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Date de création : 13.04.2009
Dernière mise à jour : 15.10.2017
124619 articles


Les contes de Perrault

Conte de Grimm -Jorinde et Joringel

Publié à 16:59 par lusile17 Tags : femme belle nuit fleur oiseau
Conte de Grimm -Jorinde et Joringel

Jorinde et Joringel

 

Il porta cette fleur jour et nuit jusqu'à ce qu’il arrivât au château. Quand il s’approcha à cent pas du château, il ne fut point cloué sur place, mais il continua à marcher jusqu'à la porte. Joringel s’en réjouit fort, il toucha la porte de sa fleur et elle s’ouvrit d’un coup. Il entra, traversa la cour, prêtant l’oreille pour savoir s’il n’entendrait pas les nombreux oiseaux : enfin, il les entendit. Il alla dans cette direction et trouva la salle où la magicienne était en train de donner à manger aux oiseaux dans leurs sept mille corbeilles.

Quand elle aperçut Joringel, elle se fâcha : prise d’une grande fureur, elle l’injuria et vomit tout son fiel contre lui, mais elle ne put pas l’approcher à plus de deux pas. Il ne tint pas compte de la magicienne et alla examiner les corbeilles aux oiseaux ; mais c’est qu’il y avait là des centaines de rossignols. Comment allait-il retrouver sa Jorinde maintenant ?

Pendant qu’il regardait ainsi, il s’aperçut que la sorcière s’emparait à la dérobée d’une petite corbeille contenant un oiseau et gagnait la porte avec elle. Sur-le-champ il bondit sur elle, toucha la petite corbeille avec sa fleur et la vieille femme aussi : maintenant elle ne pouvait plus rien ensorceler, et Jorinde était là, le tenant embrassé, aussi belle qu’elle l’était auparavant. Alors Joringel refit aussi de tous les autres oiseaux des jeunes filles, puis il rentra avec sa Jorinde, et ils vécurent longtemps heureux.

 Les frères Grimm                                                     FIN

 



Charles Perrault

Charles  Perrault
LES CONTES ET LIVRES DE PERRAULT

12 janvier 1628: Naissance à Paris de Charles et de son frère jumeau François qui mourra six mois plus tard.

Son père Pierre Perrault, originaire de Tours est avocat au parlement de Paris. Avec sa mère Pâquette Leclerc, il forme une puissante famille de la bourgeoisie d'offices devenues noblesse de robe et imprégnée de jansénisme.

Charles est le cadet d'une famille de deux soeurs et quatre frères qui se sont illustrés sous le règne de Louis XIV: Jean est avocat, Pierre est receveur général avant de devenir premier commis de Colbert, Nicolas est théologien et vibrant défenseur du jansénisme, Claude est médecin et architecte.

1637: Charles commence ses études au collège de Beauvais à Paris et y rencontre Beaurain.

1643: Perrault ne termine pas sa classe de philosophie au collège. Il est entré en conflit avec ses maîtres pour avoir osé lire et défendre "Le Discours de la méthode" de Descartes, ouvrage alors jugé "téméraire et condamnable". Avec son camarade Beaurain, il fuit le collège et apprend, à son rythme et selon ses désirs. Au bout de quatre ans, les deux autodidactes deviennent très cultivés. Perrault confie dans ses  Mémoires : "Si je sais quelque chose, je le dois particulièrement aux troisou quatre années d'étude que je passai ainsi".

1647: Il débute ses études de droit.

1648 : Il fait une traduction burlesque du livre VI de l'Énéide, en collaboration avec son ami Beaurain.

1649: Il commence à écrire avec deux de ses frères un poème : Les murs de Troie ou l'origine du burlesque.

1651: Après sa licence de droit, il devient avocat à l'âge de 23 ans.Il écrit deux poésies galantes et précieuses: Dialogue de l'amour et de l'amitié et Le miroir ou la métamorphose d'Orante.

1653: Publication du poème Les Murs de Troie ou l'origine du burlesque qui attaque avec verve, l’Antiquité.

1654: Charles renonce au barreau et devient le commis dans l’administration de la Recette Générale des finances alors dirigée par son frère aîné Pierre. Grand travailleur, aimable, spirituel, il est fort apprécié de la Cour. Son caractère et ses écrits pour louer le roi lui assureront une ascension sociale rapide

1659: Publication duPortrait d'Iris, du Portrait de la voix d'Iris et d'une Ode pour célébrer le traité des Pyrénées, traité qui mit fin à la guerre qui opposait depuis 1635 la France aux Habsbourg d'Espagne.

1660: Publication du Dialogue de l'amour et de l'amitié et d'une Ode pour célébrer le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d'Autriche.

1661: Ode pour célébrer la naissance du Dauphin Louis, unique fils de Louis XIV.

1663: Charles est nommé secrétaire de la Petite Académie fondée par Colbert. Elle deviendra la future Académie des Inscriptions et des Belles Lettres. Perrault est plus particulièrement chargé du mécénat royal et du contrôle des oeuvres littéraires. La même année, il devient commis de Colbert. Il écrit un Discours sur l'acquisition de Dunkerque par le Roi.

1665: Il est promu à la fonction de premier commis des bâtiments du roi. Il s'occupe, entre autres projets, de celui de l'aménagement du Louvre. Louis XIV préféra ses propositions à celles du Bernin pour la Colonnade du Louvre. Son frère Claude en sera l'architecte. Charles fait renoncer à Colbert, son projet d'interdire au public l'accès du jardin des Tuileries.

1667: Charles fait construire l'Observatoire du Roi d'après les plans de son frère Claude.

1668: Il publie deux poèmes: La Peinture et Le Parnasse poussé à bout.

1669: Il publie Courses de têtes et de bagues faites par le Roi et par les Princes et Seigneurs.

1671: Nommé à l'Académie française, il en devient le chancelier. Il introduit la tradition du discours de réception à l'Académie, institue les jetons de présence, l'élection des nouveaux membres et prend part à la fondation de l’Académie des Beaux-Arts.

1672: Il épouse Marie Guichon, de vingt quatre ans sa benjamine.

1673: Il devient aussi bibliothécaire de l'Académie française. Il y est considéré comme le porte parole de Colbert.

1673-1678: Il a quatre enfants, une fille et trois garçons

 

1674: Il publie une Critique de l'Opéra

1678: Sa femme meurt des suites de sa dernière couche.

1679: Il publie une Harangue faite au Roi après la prise de Cambrai.

1680: Il se retire de sa fonction de premier commis du roi des bâtiments, au profit du fils de Colbert.

1681: Il publie un Poème à la Louange de Monsieur Brun.

1682: Il publie Le Banquet des Dieux pour la Naissance de Monsieur le Duc de Bourgogne.

1683: Mort de Colbert, l'ascension sociale de Perrault et ses responsabilités sont stoppées net avec la nomination de Louvois, ancien adversaire de Colbert, comme chancelier de Louis XIV. Il est destitué de ses fonctions et ne perçoit plus de pension. Racine et Boileau arrivent à persuader Louvois de le rayer de la liste des membres de la Petite Académie. Il est remplacé par Félibien. Elle comprenait alors trois autres membres, Charpentier, l’abbé Tallemant et Quinault. Charles Perrault se retrouve en «retraire forcée» et décide de se retirer de la vie publique pour se consacrer à l'éducation de ses enfants et à sa passion, l'écriture

1685: Publication de "Aux Nouveaux Convertis" composé à l'occasion de la révocation de l'Édit de Nantes.

1686: Publication de Saint Paulin, dédié à Bossuet et d'une Épître chrétienne sur la pénitence.

1687:Publication de Le siècle de Louis Le Grand. Avec la lecture du 27 janvier, de son poème à la gloire du roi, Perrault expose devant les académiciens l'idée contenue dans ces deux vers: «Que l'on peut comparer, sans crainte d'être injuste, le siècle de Louis, au beau siècle d'Auguste.» Il lance ainsi la première querelle des anciens et des modernes en pensant que les modernes sont supérieurs aux anciens.
Les Académiciens le soutiennent, Boileau s’indigne et Racine le tourne en ridicule.

1688 - 1690 - 1691 - 1697:Perrault rassemble ses argumentsdans "Parallèle des Anciens et des Modernesen ce qui regarde les arts et la Science" où il défend les thèses selon laquelle les modernes sont supérieurs ou égaux aux anciens. Il met Quinault bien au-dessus de Racine et Lebrun bien au-dessus de Raphael ! La polémique ne peut qu'enfler.

1688: Publication d'une Ode à Monseigneur le Dauphin sur la prise de Philisbourg.

1690: Publication d'un recueil d'Estampes commentées par Perrault : Le Cabinet des Beaux Arts.

1691: Début de la publication des contes en vers avec la marquise de Saluces ou la patience de Grisélidis. Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s'y racontent. Boccace avait déjà écrit une première version de la Belle au Bois dormant.

Publication d'une Ode Au Roi, sur la prise de Mons.

1692: Publication de La Création du Monde et d'un poème humoristique: La Chasse.

1693: Un deuxième conte Des souhaits ridicules, est publié dans la revue le "mercure galant". Publication de Dialogues d'Hector et d'Andromaque. 

1694: Publication de Peau d'âne complété Des souhaits ridicules et de La marquise de Saluces ou la patience de Grisélidis, tous trois précédés d'une préface. Ses contes ne sont pas critiqués par les classiques puisque leur forme est en vers et qu'ils sont signés du nom de son fils PierrePerrault.

«Si Peau d'Âne m'était conté
J'y prendrais un plaisir extrême.»
Jean de La Fontaine, Fables, le Pouvoir des fables.

Charles Perrault écrit la préface du dictionnaire de l'Académie française.

Publication de L'Apologie des Femmes en réponse aux sarcastiques "Réflexions critiques sur quelques passages du rhéteur Longin" de Boileau. Il acquiert ainsi à la cause des modernes, toutes les femmes du royaume. Il publie aussi Le Triomphe de sainte Geneviève et L'Idylle à Monsieur de la Quintinie.

1696: Publication de La belle au bois dormant dans le mercure galant.

1696 - 1700:  Publication "Des Hommes illustresqui ont paru en France pendant ce siècle, avec leur portrait au naturel" ouvrage composé de cent portraits et éloges pour démontrer que les modernes n'ont vraiment rien à envier aux anciens.

1697: Publication d'un poème: Adam, ou la création de l'homme.

Première édition par Claude Barbin des contes en prose sous le titre "Les Contes de ma mère l'Oyedes Histoires ou contes du temps passé". Recueil de huit contes merveilleux issus du folklore national signé du nom de son jeune fils de dix-neuf ans, Pierre Perrault d'Armancour, précédé d'une dédicace à Elisabeth Charlotte d'Orléans, petite nièce de Louis XIV

Charles venait d'acquérir le domaine d'Armancour pour son troisième fils Pierre qui aspirait à devenir le secrétaire de "Mademoiselle" Elisabeth Charlotte d'Orléans. La dédicace des contes signés du fils, avait pour but de confirmer la sympathie de "Mademoiselle" pour Pierre. 

Ces Récits issus de la tradition populaire orale, transmis essentiellement par les femmes, nourris en partie de l'imaginaire médiéval légendaire, chevaleresque et courtois, de textes narratifs de la Renaissance italienne, sont totalement étrangers à la tradition littéraire de l'Antiquité. Leur publication sert le combat que mène Perrault en faveur des Modernes. Par leur style simple et naïf, par leur douceur et le fait qu'ils soient écrits en prose, les contes correspondent à l'image que les Modernes se font de la langue française et s'opposent à l'académisme des Anciens.

Perrault consacre ainsi le genre littéraire des contes de fées: récits appartenant au genre merveilleux et fondés sur un schéma narratif immuable. La prétendue destination des Contes aux enfants par des moralités rajoutées après chaque histoire pour expliquer les valeurs illustrées, est une subversion du genre. Ce procédé répond à une idéologie: la langue des contes est alors considérée comme la langue des nourrices, et donc, métaphoriquement, comme la langue maternelle de la France préférée au grec et au latin.Issus du folklore populaire français, les contes adaptés littérairement par Perrault n'appartiennent aucunement à la littérature enfantine, mais à une littérature orale, mouvante, destinée aux adultes des communautés villageoises, faits pour être lus le soir, à la veillée.

Le passage des contes à la culture de salon du XVII e siècle, implique pour Perrault un processus de transformation paradoxalement aussi profond que peu visible. Le Petit Chaperon rouge des versions orales dévorait la chair de sa mère-grand et s'abreuvait de son sang. Cendrillon jetait du sel dans la cendre en faisant croire qu'elle avait des poux pour qu'elle puisse être tranquille. Les Contes de Perrault sont le résultat d'une censure assez nette de tous les éléments et des motifs qui, dans la version originale, peuvent choquer ou simplement ne pas êtrecompris par un public mondain. Perrault ne se contente pas de retrancher ce que les contes pouvaient avoir de vulgaire. Il transforme le récit et l'adapte à la société de son temps, ajoutant des glaces et des parquets au logis de Cendrillon, restituant l'action du Petit Poucet à l'époque de la grande famine de 1693.

Parallèlement, il les teinte d'un humour spirituel, agrémente le récit de plaisanteries destinées à ne pas prendre le merveilleux des contes trop au sérieux, déclarant par exemple que l'ogresse de La Belle au bois dormant veut manger la petite Aurore à la sauce Robert, que Le prince et sa belle "ne dormirent pas beaucoup" après leurs retrouvailles, ou encore que les bottes du Chat botté n'étaient pas très commodes pour marcher sur les tuiles des toits.

Il adapte son style pour rappeler l'origine orale des contes et leur vivacité, en multipliant les archaïsmes et les tournures vieillies, utilisant le dialogue, le présent de narration ou le jeu des formulettes comme «Anne ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» ou «Ma mère-grand, comme vous avez de grands bras».

Intégrant les éléments populaires du conte à une trame romanesque, Perrault transforme le conte populaire, en réalisant un des chefs-d'œuvre de la littérature universelle et sauve de l'oubli huit récits traditionnels, aujourd'hui encore célébrissimes : Riquet à la houppe, La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe-bleue, Cendrillon ou La Petite Pantoufle de vair, le Maître Chat ou le Chat Botté, le Petit Poucet, les Fées.

Perrault reste pourtantle plus méconnu des classiques: très peu connaît sa version des contes : chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangées par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c'est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au Bois Dormant : chez Perrault, elle se réveille toute seule. De plus, la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le «conte tout sec», en oubliant les moralités. 1698: Publication d'un Portrait de Bossuet et d'un essai A Monsieur de Callières sur la négociation de la Paix.

1699: Début de la rédaction des Mémoires de ma vie, autobiographie écrite à l'intention de ses enfants. Traduction des Fables de Faërne.

1700: mort de son plus jeune fils, Pierre. Réconciliation entre Perrault et Boileau sur le principeque les modernes devaient la plupart de leurs qualités à l'imitation des anciens mais que le Siècle de Louis le Grand est supérieur à celui d'Auguste, non seulement dans les sciences et les arts mais dans certains cas en lettres. En fait chacun reste sur ses convictions fondamentales, Perrault continue à penser que les modernes sont supérieurs aux anciens et Boileau considère que les modernes ne peuvent être remarquables que quand ils imitent les anciens.

1701: Publication d'une Ode au Roi Philippe V, allant en Espagne.

1702:  Publication d'une Ode pour le Roi de Suède.

1703: Publication d'une satyre, Le Faux Bel Esprit et Le Roseau du Nouveau Monde un poème sur la canne à sucre.

Le 16 mai Charles Perrault meurt à Paris à l'âge de 75 ans

CITATIONS

"Tire la chevillette, la bobinette cherra."
Le Petit Chaperon rouge

"Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir?" Et la soeur Anne lui répondait : "Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie."
Barbe-Bleue

"Il flairait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche."
Le Petit Poucet

"Le conte de Peau d'Ane est difficile à croire,

Mais tant que dans le monde on aura des enfants,
Des mères et des mères-grands,
On en gardera la mémoire."
Peau d'Ane

"Pour moi, j'ose poser en fait
Qu'en de certains moments l'esprit le plus parfait
Peut aimer sans rougir jusqu'aux marionnettes."
Peau d'Ane

"Aux jeunes gens pour l'ordinaire
L'industrie et le savoir-faire
Valent mieux que des biens acquis"



Contes de Perrault - Les souhaits ridicules

Publié à 00:09 par lusile17 Tags : douceur homme bonne femme chez
 Contes de Perrault - Les souhaits ridicules

Les souhaits ridicules

 

Il était une fois un pauvre bûcheron
Qui las de sa pénible vie,
Avait, disait-il, grande envie
De s'aller reposer aux bords de l'Achéron;
Représentant, dans sa douleur profonde,
Que depuis qu'il était au monde,
Le Ciel cruel n'avait jamais
Voulu remplir un seul de ses souhaits.

Un jour que, dans le bois, il se mit à se plaindre,
A lui, la foudre en main, Jupiter s'apparut.
On aurait peine à bien dépeindre
La peur que le bonhomme en eut :
"Je ne veux rien, dit-il, en se jetant par terre,
Point de souhaits, point de Tonnerre,
Seigneur, demeurons but à but.

-- Cesse d'avoir aucune crainte :
Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte,
Te faire voir le tort que tu me fais.
Ecoute donc : je te promets,
Moi qui du monde entier suis le souverain maître,
D'exaucer pleinement les trois premiers souhaits
Que tu voudras former sur quoi que ce puisse être.
Vois ce qui peut te rendre heureux.
Vois ce qui peut te satisfaire;
Et comme ton bonheur dépend tout de tes voeux,
Songes-y bien avant que de les faire."

A ces mots Jupiter dans les cieux remonta,
Et le gai bûcheron, embrassant sa falourde,
Pour retourner chez lui sur son dos la jeta.
Cette charge jamais ne lui parut moins lourde.
"Il ne faut pas, disait-il en trottant,
Dans tout ceci, rien faire à la légère;
Il faut, le cas est important,
En prendre avis de notre ménagère.
Çà dit-il, en entrant sous son toit de fougère,
Faisons, Fanchon, grand feu, grand chère,
Nous sommes riches à jamais,
Et nous n'avons qu'à faire des souhaits."
Là-dessus tout au long le fait il lui raconte.
A ce récit, l'épouse vive et prompte
Forma dans son esprit mille vastes projets;
Mais considérant l'importance
De s'y conduire avec prudence :
"Blaise, mon cher ami, dit-elle à son époux,
Ne gâtons rien par notre impatience;
Examinons bien entre nous
Ce qu'il faut faire en pareille occurrence;
Remettons à demain notre premier souhait
Et consultons notre chevet. 

Je l'entends bien ainsi, dit le bonhomme Blaise.
Mais va tirer du vin derrière ces fagots."
A son retour il but, et goûtant à son aise
Près d'un grand feu la douceur du repos,
Il dit, en s'appuyant sur le dos de sa chaise :
"Pendant que nous avons une si bonne braise,
Qu'une aune de boudin viendrait bien à propos !"
A peine acheva-t-il de prononcer ces mots,
Que sa femme aperçut, grandement étonnée,
Un boudin fort long, qui partant
D'un des coins de la cheminée,
S'approchait d'elle en serpentant.
Elle fit un cri dans l'instant;
Mais jugeant que cette aventure
Avait pour cause le souhait
Que par bêtise toute pure
Son homme imprudent avait fait,
Il n'est point de pouille et d'injure
Que de dépit et de courroux
Elle ne dit au pauvre époux.
"Quand on peut, disait-elle, obtenir un empire,
De l'or, des perles, des rubis,
Des diamants, de beaux habits,
Est-ce alors du boudin qu'il faut que l'on désire ?
-- Hé bien, j'ai tort, dit-il, j'ai mal placé mon choix,
J'ai commis une faute énorme,
Je ferai mieux une autre fois.
-- Bon, bon, dit-elle, attendez-moi sous l'orme,
Pour faire un tel souhait, il faut être bien boeuf !"
L'époux plus d'une fois, emporté de colère,
Pensa faire tout bas le souhait d'être veuf,
Et peut-être, entre nous, ne pouvait-il mieux faire :
"Les hommes, disait-il, pour souffrir sont bien nés !
Peste soit du boudin et du boudin encore;
Plût à Dieu, maudite pécore,
Qu'il te pendît au bout du nez !"



Conte de Perrault-Les souhaits ridicules

Publié à 00:02 par lusile17 Tags : soi femme bonne
Conte de Perrault-Les souhaits ridicules

Les souhaits ridicules

 

La prière aussitôt du Ciel fut écoutée,
Et dès que le mari la parole lâcha,
Au nez de l'épouse irritée
L'aune de boudin s'attacha.
Ce prodige imprévu grandement le fâcha.
Fanchon était jolie, elle avait bonne grâce,
Et pour dire sans fard la vérité du fait,
Cet ornement en cette place
Ne faisait pas un bon effet;
Si ce n'est qu'en pendant sur le bas du visage,
Il l'empêchait de parler aisément.
Pour un époux merveilleux avantage,
Et si grand qu'il pensa dans cet heureux moment
Ne souhaiter rien davantage.
"Je pourrais bien, disait-il à part soi,
Après un malheur si funeste,
Avec le souhait qui me reste,
Tout d'un plein saut me faire roi.
Rien n'égale, il est vrai, la grandeur souveraine;
Mais encore faut-il songer
Comment serait faite la reine,
Et dans quelle douleur ce serait la plonger
De l'aller placer sur un trône
Avec un nez plus long qu'une aune.
Il faut l'écouter sur cela,
Et qu'elle-même elle soit la maîtresse
De devenir une grande Princesse
En conservant l'horrible nez qu'elle a,
Ou de demeurer Bûcheronne
Avec un nez comme une autre personne,
Et tel qu'elle l'avait avant ce malheur-là."

La chose bien examinée,
Quoiqu'elle sût d'un sceptre et la force et l'effet,
Et que, quand on est couronnée,
On a toujours le nez bien fait;
Comme au désir de plaire il n'est rien qui ne cède,
Elle aima mieux garder son bavolet
Que d'être reine et d'être laide.

Ainsi le bûcheron ne changea point d'état,
Ne devint point grand potentat,
D'écus ne remplit point sa bourse :
Trop heureux d'employer le souhait qui restait,
Faible bonheur, pauvre ressource,
A remettre sa femme en l'état qu'elle était.

Bien est donc vrai qu'aux hommes misérables,
Aveugles, imprudents, inquiets, variables,
Pas n'appartient de faire des souhaits,
Et que peu d'entre eux sont capables
De bien user des dons que le Ciel leur a fait

 

         Charles Perrault



Conte de Perrault-Les fées

Publié à 23:21 par lusile17 Tags : femme bonne belle fille fleur enfant douceur
Conte de Perrault-Les fées

Les fées

 

Il était une fois une veuve qui avait deux filles  : l'aînée lui ressemblait si fort d'humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses, qu'on ne pouvait vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son père pour la douceur et l'honnêteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eût su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée, et, en même temps avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse.

Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât, deux fois le jour, puiser de l'eau à une grande demi-lieue du logis, et qu'elle rapportât plein une grande cruche. Un jour qu'elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui lui pria de lui donner à boire.

 -"   Oui-dà, ma bonne mère,   " dit cette belle fille  ; et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine et la lui présenta, soutenant toujours la cruche, afin qu'elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit  : "   Vous êtes si belle, si bonne et si honnête, que je ne puis m'empêcher de vous faire un don  ; car c'était une fée qui avait pris le forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'où irait l'honnêteté de cette jeune fille. Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse.  "

 Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine. "   Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d'avoir tardé si longtemps  "   ; et, en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux roses, deux perles et deux gros diamants. "   Que vois-je là  ! dit sa mère toute étonnée  ; je crois qu'il lui sort de la bouche des perles et des diamants. D'où vient cela, ma fille  ? (Ce fut là la première fois qu'elle l'appela sa fille.) La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de diamants. "   Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille. Tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœ ur quand elle parle  ; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don  ? Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et, quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. - Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine  ! - Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l'heure.  "



Conte de Perrault-Les fées

Publié à 23:17 par lusile17 Tags : argent belle chez fille enfant
Conte de Perrault-Les fées

Les fées

Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau flacon d'argent qui fut au logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine, qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement vêtue, qui vint lui demander à boire. C'était la même fée qui avait apparu à sa sœ ur, mais qui avait pris l'air et les habits d'une princesse, pour voir jusqu'où irait la malhonnêteté de cette fille. "   Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire  ? Justement j'ai apporté un flacon d'argent tout exprès pour donner à boire à Madame  ! J'en suis d'avis  : buvez à même si vous voulez. - Vous n'êtes guère honnête, reprit la fée, sans se mettre en colère. Eh bien  ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent, ou un crapaud.  "

 D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria  : "   Eh bien  ! ma fille  ! - Eh bien  ! ma mère  ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipères et deux crapauds. - O ciel, s'écria la mère, que vois-je là  ? C'est sa sœ ur qui est en cause  : elle me le paiera  "   ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s'enfuit et alla se sauver dans la forêt prochaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, al rencontra et, la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule et ce qu'elle avait à pleurer  ! "   Hélas, Monsieur, c'est ma mère qui m'a chassée du logis.  " Le fils du roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et autant de diamants, lui pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du roi en devint amoureux  ; et, considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en mariage à une autre, l'emmena au palais du roi son père, où il l'épousa.

 

Pour sa sœ ur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa de chez elle  ; et la malheureuse, après avoir bien couru sans trouver personne qui voulut la recevoir, alla mourir au coin d'un bois.

 

        Charles Perrault



Conte de Perrault - La belle au bois dormant

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Conte de Perrault - La belle au bois dormant

La belle au bois dormant

 

Il était une fois un roi et une reine qui étaient si fâchés de n'avoir point d'enfants, si fâchés qu'on ne saurait dire. Ils allèrent à toutes les eaux du monde, voeux, pèlerinages, menues dévotions; tout fut mis en oeuvre, et rien n'y faisait. Enfin pourtant la reine devint grosse, et accoucha d'une fille : on fit un beau baptême; on donna pour marraines à la petite princesse toutes les fées qu'on pût trouver dans le pays (il s'en trouva sept) , afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des fées en ce temps-là, la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables.

Après les cérémonies du baptême toute la compagnie revint au palais du roi, où il y avait un grand festin pour les fées. On mit devant chacune d'elles un couvert magnifique, avec un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis. Mais comme chacun prenait sa place à table. On vit entrer une vieille fée qu'on n'avait point priée parce qu'il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour et qu'on la croyait morte, ou enchantée. Le roi lui fit donner un couvert, mais il n'y eut pas moyen de lui donner un étui d'or massif, comme aux autres, parce que l'on n'en avait fait faire que sept pour les sept fées. La vieille crut qu'on la méprisait, et grommela quelques menaces entre ses dents. Une des jeunes fées qui se trouva auprès d'elle l'entendit, et jugeant qu'elle pourrait donner quelque fâcheux don à la petite princesse, alla, dès qu'on fut sorti de table, se cacher derrière la tapisserie, afin de parler la dernière, et de pouvoir réparer autant qu'il lui serait possible le mal que la vieille aurait fait.

Cependant les fées commencèrent à faire leurs dons à la princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments à la perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle dit en branlant la tête, encore plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait.



Conte de Perrault - La belle au bois dormant

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Conte de Perrault - La belle au bois dormant

La belle au bois dormant (suite)

 

Ce terrible don fit frémir toute la compagnie, et il n'y eut personne qui ne pleurât. Dans ce moment la jeune fée sortit de derrière la tapisserie, et dit tout haut ces paroles : "Rassurez-vous, roi et reine, votre fille n'en mourra pas : il est vrai que je n'ai pas assez de puissance pour défaire entièrement ce que mon ancienne a fait. La princesse se percera la main d'un fuseau; mais au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un roi viendra la réveiller."

Le roi, pour tâcher d'éviter le malheur annoncé par la vieille, fit publier aussitôt un édit, par lequel il défendait à tous de filer au fuseau, ni d'avoir des fuseaux chez soi sous peine de mort. Au bout de quinze ou seize ans, le roi et la reine étant allés à une de leurs maisons de plaisance, il arriva que la jeune princesse courant un jour dans le château, et montant de chambre en chambre, alla jusqu'au haut d'un donjon dans un petit galetas, où une bonne vieille était seule à filer sa quenouille. Cette bonne femme n'avait point entendu parler des défenses que le roi avait faites de filer au fuseau.
-"Que faites-vous là, ma bonne femme ?" dit la princesse.
-" Je file, ma belle enfant" lui répondit la vieille qui ne la connaissait pas.
-" Ha ! que cela est joli" reprit la princesse, " comment faites-vous ? Donnez-moi que je voie si j'en ferais bien autant."
Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie.

La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours : on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir. Alors le roi, qui était monté au bruit, se souvint de la prédiction des fées, et jugeant bien qu'il fallait que cela arrivât, puisque les fées l'avaient dit, fit mettre la princesse dans le plus bel appartement du palais, sur un lit en broderie d'or et d'argent. On eût dit d'un ange, tant elle était belle; car son évanouissement n'avait pas ôté les couleurs vives de son teint : ses joues étaient incarnates, et ses lèvres comme du corail; elle avait seulement les yeux fermés, mais on l'entendait respirer doucement, ce qui montrait bien qu'elle n'était pas morte. Le roi ordonna qu'on la laissât dormir, jusqu'à ce que son heure de se réveiller fût venue.

La bonne fée qui lui avait sauvé la vie, en la condamnant à dormir cent ans, était dans le royaume de Mataquin, à douze mille lieues de là, lorsque l'accident arriva à la princesse; mais elle en fut avertie en un instant par un petit nain, qui avait des bottes de sept lieues (c'était des bottes avec lesquelles on faisait sept lieues d'une seule enjambée) . La fée partit aussitôt, et on la vit au bout d'une heure arriver dans un chariot tout de feu, traîné par des dragons. Le roi lui alla présenter la main à la descente du chariot. Elle approuva tout ce qu'il avait fait; mais comme elle était grandement prévoyante, elle pensa que quand la princesse viendrait à se réveiller, elle serait bien embarrassée toute seule dans ce vieux château.



Conte de Perrault - La belle au bois dormant

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Conte de Perrault - La belle au bois dormant

La belle au bois dormant (suite)

 

Voici ce qu'elle fit : elle toucha de sa baguette tout ce qui était dans ce château (hors le roi et la reine) , gouvernantes, filles d'honneur, femmes de chambre, gentilshommes, officiers, maîtres d'hôtel, cuisiniers, marmitons, galopins, gardes, suisses, pages, valets de pied; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les écuries, avec les palefreniers, les gros mâtins de basse-cour, et Pouffe, la petite chienne de la princesse, qui était auprès d'elle sur son lit. Dès qu'elle les eut touchés, ils s'endormirent tous, pour ne se réveiller qu'en même temps que leur maîtresse, afin d'être tout prêts à la servir quand elle en aurait besoin : les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans s'endormirent, et le feu aussi.

Tout cela se fit en un moment; les fées n'étaient pas longues à leur besogne. Alors le roi et la reine, après avoir embrassé leur chère enfant sans qu'elle s'éveillât, sortirent du château, et firent publier des défenses à qui que ce soit d'en approcher. Ces défenses n'étaient pas nécessaires, car il crût dans un quart d'heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d'épines entrelacées les unes dans les autres, que bête ni homme n'y aurait pu passer : en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des tours du château, encore n'était-ce que de bien loin. On ne douta point que la fée n'eût encore fait là un tour de son métier, afin que la princesse, pendant qu'elle dormirait, n'eût rien à craindre des curieux.

Au bout de cent ans, le fils du roi qui régnait alors, et qui était d'une autre famille que la princesse endormie, étant allé à la chasse de ce côté-là, demanda ce que c'était que ces tours qu'il voyait au-dessus d'un grand bois fort épais; chacun lui répondit selon qu'il en avait ouï parler. Les uns disaient que c'était un vieux château où il revenait des esprits; les autres que tous les sorciers de la contrée y faisaient leur sabbat. La plus commune opinion était qu'un ogre y demeurait, et que là il emportait tous les enfants qu'il pouvait attraper, pour pouvoir les manger à son aise, et sans qu'on le pût suivre, ayant seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois. Le Prince ne savait qu'en croire, lorsqu'un vieux paysan prit la parole, et lui dit :
-"Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai entendu dire de mon père qu'il y avait dans ce château une princesse, la plus belle du monde; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un roi, à qui elle était réservée."

Le jeune prince à ce discours se sentit tout de feu; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. A peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer : il marche vers le château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il continua donc son chemin : un prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des gardes qui étaient rangés en haie, l'arme sur l'épaule, et ronflants de leur mieux.



Conte de Perrault - La belle au bois dormant

Publié à 21:48 par lusile17 Tags : histoire bonne amour belle
Conte de Perrault - La belle au bois dormant

La belle au bois dormant(suite)

 

Il traverse plusieurs chambres pleines de gentilshommes et de dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu : une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle.

Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la ; princesse s'éveilla; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre : "Est-ce vous, mon prince ? Lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre." Le prince, charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage : peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.

Cependant tout le palais s'était réveillé avec la princesse; chacun songeait à faire sa charge, et comme ils n'étaient pas tous amoureux, ils mouraient de faim; la dame d'honneur, pressée comme les autres, s'impatienta, et dit tout haut à la princesse que la viande était servie. Le prince aida la princesse à se lever; elle était tout habillée et fort magnifiquement; mais il se garda bien de lui dire qu'elle était habillée comme ma grand-mère, et qu'elle avait un collet monté : elle n'en était pas moins belle. Ils passèrent dans un salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les officiers de la princesse; les violons et les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu'il y eût près de cent ans qu'on ne les jouât plus; et après souper, sans perdre de temps, le grand aumônier les maria dans la chapelle du château, et la dame d'honneur leur tira le rideau : ils dormirent peu, la princesse n'en avait pas grand besoin, et le prince la quitta dès le matin pour retourner à la ville, où son père devait être en peine de lui. Le prince lui dit qu'en chassant il s'était perdu dans la forêt, et qu'il avait couché dans la hutte d'un charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage