Fable de La Fontaine

Publié à 22:00 par lusile17 Tags : chez roman enfants homme chat livre animal
Fable de La Fontaine

Le chat ,la belette et le petit lapin

 

Du palais d'un jeune lapin
          Dame belette, un beau matin,
          S'empara : c'est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour
          Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Jannot lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.
« O Dieux hospitaliers! que vois-je ici paraître?
Dit l'animal chassé du paternel logis.
          O là, Madame la belette,
          Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays. »
La dame au nez pointu répondit que la terre
          Était au premier occupant.
          « C'était un beau sujet de guerre,
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.
          Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
          En a pour toujours fait l'octroi
A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
          Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi. »
Jean lapin allégua la coutume et l'usage :
« Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
« Le premier occupant », est-ce une loi plus sage?
          - Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. »
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
          Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
          Arbitre expert sur tous les cas.
          Jean Lapin pour juge l'agrée.
          Les voilà tous deux arrivés
          Devant Sa Majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : « Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. »
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
          Grippeminaud, le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.

Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportants aux rois.  

 

 Jean de La Fontaine, Fable XVI, Livre VII.