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Date de création : 13.04.2009
Dernière mise à jour :
15.10.2017
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Blanche-Neige Partie IV
Franz Jüttner, 1905
Alors, elle alla s’enfermer dans une chambre secrète où personne n’entrait jamais, et là, elle confectionna un terrible poison avec lequel elle fit une pomme empoisonnée ! Extérieurement, elle était très belle, bien blanche avec des joues rouges, et si appétissante que nul ne pouvait la voir sans en avoir envie. Mais une seule bouchée, et c’était la mort. Lorsque ses préparatifs furent achevés avec la pomme, la reine se brunit la figure et se costuma en paysanne, puis se rendit chez les sept nains en passant les sept montagnes. Quand elle eut frappé à la porte, Blanche-Neige passa la tête par la fenêtre et lui dit :
- Je ne peux laisser entrer personne au monde. Les sept nains me l’ont défendu.
- Cela m’est égal, dit la paysanne, je saurai bien me débarrasser quand même de mes pommes. Tiens, je vais t’en donner une !
- Non, merci, dit Blanche-Neige. Je ne dois rien accepter non plus.
- Aurais-tu peur du poison ? dit la paysanne. Regarde, je coupe la pomme en deux ; la moitié rouge, c’est pour toi, et la blanche, je la mange moi.
La pomme avait été faite si astucieusement que la moitié rouge était seule empoisonnée. Blanche-Neige avait grande envie de cette belle pomme, et quand elle vit la paysanne croquer à belles dents dans sa moitié de pomme, elle ne put pas résister et tendit le bras pour prendre l’autre moitié. Mais à peine la première bouchée fut-elle dans sa bouche qu’elle tomba morte sur le plancher. La reine l’examina avec des regards cruels et partit d’un grand éclat de rire, en s’écriant cette fois avec satisfaction :
- Blanche comme neige, rouge comme sang, noire comme le bois d’ébène, ce coup-ci les nains ne pourront plus te ranimer !
Et dès qu’elle fut devant son miroir, elle le questionna :
- Miroir, gentil miroir, dis-moi dans le royaume quelle est de toutes la plus belle ?
Alors et enfin, le miroir répondit :
- Vous êtes la plus belle du pays, Madame !
Et là, son cœur envieux fut apaisé autant que peut être apaisé un cœur envieux. Les nains, quand ils revinrent le soir à la maison, trouvèrent Blanche-Neige étendue sur le plancher. Mais cette fois elle n’avait plus de souffle et elle était vraiment morte. Ils la relevèrent, ils cherchèrent bien partout s’ils ne trouvaient pas quelque chose d’empoisonné, ils lui défirent son corset, ils peignèrent ses cheveux, ils la lavèrent avec de l’eau, puis avec du vin. Mais rien de tout cela n’y fit. Morte elle était, la chère petite, et morte elle resta. Ils la couchèrent sur une civière, et tous les sept, ils restèrent à côté et la pleurèrent pendant trois jours. Puis ils pensèrent à l’enterrer. Mais elle était encore aussi fraîche que si elle eût été vivante et elle avait encore toutes ses couleurs et ses belles joues rouges.
- Nous ne pouvons pas l’enfouir comme cela dans la terre noire! dirent-ils.
Alors ils lui firent faire un cercueil de verre afin qu’on pût la voir de tous les côtés, puis ils l’y couchèrent et écrivirent dessus son nom en lettres d’or, en grandes, belles lettres capitales, sous lesquelles ils écrivirent encore qu’elle était une princesse, fille de roi. Ensuite, ils portèrent le cercueil en haut de la montagne. Depuis ce moment là il y eut toujours l’un des sept nains qui y resta pour la garder. Et les bêtes y venaient aussi et pleuraient Blanche-Neige : d’abord ce fut une chouette, puis un corbeau, et une colombe en dernier.
Longtemps, longtemps Blanche-Neige resta là, dans son cercueil de verre, sans changer du tout. Le temps passa et passa, mais elle était toujours aussi fraîche, aussi blanche que neige, aussi vermeille que le sang, aussi noire de cheveux que l’ébène poli, et elle avait l’air de dormir.
Et puis un jour, il arriva qu’un prince, qui s’était égaré dans la forêt, passa la nuit dans la maison des nains. Il vit sur la montagne le cercueil dans lequel était exposée Blanche-Neige, qu’il admira beaucoup, et il lut aussi ce qui était écrit dessus en grandes lettres d’or. Alors il dit aux nains :
- Laissez-moi emporter le cercueil : je vous donnerai en échange ce que vous voudrez.
- Pour tout l’or du monde, tu ne pourras nous l’acheter ! répondirent-ils.
- Alors donnez-le moi, reprit le prince, parce que je ne puis pas vivre sans admirer Blanche-Neige, et je la traiterai et la vénérerai comme ma bien aimée, comme ce que j’ai de plus cher au monde !
Les bons nains, en entendant ses paroles, s’émurent de compassion pour lui et lui donnèrent le cercueil. Le prince le fit prendre par ses serviteurs, qui le chargèrent sur leurs épaules et l’emportèrent. Mais voilà qu’ils trébuchèrent contre une racine en la portant, et la secousse fit rendre à Blanche-Neige le morceau de pomme qui lui était resté dans le gosier. Ainsi libérée, elle ouvrit les yeux soulevant le couvercle de verre et se redressa, ayant retrouvé la vie.
Franz Jüttner
- Ô mon dieu, mais où suis-je? s’exclama-t-elle.
- Tu es près de moi ! lui répondit le prince tout heureux, avant de lui raconter ce qui s’était passé. Puis il dit :
- Je t’aime et tu m’es plus chère que tout au monde. Viens, accompagne-moi au château de mon père : tu seras mon épouse.
Alors Blanche-Neige s’éprit de lui et elle l’accompagna, et leurs noces furent célébrées dans la magnificence et la somptuosité. Mais à ce grand mariage princier, la reine terrible et maudite marâtre de Blanche-Neige fut invitée aussi. Quand elle se fut richement habillée et parée elle alla devant son miroir pour lui poser sa question :
- Miroir, gentil miroir, dis-moi, dans le royaume qui est la femme la plus belle ?
Et le miroir lui répondit :
- Dame la reine, ici vous êtes la plus belle, mais la nouvelle reine est mille fois plus belle.
Franz Jüttner
Un juron échappa à l’horrible femme qui fut prise d’effroi, d’un tel effroi qu’elle ne savait plus que devenir. Pour commencer, son idée fut de ne pas aller du tout aux fêtes du mariage. Mais elle ne put y tenir et il fallut qu’elle y allât, dévorée par la jalousie pour voir cette jeune reine. Lorsqu’elle fit son entrée, elle reconnut immédiatement Blanche-Neige, et la peur qu’elle en eut la cloua sur place, sa terreur l’empêcha de bouger. Mais on lui avait préparé des souliers de fer qui étaient sur le feu, à rougir. On les lui apporta avec des tenailles et on les mit devant elle, l’obligeant à s’en chausser et à danser dans ces escarpins de fer rouge jusqu’à sa mort, qui suivit bientôt.
Jakob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859) Grimm