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Date de création : 13.04.2009
Dernière mise à jour :
15.10.2017
124619 articles
Le Renard et le Bouc
Capitaine renard allait de compagnie En toute chose il faut considérer la fin.
Jean de La Fontaine, Fable V, Livre III. |
Le Loup, la Mère et l'Enfant
Ce loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris:
Il y périt. Voici l'histoire:
Un villageois avait à l'écart son logis.
Messer loup attendait chape-chute à la porte:
Il avait vu sortir gibier de toute sorte,
Veaux de lait, agneaux et brebis,
Régiments de dindons, enfin bonne provende.
Le larron commençait pourtant à s'ennuyer.
Il entend un enfant crier :
La mère aussitôt le gourmande,
Le menace, s'il ne se tait,
De le donner au loup. L'animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d'une telle aventure,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture,
Lui dit: « Ne criez point; s'il vient, nous le tuerons.
- Qu'est ceci? s'écria le mangeur de moutons :
Dire d'un, puis d'un autre! Est-ce ainsi que l'on traite
Les gens faits comme moi? me prend-on pour un sot?
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette! »
Comme il disait ces mots, on sort de la maison :
Un chien de cour l'arrête; épieux et fourches-fières
L'ajustent de toutes manières.
« Que veniez-vous chercher en ce lieu? » lui dit-on.
Aussitôt il conta l'affaire.
« Merci de moi! lui dit la mère;
Tu mangeras mon fils! L'ai-je fait à dessein
Qu'il assouvisse un jour ta faim? »
On assomma la pauvre bête.
Un manant lui coupa le pied droit et la tête:
Le seigneur du village à sa porte les mit;
Et ce dicton picard à l'entour fut écrit:
«Biaux chires leups, n'écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie. »
Jean de La Fontaine, Fable XVI, Livre IV.
La Grenouille et le Rat
« Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui
Qui souvent s'engeigne soi-même. »
J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui:
Il m'a toujours semblé d'une énergie extrême.
Mais afin d'en venir au dessein que j'ai pris,
Un rat plein d'embonpoint, gras, et des mieux nourris,
Et qui ne connaissait l'avent ni le carême,
Sur le bord d'un marais égayait ses esprits.
Une grenouille approche, et lui dit en sa langue
« Venez me voir chez moi; je vous ferai festin. »
Messire rat promit soudain :
Il n'était pas besoin de plus longue .harangue.
Elle allégua pourtant les délices du bain,
La curiosité, le plaisir du voyage,
Cent raretés à voir le long du marécage :
Un jour il conterait à ses petits-enfants
Les beautés de ces lieux, .les mœurs des habitants,
Et le gouvernement de la chose publique
Aquatique.
Un point, sans plus, tenait le galand empêché :
Il nageait quelque peu, mais il fallait de l'aide.
La grenouille à cela trouve un très bon remède:
Le rat fut à son pied par la patte attaché;
Un brin de jonc en fit l'affaire.
Dans le marais entrés, notre bonne commère
S'efforce de tirer son hôte au fond de l'eau,
Contre le droit des gens, contre la foi jurée;
Prétend qu'elle en fera gorge-chaude et curée;
C'était, à son avis, un excellent morceau.
Déjà dans son esprit la galande le croque.
Il atteste les dieux; la perfide s'en moque:
Il résiste; elle tire. En ce combat nouveau,
Un milan, qui dans l'air planait, faisait la ronde,
Voit d'en haut le pauvret se débattant sur l'onde.
Il fond dessus, l'enlève, et par même moyen
La grenouille et le lien.
Tout en fut: tant et si bien,
Que de cette double proie
L'oiseau se donne au cœur joie,
Ayant de cette façon
A souper chair et poisson.
La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.
Jean de La Fontaine, Fable XI, Livre IV.
Le Loup, la Chèvre et le Chevreau
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet:
« Gardez-vous, sur votre vie,
D'ouvrir que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet :
Foin du loup et de sa race! »
Comme elle disait ces mots,
Le loup de fortune passe;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N'avait pas vu le glouton.
Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton
Et d'une voix papelarde
Il demande qu'on ouvre, en disant : « Foin du loup! »
Et croyant entrer tout d'un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point »,
S'écria-t-il d'abord.
Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,
Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre loup avait entendu?
Deux sûretés valent mieux qu'une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
Jean de La Fontaine, Fable XV, Livre IV.
Le petit Poisson et le Pêcheur
Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie;
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c'est folie:
Car de le rattraper il n'est pas trop certain.
Un carpeau, qui n'était encore que fretin,
Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.
« Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin;
Voilà commencement de chère et de festin:
Mettons-le en notre gibecière. »
Le pauvre carpillon lui dit en sa manière :
« Que ferez-vous de moi? je ne saurais fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.
Laissez-moi carpe devenir :
Je serai par vous repêchée;
Quelque gros. partisan m'achètera bien cher:
Au lieu qu'il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat: quel plat? croyez-moi, rien qui vaille.
- Rien qui vaille? Eh bien! soit, repartit le pêcheur:
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire. »
Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras :
L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.
Jean de La Fontaine, Fable III, Livre V.
La Poule aux oeufs d'or
L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un œuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor:
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches!
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus,
Qui du soir au matin sont pauvres devenus,
Pour vouloir trop tôt être riches!
Jean de La Fontaine, Fable XIII, Livre V.
Le Vieillard et l'âne
Un vieillard sur son âne aperçut, en passant,
Un pré plein d'herbe et fleurissant:
Il y lâche sa bête, et le grison se rue
Au travers de l'herbe menue,
Se vautrant, grattant, et frottant,
Gambadant, chantant, et broutant,
Et faisant mainte place nette.
L'ennemi vient sur l'entrefaite.
« Fuyons, dit alors le vieillard.
- Pourquoi? répondit le paillard :
Me fera-t-on porter double bât, double charge?
Non pas, dit le vieillard, qui prit d'abord. le large.
Et que m'importe donc, dit l'âne, à qui je sois?
Sauvez-vous, et me laissez paître.
Notre ennemi, c'est notre maître :
Je vous le dis en bon françois. »
Jean de La Fontaine, Fable VIII, Livre VI.
Le Gland et la Citrouille
Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cet univers, et l'aller parcourant,
Dans les citrouilles je la treuve.
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros et sa tige menue:
« A quoi songeait, dit-il, l'auteur de tout cela?
Il a bien mal placé cette citrouille-là.
Hé parbleu! je l'aurais pendue
A l'un des chênes que voilà;
C'eût été justement l'affaire:
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.
C'est dommage, Garo, que tu n'es point entré
Au conseil de celui que prêche ton curés:
Tout en eût été mieux; car pourquoi, par exemple,
Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt,
Ne pend-il pas en cet endroit?
Dieu s'est mépris: plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo
Que l'on a fait un quiproquo. »
Cette réflexion embarrassant notre homme :
« On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit. »
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe: le nez du dormeur en pâtit.
Il s'éveille; et, portant la main sur son visage,
Il trouve encor le gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage.
« Oh! oh! dit-il, je saigne! et que serait-ce donc
S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde,
Et que ce gland eût été gourde?
Dieu ne l'a pas voulu: sans doute il eut raison,
J'en vois bien à présent la cause. »
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
Jean de La Fontaine, Fable IV, Livre IX.
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