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Date de création : 07.05.2008
Dernière mise à jour :
30.06.2017
122498 articles
Hommes de l’avenir souvenez-vous de moi
Je vivais à l’époque où finissaient les rois
Tour à tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismégistes
Que Paris était beau à la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne où les pampres
Répandaient leur clarté sur la ville et là-haut
Astres mûrs becquetés par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l’aube
Un soir passant le long des quais déserts et sombres
En rentrant à Auteuil j’entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvînt aussi sur les bords de la Seine
La plainte d’autres voix limpides et lointaines
Et j’écoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu’éveillait dans la nuit la chanson de Paris
J’ai soif villes de France et d’Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde
Je vis alors que déjà ivre dans la vigne Paris
Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chantèrent
Et Rennes répondit avec Quimper et Vannes
Nous voici ô Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu’enfanta le soleil
Se sacrifient pour te désaltérer trop avide merveille
Nous t’apportons tous les cerveaux les cimetières les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n’entendras pas
Et d’amont en aval nos pensées ô rivières
Les oreilles des écoles et nos mains rapprochées
Aux doigts allongés nos mains les clochers
Et nous t’apportons aussi cette souple raison
Que le mystère clôt comme une porte la maison
Ce mystère courtois de la galanterie
Ce mystère fatal fatal d’une autre vie
Double raison qui est au-delà de la beauté
Et que la Grèce n’a pas connue ni l’Orient
Double raison de la Bretagne où lame à lame
L’océan châtre peu à peu l’ancien continent
Et les villes du Nord répondirent gaiement
Ô Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cités où dégoisent et chantent
Les métalliques saints de nos saintes usines
Nos cheminées à ciel ouvert engrossent les nuées
Comme fit autrefois l’Ixion mécanique
Et nos mains innombrables
Usines manufactures fabriques mains
Où les ouvriers nus semblables à nos doigts
Fabriquent du réel à tant par heure
Nous te donnons tout cela
Et Lyon répondit tandis que les anges de Fourvières
Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prières
Désaltère-toi Paris avec les divines paroles
Que mes lèvres le Rhône et la Saône murmurent
Toujours le même culte de sa mort renaissant
Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang
Heureuse pluie ô gouttes tièdes ô douleur
Un enfant regarde les fenêtres s’ouvrir
Et des grappes de têtes à d’ivres oiseaux s’offrit
Les villes du Midi répondirent alors
Noble Paris seule raison qui vis encore
Qui fixes notre humeur selon ta destinée
Et toi qui te retires Méditerranée
Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties
Ces très hautes amours et leur danse orpheline
Deviendront ô Paris le vin pur que tu aimes
Et un râle infini qui venait de Sicile
Signifiait en battement d’ailes ces paroles
Les raisins de nos vignes on les a vendangés
Et ces grappes de morts dont les grains allongés
Ont la saveur du sang de la terre et du sel
Les voici pour ta soif ô Paris sous le ciel
Obscurci de nuées faméliques
Que caresse Ixion le créateur oblique
Et où naissent sur la mer tous les corbeaux d’Afrique
Ô raisins Et ces yeux ternes et en famille
L’avenir et la vie dans ces treilles s’ennuyent
Mais où est le regard lumineux des sirènes
Il trompa les marins qu’aimaient ces oiseaux-là
Il ne tournera plus sur l’écueil de Scylla
Où chantaient les trois voix suaves et sereines
Le détroit tout à coup avait changé de face
Visages de la chair de l’onde de tout
Ce que l’on peut imaginer
Vous n’êtes que des masques sur des faces masquées
Il souriait jeune nageur entre les rives
Et les noyés flottant sur son onde nouvelle
Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives
Elles dirent adieu au gouffre et à l’écueil
A leurs pâles époux couchés sur les terrasses
Puis ayant pris leur vol vers le brûlant soleil
Les suivirent dans l’onde où s’enfoncent les astres
Lorsque la nuit revint couverte d’yeux ouverts
Errer au site où l’hydre a sifflé cet hiver
Et j’entendis soudain ta voix impérieuse
O Rome
Maudire d’un seul coup mes anciennes pensées
Et le ciel où l’amour guide les destinées
Les feuillards repoussés sur l’arbre de la croix
Et même la fleur de lys qui meurt au Vatican
Macèrent dans le vin que je t’offre et qui a
La saveur du sang pur de celui qui connaît
Une autre liberté végétale dont tu
Ne sais pas que c’est elle la suprême vertu
Une couronne du trirègne est tombée sur les dalles
Les hiérarques la foulent sous leurs sandales
Ô splendeur démocratique qui pâlit
Vienne le nuit royale où l’on tuera les bêtes
La louve avec l’agneau l’aigle avec la colombe
Une foule de rois ennemis et cruels
Ayant soif comme toi dans la vigne éternelle
Sortiront de la terre et viendront dans les airs
Pour boire de mon vin par deux fois millénaire
La Moselle et le Rhin se joignent en silence
C’est l’Europe qui prie nuit et jour à Coblence
Et moi qui m’attardais sur le quai à Auteuil
Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles
Du cep lorsqu’il est temps j’entendis la prière
Qui joignait la limpidité de ces rivières
O Paris le vin de ton pays est meilleur que celui
Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord
Tous les grains ont mûri pour cette soif terrible
Mes grappes d’hommes forts saignent dans le pressoir
Tu boiras à longs traits tout le sang de l’Europe
Parce que tu es beau et que seul tu es noble
Parce que c’est dans toi que Dieu peut devenir
Et tous mes vignerons dans ces belles maisons
Qui reflètent le soir leurs feux dans nos deux eaux
Dans ces belles maisons nettement blanches et noires
Sans savoir que tu es la réalité chantent ta gloire
Mais nous liquides mains jointes pour la prière
Nous menons vers le sel les eaux aventurières
Et la ville entre nous comme entre des ciseaux
Ne reflète en dormant nul feu dans ses deux eaux
Dont quelque sifflement lointain parfois s’élance
Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence
Les villes répondaient maintenant par centaines
Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines
Et Trèves la ville ancienne
A leur voix mêlait la sienne
L’univers tout entier concentré dans ce vin
Qui contenait les mers les animaux les plantes
Les cités les destins et les astres qui chantent
Les hommes à genoux sur la rive du ciel
Et le docile fer notre bon compagnon
Le feu qu’il faut aimer comme on s’aime soi-même
Tous les fiers trépassés qui sont un sous mon front
L’éclair qui luit ainsi qu’une pensée naissante
Tous les noms six par six les nombres un à un
Des kilos de papier tordus comme des flammes
Et ceux-là qui sauront blanchir nos ossements
Les bons vers immortels qui s’ennuient patiemment
Des armées rangées en bataille
Des forêts de crucifix et mes demeures lacustres
Au bord des yeux de celle que j’aime tant
Les fleurs qui s’écrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaîtrai jamais
Tout cela tout cela changé en ce vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors présenté
Actions belles journées sommeils terribles
Végétation Accouplements musiques éternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui nous ressemblez
Je vous ai bus et ne fut pas désaltéré
Mais je connus dès lors quelle saveur a l’univers
Je suis ivre d’avoir bu tout l’univers
Sur le quai d’où je voyais l’onde couler et dormir les bélandres
Écoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s’il me plaît l’univers
Écoutez mes chants d’universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s’achevait lentement
Les feux rouges des ponts s’éteignaient dans la Seine
Les étoiles mouraient le jour naissait à peine
Me voici libre et fier parmi mes compagnons
Le réveil a sonné et dans le petit jour je salue
La fameuse Nancéenne que je n’ai pas connue
AS-TU CONNU LA PUTAIN DE NANCY
QUI A FOUTU LA VXXXXX À TOUTE L’ARTILLERIE
L’ARTILLERIE ne s’est pas aperçu
qu’elle avait mal au …
Les 3 servants bras dessus bras dessous se sont endormis sur l’avant-train
Et conducteur par mont par val sur le porteur
Au pas au trop ou au galop je conduis le canon
Le bras de l’officier est mon étoile polaire
Il pleut mon manteau est trempé et je m’essuie parfois la figure
Avec la serviette-torchon qui est dans la sacoche du sous-verge
Voici des fantassins aux pas pesants aux pieds boueux
La pluie les pique de ses aiguilles le sac les suit
SACRÉ NOM DE DIEU QUELLE ALLURE
NOM DE DIEU QUELLE ALLURE
CEPENDANT QUE LA NUIT DESCEND
SALUT MONDE DONT JE SUIS LA LANGUE ÉLOQUENTE QUE SA BOUCHE O PARIS
TIRE ET TIRERA TOUJOURS AUX ALLEMANDS
Fantassins
Marchantes mottes de terre
Vous êtes la puissance
Du sol qui vous a faits
Et c’est le sol qui va
Lorsque vous avancez
Un officier passe au galop
Comme un ange bleu dans la pluie grise
Un blessé chemine en fumant une pipe
Le lièvre détale et voici un ruisseau que j’aime
Et cette jeune femme nous salue charretiers
La Victoire se tient après nos jugulaires
Et calcule pour nos canons les mesures angulaires
Nos salves nos rafales sont ses cris de joie
Ses fleurs sont nos obus aux gerbes merveilleuses
Sa pensée se recueille aux tranchées glorieuses
J’ENTENDS CHANTER L’OISEAU
LE BEL OISEAU RAPACE
Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’lnfanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte
Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir
Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre et de l’Aventure
Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout
se tait
Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
Voici que vient l’été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c’est le temps de la Raison ardente
Et j’attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu’elle prend afin que je l’aime seulement
Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant
Elle a l’aspect charmant
D’une adorable rousse
Ses cheveux sont d’or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent
Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d’ici
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un coeur à moi ce coeur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier
Auprès des canons gris tournés vers le nord
Que je songe au village africain
Où l’on dansait où l’on chantait où l’on faisait l’amour
Et de longs discours
Nobles et joyeux
Je revois mon père qui se battit
Contre les Achantis
Au service des Anglais
Je revois ma soeur au rire en folie
Aux seins durs comme des obus
Et je revois
Ma mère la sorcière qui seule du village
Méprisait le sel
Piler le millet dans un mortier
Je me souviens du si délicat si inquiétant
Fétiche dans l’arbre
Et du double fétiche de la fécondité
Plus tard une tête coupée
Au bord d’un marécage
Ô pâleur de mon ennemi
C’était une tête d’argent
Et dans le marais
C’était la lune qui luisait
C’était donc une tête d’argent
Là-haut c’était la lune qui dansait
C’était donc une tête d’argent
Et moi dans l’antre j’étais invisible
C’était donc une tête de nègre dans la nuit profonde
Similitudes Pâleurs
Et ma soeur
Suivit plus tard un tirailleur
Mort à Arras
Si je voulais savoir mon âge
Il faudrait le demander à l’évêque
Si doux si doux avec ma mère
De beurre de beurre avec ma soeur
C’était dans une petite cabane
Moins sauvage que notre cagnat de canonniers-servants
J’ai connu l’affût au bord des marécages
Où la girafe boit les jambes écartées
J’ai connu l’horreur de l’ennemi qui dévaste
Le Village
Viole les femmes
Emmène les filles
Et les garçons dont la croupe dure sursaute
J’ai porté l’administrateur des semaines
De village en village
En chantonnant
Et je fus domestique à Paris
Je ne sais pas mon âge
Mais au recrutement
On m’a donné vingt ans
Je suis soldat français on m’a blanchi du coup
Secteur 59 je ne peux pas dire où
Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir
Pourquoi ne pas danser et discourir
Manger et puis dormir
Et nous tirons sur les ravitaillements boches
Ou sur les fils de fer devant les bobosses
Sous la tempête métallique
Je me souviens d’un lac affreux
Et de couples enchaînés par un atroce amour
Une nuit folle
Une nuit de sorcellerie
Comme cette nuit-ci
Où tant d’affreux regards
Éclatent dans le ciel splendide
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetière
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n’a chanté aujourd’hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons ânes
Braillent hi han et se mettent à brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C’est le jour des morts et de toutes leurs âmes
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L’ait tremble de flammes et de prières
Le cimetière est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu’on enterre
ah! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous mendiants morts saouls de bière
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en prière
Ah! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de régence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hibous
Il éteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mère
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L’automne est plein de mains coupées
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des chères mortes
Ce sont tes mains coupées
Nous avons tant pleuré aujourd’hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetière plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournâmes
A nos pieds roulaient des châtaignes
Dont les bogues étaient
Comme le coeur blessé de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des châtaignes d’automne
Sirènes j’ai rampé vers vos
Grottes tiriez aux mers la langue
En dansant devant leurs chevaux
Puis battiez de vos ailes d’anges
Et j’écoutais ces choeurs rivaux
Une arme ô ma tête inquiète
J’agite un feuillage défleuri
Pour écarter l’haleine tiède
Qu’exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes
Il y a là-bas la merveille
Au prix d’elle que valez-vous
Le sang jaillit de mes otelles
A mon aspect et je l’avoue
Le meurtre de mon double orgueil
Si les bateliers ont ramé
Loin des lèvres à fleur de l’onde
Mille et mille animaux charmés
Flairent la route à la rencontre
De mes blessures bien-aimées
Leurs yeux étoiles bestiales
Eclairent ma compassion
Qu’importe sagesse égale
Celle des constellations
Car c’est moi seul nuit qui t’étoile
Sirènes enfin je descends
Dans une grotte avide J’aime
Vos yeux Les degrés sont glissants
Au loin que vous devenez naines
N’attirez plus aucun passant
Dans l’attentive et bien-apprise
J’ai vu feuilloler nos forêts
Mer le soleil se gargarise
Où les matelots désiraient
Que vergues et mâts reverdissent
Je descends et le firmament
S’est changé très vite en méduse
Puisque je flambe atrocement
Que mes bras seuls sont les excuses
Et les torches de mon tourment
Oiseaux tiriez aux mers la langue
Le soleil d’hier m’a rejoint
Les otelles nous ensanglantent
Dans le nid des Sirènes loin
Du troupeau d’étoiles oblongues
A Émile Léonard.
Je me suis engagé sous le plus beau des cieux
Dans Nice la Marine au nom victorieux
Perdu parmi 900 conducteurs anonymes
je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes
L’Amour dit Reste ici Mais là-bas les obus
Épousent ardemment et sans cesse les buts
J’attends que le printemps commande que s’en aille
Vers le nord glorieux l’intrépide bleusaille
Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts
Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons
Un bel après-midi de garde à l’écurie
J’entends sonner les trompettes d’artillerie
J’admire la gaieté de ce détachement
Qui va rejoindre au front notre beau régiment
Le territorial se mange une salade
À l’anchois en parlant de sa femme malade
4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux
Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux
Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures
Un grand air d’opéra toi l’écoutant tu pleures
Je flatte de la main le petit canon gris
Gris comme l’eau de Seine et je songe à paris
Mais ce pâle blessé m’a dit à la cantine
Des obus dans la nuit la splendeur argentine
Je mâche lentement ma portion de boeuf
Je me promène seul le soir de 5 à 9
Je selle mon cheval nous battons la campagne
Je te salue au loin belle rose ô tour Magne
Je me souviens ce soir de ce drame indien
Le Chariot d’Enfant un voleur y survient
Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
Quelle forme il convient de donner à l’entaille
Afin que la beauté ne perde pas ses droits
Même au moment d’un crime
Et nous aurions je crois
À l’instant de périr nous poètes nous hommes
Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes
Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
N’est la plupart du temps que la simplicité
Et combien j’en ai vu qui morts dans la tranchée
Étaient restés debout et la tête penchée
S’appuyant simplement contre le parapet
J’en vis quatre une fois qu’un même obus frappait
Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes
Depuis dix jours au fond d’un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure
J’ai plus que les trois coeurs des poulpes pour souffrir
Vos coeurs sont tous en moi je sens chaque blessure
Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d’obus sur nos têtes s’écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C’est une fleur qui s’ouvre et puis s’évanouit
La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie
Séjour de l’insomnie incertaine maison
De l’Alerte la Mort et la Démangeaison
LA TRANCHÉE
Ô jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse
Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort
Tapie au fond du sol je vous guette jalouse
Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord
LES BALLES
De nos ruches d’acier sortons à tire-d’aile
Abeilles le butin qui sanglant emmielle
Les doux rayons d’un jour qui toujours renouvelle
Provient de ce jardin exquis l’humanité
Aux fleurs d’intelligence à parfum de beauté
LE POÈTE
Le Christ n’est donc venu qu’en vain parmi les hommes
Si des fleuves de sang limitent les royaumes
Et même de l’Amour on sait la cruauté
C’est pourquoi faut au moins penser à la Beauté
Seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise
Elle porte cent noms dans la langue française
Grâce Vertu Courage Honneur et ce n’est là
Que la même Beauté
LA FRANCE
Poète honore-là
Souci de la Beauté non souci de la Gloire
Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire
LE POÈTE
Ô poètes des temps à venir ô chanteurs
Je chante la beauté de toutes nos douleurs
J’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux
Donner un sens sublime aux gestes glorieux
Et fixer la grandeur de ces trépas pieux
L’un qui détend son corps en jetant des grenades
L’autre ardent à tirer nourrit les fusillades
L’autre les bras ballants porte des seaux de vin
Et le prêtre-soldat dit le secret divin
J’interprète pour tous la douceur des trois notes
Que lance un loriot canon quand tu sanglotes
Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré
Ma génération sur ton trépas sacré
Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude
Chantez ce que je chante un chant pur le prélude
Des chants sacrés que la beauté de notre temps
Saura vous inspirer plus purs plus éclatants
Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir
En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir
17 décembre 1915
La première est toute d’argent
Et son nom tremblant c’est Pâline
Sa lame un ciel d’hiver neigeant
Son destin sanglant gibeline
Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommée Noubosse
Est un bel arc-en-ciel joyeux
Les dieux s’en servent à leurs noces
Elle a tué trente Bé-Rieux
Et fut douée par Carabosse
La troisième bleu féminin
N’en est pas moins un chibriape
Appelé Lul de Faltenin
Et que porte sur une nappe
L’Hermès Ernest devenu nain
La quatrième Malourène
Est un fleuve vert et doré
C’est le soir quand les riveraines
Y baignent leurs corps adorés
Et des chants de rameurs s’y trainent
La cinquième Sainte-Fabeau
C’est la plus belle des quenouilles
C’est un cyprès sur un tombeau
Où les quatre vents s’agenouillent
Et chaque nuit c’est un flambeau
La Sixième métal de gloire
C’est l’ami aux si douces mains
Dont chaque matin nous sépare
Adieu voilà votre chemin
Les coqs s’épuisaient en fanfares
Et la septième s’exténue
Une femme une rose morte
Merci que le dernier venu
Sur mon amour ferme la porte
Je ne vous ai jamais connue