Un jour il y a de cela bien longtemps j’entrepris le plus beau desvoyages, mais ce fût aussi l’un des plus cruels. L’Amérique fût ma destination. Je suis en quelque sorte un genre de vagabond, j’aime errer de par le monde de ville en ville, de paysage en paysage et je n’ai comme ultime bagage que mon sac à dos et une carte ; c’est tout ce dont j’ai vraiment besoin à vrai dire ! en bas d’un sublime canyon je décide de m’arrêter pour une nuit, à la belle étoile je dormirais au bout d’un long moment sans comprendre ni pourquoi ni comment, je me retrouve en un magnifique endroit c’est pourtant le même qu’il y a un instant à une exception près, j’évolue parmi les hommes, des indiens sont tous autour de moi je ne comprends pas ce qui m’arrive , mais bon puisque je suis là je me sens comme porté par je ne sais quelle volonté ; assis autour du feu nous écoutons tous le vieil homme qui nous narre les histoires d’antant et mon Dieu que c’est passionnant, la lune immaculée qui brille de mille feux illumine fièrement cette terre éprise de liberté, la seule qui leur reste après toutes ces années. Les chants envoutants résonnent dans le silence de la nuit ; autour du feu hommes, femmes et enfants dansent et chantent dans la plus parfaite des harmonies, je crois rêver c’est comme une toile peinte et qui soudain prend vie, je les regarde émerveillé. Je peux ressentir à cet instant toute la force de ce peuple et toute la souffrance qu’il a pu endurer, leurs chants m’inondent, et ils s’imprègnent en moi . Une telle compassion et un tel partage je suis émerveillé, et complètement décontenancé mais quelle fierté de pouvoir être accepté parmi eux tous simplement comme l’un d’entre eux, jamais il ne m’ont jugé ils m’ont simplement tendu la main et convié à leurs cotés rien n’est plus honorable que ce geste de fraternité, les rires d’enfants, les chants, tout est magnifique et dans cette ambiance magique je me sens comme apaisé, totalement délivré. Autour du feu on fait passer le calumet tel un ultime moment de partage que moi privilégié je vais pouvoir apprécier, on m’initie à ce rite ancestral et je suis fier, fier d’être considéré comme un frère par ses gens si simples et si humains, ces représentants de la nature qui ne vivent que pour la protéger ils ne lui prennent que ce dont ils ont besoin pour pouvoir vivre et sans jamais gaspiller, avec respect et humanité. J’aspire une bouffé, puis deux, je me sens tellement bien et je prie secrètement à la lune d’ouvrir mon esprit et d’apporter la perception à mes yeux encore si ignorants, je suis comme en apesanteur, en harmonie totale avec moi-même. Peu à peu je commence à divaguer et mon corps devient plus léger, j’ai presque l’impression de flotter ; je ferme les yeux un court instant et soudainement des images venues d’un autre temps emplissent mon esprit j’entends le chant de l’aigle, il vole sous le ciel étoilé, majestueux et fier, et son chant me fait voyager. Tout est si beau vu de là haut ! par ses yeux il me fait entrevoir ce que l’œil ne peut percevoir , je ressens, et maintenant je comprends, tout devient clair en mon esprit, c’est magnifique , c’est un moment unique. Dans la forêt le loup chante à la lune son cri d’amour éperdu, dans mon champ de vision des paysages à perte de vue sublimes , irréels ! je suis un homme comblé, une telle plénitude ne peut être décrite, c’est comme un rêve tout en étant éveillé. Soudain, dans un écho, des cris, des pleurs et la frayeur me donne un souffle au cœur la prairie est en feu, et le bruit des fusils transfigurent la nuit ; le village est attaqué par la cavalerie, le traité a été outragé et l’infâme arrivé j’ai beau crier, j’ai beau hurler arrêtez !mais quelle folie je vous en supplie pourquoi tant de cruauté ! revenu sur la terre ferme je fonce tout droit sur un soldat mais mon corps le traverse et je tombe à genoux, c’est comme si je n’existais pas , je ne comprends pas pourquoi ,je reste là à rien pouvoir faire, ultime spectateur de cette horrible tragédie. Je suis anéanti de douleurs, tout ce sang versé , le feu, les femmes , les enfants tous tués l’un après l’autre. Le vieil homme me regarde gisant sur le sol dans son propre sang et il me dit dans un dernier souffle de vie : vois mon frère, vois et souviens toi toujours de ce jour maudit…, c’est une agonie, un affront à dieu et à la vie. Plus loin j’entends le plus gradé crier à ses troupes, "tuez les tous, ce sont des sauvages, leur vie ne vaut rien" ! Des sauvages quelle ironie, quelle infamie ! les hommes sont des monstres ils prennent ce qui ne leur appartient pas ! Ils prennent sans remord pour assouvir leur sombre dessin, ils enflamment, ils tuent et ils condamnent ce que leur cerveau dénuée d’humanité n’est pas à même de pouvoir comprendre. Ils s’approprient ce qui est beau, ils s’approprient leurs terres, celles de leurs ancêtres, celle où l’âme de leurs fiers guerriers repose pour l’éternité. Aucune sépulture ne leur sera donnée et pourtant de croyance ils sont faits, l’homme est le pire des prédateurs pour l’homme il n’est même pas digne d’être un animal, car l’animal lui ne tue pas par plaisir. Les chants ont disparu et le loup ne chante plus, mes amis braves et fiers sont tous morts sacrifiés et leur esprit a rejoint les anciens dans la plaine torturée ; ils se sont comme dissipés dans la fumé de ce sombre brasier. Soudain je tombe à terre, mon corps est vidé, mon âme est souillée. Au moment où je reprends enfin mes esprits mon visage est livide et mes larmes coulent à flots, je sens que quelque chose d’inexplicable cherche à sortir de mon corps comme si un esprit avais pris possession de mon être , j’entends de nouveau le chant de l’aigle, son regard est perçant et me regarde fixement et c’est alors que je comprends enfin ce qui vient de ce passer, l’esprit des anciens m'a initiée à ce troublant voyage pour me monter ce que fût leur vie et leur souffrance pour que je puisse un jour vous raconter leur histoire. Elle restera à jamais gravée dans mon cœur et ma mémoire. De nos temps on peut encore trouver des indiens mais pour la plupart ils sont parqués dans des lieux où leur liberté s’arrête à la limite de leurs réserves, quelle générosité de la part de leurs bourreaux, c’était l’ultime berceau d’une culture magnifique et sacrifiée tant d’injustice, tant de sang et pourquoi …  Je ne prétends pas détenir l’ultime vérité mais au bout du compte le résultat ne reste-t-il pas le même...