RUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX : Mettre fin à la barbarie

Si pour beaucoup d’entre nous, les animaux domestiques, auréolés de qualités, suscitent l’admiration et font parfois même partie de la famille, pour d’autres ils ne sont considérés qu’en fonction de leur utilité. Certains de nos compagnons de la gent animale sont même soumis aux pires horreurs, souvent par leur propre maître. Si la cruauté envers nos amis à quatre pattes n’a pas diminué, depuis la mise en place du Animal Welfare Act l’année dernière, de plus en plus de cas de maltraitances sont rapportés dans l’espoir que justice soit faite. Chaque cas est pris au sérieux.

La maltraitance, un fait banal

Aux défenseurs des animaux, on a toujours le réflexe de leur dire qu’il faut d’abord s’occuper des humains avant de se préoccuper de ces derniers. En revanche, attacher son chien toute la journée, le priver de nourriture, le battre est encore considéré chez certaines personnes comme étant normal. Pourtant, le pire des crétins est idolâtré par son chien, qui lui reste fidèle. Les cas de cruauté rapportés chaque semaine aux autorités sont intolérables. Chiens victimes d’empoisonnement à la rue Abbé de la Caille, à Curepipe, chat tué par balle à Rivière-Noire, ou encore chats qui auraient été capturés dans des réserves naturelles et tués à coup de marteau sur la tête par la Mauritian Wildlife Foundation (MWF) sont parmi les plus récents. Peu de gens se soucient vraiment du sort des animaux domestiques. Les cas d’empoisonnement ou autres sévices graves nous laissent insensibles et ne sont pour certaines personnes qu’un banal fait divers. Certains animaux sont l’objet d’une cruauté inouïe. Nous nous souvenons de ce cas qui a défrayé la chronique en 2008: “Mythical man”, ce cheval sauvagement tué sur le flanc de la montagne de Vallée des Prêtres. Trois jeunes l’avaient égorgé avec un sabre, filmé l’acte et diffusé la vidéo sur internet. En arrière-plan de la vidéo, on pouvait même entendre les commentaires et ricanements de ces derniers. Les conditions de vie des animaux d’élevage sont aussi déplorables: l’année dernière, le traitement infligé au bétail importé de l’Australie a suscité une vive polémique. C’est au cours d’une enquête qu’un groupe d’activistes d’Animals Australia a réuni des images de violence infligée notamment aux bœufs. Suite à cela, l’Australie a vivement montré son désaccord à l’exportation de bœufs vers Maurice.

De plus en plus de cas rapportés

Jusqu’à 2013, les animaux ne disposaient d’aucune loi pour les protéger. Depuis le Animal Welfare Act de 2013, de plus en plus de cas sont dénoncés et les coupables punis. Selon un responsable de la Animal Welfare Unit du Ministère de l’Agro Industrie, plus d’une centaine de cas ont été rapportés depuis février 2014. Il y a aussi le travail des Ong (PAWS, Saving our strays) et de bénévoles qui portent leurs fruits. C’est par le biais du téléphone, mais aussi des réseaux sociaux, comme Facebook, que de plus en plus de cas de violences faites aux animaux sont dénoncés. Chaque semaine, PAWS (Protection of Animals Welfare Society) reçoit plus d’une vingtaine de plaintes. Selon Sabrina Joyekurun, la secrétaire de l’association: «Les cas les plus fréquents sont les animaux battus ou abandonnés. Les chiens à l’attache sont aussi signalés. Plusieurs cas d’empoisonnement ont aussi été rapportés. Nous avons aussi recueilli des chiens avec des blessures graves autour du cou par un collier trop serré et qui n’a jamais été ajusté». Saving our strays est une autre association de défense des droits des animaux militant contre la maltraitance. Vishnee Backory Dubessay, la secrétaire de l’Ong, déplore elle aussi le nombre croissant de victimes. Accueillis chez les bénévoles, ces animaux sont sauvés de la maltraitance. «L’un des cas qui nous a marqués a été ce chien appelé T-Bag, qui a été ébouillanté et dont ses propriétaires l’avaient abandonné dans la rue. L’animal a immédiatement été prise en charge par une bénévole. Aujourd’hui, il se porte bien. Beaucoup d’animaux ont aussi été sauvés grâce à un vétérinaire, le Dr Sam Naraina-Poulay, qui sans hésiter vient en aide à l’association».

Problèmes psychologiques ?

Devant notre écran de télévision, nous contemplons les grands fauves pour leur beauté et leur puissance. Pourtant, nous infligeons à nos compagnons à quatre pattes toutes sortes de mauvais traitements. Les actes de cruauté rapportés chaque semaine aux autorités méritent toute notre attention. Ces actes sont-ils à l’origine de problèmes psychologiques? Le psychologue Laurent Baucheron de Boissoudy explique:« La frustration, que ce soit par rapport au travail, à la vie familiale, à la sexualité, à l’argent, entraîne de la colère qui va ensuite donner lieu à la violence. Pourquoi les animaux? Ce sont des êtres vulnérables, plus fragiles que les humains. La cruauté envers les animaux peut aussi s’expliquer par le manque d’éducation et de respect par rapport aux autres et cela s’apprend pendant l’enfance. En revanche, il y a aussi une forme de sadisme que l’on rencontre chez les enfants et c’est seulement l’éducation qui leur apprend le respect. Pour mettre fin à la barbarie, il faut conscientiser les plus jeunes dans les écoles et demander aux parents de leur apprendre le respect envers les animaux. Les cas récents peuvent s’expliquer par de l’agacement chez les voisins qui ont voulu faire justice eux-mêmes, ce qui est interdit».

Ce que dit la loi

Le Animal Welfare Act 2013 punit les cas de maltraitances sur les animaux. Cette loi interdit notamment de tuer, de mutiler, d’exercer ou de permettre des tortures ou autres mauvais traitements qui causeraient à l’animal détresse, souffrance ou blessure. L’abandon est aussi considéré comme un délit. La loi punit aussi toute personne qui néglige volontairement ou omet de fournir à son animal les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables et suffisants, ou qui lui administre drogue ou substance nocive. Selon l’Act de 2013, plusieurs délits tombent dans le cadre de la maltraitance et de la cruauté animale: attacher un animal à une chaîne trop courte, le battre, faire de lui une proie pour d’autres animaux ou l’inciter à se battre avec d’autres animaux ou être humains, organiser des combats d’animaux. La loi prohibe les interventions chirurgicales inhumaines. Il est défendu pour quiconque de garder un animal en cage ou autre structure qui entrave ses mouvements. L’Animal Welfare Act 2013 interdit de transporter un animal dans un véhicule de manière inappropriée. Le fait d’abandonner un animal malade sans soins ou l’exposer aux maladies contagieuses ou infectieuses ou permettre un animal malade, blessé ou handicapé de mourir dans une place publique est aussi puni. Selon les circonstances, la personne trouvée coupable pour mauvais traitement ou d’atteinte volontaire est passible d’un maximum de six mois d’emprisonnement et peut également se voir imposer une amende pouvant aller jusqu’à Rs 15 000. Les sanctions dépendent de la gravité du cas.

L’euthanasie, est-ce légal ?

Qu’en est-il de l’euthanasie? À la MSAW (Mauritius Society for Animal Welfare, ex MSPCA), 300 chiens errants sont euthanasiés par mois. Le Animal Welfare Act autorise l’euthanasie: « A stray dog caught within any airport, seaport or hospital compound shall forthwith be euthanised». Il stipule aussi que tout chien errant n’ayant pas été réclamé ou qui souffre de maladie infectieuse et dangereuse peut être euthanasié. Selon une source à l’Animal Welfare Unit, après avoir été capturés, les chiens sont répartis en deux catégories:« Il y a d’abord les malades ou les blessés graves qui sont euthanasiés. Ensuite, il y a les chiots. S’ils sont sociables et pas agressifs, ils sont placés en adoption. Ceux qui ne trouvent pas preneurs sont malheureusement euthanasiés. » Si l’euthanasie est légale — et nécessaire dans certains cas de maladies incurables — encore faut-il la pratiquer de la manière la plus douce possible pour éviter souffrance et longue agonie aux animaux. Selon le vétérinaire Sam Naraina-Poulay : «Par respect pour les animaux, il faut les anesthésier d’abord afin d’éviter des souffrances atroces. Car l’euthanasie déconnecte le cerveau, bloque la respiration et arrête le cœur et sans anesthésie, l’animal souffre atrocement et agonise pendant des heures. C’est une pratique qui est réservée seulement aux vétérinaires. Or, il y a des cas où elle est pratiquée par n’importe qui et sans anesthésie». PAWS, qui organise régulièrement des campagnes de stérilisations gratuites à travers l’île, a trouvé une autre façon de gérer la présence de chiens et chats errants dans les hôtels. En ouvrant un “cat café” et un “dog café”, ces animaux ne représentent plus aucune nuisance. Le Cat café est un concept très populaire en Europe. À l’hôtel Sugar Beach, par exemple, cinq chats stérilisés par PAWS sont nourris dans un endroit éloigné des chambres et restaurants. Un staff a même été désigné pour s’occuper de ces chats. Au Maritim hotel, un Cat café et Dog café ont ouvert leurs portes pour accueillir chiens et chats stérilisés et vaccinés.

Vous constatez un cas de maltraitance.

Que faire? Vous constatez que votre voisin ne nourrit plus son chien, le bat ou le maintient en permanence en laisse. Que faire? Avoir le bon réflexe peut sauver une vie. Les cas de cruauté doivent être rapportés à la police/Animal Welfare Unit/MSAW. Les officiers (officiers vétérinaires) de l’unité du bien-être des animaux ainsi que la police se saisiront de l’affaire.