analyse
La France reste prudente mais pas inactive face aux événements sur l'île, soucieuse de ne pas reproduire ses maladresses de 2002, quand le Quai d'Orsay avait tardé à reconnaître la victoire du président Ravalomanana
Profil bas de rigueur. Accusé dans un passé récent de s’ingérer à mauvais escient dans les affaires intérieures de Madagascar, la France se montre très prudente dans la gestion de la crise politique qui secoue actuellement son ancienne colonie, indépendante depuis 1960. Prudente, mais pas inactive.
Ce mercredi, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, s’est ainsi entretenu avec le président malgache, Marc Ravalomanana, et son rival, le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, pour «trouver une issue pacifique et durable à la crise». L’ancienne puissance coloniale se dit attachée au respect de «l’ordre constitutionnel» et affirme vouloir rester «strictement impartiale».
Pas si simple, note-t-on à Paris. Car quand le Quai d’Orsay se tait, l’opposition malgache se croit soutenue par la France. Et quand l’ancienne puissance coloniale affirme son attachement à l’ordre constitutionnel, le président Ravalomanana assure qu’elle va l’aider à arrêter les fauteurs de troubles…
Un hôte encombrant: l'ancien président Ratsiraka
Le souvenir de la crise des années 2001 et 2002 est dans tous les esprits. Durant plus de six mois, Paris avait renâclé avant de prendre acte de la victoire de Marc Ravalomanana sur le président sortant Didier Ratsiraka, un proche de Jacques Chirac, alors au pouvoir à l’Elysée. Il avait fallu l’arrivée de Dominique de Villepin au Quai d’Orsay pour que la diplomatie française change - tardivement - de cap.
Dans la crise actuelle, Paris doit compter avec un hôte encombrant. Didier Ratsiraka, en exil dans la capitale française et qui refait parler de lui ces temps-ci. En décembre dernier, le conflit larvé entre le chef de l’Etat malgache et son principal adversaire, le jeune maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, a éclaté au grand jour à la suite de la diffusion sur sa chaîne de télévision «Viva» d’un entretien avec Ratsiraka, très critique contre son successeur. Peu après, le pouvoir ordonnait la fermeture de la chaîne.
Autre source de contentieux: la présence dans l’entourage du maire de la capitale malgache du neveu de l’ancien président, Roland Ratsiraka. Mercredi, le président Ravalomanana a affirmé qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui, sans donner plus de précision.
L'ambassadeur français et le mauvais œil
La crise de 2002 a laissé des cicatrices entre Paris et Madagascar. Maîtrisant mal le français, pro-américain par inclination personnelle, le tombeur de Ratsiraka a écarté les entreprises hexagonales de nombreux marchés sur la Grande Ile depuis son accession au pouvoir.
Plus anecdotique, mais pas moins révélateur: l’été dernier, le président malgache avait brutalement congédié l’ambassadeur de France, Gildas Le Lidec. Apparemment, «Ravalo» aurait eu peur qu’il lui jette le mauvais œil: Le Lidec était en poste à Kinshasa quand Laurent-Désiré Kabila a été assassiné, et à Abidjan lors des dramatiques événements de novembre 2004, qui ont précipité le départ de plusieurs milliers de Français de Côte d’Ivoire… Le Lidec n’a pas été remplacé depuis et Paris est actuellement représenté par une chargée d’affaires à «Tana».
Quelque 25.000 Français vivent à Madagascar, dont la moitié a la double nationalité. L’île compte aussi 2.500 ressortissants de l’Union européenne. Le porte-parole du Quai d’Orsay a affirmé mercredi qu’aucun navire militaire français n’avait été envoyé au large de la Grande Ile, démentant une rumeur colportée à Madagascar.
Source : http://www.liberation.fr/monde/0101315453-crise-a-madagascar-l-embarras-bleu-blanc-rouge