C’est avec les Trente Glorieuses (1945-1975) que l’idée de loisir va devenir partie intégrante de notre univers et que vont se développer les vacances de masse : huit millions de vacanciers en 1951, vingt millions en 1966, plus de vingt-cinq millions en 1974…
Le Front populaire avait voté en 1936 la fameuse loi sur les congés payés accordant douze jours ouvrables et trois dimanches de vacances. En 1956, le Parlement porte la durée de ces congés à dix-huit jours ouvrables plus leurs trois dimanches. En 1969, c’est la généralisation des quatre semaines. Un acquis irréversible.

Dans les premiers temps des congés payés, avant la Seconde Guerre mondiale, le vacancier rejoignait plutôt sa famille à la campagne, une communauté villageoise à laquelle il avait encore le sentiment d’appartenir et qu’il aidait aux travaux des champs : moisson, récoltes diverses, vendanges... À partir des années 1950, c’est la mer qui commence à l’emporter sur la campagne et la montagne.

Les vacances sont en général prises d’un seul bloc. En 1964 par exemple, seuls 5 % des gens morcellent leurs congés. La période retenue par la quasi-totalité des touristes est l’été car le soleil est devenu synonyme de loisir. Le mois d’août, choisi comme mois de fermeture par de nombreuses entreprises pour se simplifier le casse-tête des poses de congés, est majoritairement pris dans les années 1960-1970. Un mois où les départs massifs font alors chuter de 60 % le PNB mensuel du pays. Les Français ne travaillent plus : ils sont sur le sable ! Et, comme il y a autant de vacanciers l’été (en comptant les touristes étrangers) que de population totale en France, l’organisation à l’arrivée doit être bien faite car les bords de côte s’engorgent : La Baule qui compte 15 000 habitants l’hiver passe à 200 000 l’été, Saint-Pair près du Mont-Saint-Michel passe de 2 000 à 10 000 habitants, etc. Pendant les Trente Glorieuses, se construisent ainsi en grand nombre et à grande vitesse des maisons de vacances, des locations, des campings, des hôtels…

Si le train était majoritairement choisi pour les départs en 1951 (60 %), il tombe en dessous des 50 % en 1957 et à 11 % en 1979. Et comme tous les vacanciers partent souvent tout de suite, le lendemain matin même du dernier jour de travail, les routes deviennent les spectacles d’une nouvelle transhumance les jours de grand départ. Le record, c’est le samedi 2 août 1975. À onze heures du matin, la route nationale menant vers l’Espagne est couverte sur 150 km de véhicules à l’arrêt. Au total, sur toute la France, la longueur des bouchons atteint 600 kilomètres ! Et la situation risque de devenir plus catastrophique d’année en année puisque les prévisions indiquent un doublement du trafic tous les deux ans ! Pour échapper à la paralysie des routes, on crée Bison futé en 1976. Et pour ces jours repérés comme "rouges" ou "noirs", on flèche des itinéraires de dérivation, on mobilise 50 000 gendarmes supplémentaires, on donne des conseils de dates et d’horaires d’aller et de retour, on goudronne, on allonge le réseau autoroutier, on ajoute 200 trains et 5 500 avions...

Tous ces efforts s’avèrent payants : les touristes des années suivantes arrivent sans trop d’énervement à destination et le fameux record de bouchons de 1975 n’a pas été battu. On s’efforce toujours de rendre les trajets moins pénibles (organisation sans cesse améliorée, infos-trafic sur FM, autoradios, climatisation dans les automobiles…) ou de désengorger les routes. Le passage aux 35 heures en 2000 coïncide avec un plus grand morcellement ou étalement des vacances… Et puis on s’ingénie à amener les vacances près des gens au lieu de faire partir les vacanciers au loin : les bulles tropicales en Normandie en sont un exemple, Paris-Plage, avec son sable et ses parasols en bord de Seine en est un autre… On réalise ainsi l’inverse de ce qu’avait imaginé l’humoriste Alphonse Allais qui voulait mettre les villes à la campagne :  Depuis quelques années, on met la plage à la ville, pendant tout ou partie de l'été !!!