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Date de création : 09.08.2009
Dernière mise à jour :
31.01.2016
113496 articles
Un soir que je rêvais dans ma chambre, déserte
Depuis sa mort,
Un oisillon s’en vint de la fenêtre ouverte
Raser le bord.
Il s’en vint, secouant du bec sa robe grise ;
Et sans effroi,
Sans façon, je le vis, à ma grande surprise,
Entrer chez moi.
C’était un rouge-gorge, un charmant rouge-gorge !
Comme à foison,
Le froid, ce vieux brigand des forêts, en égorge
Chaque saison.
« Tu viens mal à propos, lui dis-je, mais n’importe,
Cher étranger,
Je souffre trop pour voir souffrir. Tiens, je t’apporte
De quoi manger.
« Aimes-tu le maïs ?…Non. Préfères-tu l’orge
Ou bien le mil ?
Que peut-on vous servir, monsieur le rouge-gorge,
Que vous faut-il ? »
Mais lui, de tous côtés promenant son bec rose
D’un air coquet,
Souriait sans répondre et cherchait quelque chose
Qui lui manquait :
Puis, comme il me trouvait par trop mélancolique,
Le polisson
Se mit à fredonner un morceau de musique
De sa façon.
II
Je me levais pour mettre un terme à ce scandale
En le chassant,
Quand le frisson de mort qui régnait dans la salle
L’envahissant,
L’oiseau tourna vers moi sa mine effarouchée,
Et l’animal
Me regarda d’un air de tristesse fâchée,
Qui me fit mal.
« Oh ! ne te moque pas de moi ! semblaient me dire
Ses yeux en pleurs ;
N’est-ce pas que tu mens, et que tu voulais rire
De mes douleurs ?
« Non elle n’est pas morte ! ou, toi, tu n’es qu’un lâche
De la savoir
Et d’y survivre !…Non ! elle est là…qui se cache,
Je veux la voir. »
Et pour mieux s’assurer qu’elle n’était pas morte,
Il s’en alla
Fouiller sous la toilette et derrière la porte,
Deçà, delà,
Derrière les rideaux du lit, dans la ruelle,
Sous l’édredon…
Il criait, il pleurait : « Ah ! méchante, ah ! cruelle,
Réponds-moi donc !… »
Il grimpait sur le lit, fripant la couverture
Et l’oreiller.
Enfin, pris d’un vertige étrange, de nature
A m’effrayer,
Il se mit à voler les ailes étendues,
L’œil effaré,
Cognant son front, poussant des plaintes éperdues,
Désespéré.
III
Quand il eut fait deux fois le tour de notre chambre,
L’étrange oiseau
S’arrêta : je le vis trembler de chaque membre,
Comme un roseau,
Chercher de tous côtés un lieu de préférence
Pour s’y coucher ;
Se laisser choir, avec un grand air de souffrance,
Sur le plancher ;
Et là, dardant sur moi le feu de ses prunelles
D’un jaune d’or,
Pousser des petits cris plaintifs, battre des ailes,
Et rester mort !
La perte d’un époux ne va point sans soupirs.
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole ;
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la Veuve d’une année
Et la veuve d’une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne.
L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits.
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ;
C’est toujours même note et pareil entretien :
On dit qu’on est inconsolable ;
On le dit, mais il n’en est rien,
Comme on verra par cette Fable,
Ou plutôt par la vérité.
L’Epoux d’une jeune beauté
Partait pour l’autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme,
Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler.
Le Mari fait seul le voyage.
La Belle avait un père, homme prudent et sage :
Il laissa le torrent couler.
A la fin, pour la consoler,
Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes :
Qu’a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l’heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports ;
Mais, après certain temps, souffrez qu’on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt.- Ah ! dit-elle aussitôt,
Un Cloître est l’époux qu’il me faut.
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L’autre mois on l’emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d’autres atours.
Toute la bande des Amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence.
Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ;
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle :
Où donc est le jeune mari
Que vous m’avez promis ? dit-elle.
Pendant le blanc et nocturne novembre
Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie
Vieillissaient encore sous la neige
Et semblaient à peine des chevaux de frise
Entourés de vagues de fils de fer
Mon coeur renaissait comme un arbre au printemps
Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent
Les fleurs de l’amour
Pendant le blanc et nocturne novembre
Tandis que chantaient épouvantablement les obus
Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient
Leurs mortelles odeurs
Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine
La neige met de pâles fleurs sur les arbres
Et toisonne d’hermine les chevaux de frise
Que l’on voit partout
Abandonnés et sinistres
Chevaux muets
Non chevaux barbes mais barbelés
Et je les anime tout soudain
En troupeau de jolis chevaux pies
Qui vont vers toi comme de blanches vagues
Sur la Méditerranée
Et t’apportent mon amour
Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue
Ô Madeleine
Je t’aime avec délices
Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent
Si je songe à tes seins le Paraclet descend
Ô double colombe de ta poitrine
Et vient délier ma langue de poète
Pour te redire
Je t’aime
Ton visage est un bouquet de fleurs
Aujourd’hui je te vois non Panthère
Mais Toutefleur
Et je te respire ô ma Toutefleur
Tous les lys montent en toi comme des cantiques
d’amour et d’allégresse
Et ces chants qui s’envolent vers toi
M’emportent à ton côté
Dans ton bel Orient où les lys
Se changent en palmiers qui de leurs belles mains
Me font signe de venir
La fusée s’épanouit fleur nocturne
Quand il fait noir
Et elle retombe comme une pluie de larmes
amoureuses
De larmes heureuses que la joie fait couler
Et je t’aime comme tu m’aimes
Madeleine