Moi petite chienne d'une usine a chiots
Je suis prisonnière de cette cage depuis aussi loin que je me souvienne... Pourtant il y a quelques heures, entre bonheur et désolation, j'ai donné naissance à mes huit petits entre la chaudière rouillée qui contient de l'eau gelée, souillée et les excréments que j'ai laissé quelques jours auparavant sur le grillage où mes nouveaux-nés sont tombés lorsque mon ventre les a, malgré lui, libérés de mon amour pour les plonger dans cette nuit, ce froid, cette solitude...
Ils sont déjà orphelins de père car j'ai vu son corps rigide et inanimé dans l'enclos de l'autre côté du couloir. Puis il y a eu un peu de chaleur dans la grange... Celle du feu que son corps sans vie a alimenté. Sa mort nous aura permis de rester en vie, hélas, quelques jours de plus...
Dans mes rêves, il y a des enfants qui jouent avec des chiens et une balle et qui rient quand un chiot roule maladroitement dans l'herbe. Je me demande si je saurais courir et bondir...
Je n'ai pas mangé depuis qu'il a fait nuit dans le couloir à plusieurs reprises. Le jour et la nuit, ce sont des mesures du temps que vous utilisez, vous les humains en qui j'ai déjà eu confiance... Les ténèbres sont toujours suivies de la petite ampoule suspendue au plafond, voilà ma mesure à moi pour le temps qui passe. C'est tout ce que je connais du temps, outre la douleur et la peur qui m'habitent. Si je pouvais m'en approcher de cette petite lueur, j'y réchaufferais mes petits... Je suis affaiblie, si fatiguée et ils ont froid.
Dans mes rêves, il y a des gens qui caressent leur animal.. Je me demande comment c'est, une caresse...
Ils sont blottis contre moi, à tenter de téter quelque lait qui assurera leur survie. Mais compte tenu de mon état, je suis malade, affaiblie, amaigrie, j'en ai bien peu à leur offrir. Si seulement on m'apportait un peu d'eau fraîche, quelques grains de moulée, je pourrais être une bonne mère....
Ils ont ce joli pelage tout doux, tout soyeux que j'avais aussi à leur âge... Leur beauté me fait oublier ma décrépitude, ma peur, mon épuisement. Dans mes rêves, quelqu'un me donne un bain et je joue dans la mousse qui virevolte tout autour de nous.
J'ai entendu dire que de l'autre côté de la porte, il y a des oiseaux qui chantent... Ici, tout n'est que symphonie de douleur, de peur, de résignation, de misère... Je n'ai jamais entendu de musique autre que celle-ci... Dans mes rêves, j'entends votre voix réconfortante et bienveillante qui m'appelle alors que je cours vers vous...
Deux de mes tout petits n'arrivent pas à téter suffisamment et je les vois agoniser sans bruit, sans résister... Je les lèche affectueusement pour qu'ils sachent que je les aime, pour qu'ils connaissent la tendresse et l'affection avant de mourir. Je leur offre ce que je voudrais tant recevoir...
J'ai entendu parler d'un endroit qu'on appelle une maison... Il semble que mes petits pourraient y dormir sur un petit coussin, boire de l'eau fraîche, se cacher sous vos couvertures dans votre grand lit... Dans mes rêves, nous jouons et cabriolons sur le parquet tout propre et lustré...
Un autre de mes nouveau-nés a une patte coincée dans le grillage trop grand pour nous soutenir convenablement et je n'arrive pas à l'en extirper. Il pleure. C'est si difficile pour mon coeur de mère d'être là, impuissante, hurlant pour qu'on vienne à son secours. Seul l'écho de la nuit glaciale répond à ma supplication. Il s'affaiblit et je n'y peux rien...
J'ai entendu dire que de l'autre côté de la porte, il y a des saisons, des papillons, des fleurs.. Dans mes rêves, j'arrive presque à ressentir l'odeur du printemps, de l'herbe fraîche...
Tandis que les autres se sont définitivement tus, deux d'entre eux sont plus forts et pour ces survivants, j'ai le choix... Les laisser vivre pour qu'ils aillent dans cette cage à peine plus grande que celle-ci dans une quelconque animalerie de quartier. Vous pourriez peut-être l'adopter...
J'ai entendu dire que des gens offrent des choses agréables et multicolores à leur chien qu'ils peuvent mâchouiller ou grignoter... Dans mes rêves, tandis que vous me portez dans vos bras, je m'agite doucement pour vous montrer celui que je préfère...
Ou alors, je peux choisir, tandis que je tourne sans cesse dans mon petit espace insalubre et lugubre, de leur broyer la colonne pour les entendre hurler quelque temps avant que l'on vienne le détruire... Ainsi, ils vivraient éternellement et confortablement dans mes rêves...
Si vous étiez ici, maintenant, que choisiriez-vous pour votre enfant, dites-moi...
Il est trop tard, ils viennent et j'entends leurs pas. Non, par pitié, non, ne les emmenez pas! Ils sont trop jeunes et je n'ai pas eu le temps de leur apprendre tout ce qu'ils doivent... Ils sont malades et ils ont froid, ils ont besoin de moi... Non, non...
Trop tard, ils les ont pris. Si au moins l'un de ces inhumains, celui-là même qui m'a battue il y a quelques mois alors que je refusais le viol qui aura fait de moi une mère, leur avait au moins adressé un mot gentil, une caresse... Ils les placent brusquement dans une autre cage où déjà deux autres petits sont entassés. Les cages disparaissent derrière la porte. Il y a eu une grande lumière lorsqu'elle s'est ouverte... Est-ce donc cela la vie? Dehors? La lumière...
On m'a dit que, s'ils survivent au long trajet, ils seront emmenés dans une animalerie et qu'une fois toilettés et parfumés, ils seront mis dans une cage, une autre... Plus rien n'y paraîtra, personne ne saura qui est leur père dont la carcasse fumante achève de se consumer et de leur mère qui agonise...
Si vous les aimez vraiment, ne les adoptez pas parce que cela ne nous donnera pas davantage de nourriture, d'eau, de chaleur... Et si vous ne les achetez pas, alors peut-être ce vous appelez la mort viendra me délivrer... Sinon, je survivrai encore et cela, je ne peux plus le subir. Je me demande comment elle est cette dame, la mort... Tiens, je la vois juste là devant moi... Comme elle a l'air gentille et douce, bienveillante et confortable. .. Comme dans mes rêves...
Si vous étiez ici, maintenant, que choisiriez-vous, dites-moi... La délivrance ou la souffrance?? ?
Je n'ai pas de nom, j'ai vécu quelques mois, à peine vingt-trois selon votre calcul mais je leur ai rapporté douze chiots vivants... Et voilà, tout s'arrête ici, maintenant, car je choisis d'aller vers la délivrance...
Prenez bien soin de mes petits...
Bouleversant comme beaucoup de texte en hommage aux chiens...celui là je ne le connaissais pas...si tu permets je le mettrai, il aura sa place à côté d'autres que tu peux aller prendre aussi si tu veux...rubrique animaux
http://brigitisis.centerblog.net
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