Le premier dimanche de janvier on partage la galette, on distribue les parts au hasard ou selon la volonté du plus jeune, on trinque à la santé du roi qui a tiré la fève, on cale une couronne de carton doré sur sa tête…
Ce sont les Rois mages évoqués dans l’Évangile de saint Matthieu que l’on fête ainsi.
Mais qui étaient-ils au juste ?
Écrit au VIème siècle, le Livre de la caverne des trésors raconte l’histoire traditionnelle de ces mages orientaux qui seraient venus adorer le Christ peu de jours après sa naissance. L’ouvrage rappelle qu’une prophétie voulait que de l’or, de l’encens et de la myrrhe aient été déposés par Adam en Perse, sur le mont Nud (un mot qui signifie "paradis"), pour être apportés au Messie dont la venue devait être annoncée par un astre extraordinaire.
De génération en génération, douze mages étaient chargés de guetter ce signe du ciel en montant tous les ans sur la montagne et en y priant pendant trois jours tout en observant le firmament. Or, deux ans avant la n aissance du Christ, ils auraient aperçu une étoile ressemblant à une jeune fille portant sur son sein un enfant couronné. Ils prirent aussitôt les présents et suivirent l’étoile qui allait les mener jusqu’à Bethléem.
Les Évangiles n’indiquent pas le nombre de rois mages. Les traditions divergent, évoquant tous les chiffres entre deux et douze. Finalement, c’est le chiffre de trois que l’on a retenu. Pour deux raisons : d’une part parce que l’Évangile de saint Matthieu évoquait trois présents offerts à l’Enfant Dieu, d’autre part parce que les reliques des mages, conservées d’abord à Saint-Eustorge de Milan puis à Cologne, étaient celles de trois corps.
À la fin du XIIIème siècle, Jacques de Voragine, futur évêque de Gênes, rassemble toutes les traditions éparses concernant les Rois mages dans un livre qu’il intitule La Légende dorée. Il y aborde longuement les trois présents offerts (l’or, l’encens qui servait depuis les temps les plus anciens dans les temples et les églises, et la myrrhe, une gomme aromatique utilisée entre autres pour embaumer les morts) et il donne leur sens symbolique :
"Le premier des Mages s’appelait Melchior, c’était un vieillard à cheveux blancs, à la longue barbe. Il offrit l’or au Seigneur comme à son roi, l’or signifiant la Royauté du Christ.
Le second, nommé Gaspard, jeune, sans barbe, rouge de couleur, offrit à Jésus, dans l’encens, l’hommage à sa Divinité.
Le troisième, au visage noir, portant toute sa barbe, s’appelait Balthazar ; la myrrhe qui était entre ses mains rappelait que le Fils devait mourir".
Les tableaux, mosaïques ou dessins les plus anciens représentent les Rois mages en costume persan, avec des pantalons serrés à la cheville et des bonnets phrygiens ; ils offrent leurs présents selon le rite de la Perse, en tenant les offrandes dans des mains recouvertes par leurs manteaux. Ce n’est qu’à partir du IXème siècle qu’on prend l’habitude de les désigner comme des rois, avec des couronnes sur la tête.
À partir du XIIème siècle, nouvelle évolution qui montre à travers eux les trois âges de la vie : Gaspard est un adolescent jeune et imberbe, Balthazar un homme mûr portant la barbe et Melchior un vieillard chauve à barbe blanche. Enfin, à partir du XVème siècle, les Rois mages évoquent l’humanité tout entière : un asiatique, un blanc, un noir. Les peintres n’ont pas ajouté de quatrième Mage pour les Indiens après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Il n’y a que dans la cathédrale de Viseu au Portugal qu’on voit un chef indien du Brésil apporter ses présents au nouveau-né de Bethléem.
La fameuse galette des Rois, mangée le 6 janvier, date choisie comme jour anniversaire du passage des Mages dans la crèche, existe au moins depuis 1300. On nomme roi d’un jour celui qui trouve la fève dans sa part, la galette ayant été partagée par un enfant aux yeux bandés.
Autrefois, il s’agissait de fèves véritables, ou bien de haricots blancs ou de pois chiches. Les premières fèves en porcelaine ne sont apparues que vers 1875 et ont longtemps gardé des formes symboliques évoquant la chance (trèfle, fer à cheval), la richesse (voiture), l’amour (roi ou dame de cœur), le pouvoir (reine, couronne ou château) ou la vertu (Enfant Jésus). Enfin, à travers sa forme ronde comme le Soleil, la galette des Rois évoque tout à la fois l’univers et la divinité.
Dans les temps les plus anciens, notamment chez les Chrétiens d’Orient, l’Épiphanie était une date plus importante que celle de Noël. Non pas parce que les Rois mages étaient jugés plus importants, mais parce que l’anniversaire de la présentation de l’Enfant Dieu au monde des hommes semblait plus essentielle que celui de sa naissance physique. Aujourd’hui, le 25 décembre s’est imposé, mais l’Épiphanie clôt toujours dans la fête le cycle de Noël.
Texte : Marie-Odile Mergnac