TENY MALAGASY
RAKOTO FRAH na i DADA KOTO dia anisany mpanakanto nanamarika ny ZAVA- KANTO ihany koa.
Ka tsara ihany angamba ny hahafantarana bebe kokoa ny momba azy. Ity mba misy sombiny amin' izany, izay nifanaovany tamin' ny ERIC MANANA.
Mirary fihainona mahafinaritra ho anao.
VERSION FRANCAISE
Le maître de la flûte malgache
Propos recueillis par Patrick Lavaud avec l'aide de Benny Rabenirainy
L'homme est petit, avec un regard lumineux et profond. Des yeux très noirs, pleins de tendresse, de malice et de générosité.
A soixante-dix ans passés, Philibert Rabazoza dit Rakoto Frah est le musicien le plus connu de Madagascar. Cette grande popularité nationale, ce vieux musicien routinier la doit paradoxalement à une petite flûte, la sodina. Un instrument qu'il fabrique lui-même, dont il joue depuis l'âge de sept ans et avec laquelle il fut choisi, il y a plus de trente-cinq ans, pour illustrer les billets de banque malgaches de mille ariatry.
A l'initiative des Nuits Atypiques de Langon qui viennent d'éditer un disque de chants polyphoniques malgaches du groupe Feo-Gasy dont il fait partie qui l'ont choisi comme Président d'honneur de leur cinquième édition, Rakoto Frah sera en tournée en France cet été
Rakoto Frah, où et quand es-tu né ?
Je suis né en 1923 à Nakadande dans la banlieue de Antanananvo. Mon père était originaire de la région de Fenorantsoa, ma mère de Antananarivo. Nous étions onze enfants dans la famille dont sept garçons qui jouaient tous de la flûte (sodina). Je suis le dernier de la famille et je n'ai plus qu'un seul frère vivant.
Pourquoi tous les garçons dans ta famille jouaient-ils de la flûte ?
C'était un instrument populaire dans la région de Fenorantsoa. Tout le monde en jouait. Il y a encore un musicien qui a environ cent vingt ans - il est cultivateur - qui en joue toujours. La flûte dont on jouait quand j’étais jeune était un flûte à trois trous.
Y avait-il des musiciens dans ta famille ?
Mon père ne jouait pas de flûte mais il était chanteur dans la cour du roi.
A quel âge as-tu commencé à jouer de la flûte et quand as-tu commencé à être connu ?
J'ai commencé à sept ans. A dix, j'étais déjà le responsable d'un groupe et j'ai commencé à être connu à douze ans. C'était du temps de la colonisation française. Les Français avaient organisé une grande fête d'une semaine sur le stade de Mabamassina. C'était l'endroit où l'on sacrait les rois. Chaque canton de tout Madagascar était représenté par des artistes. Notre chef de canton m'avait choisi pour jouer. Il y avait beaucoup de monde. Les musiciens venaient de partout.
Quand as-tu acquis la notoriété dans tout Madagascar ?
C'était en 1958 quand le Général de Gaulle est venu à Madagascar. Je faisais partie des musiciens qui l'accompagnaient dans les rues de Antananarivo jusqu'au palais du chef administrateur. C'est là que tout le monde m'a découvert.
J'avais été contacté par le premier Président malgache qui me connaissait et qui m'avait déjà vu jouer. J'y suis allé avec mon groupe. Nous étions dix-huit.
J'ai été aussi boulanger et ferrailleur. Mes parents étaient âgés à ma naissance, j'ai été orphelin très tôt et il a donc fallu que je travaille de bonne heure. Un Français m'a pris comme aide-boulanger et j'ai travaillé là jusqu'à ma majorité. Après, je suis devenu ferrailleur.
A quelles occasions jouais-tu ?
J'ai beaucoup joué pour faire danser les gens, notamment une danse que l'on appelle "la danse des ancêtres" qui est très expressive au niveau des bras. Je connais beaucoup d'airs de ce répertoire traditionnel, très populaire dans la région des hauts plateaux. J'étais surtout convié pour jouer pour les circoncisions et les exhumations que l'on appelle aussi retournements des morts (famadihana). J'ai aussi beaucoup joué pour des mariages, des fiançailles. Là où on jouait le plus, c'était le premier jour de la récolte du riz. C'était une fête très importante.
Peux-tu m'en dire davantage sur le retournement des morts ?
D'après le message des ancêtres, il faut exhumer les morts et changer leur linceul, la périodicité dépendant de la richesse de la famille. Contrairement au décès lui-même qui est un moment triste, le retournement des morts est une grande fête, joyeuse, gaie. C'est un peu le lien entre les morts et les vivants. Il ne faut alors plus pleurer et vraiment faire la fête.
Quel est le rôle des musiciens ?
A Madagascar, c'est vraiment une très grande fête, ça peut durer d'un jour à une semaine, entre juin et octobre, cela dépend de l'argent de la famille. Et on a besoin de musiciens pour accompagner la cérémonie et pour faire danser les gens. On y trouve de nombreux instruments flûte, kabosy, accordéon, trompette, etc...
Qui te demande de venir jouer ?
C'est toujours la famille qui m'appelle, que ce soit pour le retournement des morts ou pour la circoncision. Il m'est arrivé de partir pour une durée de deux jours de route ce qui équivaut à peu près à cinq cent kilomètres. Je joue presque toute la nuit jusqu'au petit matin.
Et la circoncision ?
C’est aussi un message des ancêtres qui dit que l’homme doit être circoncis dès son enfance. C'est une très grande fête à Madagascar qui peut durer du début de l'après-midi jusqu'au petit matin. La circoncision elle-même se passe vers cinq heures du matin. Il y a beaucoup d'objets sacrés que l'on met dans les coins de ta maison : de la canne à sucre, de l'eau de source dans une calebasse pour nettoyer la plaie, un tronc de bananier.
Que joues-tu pour le retournement des morts et la circoncision ?
Il y a des musiques sacrées que l'on joue spécialement pour l'exhumation. Autrement, ça dépend surtout de la demande des gens. C'est à eux. plutôt qu'au musicien, de choisir le répertoire.
Où as-tu appris toutes ces musiques ?
J'ai entendu les vieux les jouer. Je ne les interprète pas toujours de la même manière. e les change un peu, je les arrange à ma façon. Pour moi, la musique. ça dépend surtout de l'interprète, de la manière de jouer et des instruments. La musique n'est pas du tout figée.
Quand as-tu commencé à jouer à l'étranger ?
Après avoir accueilli le Général de Gaulle, je n'ai pas vraiment fait autre chose que jouer et animer les fêtes. les retournements des morts et les circoncisions. J'ai quitté Madagascar la première fois en 1967 pour me rendre au Festival International d'Alger. Je faisais partie d'une sélection nationale composée de dix-huit musiciens représentant à peu près les dix-huit ethnies de l'île. Il y avait quatre-vingt quinze participants et c'est Madagascar qui a gagné la médaille d'or.Ensuite, j'ai joué au Japon, en Angleterre, en Amérique. en Inde, en Allemagne. en Chine, en Norvège, en Finlande, en Australie et bien sûr en France. Je n'ai jamais été en Afrique du Sud mais j'ai rencontré, en Inde. les chanteurs du groupe Ladysmith Black Manbazo.
Quels sont tes plus grands souvenirs de musicien ?
Je n'ai pas vraiment d'échelle de valeur pour mesurer tout ça. Ce qui est important pour moi, c'est que les gens m'apprécient et que là où on m'appelle j'essaie toujours de faire le maximum pour qu'ils soient contents.
Comment fais-tu pour jouer avec d'autres musiciens ?
Je ne joue que d'oreille. Alors quand je joue avec d'autres, j'essaie de savoir dans quelle tonalité ils jouent.
Aujourd'hui, avec quel type de flûte joues-tu ?
Je joue avec toutes les flûtes qui me tombent sous la main. Je joue également avec des flûtes que je fabrique moi-même avec parfois n'importe quoi : du PVC, des tringles de rideau...
Pour un Malgache que représentent les ancêtres ?
La représentation de Dieu, dans la philosophie malgache. c'est un peu intermédiaire entre les vivants et le dieu.
Pour être un bon musicien a-t-on besoin des ancêtres ?
Certains le croient. Parmi mes élèves, il y en a un qui vient de très loin-qui a demandé la bénédiction des ancêtres pour jouer de la flûte. En un mois. il a su en jouer.
Comment devenir ton élève ?
Il n'y a pas d'inscription. Il suffit juste de donner une participation qui est équivalente à cinq francs français pour l'année. J'ai actuellement quatre vingt-douze élèves.
Quel est le plus important pour toi dans la vie ?
La musique est ce qu'il y a de plus important. plus important que ma famille même.
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LES FLUTES MALGACHES
La sodina dont joue Rakoto Frah est une flûte à six trous (avec un trou en plus pour le pouce de la main gauche). Il les fabrique lui-même, le plus souvent, mais également dans des matériaux divers (plastique, par exemple). Elles sont de tailles et de tonalités différentes. Son jeu est mal aisé pour ceux qui ont l'habitude de flûtes à bec ou avec embouchure car la sodina n'a ni bec, ni embouchure. Rakoto Frah joue avec sa sodina légèrement inclinée sur un côté et c'est la lèvre qui en fonction de l'angle donné par rapport à la flûte, sert d'encoche. Pour produire le son, il fait alors ricocher le souffle sur le haut de la flûte.
La sodina est le terme générique utilisé par les Malgaches pour désigner les flûtes. On en trouve de différentes sortes, partout à Madagascar, pour la plupart construites en bambou ou en roseau. Les flûtes sont uniquement jouées par des hommes et toujours par des ensembles habituellement constitués de trois flûtistes et de percussionnistes (langorony et ampongabe). On peut parfois rencontrer des groupes avec deux flûtistes seulement mais pour cette musique polyphonique, un plus grand nombre de flûtistes (quatre ou cinq> donne plus de complexité et de variété aux pièces grâce aux nouvelles entrées. Les ensembles prennent part aux cérémonies laïques ou religieuses comme la circoncision.
SOURCES : http://www.nuitsatypiques.org/docs/interviews/rakotfrah.htm