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Date de création : 09.08.2009
Dernière mise à jour :
31.01.2016
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Un jour un Coq détourna
Une Perle, qu’il donna
Au beau premier Lapidaire.
« Je la crois fine, dit-il ;
Mais le moindre grain de mil
Serait bien mieux mon affaire. »
Un ignorant hérita
D’un manuscrit, qu’il porta
Chez son voisin le Libraire.
« Je crois, dit-il, qu’il est bon ;
Mais le moindre ducaton
Serait bien mieux mon affaire. «
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S’empara ; c’est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
Dit l’animal chassé du paternel logis :
O là, Madame la Belette,
Que l’on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La Dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C’était un beau sujet de guerre
Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l’octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l’usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
- Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l’agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L’un et l’autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
Les petits souverains se rapportants aux Rois.
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.
- C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.
Les Grenouilles, se lassant
De l’état Démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique.
Il leur tomba du Ciel un Roi tout pacifique :
Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S’alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, dans les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau ;
Or c’était un Soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui de le voir s’aventurant
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant,
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du Roi.
Le bon Sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue.
Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue.
Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir,
Et Grenouilles de se plaindre ;
Et Jupin de leur dire : Eh quoi ! votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre Gouvernement ;
Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux :
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.
Le Pot de fer proposa
Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s’en excusa,
Disant qu’il ferait que sage
De garder le coin du feu :
Car il lui fallait si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris serait cause.
Il n’en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
- Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le Pot de fer.
Si quelque matière dure
Vous menace d’aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s’en vont à trois pieds,
Clopin-clopant comme ils peuvent,
L’un contre l’autre jetés
Au moindre hoquet qu’ils treuvent.
Le Pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu’il eût lieu de se plaindre.
Ne nous associons qu’avecque nos égaux.
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d’un de ces Pots.
Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie ;
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.
Un Carpeau qui n’était encore que fretin
Fut pris par un Pêcheur au bord d’une rivière.
Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée ;
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan m’achètera bien cher,
Au lieu qu’il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi ; rien qui vaille.
- Rien qui vaille ? Eh bien soit, repartit le Pêcheur ;
Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.
Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras :
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.
Un homme chérissait éperdument sa Chatte ;
Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,
Qui miaulait d’un ton fort doux.
Il était plus fou que les fous.
Cet Homme donc, par prières, par larmes,
Par sortilèges et par charmes,
Fait tant qu’il obtient du destin
Que sa Chatte en un beau matin
Devient femme, et le matin même,
Maître sot en fait sa moitié.
Le voilà fou d’amour extrême,
De fou qu’il était d’amitié.
Jamais la Dame la plus belle
Ne charma tant son Favori
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari.
Il l’amadoue, elle le flatte ;
Il n’y trouve plus rien de Chatte,
Et poussant l’erreur jusqu’au bout,
La croit femme en tout et partout,
Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte
Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.
Aussitôt la femme est sur pieds :
Elle manqua son aventure.
Souris de revenir, femme d’être en posture.
Pour cette fois elle accourut à point :
Car ayant changé de figure,
Les souris ne la craignaient point.
Ce lui fut toujours une amorce,
Tant le naturel a de force.
Il se moque de tout, certain âge accompli :
Le vase est imbibé, l’étoffe a pris son pli.
En vain de son train ordinaire
On le veut désaccoutumer.
Quelque chose qu’on puisse faire,
On ne saurait le réformer.
Coups de fourche ni d’étrivières
Ne lui font changer de manières ;
Et, fussiez-vous embâtonnés,
Jamais vous n’en serez les maîtres.
Qu’on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenêtres.
L’Aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s’enfuyait au plus vite.
Le trou de l’Escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Etait sûr ; mais ou mieux ? Jean Lapin s’y blottit.
L’Aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L’Escarbot intercède, et dit :
« Princesse des Oiseaux, il vous est fort facile
D’enlever malgré moi ce pauvre malheureux ;
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie ;
Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l’ôtez à tous deux :
C’est mon voisin, c’est mon compère. »
L’oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l’aile l’Escarbot,
L’étourdit, l’oblige à se taire,
Enlève Jean Lapin. L’ Escarbot indigné
Vole au nid de l’oiseau, fracasse, en son absence,
Ses oeufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance :
Pas un seul ne fut épargné.
L’Aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris ; et pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu’elle a souffert.
Elle gémit en vain : sa plainte au vent se perd.
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
L’an suivant, elle mit son nid plus haut.
L’Escarbot prend son temps, fait faire aux oeufs le saut :
La mort de Jean Lapin derechef est vengée.
Ce second deuil fut tel, que l’écho de ces bois
N’en dormit de plus de six mois.
L’Oiseau qui porte Ganymède
Du monarque des Dieux enfin implore l’aide,
Dépose en son giron ses oeufs, et croit qu’en paix
Ils seront dans ce lieu ; que, pour ses intérêts,
Jupiter se verra contraint de les défendre :
Hardi qui les irait là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.
Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du Dieu fit tomber une crotte :
Le dieu la secouant jeta les oeufs à bas.
Quand l’Aigle sut l’inadvertance,
Elle menaça Jupiter
D’abandonner sa Cour, d’aller vivre au désert,
Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut :
Devant son tribunal l’Escarbot comparut,
Fit sa plainte, et conta l’affaire.
On fit entendre à l’Aigle enfin qu’elle avait tort.
Mais les deux ennemis ne voulant point d’accord,
Le Monarque des Dieux s’avisa, pour bien faire,
De transporter le temps où l’Aigle fait l’amour
En une autre saison, quand la race Escarbote
Est en quartier d’hiver, et, comme la Marmotte,
Se cache et ne voit point le jour.
Une Montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu’elle accoucherait, sans faute,
D’une Cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d’une Souris.
Quand je songe à cette Fable
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,
Je me figure un Auteur
Qui dit : Je chanterai la guerre
Que firent les Titans au Maître du tonnerre.
C’est promettre beaucoup : mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
Désormais que ma Muse, aussi bien que mes jours,
Touche de son déclin l’inévitable cours,
Et que de ma raison le flambeau va s’éteindre,
Irai-je en consumer les restes à me plaindre,
Et, prodigue d’un temps par la Parque attendu,
Le perdre à regretter celui que j’ai perdu ?
Si le Ciel me réserve encor quelque étincelle
Du feu dont je brillais en ma saison nouvelle,
Je la dois employer, suffisamment instruit
Que le plus beau couchant est voisin de la nuit.
Le temps marche toujours ; ni force, ni prière,
Sacrifices ni voeux, n’allongent la carrière :
Il faudrait ménager ce qu’on va nous ravir.
Mais qui vois-je que vous sagement s’en servir ?
Si quelques-uns l’ont fait, je ne suis pas du nombre ;
Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre :
J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens ;
Les pensers amusants, les vagues entretiens,
Vains enfants du loisir, délices chimériques ;
Les romans, et le jeu, peste des républiques,
Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits,
Ridicule fureur qui se moque des lois ;
Cent autres passions, des sages condamnées,
Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années.