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Date de création : 13.04.2009
Dernière mise à jour :
15.10.2017
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Les lavandières de nuit
(Laveuses de nuit, blanchisseuses de nuit, lessiveuses de la mort, femmes de nuit, chanteuses de nuit, pâles de la nuit [Franche-Comté], bugadiero [Provence])
Les lavandières surnaturelles apparaissent la nuit près des eaux mortes ou des lavoirs, et manifestent leur présence par des chants et des coups de battoir sur le linge mouillé.
Leur rencontre est toujours de mauvais augure, et présage souvent une mort imminente. Contrairement aux fées de l’eau, qui viennent faire leur lessive au bord des rivières, et obtiennent un linge si pur que l’on dit «blanc comme le linge des fées», aux sirènes, qui blanchissent leur linge dans l’écume de la mer, ou aux incantados, créatures mi-anges mi-serpents qui viennent plonger leur linge dans les sources sacrées, les lavandières de nuit sont des créatures aux instincts morbides dont il vaut mieux se garder.
Il s’agit le plus souvent de sorcières, de mortes qui n’ont pas été ensevelies dans un linceul propre - c’est pour cela qu’elles reviennent la nuit le laver - ou de fantômes revenus sur terre pour expier un châtiment.
Leurs fautes les plus communes sont d’avoir osé faire de leur vivant leur lessive le dimanche, défiant ainsi la règle du repos dominical, d’avoir trop économisé le savon ou d’avoir tué leurs propres enfants : dans ce cas, elles sont condamnées à laver jusqu’à la fin des temps les langes sanglants de leurs poupons sans vie.
En Basse-Bretagne, le linge qu’elles tendent aux passants contient un nourrisson ensanglanté. A Dinan, les laveuses de nuit blanchissent les os des enfants morts sans baptême.
En Provence, les bugadiero sont des sorcières, des «masques», qui invitent les jeunes hommes à venir danser avec elles, mais c’est pour mieux les pousser au fond de l’eau, où elles les dévorent ensuite.
Ismaël Mérindol, natif de Provence, eut plusieurs fois l’occasion de croiser les silhouettes décharnées de ces monstrueuses lavandières lorsqu’il était enfant.
Déjà initié aux contre-sortilèges des fées, il les faisait fuir par cette comptine :
Vé la Bugadiero, va la Masco !
Va prendro moun pied au derriero !
En Bretagne, on les appelles ar kannerez-noz, «les chanteuses de nuit». Elles apparaissent aux heures impaires de la nuit et filent des draps et des suaires avec leurs cheveux blancs puis les lavent dans la rivière.
Si elles voient un promeneur passer près d’elles aux alentours de minuit, elles le hèlent afin qu’il vienne les aider à tordre leur linge pour mieux l’essorer.
Mais elles le tordent à toute vitesse, si bien que le malheureux finit bientôt les membres brisés. Collin de Plancy voit dans ces monstres une variété de Dames blanches : «On appelle lavandières ou chanteuses de nuit des femmes blanches qui lavent leur linge en chantant, au clair de lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras à qui les aides de mauvaise grâce.»
Au lavoir d’Oberbronn, en Alsace, une Dame blanche se tenait jadis à l’écart des autres lavandières pour laver en silence les chemises des trépassés.
Cambry confirme que ces laveuses de nuit «vous invitent à tordre leur linge, vous cassent les bras si vous les aidez de mauvaise grâce, et vous noient si vous les refusez.»
Le récit suivant, conté par Emilie Souvestre et rapporté par Paul Sébillot, illustre bien la cruauté des lavandières de nuit : «Un garçon du pays de Léon qui, au lieu de prier pour les défunts, avait passé joyeusement la nuit de la Toussaint, vit, en arrivant à un douez, les kannerez-noz qui frappaient leurs draps mortuaires en chantant leur triste refrain ; elles accoururent à lui, en lui présentant leurs suaires et en lui criant de le tordre. Il accepta, et pour éviter d’être broyé, il tordit d’abord dans le même sens qu’elles ; mais pendant ce temps, d’autres lavandières, parmi lesquelles il reconnut ses parentes défuntes, lui reprochèrent de les avoir laissées manquer de prières. Troublé par ces paroles, il tordit de l’autre côté : le linceul serra à l’instant ses mains, et il tomba mort, broyé par les mains de la lavandière.»
On dit aussi que, «au lieu de se serrer, comme c’est naturel, le linge vient à s’enfler, ce n’est plus l’eau du lavoir qui en égoutte, et vous distinguez en ce linceul un cadavre ; et la fée tourne plus vite, elle vous attire, elle vous jette sur l’épaule un pli du suaire et elle vous ensevelit.»
Paul Féval, dans Les Dernières Fées, cite le refrain suivant, chanté par les lavandières :
Tors la guenille,
Tors
Le suaire des épouses des morts.
Quant aux lavandières du Berry, elle lavent «une espèce de vapeur d’une couleur livide, d’une transparence terne qui rappelle celle de l’opale. Cela semble prendre quelque apparence de forme humaine et l’on jurerait que cela pleure. On pense que ce sont des âmes d’enfants trépassés sans baptême ou d’adultes morts avant d’avoir reçu le sacrement de confirmation ; elles s’acquittent de leur besogne avec une sorte d’acharnement, presque toujours en silence.»
Mais il suffit de faire le signe de croix pour voir ces âmes damnées s’envoler