Futur : en Chine, les grandes tours en avant

En 2015, l’Empire du Milieu construira plus de 100 gratte-ciel de plus de 200 mètres. Des bâtiments high-tech construits en un temps record pour faire face à l’exode rural et à la pollution.

La ville de Wuhan, au cœur de la Chine, va construire les Phoenix Towers, dont l’une mesurera plus d’un kilomètre?! La ville de Wuhan, au cœur de la Chine, va construire les Phoenix Towers, dont l’une mesurera plus d’un kilomètre?!

La ville championne des gratte-ciel n’est ni New York, ni Tokyo, ni Dubai, mais Tianjin : une mégapole de 14 millions d’habitants située à 150 kilomètres au sud-est de Pékin.

Avec la construction de six tours de plus de 200 mètres de haut en 2014, elle domine la course aux nuages. Aux places d’honneur, les cités chinoises font un tir groupé : Chongqing, Wuxi, Wuhan, Canton ou encore Nanchang cumulent, ensemble, plus de 13 kilomètres de gratte-ciel bâtis en douze mois. Sur 97 buildings de plus de 200 mètres érigés dans le monde l’an passé, 58 l’ont été en Chine.

La barre symbolique des 100 méga-tours bâties en un an dans les frontières du pays devrait être franchie en 2015, selon le Conseil sur les grands immeubles et l’habitat urbain (CTBUH). Symbole d’un changement de centre de gravité à l’échelle planétaire, cet organisme international de référence sur l’étude des gratte-ciel, basé à Chicago, a inauguré en mars un bureau à Shanghai pour observer l’incroyable éruption de buildings chinois.

Selon le dernier rapport du CTBUH, 516 tours de plus de 150 mètres y sont en construction, et une dizaine de projets pharaoniques de plus de 500 mètres sont à l’étude. Ces innombrables chantiers sont la conséquence de la politique volontariste du pouvoir central qui entend répondre à l’exode rural massif et contenir l’étalement urbain. En 2030, presque un milliard de Chinois vivront en ville, soit environ 70 % de la population, contre 50 % aujourd’hui.

Pour accueillir ces nouveaux citadins et leur fournir bureaux et commerces, les métropoles de l’Empire du Milieu rivalisent d’audace. Styles osés et techniques futuristes Berceau de l’industrie automobile aux 9 millions d’habitants, la capitale de la province du Hubei, Wuhan, a ainsi annoncé la construction de deux tours gigantesques. La plus haute ressemblera à une tige fuchsia et atteindra plus d’un kilomètre de haut (soit l’équivalent de trois tours Eiffel).

Elle dépolluera l’air ambiant grâce à un système de filtres abrités dans sa moitié supérieure. Baptisés Phoenix Towers, ces deux édifices reliés entre eux, imaginés par le cabinet d’architectes britannique Chetwoods, abriteront des hôtels de luxe, des jardins suspendus, des restaurants, des habitations et des bureaux.

Budget prévisionnel : 1,6 milliard d’euros.

« Il y a plus d’argent en Chine pour les projets architecturaux qu’au Royaume-Uni. Les projets les plus imaginatifs y sont acceptés quand ils seraient refusés ailleurs », se réjouit Laurie Chetwood, président de l’agence Chetwoods, qui n’attend plus qu’un dernier feu vert des autorités pour lancer le chantier.

La Greenland Tower et ses 468?mètres sera érigée en 2018 à?Chengdu, au centre de la Chine. – Smith + Gill A 1 150 kilomètres plus à l’ouest, Chengdu, dans la province du Sichuan, a opté pour un bâtiment aux allures de glacier : Greenland Tower, 468 mètres de haut, dont l’édification est prévue pour 2018.

Sur la côte Est, à Suzhou, la flèche profilée du Zhongnan Center culminera à près de 730 mètres d’ici à 2020. « Désormais, les Chinois sont en avance, tranche l’architecte et urbaniste Alain Marinos, spécialiste de la Chine.

Le travail de Wong Shu, lauréat du prix Pritzker en 2012 (équivalent du prix Nobel pour l’architecture, NDLR), en témoigne. Difficile de dire si la vogue de l’architecture durable va se maintenir, mais l’écologie et le patrimoine sont de plus en plus associés dans les nouveaux projets, notamment à Shanghai. »

Des styles osés s’associent à des techniques de construction futuristes, pour minimiser l’impact environnemental et faire face au développement, au pas de charge, des villes champignons de l’intérieur du pays. Un immeuble de 57 étages construit en dix-neuf jours En matière de rapidité d’exécution, les firmes chinoises sont à la pointe.

En mars dernier, une vidéo fait le tour du Web en quelques heures : on y voit, en accéléré, un immeuble de 57 étages se construire en dix-neuf jours seulement, sur un terrain vague de Changsha (province du Hunan). Un record du monde officieux à mettre au crédit de la compagnie Broad Group, spécialiste notamment du préfabriqué durable. Cet exploit, baptisé Mini Sky City, est une démonstration de cette dernière technique, appliquée aux gratte-ciel.

« Notre savoir-faire est opérationnel : zéro poussière, 15 000 camions économisés, de 15 à 30 % moins cher qu’une construction traditionnelle et un système de climatisation intégré, dont nous sommes aussi spécialistes, qui rend l’air pur à 99 %, se félicite Juliet Jiang, vice-présidente de Broad Group.

Nous attendons le nouveau permis de construire pour la prochaine étape : la Sky City Tower de 833 mètres, que nous serons capables d’ériger en trois mois seulement, toujours à Changsha. »

Ce bâtiment deviendrait le plus haut du monde, avec dix mètres de plus que la tour Burj Khalifa de Dubaï, terminée, elle, après cinq ans de dur labeur. Cette technique de modules préfabriqués n’a pas vocation à demeurer une spécialité locale. « La dernière génération de blocs modulaires est usinée de façon à être transportable dans les conteneurs des cargos.

Notre but est de les exporter dans le monde entier », précise Juliet Jiang. Et de faire pousser, à Chicago, New York ou Dubaï, de nouvelles tours « made in China ». La Shanghai Tower à contre vent La Shanghai Tower (632 mètres et 128 étages) domine, depuis quelques semaines, les gratte-ciel de la ville.

Construite par l’agence américaine Gensler, sa structure en spirale bénéficie d’une innovation invisible : un aimant géant, placé au-dessus d’une plaque de cuivre de dix mètres sur dix, niché à son sommet. Il neutralise les effets du vent, qui peut fragiliser l’édifice en faisant osciller le haut du bâtiment de plusieurs mètres.

Ses effets stabilisateurs tranquilliseront les lecteurs de la plus haute bibliothèque du monde, située aux 52e et 53e étages.