J’ai peur des tégénaires. Mais si, vous savez, ces grosses araignées velues qui entrent dans nos maisons à l’automne. Je les appelle « les tarentules » c’est dire la confiance qu’elles m’inspirent. Ces tégénaires, elles me foutent une trouille monstre. Le genre d’angoisse qui me dépasse, m’envahit, et me fait faire des choses très bruyantes et gênantes, comme hurler les bras en l’air en courant le plus loin possible ou leur hurler « MAIS VA DEHORS BORDEL ! » en les poussant avec un balai. 

Avoir peur de ces araignées, j'en suis peu fière. Une fois l'émotion passée, je me sens toute stupide, avec mon balai à la main ou toute seule debout sur une chaise. Pourtant, j'y travaille, j'y travaille dur, mais ça prend du temps, trop à mon goût, mais c'est comme ça. C'est difficile de dépasser une émotion

 J'ai essayé plusieurs techniques, et malgré ma trouille-trouille de ces petits arachnides qui ne m'ont pourtant rien fait de mal, j'ai vite compris que, clairement, certaines méthodes sont toutes pourries.

 Par exemple, me dire « allez, viens, on va dans une salle remplie d'araignées ! »... Ben... c'est tout pourri. Rien que cette idée rend ma respiration difficile et me donne des frissons et des nausées. Yerk, non merci, je passe mon tour.

Pourtant, c'est précisément ce qu'on fait vivre aux chiens. Sauf que eux... on ne leur laisse pas le choix. 

Cette technique, son mot savant, c'est l'immersion. Concrètement, elle s'appelle « Emmène ton chien sur le marché s'il a peur des gens ». Cette méthode, elle est bête comme chou. Tu colles ton chien dans un marché, à la gare ou en plein milieu d'un festival, et tu attends. Tu attends. Et tu attends encore. 

Au départ, le chien va paniquer, hurler peut-être, sauter partout, tirer pour partir, se faire pipi dessus ou même chercher à mordre sur tout ce qui bouge. Et puis, au bout de plusieurs minutes, il va cesser de réagir & donner l'impression de s'apaiser. VICTOIRE ! ... ? Ou pas.

 Cet état, son mot savant, c'est la détresse (ou résignation) acquise. Elle aussi, elle est bête comme chou : le chien est mort, à l'intérieur...  Cet état, il résulte d'un phénomène assez simple : si le corps ne peut se battre contre des éléments extérieurs, alors, à un moment donné, il va cesser de lutter dans le vide. Non pas qu'il soit devenu tout d'un coup serein et que le chien se dise magiquement « youpi tralala pouet pouet, voilà des humains », loin s'en faut. Pour comprendre ce phénomène, il faut savoir que le stress met le corps dans un état d'urgence qui enclenche tout un tas de mécanismes pour y faire face (libération de l'adrénaline qui crée une augmentation du rythme cardiaque, de la fréquence respiratoire et de la pression artérielle, un ralentissement du systême digestif etc...).

 Seulement, cet état d'urgence, il est fait pour être ponctuel. Il est là pour permettre à la proie de fuir le prédateur, pour nous permettre d'avoir le réflexe de sauter sur le trottoir si une voiture manque de nous écraser... (Si vous avez déjà vécu un stress pareil, vous savez que ça n'est pas marrant, ça ne l'est pas mais pas du tout.) Mais là, nous parlons d'un stress ponctuel, qui est déjà horrible à vivre, mais qui s'arrête, à un moment.

Mais ... S'il dure, ce stress épouvantable ? Quand le stress intense devient permanent, alors l'organisme arrête toutes les machines, pour éviter au coeur de lâcher, et au corps de mourir. 

Mettre le chien en immersion, c'est développer chez lui un état mental proche d'une dépression grave. Le chien n'est plus en capacité de penser ou de ressentir, il est mort intérieurement. Alors, certes, il ne réagit plus. Mais à quel prix ? 

Au delà de l'aspect éthique misérable de cette approche, il se trouve qu'elle est également d'une efficacité limitée. Le corps est résilient, et au fil des semaines et des mois, un certain nombre de chiens vont réussir à passer au dessus de la dépression. Et c'est qui qui va avoir à nouveau peur des gens ? 

Sauf que cette fois, non seulement les gens font peur, mais en plus, ils ont été précédemment associés à la pire expérience possible. Et c'est qui qui va manger les gens ? ... Par pitié, ne suivez jamais ces méthodes. Jamais. Ne mettez jamais votre chien réactif aux congénères au milieu d'un groupe de chiens, ne mettez jamais votre chien craintif des humains au milieu du marché, ne mettez jamais votre chien qui a peur des bruits sous un feu d'artifice le 14 juillet. Vous allez y perdre, votre chien va y perdre, et vous ne pourrez jamais vraiment retourner en arrière.

Pour l'état mental de vos chiens, merci d'avoir lu cette Petite Ligne