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Date de création : 13.04.2009
Dernière mise à jour : 15.10.2017
124619 articles


Les plus belles fables de La-Fontaine

Fable de La Fontaine

Publié à 01:18 par lusile17 Tags : animal roman animaux chat livre
 Fable de La Fontaine

Le cochet,le chat et le souriceau

 

Un souriceau tout jeune, et qui n'avait rien vu,
          Fut presque pris au dépourvu.
Voici comme il conta l'aventure à sa mère :
« J'avais franchi les monts qui bornent cet État
          Et trottais comme un jeune rat
          Qui cherche à se donner carrière,
Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux:
          L'un doux, bénin et gracieux,
Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude ;
          Il a la voix perçante et rude, .
          Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s'élève en l'air
          Comme pour prendre sa volée,
          La queue en panache étalée. »
Or c'était un cochet dont notre souriceau
          Fit à sa mère le tableau,
Comme d'un animal venu de l'Amérique.
Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
          Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui, grâce aux dieux, de courage me pique,
          En ai pris la fuite de peur,
          Le maudissant de très bon cœur.
          Sans lui j'aurais fait connaissance
Avec cet animal qui m'a semblé si doux:
          Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.
          Je le crois fort sympathisant
Avec Messieurs les rats; car il a des oreilles
          En figure aux nôtres pareilles.
Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat
          L'autre m'a fait prendre la fuite.
- Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat,
          Qui, sous son minois hypocrite,
          Contre toute ta parenté
          D'un malin vouloir est porté.
          L'autre animal, tout au contraire,
          Bien éloigné de nous mal faire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.
          Garde-toi, tant que tu vivras,
          De juger des gens sur la mine. » 

 

  Jean de La Fontaine, Fable V, Livre VI.

   
 

Fable de La Fontaine

Publié à 01:06 par lusile17 Tags : livre
Fable de La Fontaine

Les Grenouilles qui demandent un Roi

 

Les grenouilles se lassant
          De l'état démocratique,
          Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
          Que la gent marécageuse,
          Gent fort sotte et fort peureuse,
          S'allas cacher sous les eaux,
          Dans les joncs, dans les roseaux,
          Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau.
          Or c'était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
          Qui, de 1e voir s'aventurant,
          Osa bien quitter sa tanière.
          Elle approcha, mais en tremblant;
Une autre la suivit, une autre en fit autant:
          Il en vint une fourmilière;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
     Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi.
Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
          Qui les croque, qui les tue,
          Qui les gobe à son plaisir;
          Et grenouilles de se plaindre,
Et Jupin de leur dire: « Eh quoi? votre désir
          A ses lois croit-il nous astreindre?
          Vous avez dû premièrement
          Garder votre gouvernement;
Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux :
          De celui-ci contentez-vous,
          De peur d'en rencontrer un pire. »   

 

 Les Grenouilles qui demandent un Roi Fable de Jean de la Fontaine illustrée par Gustave Doré

 

Jean de La Fontaine, Fable IV, Livre III.

 

 

Fable de La Fontaine

Publié à 00:48 par lusile17 Tags : bonne belle livre
Fable de La Fontaine

 Le rat et l'huître

 

Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares paternels un jour se trouva soûl.
Il laisse là le champ, le grain et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
          Sitôt qu'il fut hors de la case :
« Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins, et voici le Caucase. »
La moindre taupinée était mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours, le voyageur arrive
En un certain canton où Téthys sur la rive
Avait laissé mainte huître: et notre rat d'abord
Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
« Certes, dit-il, mon père était un pauvre sire.
Il n'osait voyager, craintif au dernier point.
Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire;
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point. »
D'un certain magister le rat tenait ces choses,
          Et les disait à travers champs,
N'étant pas de ces rats qui, les livres rongeants,
          Se font savants jusques aux dents.
          Parmi tant d'huîtres toutes closes,
Une s'était ouverte, et, bâillant au soleil,
          Par un doux zéphyr réjouie,
Humait l'air, respirait, était épanouie,
Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, nompareil.
D'aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille:
« Qu'aperçois-je? dit-il, c'est quelque victuaille;
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus, maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs, car l'huître tout d'un coup'
Se referme : et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement:
          Nous y voyons premièrement
Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d'étonnement.
         

 

 Et puis nous y pouvons apprendre 
 Que tel est pris qui croyait prendre

Le Rat et l'huître, Grandville

Jean de La Fontaine, Fable IX, Livre VIII.

Fable de La Fontaine

Publié à 00:36 par lusile17 Tags : bonne nature livre chien
Fable de La Fontaine

L'Ane et le chien 

 

Il se faut entraider, c'est la loi de nature.
          L'âne un jour pourtant s'en moqua:
          Et ne sais comme il y manqua;
          Car il est bonne créature.
Il allait par pays, accompagné du chien,
          Gravement, sans songer à rien,
          Tous deux suivis d'un commun maître,
Ce maître s'endormit: l'âne se mit à paître.
          Il était alors dans un pré
          Dont l'herbe était fort à son gré.
Point de chardons pourtant; il s'en passa pour l'heure.
Il ne faut pas toujours être si délicat,
          Et faute de servir ce plat,
          Rarement un festin demeure.
          Notre baudet s'en sut enfin
Passer pour cette fois. Le chien, mourant de faim,
Lui dit: «Cher compagnon, baisse-toi, je te prie:
Je prendrai mon dîné dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot : le roussin d'Arcadie
          Craignit qu'en perdant un moment
          Il ne perdît un coup de dent.
          Il fit longtemps la sourde oreille :
Enfin il répondit: « Ami, je te conseille
D'attendre que ton maître ait fini son sommeil
Car il te donnera, sans faute, à son réveil,
          Ta portion accoutumée :
          Il ne saurait tarder beaucoup. »
          Sur ses entrefaites, un loup
Sort du bois, et s'en vient: autre bête affamée.
L'âne appelle aussitôt le chien à son secours.
Le chien ne bouge, et dit: « Ami, je te conseille
De fuir, en attendant que ton maître s'éveille;
Il ne saurait tarder: détale vite, et cours.
Que si ce loup t'atteint, casse-lui la mâchoire:
On t'a ferré de neuf; et, si tu me veux croire,
Tu l'étendras tout plat. » Pendant ce beau discours,
Seigneur loup étrangla le baudet sans remède.

         

Je conclus qu'il faut qu'on s'entraide.

 

l'âne et le chien

Jean de La Fontaine, Fable XVII, Livre VIII.

Fable de La Fontaine

Publié à 00:19 par lusile17 Tags : amour fond femmes livre
Fable de La Fontaine

 Les deux coqs

 

Deux coqs vivaient en paix: une poule survint,
          Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie; et c'est de toi que vint
          Cette querelle envenimée
Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos coqs le combat se maintint.
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage:
La gent qui porte crête au spectacle accourut;
          Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut:
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
          Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite,
Possédait, à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage;
Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs,
          Et, s'exerçant contre les vents,
          S'armait d'une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
     S'alla percher, et chanter sa victoire.
          Un vautour entendit sa voix:
          Adieu les amours et la gloire;
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du vautour.
          Enfin, par un fatal retour,
          Son rival autour de la poule
          S'en revint faire le coquet :
          Je laisse à penser quel caquet,
          Car il eut des femmes en foule.

La fortune se plaît à faire de ces coups:
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
          Après le gain d'une bataille.

Jean de La Fontaine, Fable XIII, Livre VII.

Fable de La Fontaine

Publié à 23:50 par lusile17 Tags : roman livre
Fable de La Fontaine

La Belette entrée dans un Grenier

 

 

Damoiselle belette, au corps long et flouet,
Entra dans un grenier par un trou fort étroit :
          Elle sortait de maladie.
          Là, vivant à discrétion,
          La galande fit chère lie,
          Mangea, rongea: Dieu sait la vie,
Et le lard qui périt en cette occasion!
          La voilà, pour conclusion, .
          Grasse, maflue et rebondie.
Au bout de la semaine, ayant dîné son soûl,
Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,
Ne peut plus repasser, et croit s'être méprise.
          Après avoir fait quelques tours,
« C'est, dit-elle, l'endroit : me voilà bien surprise;
J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours. »
          Un rat, qui la voyait en peine,
Lui dit: « Vous aviez lors la panse un peu moins pleine.
Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.
Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres;
Mais ne confondons point, par trop approfondir,
          Leurs affaires avec les vôtres. » 

 

  Jean de La Fontaine, Fable XVII, Livre III.

 

               La Belette entrée dans un Grenier Fable de Jean de la Fontaine illustrée par Gustave Doré

Fable de La Fontaine

Publié à 23:46 par lusile17 Tags : roman amour livre soi
  Fable de La Fontaine

Le Coq et le Renard

 

Sur la branche d'un arbre était en sentinelle
          Un vieux coq adroit et matois.
« Frère, dit un renard, adoucissant sa voix,
          Nous ne sommes plus en querelle :
          Paix générale cette fois.
Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse.
          Ne me retarde point, de grâce;
Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
          Les tiens et toi pouvez vaquer,
          Sans nulle crainte, à vos affaires;
          Nous vous y servirons en frères.
          Faites-en les feux dès ce soir,
          Et cependant viens recevoir
          Le baiser d'amour fraternelle.
- Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
                     Que celle
                 De cette paix;
      Et ce m'est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux lévriers',
          Qui, je m'assure, sont courriers
          Que pour ce sujet on envoie:
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends: nous pourrons nous entre-baiser tous.
- Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire,
Nous nous réjouirons du succès de l'affaire
     Une autre fois. » Le galand aussitôt
          Tire ses grègues, gagne au haut,
          Mal content de son stratagème.
          Et notre vieux coq en soi-même
          Se mit à rire de sa peur;
Car c'est double plaisir de tromper le trompeur.

images/le_coq_et_le_renard_illustration_dore

Jean de La Fontaine, Fable XV, Livre II.

Fable de La Fontaine

Publié à 23:36 par lusile17 Tags : fond roman livre fantaisie
Fable de La Fontaine

 

Le Lion et le Moucheron

 

« Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre! »
          C'est en ces mots que le lion
          Parlait un jour au moucheron.
          L'autre lui déclara la guerre.
          « Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
          Me fasse peur ni me soucie?
          Un bœuf est plus puissant que toi:
          Je le mène à ma fantaisie. »
          A peine il achevait ces mots,
          Que lui-même il sonna la charge,
          Fut le trompette et le héros.
          Dans l'abord il se met au large;
          Puis prend son temps, fond sur le cou
          Du lion, qu'il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle;
Il rugit; on se cache, on tremble à l'environ:
          Et cette alarme universelle
          Est l'ouvrage d'un moucheron.
Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle1:
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais, et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà sur les dents.
L'insecte du combat se retire avec gloire:
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
          L'embuscade d'une araignée;
          Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par là nous peut être enseignée?
J'en vois deux, dont l'une est qu'entre vos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
         Qui périt pour la moindre affaire.

 

Jean de La Fontaine, Fable IX, Livre II.

Fable de La Fontaine

Publié à 23:27 par lusile17 Tags : roman femme bonne amour homme fille enfant livre
Fable de La Fontaine

                                      Le Meunier, son Fils et l'Ane
 

 L'invention des arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce;
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La feinte est un pays plein de terres désertes;
Tous les jours nos auteurs y font les découvertes.
Je t'en veux dire un trait assez bien inventé:
Autrefois à Racan Malherbe l'a conté
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins
(Comme ils se confiaient leurs pensers et leurs soins),
Racan commence ainsi: « Dites-moi, je vous prie,
Vous qui devez savoir les choses de la vie,
Qui par tous ses degrés avez déjà passé,
Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé,
A quoi me résoudrai-je? Il est temps que j'y pense.
Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance:
Dois-je dans la province établir mon séjour,
Prendre emploi dans l'armée, ou bien charge à la cour?
Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes :
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivais mon goût, je saurais où buter;
Mais j'ai les miens, la cour, le peuple à contenter. »
Malherbe là-dessus : « Contenter tout le monde!
Écoutez ce récit avant que je réponde. 

                                

       Le Meunier, son Fils et l'Ane Fable de Jean de la Fontaine illustrée par Gustave Doré

                              

« J'ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils,
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne, un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit;
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens, idiots, couple ignorant et rustre!
Le premier qui les vit de rire s'éclata :
« Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là?
« Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense. »
Le meunier, à ces mots, connaît son ignorance;
Il met sur pieds sa bête, et la fait détaler.
L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller, .
Se plaint en son patois. Le meunier n'en a cure;
Il fait monter son fils, il suit, et d'aventure
Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut.
Le plus vieux au garçon s'écria tant qu'il put:
« Oh là oh, descendez, que l'on ne vous le dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise!
C'était à vous de suivre, au vieillard de monter.
- Messieurs, dit le meunier, il vous faut contenter. »
L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte,
Quand trois filles passant, l'une dit : « C'est grand honte
Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils, 
Tandis que ce nigaud, comme un évêque assis,
Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage.
- Il n'est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge.
Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez. »
Après maints quolibets coup sur coup renvoyés,
L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un dit: « Ces gens sont fous.
Le baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups!
Hé quoi? charger ainsi cette pauvre bourrique!
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
- Parbieu! dit le meunier, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois si par quelque manière
Nous en viendrons à bout » Ils descendent tous deux.
L'âne se prélassant marche seul devant eux.
Un quidam les rencontre, et dit: « Est-ce la mode
Que baudet aille à l'aise, et meunier s'incommode?
Qui de l'âne ou du maître est fait pour se lasser?
Je conseille à ces gens de le faire enchâsser.
Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne.
Nicolas, au rebours; car, quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête; et la chansson le dit.
Beau trio de baudets! » Le meunier repartit:
« Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue;
Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,
Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,
J'en veux faire à ma tête. » Il le fit, et fit bien.

Quant à vous, suivez Mars, ou l'Amour, ou le Prince;
Allez, venez, courez; demeurez en province;
Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement
Les gens en parleront, n'en doutez nullement. »

 

Jean de La Fontaine, Fable I, Livre III.

 

Fable de La Fontaine

Publié à 23:23 par lusile17 Tags : roman livre
Fable de La Fontaine

Le Renard et les Raisins

 

 

 

 

 

Certain renard gascon, d'autres disent normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
          Des raisins mûrs apparemment,
          Et couverts d'une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas;
          Mais comme il n'y pouvait atteindre :
« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. »   

        Fit-il pas mieux que de se plaindre?                   

 

Jean de La Fontaine, Fable XI, Livre III.