés parmi les choses font !

Des heures où, pourvu qu’on ait à sa fenêtre
Une montagne, un bois, un océan qui dit tout,
Le jour prêt à mourir ou l’aube prête à naître,
En soi-même on voit tout à coup

Sur l’amour, sur les biens qui tous nous abandonnent,
Sur l’homme, masque vide et fantôme rieur,
Éclore des clartés effrayantes qui donnent
Des éblouissement à l’oeil intérieur ;

De sorte qu’une fois que ces visions glissent
Devant notre paupière en ce vallon d’exil,
Elles n’en sortent plus et pour jamais emplissent
L’arcade du sombre sourcil !

II

Donc, puisque j’ai parlé de ces heures de doute
Où l’un trouve le calme et l’autre le remords,
Je ne cacherai pas au peuple qui m’écoute
Que je songe souvent à ce que font les morts ;

Et que j’en suis venu —— tant la nuit étoilée
A fatigué de fois mes regards et mes vœux,
Et tant une pensée inquiète est mêlée
Aux racines de mes cheveux ! —-

A croire qu’à la mort, continuant sa route,
L’âme, se souvenant de son humanité,
Envolée à jamais sous la céleste voûte,
A franchir l’infini passait l’éternité !

Et que les morts voyaient l’extase et la prière,
Nos deux rayons, pour eux grandir bien plus encore,
Et qu’ils étaient pareils à la mouche ouvrière,
Au vol rayonnant, aux pieds d’or,

Qui, visitant les fleurs pleines de chastes gouttes,
Semble une âme visible en ce monde réel,
Et, leur disant tout bas quelque mystère à toutes,
Leur laisse le parfum en leur prenant le miel !

Et qu’ainsi, faits vivants par le sépulcre même,
Nous irions tous un jour, dans l’espace vermeil,
Lire l’œuvre infinie et l’éternel poëme,
Vers à vers, soleil à soleil !

Admirer tout système en ses formes fécondes,
Toute création dans sa variété,
Et, comparant à Dieu chaque face des mondes,
Avec l’âme de tout confronter leur beauté !

Et que chacun ferait ce voyage des âmes,
Pourvu qu’il ait souffert, pourvu qu’il ait pleuré.
Tous ! hormis les méchants, dont les esprits infâmes
Sont comme un livre déchiré.

Ceux-là, Saturne, un globe horrible et solitaire,
Les prendra pour le temps où Dieu voudra punir,
Châtiés à la fois par le ciel et la terre,
Par l’aspiration et par le souvenir !

III

Saturne ! sphère énorme ! astre aux aspects funèbres !
Bagne du ciel ! prison dont le soupirail luit !
Monde en proie à la brume, aux souffles, aux ténèbres !
Enfer fait d’hiver et de nuit !

Son atmosphère flotte en zones tortueuses.
Deux anneaux flamboyants, tournant avec fureur,
font, dans son ciel d’airain, deux arches monstrueuses
D’où tombe une éternelle et profonde terreur.

Ainsi qu’une araignée au centre de sa toile,
Il tient sept lunes d’or qu’il lie à ses essieux ;
Pour lui, notre soleil, qui n’est plus qu’une étoile,
Se perd, sinistre, au fond des cieux !

Les autres univers, l’entrevoyant dans l’ombre,
Se sont épouvantés de ce globe hideux.
Tremblants, ils l’ont peuplé de chimères sans nombre,
En le voyant errer formidable autour d’eux !

IV

Oh ! ce serait vraiment un mystère sublime
Que ce ciel si profond, si lumineux, si beau,
Qui flamboie à nos yeux ouverts comme un abîme,
Fût l’intérieur du tombeau !

Que tout se révélât à nos paupières closes !
Que, morts, ces grands destins nous fussent réservés !…
Qu’en est-il de ce rêve et de bien d’autres choses ?
Il est certain, Seigneur, que seul vous le savez.

V

Il est certain aussi que, jadis, sur la terre,
Le patriarche, ému d’un redoutable effroi,
Et les saints qui peuplaient la Thébaïde austère
Ont fait des songes comme moi ;

Que, dans sa solitude auguste, le prophète
Voyait, pour son regard plein d’étranges rayons,
Par la même fêlure aux réalités faite,
S’ouvrir le monde obscur des pâles visions ;

Et qu’à l’heure où le jour devant la nuit recule,
Ces sages que jamais l’homme, hélas ! ne comprit,
Mêlaient, silencieux, au morne crépuscule
Le trouble de leur sombre esprit ;

Tandis que l’eau sortait des sources cristallines,
Et que les grands lions, de moments en moments,
Vaguement apparus au sommet des collines,

Poussaient dans le désert de longs rugissements !

reponse a un acte d accusation

reponse a un acte d accusation

Donc, c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J’ai foulé le bon goût et l’ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j’ai dit à l’ombre: -Sois!-
Et l’ombre fut. — Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s’est éteinte, et je suis
Le responsable, et j’ai vidé l’urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte;
C’est votre point de vue. Eh bien, soit, je l’accepte;
C’est moi que votre prose en colère a choisi;
Vous me criez: Racca; moi je vous dis: Merci!
Cette marche du temps, qui ne sort d’une église
Que pour entrer dans l’autre, et qui se civilise;
Ces grandes questions d’art et de liberté,
Voyons-les, j’y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J’en conviens, oui, je suis cet abominable homme;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D’autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci: je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D;
Causons.

Quand je sortis du collége, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d’enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris
Les yeux sur la nature et sur l’art, l’idiome,
Peuple et noblesse, était l’image du royaume;
La poésie était la monarchie; un mot
Était un duc et pair, ou n’était qu’un grimaud;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londre,
Ne se mêlaient; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf;
La langue était l’état avant quatre-vingt-neuf;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes:
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille aux carrosses du roi;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois; quelques-uns aux galères
Dans l’argot; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles; sans bas,
Sans perruque; créés pour la prose et la farce;
Populace du style au fond de l’ombre éparse;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d’une F;
N’exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire: Qu’il s’en aille;
Et Voltaire criait: Corneille s’encanaille!
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins; je m’écriai: Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière?
Et sur l’Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur! plus de mot roturier!
Je fis une tempête au fond de l’encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l’essaim blanc des idées;
Et je dis: Pas de mot où l’idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d’azur!
Discours affreux! — Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N’étaient que des toutous auprès de mes audaces;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom; pourquoi pas?
Guichardin a nommé le Borgia! Tacite
Le Vitellius! Fauve, implacable, explicite,
J’ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D’épithètes; dans l’herbe, à l’ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L’une étant Margoton et l’autre Bérénice.
Alors, l’ode, embrassant Rabelais, s’enivra;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole;
L’emphase frissonna dans sa fraise espagnole;
Jean, l’ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire: -Quelle heure est-il?-
Je massacrais l’albâtre, et la neige, et l’ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j’osai dire au bras: Sois blanc, tout simplement.
Je violai du vers le cadavre fumant;
J’y fis entrer le chiffre; ô terreur! Mithridate
Du siége de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d’effroi! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,
Et de Louis-Quatorze ayant gardé l’allure,
Portaient encor perruque; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria: -Transforme-toi! c’est l’heure. Remplis-toi
— De l’âme de ces mots que tu tiens prisonnière!-
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté! c’est ainsi qu’en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l’ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J’affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait: -Il faut que nous en finissions!
— Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
— A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
— Aux armes, prose et vers! formez vos bataillons!
— Voyez où l’on en est: la strophe a des bâillons!
— L’ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
— Sur le Racine mort le Campistron pullule!-
Boileau grinça des dents; je lui dis: Ci-devant,
Silence! et je criai dans la foudre et le vent:
Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe!
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l’athos, l’ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l’horreur jusqu’à la lie.
On les vit déterrer le songe d’Athalie;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène; et l’astre Institut s’obscurcit.
Oui, de l’ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j’ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j’ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L’Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j’ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton! je suis ce Robespierre!
J’ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j’ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c’est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J’ai pris et démoli la bastille des rimes.
J’ai fait plus: j’ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l’enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales;
J’ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel;
Et je n’ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L’unité, des efforts de l’homme est l’attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j’en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j’apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j’en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c’est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d’or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu;
Je l’ai troublée, et j’ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout; le mot propre, ce rustre,
N’était que caporal: je l’ai fait colonel;
J’ai fait un jacobin du pronom personnel;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d’anarchie.
Vous tenez le reum confitentem. Tonnez!
J’ai dit à la narine: Eh mais! tu n’es qu’un nez!
J’ai dit au long fruit d’or: Mais tu n’es qu’une poire!
J’ai dit à Vaugelas: Tu n’es qu’une mâchoire!
J’ai dit aux mots: Soyez république! soyez
La fourmilière immense, et travaillez! Croyez,
Aimez, vivez! — J’ai mis tout en branle, et, morose,
J’ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d’autres l’ont fait aussi;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C’est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu’on nomme prosodie et qu’on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s’échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l’essaim des pédagogues tristes,
L’imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l’esprit des bourgeois;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l’un sur la plebs, et l’autre sur le mob;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d’Horace à travers sa démence;
Qu’enivre de l’azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l’éternité par les degrés du temps,
La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d’étincelles,
Et ses millions d’yeux sur ses millions d’ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd’hui dans l’air, dans la voix, dans le livre;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L’un sur le citoyen, l’autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame;
Elle est l’expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable;
Elle souffle dans l’art, porte-voix formidable;
Et, c’est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,

Et s’être faite droit, elle se fait idée!

religio

Publié à 11:09 par chouky39 Tags : dieu
religio

L’ombre venait ; le soir tombait, calme et terrible.
Hermann me dit : — Quelle est ta foi, quelle est ta bible ?
Parle. Es-tu ton propre géant ?
Si tes vers ne sont pas de vains flocons d’écume,
Si ta strophe n’est pas un tison noir qui fume
Sur le tas de cendre Néant,

Si tu n’es pas une âme en l’abîme engloutie,
Quel est donc ton ciboire et ton eucharistie ?
Quelle est donc la source où tu bois ?
Je me taisais ; il dit : — Songeur qui civilises,
Pourquoi ne vas-tu pas prier dans les églises ? —
Nous marchions tous deux dans les bois.

Et je lui dis : — Je prie. — Hermann dit : — Dans quel temple ?
Quel est le célébrant que ton âme contemple,
Et l’autel qu’elle réfléchit ?
Devant quel confesseur la fais-tu comparaître ?
— L’église, c’est l’azur, lui dis-je ; et quant au prêtre… —
En ce moment le ciel blanchit.

La lune à l’horizon montait, hostie énorme ;
Tout avait le frisson, le pin, le cèdre et l’orme,
Le loup, et l’aigle, et l’alcyon ;
Lui montrant l’astre d’or sur la terre obscurcie,
Je lui dis : — Courbe-toi. Dieu lui-même officie,

Et voici l’élévation.

quia pulvis es

Publié à 11:04 par chouky39 Tags : dieu nuit
quia pulvis es

Ceux-ci partent, ceux-là demeurent.
Sous le sombre aquilon, dont les mille voix pleurent,
Poussière et genre humain, tout s’envole à la fois.
Hélas ! le même vent souffle, en l’ombre où nous sommes,
Sur toutes les têtes des hommes,
Sur toutes les feuilles des bois.

Ceux qui restent à ceux qui passent
Disent : — Infortunés ! déjà vos fronts s’effacent.
Quoi ! vous n’entendrez plus la parole et le bruit !
Quoi ! vous ne verrez plus ni le ciel ni les arbres !
Vous allez dormir sous les marbres !
Vous aller tomber dans la nuit ! —

Ceux qui passent à ceux qui restent
Disent : — Vous n’avez rien à vous ! vos pleurs l’attestent !
Pour vous, gloire et bonheur sont des mots décevants,
Dieu donne aux morts les biens réels, les vrais royaumes.
Vivants ! vous êtes des fantômes ;

C’est nous qui sommes les vivants ! —

quelques mots a un autre

Publié à 10:52 par chouky39 Tags : moi monde homme fond coeur fille nuit mort fleur horreur papillon livres
quelques mots a un autre

On y revient; il faut y revenir moi-même.
Ce qu’on attaque en moi, c’est mon temps, et je l’aime.
Certe, on me laisserait en paix, passant obscur,
Si je ne contenais, atome de l’azur,
Un peu du grand rayon dont notre époque est faite.

Hier le citoyen, aujourd’hui le poëte;
Le -romantique- après le -libéral-. — Allons,
Soit; dans mes deux sentiers mordez mes deux talons.
Je suis le ténébreux par qui tout dégénère.
Sur mon autre côté lancez l’autre tonnerre.

Vous aussi, vous m’avez vu tout jeune, et voici
Que vous me dénoncez, bonhomme, vous aussi;
Me déchirant le plus allégrement du monde,
Par attendrissement pour mon enfance blonde.
Vous me criez: -Comment, Monsieur! qu’est-ce que c’est?
— La stance va nu-pieds! le drame est sans corset!
— La muse jette au vent sa robe d’innocence!
— Et l’art crève la règle et dit: -C’est la croissance!-
Géronte littéraire aux aboiements plaintifs,
Vous vous ébahissez, en vers rétrospectifs,
Que ma voix trouble l’ordre, et que ce romantique
Vive, et que ce petit, à qui l’Art Poétique
Avec tant de bonté donna le pain et l’eau,
Devienne si pesant aux genoux de Boileau!
Vous regardez mes vers, pourvus d’ongles et d’ailes,
Refusant de marcher derrière les modèles,
Comme après les doyens marchent les petits clercs;
Vous en voyez sortir de sinistres éclairs;
Horreur! et vous voilà poussant des cris d’hyène
A travers les barreaux de la Quotidienne.

Vous épuisez sur moi tout votre calepin,
Et le père Bouhours et le père Rapin;
Et m’écrasant avec tous les noms qu’on vénère,
Vous lâchez le grand mot: Révolutionnaire.

Et, sur ce, les pédants en choeur disent: Amen!
On m’empoigne; on me fait passer mon examen;
La Sorbonne bredouille et l’école griffonne;
De vingt plumes jaillit la colère bouffonne:
— Que veulent ces affreux novateurs? ça des vers?
— Devant leurs livres noirs, la nuit, dans l’ombre ouverts,
— Les lectrices ont peur au fond de leurs alcôves.
— Le Pinde entend rugir leurs rimes bêtes fauves,
— Et frémit. Par leur faute aujourd’hui tout est mort;
— L’alexandrin saisit la césure, et la mord;
— Comme le sanglier dans l’herbe et dans la sauge,
— Au beau milieu du vers l’enjambement patauge;
— Que va-t-on devenir? Richelet s’obscurcit.
— Il faut à toute chose un magister dixit.
— Revenons à la règle, et sortons de l’opprobre;
— L’hippocrène est de l’eau; donc le beau, c’est le sobre.
— Les vrais sages ayant la raison pour lien,
— Ont toujours consulté, sur l’art, Quintilien;
— Sur l’algèbre, Leibnitz; sur la guerre, Végèce.-

Quand l’impuissance écrit, elle signe: Sagesse.

Je ne vois pas pourquoi je ne vous dirais point
Ce qu’à d’autres j’ai dit sans leur montrer le poing.
Eh bien, démasquons-nous! c’est vrai, notre âme est noire;
Sortons du domino nommé forme oratoire.
On nous a vus, poussant vers un autre horizon
La langue, avec la rime entraînant la raison,
Lancer au pas de charge, en batailles rangées,
Sur Laharpe éperdu, toutes ces insurgées.
Nous avons au vieux style attaché ce brûlot:
Liberté! Nous avons, dans le même complot,
Mis l’esprit, pauvre diable, et le mot, pauvre hère;
Nous avons déchiré le capuchon, la haire,
Le froc, dont on couvrait l’Idée aux yeux divins.
Tous on fait rage en foule. Orateurs, écrivains,
Poëtes, nous avons, du doigt avançant l’heure,
Dit à la rhétorique: — Allons, fille majeure,
Lève les yeux! — et j’ai, chantant, luttant, bravant,
Tordu plus d’une grille au parloir du couvent;
J’ai, torche en main, ouvert les deux battants du drame;
Pirates, nous avons, à la voile, à la rame,
De la triple unité pris l’aride archipel;
Sur l’Hélicon tremblant j’ai battu le rappel.
Tout est perdu! le vers vague sans muselière!
A Racine effaré nous préférons Molière;
O pédants! à Ducis nous préférons Rotrou.
Lucrèce Borgia sort brusquement d’un trou,
Et mêle des poisons hideux à vos guimauves;
Le drame échevelé fait peur à vos fronts chauves;
C’est horrible! oui, brigand, jacobin, malandrin,
J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin;
Les mots de qualité, les syllabes marquises,
Vivaient ensemble au fond de leurs grottes exquises,
Faisaient la bouche en coeur et ne parlant qu’entre eux,
J’ai dit aux mots d’en bas: Manchots, boiteux, goîtreux,
Redressez-vous! planez, et mêlez-vous, sans règles,
Dans la caverne immense et farouche des aigles!
J’ai déjà confessé ce tas de crimes-là;
Oui, je suis Papavoine, Érostrate, Attila:
Après?

Emportez-vous, et criez à la garde,
Brave homme! tempêtez! tonnez! je vous regarde.
Nos progrès prétendus vous semblent outrageants;
Vous détestez ce siècle où, quand il parle aux gens,
Le vers des trois saluts d’usage se dispense;
Temps sombre où, sans pudeur, on écrit comme on pense,
Où l’on est philosophe et poëte crûment,
Où de ton vin sincère, adorable, écumant,
O sévère idéal, tous les songeurs sont ivres.
Vous couvrez d’abat-jour, quand vous ouvrez nos livres,
Vos yeux, par la clarté du mot propre brûlés;
Vous exécrez nos vers francs et vrais, vous hurlez
De fureur en voyant nos strophes toutes nues.
Mais où donc est le temps des nymphes ingénues,
Qui couraient dans les bois, et dont la nudité
Dansait dans la lueur des vagues soirs d’été?
Sur l’aube nue et blanche, entr’ouvrant sa fenêtre,
Faut-il plisser la brume honnête et prude, et mettre
Une feuille de vigne à l’astre dans l’azur?
Le flot, conque d’amour, est-il d’un goût peu sûr?
O Virgile, Pindare, Orphée! est-ce qu’on gaze,
Comme une obscénité, les ailes de Pégase,
Qui semble, les ouvrant au haut du mont béni,
L’immense papillon du baiser infini?
Est-ce que le soleil splendide est un cynique?
La fleur a-t-elle tort d’écarter sa tunique?
Calliope, planant derrière un pan des cieux,
Fait donc mal de montrer à Dante soucieux
Ses seins éblouissants à travers les étoiles?
Vous êtes un ancien d’hier. Libre et sans voiles,
Le grand Olympe nu vous ferait dire: Fi!
Vous mettez une jupe au Cupidon bouffi;
Au clinquant, aux neuf soeurs en atours, au Parnasse
De Titon du Tillet, votre goût est tenace;
Apollon vous ferait l’effet d’un Mohican;
Vous prendriez Vénus pour une sauvagesse.

L’âge — c’est là souvent toute notre sagesse -
A beau vous bougonner tout bas: -Vous avez tort,
— Vous vous ferez tousser si vous criez si fort;
— Pour quelques nouveautés sauvages et fortuites,
— Monsieur, ne troublez pas la paix de vos pituites.
— Ces gens-ci vont leur train; qu’est-ce que ça vous fait?
— Ils ne trouvent que cendre au feu qui vous chauffait.
— Pourquoi déclarez-vous la guerre à leur tapage?
— Ce siècle est libéral comme vous fûtes page.
— Fermez bien vos volets, tirez bien vos rideaux,
— Soufflez votre chandelle, et tournez-lui le dos!
— Qu’est l’âme du vrai sage? Une sourde-muette.
— Que vous importe, à vous, que tel ou tel poëte,
— Comme l’oiseau des cieux, veuille avoir sa chanson;
— Et que tel garnement du Pinde, nourrisson
— Des Muses, au milieu d’un bruit de corybante,
— Marmot sombre, ait mordu leur gorge un peu tombante?-

Vous n’en tenez nul compte, et vous n’écoutez rien.
Voltaire, en vain, grand homme et peu voltairien,
Vous murmure à l’oreille: -Ami, tu nous assommes!-
— – Vous écumez! — partant de ceci: que nous, hommes
De ce temps d’anarchie et d’enfer, nous donnons
L’assaut au grand Louis juché sur vingt grands noms;
Vous dites qu’après tout nous perdons notre peine,
Que haute est l’escalade et courte notre haleine;
Que c’est dit, que jamais nous ne réussirons;
Que Batteux nous regarde avec ses gros yeux ronds,
Que Tancrède est de bronze et qu’Hamlet est de sable.
Vous déclarez Boileau perruque indéfrisable;
Et, coiffé de lauriers, d’un coup d’oeil de travers,
Vous indiquez le tas d’ordures de nos vers,
Fumier où la laideur de ce siècle se guinde
Au pauvre vieux bon goût, ce balayeur du Pinde;
Et même, allant plus loin, vaillant, vous nous criez:

— Je vais vous balayer moi-même!-

que le sort quel qu il soit

Publié à 10:49 par chouky39 Tags : moi fille nature coeurs
que le sort quel qu il soit

Que le sort, quel qu’il soit, vous trouve toujours grande!
Que demain soit doux comme hier!
Qu’en vous, ô ma beauté, jamais ne se répande
Le découragement amer,
Ni le fiel, ni l’ennui des coeurs qui se dénouent,
Ni cette cendre, hélas! que sur un front pâli,
Dans l’ombre, à petit bruit secouent
Les froides ailes de l’oubli!
Laissez, laissez brûler pour vous, ô vous que j’aime!
Mes chants dans mon âme allumés!
Vivez pour la nature, et le ciel, et moi-même!
Après avoir souffert, aimez!
Laissez entrer en vous, après nos deuils funèbres,
L’aube, fille des nuits, l’amour, fils des douleurs,
Tout ce qui luit dans les ténèbres,

Tout ce qui sourit dans les pleurs!

quand nous habitions tous ensemble

Publié à 09:34 par chouky39 Tags : moi belle bonjour dieu nuit travail fleurs ange bleu anges pensées
quand nous habitions tous ensemble

Quand nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d’autrefois,
Où l’eau court, où le buisson tremble,
Dans la maison qui touche aux bois,

Elle avait dix ans, et moi trente ;
J’étais pour elle l’univers.
Oh ! comme l’herbe est odorante
Sous les arbres profonds et verts !

Elle faisait mon sort prospère,
Mon travail léger, mon ciel bleu.
Lorsqu’elle me disait : Mon père,
Tout mon cœur s’écriait : Mon Dieu !

A travers mes songes sans nombre,
J’écoutais son parler joyeux,
Et mon front s’éclairait dans l’ombre
A la lumière de ses yeux.

Elle avait l’air d’une princesse
Quand je la tenais par la main ;
Elle cherchait des fleurs sans cesse
Et des pauvres dans le chemin.

Elle donnait comme on dérobe,
En se cachant aux yeux de tous.
Oh ! la belle petite robe
Qu’elle avait, vous rappelez-vous ?

Le soir, auprès de ma bougie,
Elle jasait à petit bruit,
Tandis qu’à la vitre rougie
Heurtaient les papillons de nuit.

Les anges se miraient en elle.
Que son bonjour était charmant !
Le ciel mettait dans sa prunelle
Ce regard qui jamais ne ment.

Oh ! je l’avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin !
C’était l’enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin !

Quand la lune claire et sereine
Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,
Comme nous allions dans la plaine !
Comme nous courions dans les bois !

Puis, vers la lumière isolée
Étoilant le logis obscur,
Nous revenions par la vallée
En tournant le coin du vieux mur ;

Nous revenions, cœurs pleins de flamme,
En parlant des splendeurs du ciel.
Je composais cette jeune âme
Comme l’abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensées,
Elle était gaie en arrivant… —-
Toutes ces choses sont passées

Comme l’ombre et comme le vent !

ponto

Publié à 08:59 par chouky39 Tags : homme chez histoire nature nuit chien fleurs livres
ponto

Je dis à mon chien noir : — Viens, Ponto, viens-nous-en !
Et je vais dans les bois, mis comme un paysan ;
Je vais dans les grands bois, lisant dans les vieux livres.
L’hiver, quand la ramée est un écrin de givres,
Ou l’été, quand tout rit, même l’aurore en pleurs,
Quand toute l’herbe n’est qu’un triomphe de fleurs,
Je prends Froissard, Montluc, Tacite, quelque histoire,
Et je marche, effaré des crimes de la gloire.
Hélas ! l’horreur partout, même chez les meilleurs !
Toujours l’homme en sa nuit trahi par ses veilleurs !
Toutes les grandes mains, hélas ! de sang rougies !
Alexandre ivre et fou, César perdu d’orgies,
Et, le poing sur Didier, le pied sur Vitikind,
Charlemagne souvent semblable à Charles-Quint ;
Caton de chair humaine engraissant la murène ;
Titus crucifiant Jérusalem ; Turenne,
Héros, comme Bayard et comme Catinat,
À Nordlingue, bandit dans le Palatinat ;
Le duel de Jarnac, le duel de Carrouge ;
Louis Neuf tenaillant les langues d’un fer rouge ;
Cromwell trompant Milton, Calvin brûlant Servet.
Que de spectres, ô gloire ! autour de ton chevet !
O triste humanité, je fuis dans la nature !
Et, pendant que je dis : —Tout est leurre, imposture,
Mensonge, iniquité, mal de splendeur vêtu ! -
Mon chien Ponto me suit. Le chien, c’est la vertu
Qui, ne pouvant se faire homme, s’est faite bête.

Et Ponto me regarde avec son œil honnête.

la source

Publié à 08:57 par chouky39 Tags : moi dieu
la source

Un lion habitait près d’une source ; un aigle
Y venait boire aussi.
Or, deux héros, un jour, deux rois — souvent Dieu règle
la destinée ainsi —

Vinrent à cette source où des palmiers attirent
Le passant hasardeux,
Et, s’étant reconnus, ces hommes se battirent
Et tombèrent tous deux.

L’aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes,
Et leur dit, rayonnant :
— Vous trouviez l’univers trop petit, et vous n’êtes
Qu’une ombre maintenant !

O princes ! et vos os, hier pleins de jeunesse,
Ne seront plus demain
Que des cailloux mêlés, sans qu’on les reconnaisse,
Aux pierres du chemin !

Insensés ! à quoi bon cette guerre âpre et rude,
Ce duel, ce talion !… —
Je vis en paix, moi, l’aigle, en cette solitude
Avec lui, le lion.

Nous venons tous deux boire à la même fontaine,
Rois dans les mêmes lieux ;
Je lui laisse le bois, la montagne et la plaine,

Et je garde les cieux.