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Date de création : 24.08.2008
Dernière mise à jour : 04.08.2023
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A Dijon aussi, on a pratiqué

A Dijon aussi, on a pratiqué

A Dijon aussi, on a pratiqué (et assez violemment) la corrida

Encore pratiquées lors des annuelles ferias, on les croyait traditionnellement réservées aux villes du Sud de la France. Pourtant, pendant quelques années, la ville de Dijon a elle aussi eu droit aux corridas et combats de taureaux.

Les Dijonnais en étaient même dingues… avant leur interdiction pure et simple, au tournant du 20e siècle. 5 000 spectateurs au Vélodrome du Parc Tout le monde connait les corridas, notamment en raison des vives polémiques que leur pratique suscite au sein des militants de la cause animale.

Dans l’imaginaire collectif, draps rouges, costumes à paillettes et vachettes évoquent avant tout l’Espagne, Nîmes, Arles ou encore Dax.

Mais qui aurait pu penser qu’à Dijon, ville “nordiste” au demeurant, ce genre d’événement ait pu avoir lieu et rassembler plus des milliers de personnes ?

Ce fut en effet le cas entre 1896 et 1902, lorsqu’une cuadrilla de toreros eu l’idée de proposer ce genre de spectacle à l’occasion des Fêtes du 14 juillet.

A l’instar des cirques ambulants, toute la troupe débarquait chaque année avec décors et animaux aux Vélodrome de Dijon. Pas celui que nous connaissons, mais l’ancien et gigantesque Vélodrome des Allées du Parc, détruit à la fin des années 1920.

Installé à la fin du 19e siècle au moment de l’essor des courses cyclistes, le Vélodrome du Parc était implanté entre les actuelles rues de Longvic, Augustin Chancenotte et Clément Janin.

Dédié aux événements populaires, il pouvait accueillir plusieurs milliers de personnes et bénéficiait de son propre arrêt de tramway. L'entrée du Vélodrome depuis les allées du Parc

L’endroit était donc idéal pour attirer la curiosité et la soif d’exotisme de la population locale. Dès 1897, la presse de l’époque relate que plus de 5 000 billets de tribune à 1 franc seulement ont été vendus pour assister aux courses de taureaux, soit 15% de la population ! Dans le Progrès de Côte-d’Or, le 13 juillet 1897, le journaliste se fait même promoteur de l’événement :

“Les courses de taureaux, sont une fête pour les yeux, et nul ami de l’esthétique aspect des choses ne saurait se soustraire au charme intense de la corrida”.

Plus encore, une parade était organisée à travers toutes les rues du centre-ville, et les costumes du matadore exposés dans les vitrines du Bazar de la Ménagère, rue de la Liberté. Puis, à 15h30 précises, les passes entre toreros et taureaux commençaient, sous la chaleur de l’été. Une fois échaudés par les premières représentations, les Dijonnais amateurs pouvaient, s’ils s’en sentaient le courage, descendre dans l’arène et tenter de décrocher une cocarde rouge fixée sur la tête d’une vachette.

Récompense promise : 30 francs. En 1897, c’est le garçon-boulanger de la rue Monge André Vaillant, 22 ans, qui eu droit aux honneurs. L’année suivante, son excès de témérité lui coûta la rubrique faits-divers et un aller simple vers l’hôpital, “le visage ensanglanté”, “sérieusement blessé à la tête”.

Du pain, des jeux et…du sang Mais soyons honnêtes ; au delà du simple exotisme, c’est bien le spectacle sanguinaire qui fascinait la foule. Lorsque le combat était dangereux ou que le taureau était mis à mort, les Dijonnais hurlaient leur joie. Quand l’animal n’était pas assez vaillant, ils huaient les organisateurs. Voici d’ailleurs comme la presse locale relatait dès le lendemain le spectacle, dans un long article-résumé :

“Après une dizaine de passes de muleta, Felix Robert (célèbre torero, ndlr), d’un coup bien dirigé, plante l’épée presque jusqu’à la garde; l’animal arrête son élan, balance son corps, chancelle à peine une minute et s’abat sur le flanc droit. On applaudit à tout rompre ; le matador parcourt l’arène en saluant. Pendant que les deux chevaux entrainent le cadavre, la foule escalade les barrières et se précipite à gauche de l’arène, où l’animal est tombé”.

Sauf que le taureau n’était pas abattu à chaque combat, ce qui avait le don de provoquer la colère de la foule dijonnaise, qui passée la découverte exotique, exigeait chaque année au en juillet un spectacle plus violent que la fois précédente.

En 1898 et 1899, les résumés de spectacle suivent d’ailleurs l’avis du public, qualifiant de peu intéressant un combat où l’issue n’a pas été fatale pour l’animal… “Emeutes au Vélodrome – Courses interdites” Si bien qu’au bout de quelques années seulement, l’événement qui se voulait populaire a dégénéré. D’année en année, le public exigeait au Vélodrome du Parc un spectacle plus impressionnant, plus sanglant. Jusqu’à ce fameux 6 juillet 1902, où le Progrès titre : “Emeutes au Vélodrome – Courses interdites”.

Avant d’ajouter, non sans une pointe d’ironie : “Deux matadors ont été blessés – l’un assez grièvement – non par le taureau, mais par les spectateurs qui trouvaient qu’ils n’en avaient pas eu pour leur argent”.

La cuadrilla du célèbre matadore Félix Robert, venue plusieurs années à Dijon La cuadrilla du célèbre matadore Félix Robert, venue plusieurs années à Dijon Ayant eu écho de l’événement, la presse parisienne s’en mêle, dénonce – déjà à l’époque – la barbarie de la tradition tauromachique et insulte largement le caractère primaire de la population dijonnaise.

Dès le lendemain, des mesures sont prises : l’administration du Vélodrome annonce l’annulation des spectacles du 14 juillet 1902, remplacés au pied levé par des “courses vélocipédiques et une réunion de course à ânes”.

Dans le même temps, le maire Auguste Fournier fait interdire définitivement les courses de taureaux sur le territoire de Dijon dès le 8 juillet 1902 au motif que “ce genre de spectacles à Dijon est de nature à troubler l’ordre public et peut causer des accidents”. Et la presse locale de conclure, en dessous de l’arrêté municipal : “C’en est fait de notre naissante réputation de sanguinaire sauvagerie.

Nous n’aurons plus l’occasion de nous faire qualifier de cannibales par les journaux parisiens “.