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Date de création : 09.08.2009
Dernière mise à jour : 31.01.2016
113496 articles


POEME JEAN DE LA FONTAINE

le cochet le chat et le souriceau

Publié à 15:34 par angeoudemongif Tags : moi coeur animaux chat animal
le cochet le chat et le souriceau

Un Souriceau tout jeune, et qui n’avait rien vu,
Fut presque pris au dépourvu.
Voici comme il conta l’aventure à sa mère :
J’avais franchi les Monts qui bornent cet Etat,
Et trottais comme un jeune Rat
Qui cherche à se donner carrière,
Lorsque deux animaux m’ont arrêté les yeux :
L’un doux, bénin et gracieux,
Et l’autre turbulent, et plein d’inquiétude.
Il a la voix perçante et rude,
Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s’élève en l’air
Comme pour prendre sa volée,
La queue en panache étalée.
Or c’était un Cochet dont notre Souriceau
Fit à sa mère le tableau,
Comme d’un animal venu de l’Amérique.
Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui grâce aux Dieux, de courage me pique,
En ai pris la fuite de peur,
Le maudissant de très bon coeur.
Sans lui j’aurais fait connaissance
Avec cet animal qui m’a semblé si doux.
Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble contenance ;
Un modeste regard, et pourtant l’oeil luisant :
Je le crois fort sympathisant
Avec Messieurs les Rats ; car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Je l’allais aborder, quand d’un son plein d’éclat
L’autre m’a fait prendre la fuite.
- Mon fils, dit la Souris, ce doucet est un Chat,
Qui sous son minois hypocrite
Contre toute ta parenté
D’un malin vouloir est porté.
L’autre animal tout au contraire
Bien éloigné de nous mal faire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au Chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine.
Garde-toi, tant que tu vivras,

De juger des gens sur la mine.

le berger et la mer

Publié à 15:27 par angeoudemongif Tags : mer argent
le berger et la mer

Du rapport d’un troupeau, dont il vivait sans soins,
Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite :
Si sa fortune était petite,
Elle était sûre tout au moins.
A la fin, les trésors déchargés sur la plage
Le tentèrent si bien qu’il vendit son troupeau,
Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau.
Cet argent périt par naufrage.
Son maître fut réduit à garder les Brebis,
Non plus Berger en chef comme il était jadis,
Quand ses propres Moutons paissaient sur le rivage :
Celui qui s’était vu Coridon ou Tircis
Fut Pierrot, et rien davantage.
Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
Racheta des bêtes à laine ;
Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :
« Vous voulez de l’argent, ô Mesdames les Eaux,
Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi! vous n’aurez pas le nôtre.  »
Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité
Pour montrer, par expérience,
Qu’un sou, quand il est assuré,
Vaut mieux que cinq en espérance ;
Qu’il se faut contenter de sa condition ;
Qu’aux conseils de la Mer et de l’Ambition
Nous devons fermer les oreilles.
Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront.
La Mer promet monts et merveilles ;

Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront.

le loup la mere et l enfant

Publié à 15:25 par angeoudemongif Tags : vie moi chez soi
le loup la mere et l enfant

La Bique allant remplir sa traînante mamelle
Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son Biquet :
Gardez-vous sur votre vie
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du Loup et de sa race !
Comme elle disait ces mots,
Le Loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La Bique, comme on peut croire,
N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre, en disant Foin du Loup,
Et croyant entrer tout d’un coup.
Le Biquet soupçonneux par la fente regarde.
Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point,
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les Loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le Biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune
Notre Loup avait entendu ?
Deux sûretés valent mieux qu’une,

Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

le loup plaidant

Publié à 15:21 par angeoudemongif Tags : vie amis
le loup plaidant

Un Loup disait que l’on l’avait volé :
Un Renard, son voisin, d’assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
Devant le Singe il fut plaidé,
Non point par Avocats, mais par chaque Partie.
Thémis n’avait point travaillé,
De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.
Le Magistrat suait en son lit de Justice.
Après qu’on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté,
Le Juge, instruit de leur malice,
Leur dit : « Je vous connais de longtemps, mes amis,
Et tous deux vous paierez l’amende ;
Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ;
Et toi, Renard, as pris ce que l’on te demande.  »
Le juge prétendait qu’à tort et à travers

On ne saurait manquer, condamnant un pervers.

la jeune veuve

Publié à 15:05 par angeoudemongif Tags : moi monde homme belle femme jeux fille bande voyage danse
la jeune veuve

La perte d’un époux ne va point sans soupirs.
On fait beaucoup de bruit, et puis on se console.
Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole ;
Le Temps ramène les plaisirs.
Entre la Veuve d’une année
Et la veuve d’une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne.
L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits.
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ;
C’est toujours même note et pareil entretien :
On dit qu’on est inconsolable ;
On le dit, mais il n’en est rien,
Comme on verra par cette Fable,
Ou plutôt par la vérité.
L’Epoux d’une jeune beauté
Partait pour l’autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi, je te suis ; et mon âme,
Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler.
Le Mari fait seul le voyage.
La Belle avait un père, homme prudent et sage :
Il laissa le torrent couler.
A la fin, pour la consoler,
Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes :
Qu’a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l’heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports ;
Mais, après certain temps, souffrez qu’on vous propose
Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt.- Ah ! dit-elle aussitôt,
Un Cloître est l’époux qu’il me faut.
Le père lui laissa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe.
L’autre mois on l’emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure.
Le deuil enfin sert de parure,
En attendant d’autres atours.
Toute la bande des Amours
Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse,
Ont aussi leur tour à la fin.
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence.
Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri ;
Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle :
Où donc est le jeune mari

Que vous m’avez promis ? dit-elle.

le coche et la mouche

Publié à 14:58 par angeoudemongif Tags : moi femme femmes travail chevaux
le coche et la mouche

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
L’attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s’approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment
Qu’elle fait aller la machine,
S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu’elle voit les gens marcher,
Elle s’en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ;
Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait !
Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés.

la vieille et les deux servantes

Publié à 14:53 par angeoudemongif
la vieille et les deux servantes

Il était une vieille ayant deux Chambrières.
Elles filaient si bien que les soeurs filandières
Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci.
La Vieille n’avait point de plus pressant souci
Que de distribuer aux Servantes leur tâche.
Dès que Téthis chassait Phébus aux crins dorés,
Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés ;
Deçà, delà, vous en aurez ;
Point de cesse, point de relâche.
Dès que l’Aurore, dis-je, en son char remontait,
Un misérable Coq à point nommé chantait.
Aussitôt notre Vieille encor plus misérable
S’affublait d’un jupon crasseux et détestable,
Allumait une lampe, et courait droit au lit
Où de tout leur pouvoir, de tout leur appétit,
Dormaient les deux pauvres Servantes.
L’une entr’ouvrait un oeil, l’autre étendait un bras ;
Et toutes deux, très malcontentes,
Disaient entre leurs dents : Maudit Coq, tu mourras.
Comme elles l’avaient dit, la bête fut grippée.
Le réveille-matin eut la gorge coupée.
Ce meurtre n’amenda nullement leur marché.
Notre couple au contraire à peine était couché
Que la Vieille, craignant de laisser passer l’heure,
Courait comme un Lutin par toute sa demeure.
C’est ainsi que le plus souvent,
Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire,
On s’enfonce encor plus avant :
Témoin ce Couple et son salaire.
La Vieille, au lieu du Coq, les fit tomber par là

De Charybde en Scylla.

testamant expliqué par esope

Publié à 14:51 par angeoudemongif Tags : homme histoire mort
testamant expliqué par esope

Si ce qu’on dit d’Esope est vrai,
C’était l’Oracle de la Grèce :
Lui seul avait plus de sagesse
Que tout l’Aréopage. En voici pour essai
Une histoire des plus gentilles,
Et qui pourra plaire au Lecteur.

Un certain homme avait trois filles,
Toutes trois de contraire humeur :
Une buveuse, une coquette,
La troisième avare parfaite.
Cet homme, par son Testament,
Selon les Lois municipales,
Leur laissa tout son bien par portions égales,
En donnant à leur Mère tant,
Payable quand chacune d’elles
Ne posséderait plus sa contingente part.
Le Père mort, les trois femelles
Courent au Testament sans attendre plus tard.
On le lit ; on tâche d’entendre
La volonté du Testateur ;
Mais en vain : car comment comprendre
Qu’aussitôt que chacune soeur
Ne possédera plus sa part héréditaire,
Il lui faudra payer sa Mère ?
Ce n’est pas un fort bon moyen
Pour payer, que d’être sans bien.
Que voulait donc dire le Père ?
L’affaire est consultée, et tous les Avocats,
Après avoir tourné le cas
En cent et cent mille manières,
Y jettent leur bonnet, se confessent vaincus,
Et conseillent aux héritières
De partager le bien sans songer au surplus.
Quant à la somme de la veuve,
Voici, leur dirent-ils, ce que le conseil treuve :
Il faut que chaque soeur se charge par traité
Du tiers, payable à volonté,
Si mieux n’aime la Mère en créer une rente,
Dès le décès du mort courante.
La chose ainsi réglée, on composa trois lots :
En l’un, les maisons de bouteille,
Les buffets dressés sous la treille,
La vaisselle d’argent, les cuvettes, les brocs,
Les magasins de malvoisie,
Les esclaves de bouche, et, pour dire en deux mots,
L’attirail de la goinfrerie ;
Dans un autre celui de la coquetterie :
La maison de la Ville et les meubles exquis,
Les Eunuques et les Coiffeuses,
Et les Brodeuses,
Les joyaux, les robes de prix ;
Dans le troisième lot, les fermes, le ménage,
Les troupeaux et le pâturage,
Valets et bêtes de labeur.
Ces lots faits, on jugea que le sort pourrait faire
Que peut-être pas une soeur
N’aurait ce qui lui pourrait plaire.
Ainsi chacune prit son inclination ;
Le tout à l’estimation.
Ce fut dans la ville d’Athènes
Que cette rencontre arriva.
Petits et grands, tout approuva
Le partage et le choix. Esope seul trouva
Qu’après bien du temps et des peines
Les gens avaient pris justement
Le contre-pied du Testament.
Si le défunt vivait, disait-il, que l’Attique
Aurait de reproches de lui !
Comment ! ce peuple qui se pique
D’être le plus subtil des peuples d’aujourd’hui
A si mal entendu la volonté suprême
D’un testateur ! Ayant ainsi parlé,
Il fait le partage lui-même,
Et donne à chaque soeur un lot contre son gré,
Rien qui pût être convenable,
Partant rien aux soeurs d’agréable :
A la Coquette, l’attirail
Qui suit les personnes buveuses ;
La Biberonne eut le bétail ;
La Ménagère eut les coiffeuses.
Tel fut l’avis du Phrygien,
Alléguant qu’il n’était moyen
Plus sûr pour obliger ces filles
A se défaire de leur bien,
Qu’elles se marieraient dans les bonnes familles,
Quand on leur verrait de l’argent ;
Paieraient leur Mère tout comptant ;
Ne posséderaient plus les effets de leur Père,
Ce que disait le Testament.
Le peuple s’étonna comme il se pouvait faire
Qu’un homme seul eût plus de sens

Qu’une multitude de gens.

la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf

Publié à 14:50 par angeoudemongif Tags : moi monde belle
la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf

Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma soeur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
- Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ?
- Vous n’en approchez point. « La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.o

les deux coqs

Publié à 14:48 par angeoudemongif Tags : amour fond femmes
les deux coqs

Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c’est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint :
Le bruit s’en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d’une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu’un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l’air et ses flancs,
Et s’exerçant contre les vents
S’armait d’une jalouse rage.
Il n’en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S’alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l’ongle du Vautour.
Enfin par un fatal retour
Son rival autour de la Poule
S’en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous

Après le gain d’une bataille.