Météo : pourquoi fait-il si doux?

Après les records de températures de ce week-end, deux météorologues nous aident à mieux comprendre le phénomène.

Depuis le début du mois de novembre, la France enregistre une chaleur exceptionnelle

Des plongeons dans l'Atlantique et des promenades en simple short et t-shirt...

Partout dans l'Hexagone, les Français ont profité d'un week-end à l'exceptionnelle douceur, avec des températures parfois dix degrés au dessus de la normale : 27,8° à Biarritz, plus de 21,6° à Paris, 22,9° à Poitiers…

Plus largement, après des mois de septembre et d'octobre plus frais que la moyenne, le thermomètre s'emballe depuis la Toussaint.

 Deux prévisionnistes nous aident à comprendre ce redoux spectaculaire.

La douceur actuelle est-elle exceptionnelle? En soi, un épisode de douceur en novembre n'a rien d'exceptionnel, ça a même un nom : l'«été de la Saint-Martin».

Mais l'intensité de ce phénomène cette année est inédite. «C’est du jamais-vu sur la plupart des stations, y compris les plus anciennes, explique ainsi Frédéric Decker, météorologue pour MeteoNews, et lameteo.org. Les tout premiers relevés en France datent du milieu du XVIIe siècle. Pour la région parisienne notamment, c’est un record absolu sur 400 ans.On est effectivement dans un cas exceptionnel».

Comment expliquer cet épisode d’extrême douceur?

«Depuis la fin octobre, la France bénéficie d'un énorme anticyclone situé entre le Maghreb, l’Europe central et l’ouest de la Russie, observe Frédéric Decker. Cet anticyclone dirige un flux d’air de sud à sud ouest vraiment très très doux».

Même constat pour Emmanuel Streby, météorologue à La Chaîne Météo : «Cet anticyclone repousse les perturbations très au nord, en Scandinavie. Et la France reçoit un air chaud d'origine tropicale».

L'été indien peut-il encore durer ?

Il faut se faire une raison. Le cap des 20° sera rarement dépassé dans les prochains jours. «Des perturbations vont se rapprocher des cotes de la Manche, prévient Emmanuel Streby. On aura beaucoup plus souvent de nuages bas, ce qui empêchera le soleil de réchauffer les basses couches».

Toutefois, les températures resteront très clémentes. «On retrouvera une douceur un peu plus raisonnable, de 2 à 5 ° au-dessus des normales», estime Frédéric Decker.

Le phénomène El Niño peut-il expliquer ces températures exceptionnelles ?

Le phénomène climatique El Niño, particulièrement intense en 2015, se traduit par un réchauffement des eaux de surface de l'océan Pacifique central et oriental (voir infographie). Il entraîne diverses perturbations climatiques au niveau planétaire : Les météorologues restent toutefois prudents sur son implication dans la douceur actuelle. «Il est un peu compliqué de mettre en relation le temps qu’il fait en Europe et El Niño, estime Frédéric Decker.

Lors des derniers El Nino vraiment forts, en 1997 - 1998 et en 1982 -1983, il y avait eu des coups de chaud en octobre et en novembre en France . Cette année, septembre et octobre ont été plus froids que la moyenne, ce qui contredit un peu l’effet El Niño».

«Nous ne disposons pas de beaucoup d’études statistiques pour établir un lien entre les deux épisodes, estime également Emmanuel Streby. A priori, avec un El Niño puissant, on peut s'attendre à un hiver doux mais tempétueux en Europe». L’hiver 2015- 2016 sera-t-il doux ou glacial ? Pour Frédéric Decker, «les premières tendances nous disent qu’on va sur un hiver assez doux. Nous pouvons le dire avec 60% de fiabilité.»

Pour La Chaîne Météo, il est hasardeux de trop s’avancer :

«Les grands froids sont complètement exclus de nos scénarios jusqu’à fin novembre au moins... Statistiquement, on ne peut pas aller beaucoup plus loin».

Bref, mieux vaut garder son bonnet et ses gants pas trop loin de sa garde-robe. Ce redoux est-il un signe du réchauffement climatique ? Là encore, les météorologues interrogés ne veulent pas tirer de conclusions.

«On peut dire simplement que les records sont battus assez régulièrement et que ça commence à faire beaucoup !, concède Emmanuel Streby. Mais peut-être que dans deux ans on se retrouvera avec des vagues de froid».

«Depuis toujours, il y a des successions d’hivers froids suivis d’hivers doux, relativise Frédéric Decker. On ne peut pas mettre cela forcément en lien avec le réchauffement».

En revanche, les statistiques réalisées à l'échelle mondiale accréditent la thèse d'une hausse globale des températures . «On peut dire que, sur les dix dernières années, au niveau planétaire, bon nombre d’entre elles ont été les plus chaudes».

Les plus récentes études confirment le réchauffement. A moins d'un mois de la conférence de Paris sur le climat (COP21), l'Institut météorologique britannique a estimé lundi qu'en 2015, la hausse des températures mondiales aura atteint +1°C par rapport à l'ère pré-industrielle (1850 - 1900).