Quand j'étais petite je me faisais beaucoup de souci pour les vaches enfermées dans les prés qu'on longeait parfois sur la route des vacances;

Je pensais qu'elles s'ennuyaient ferme et ça me faisait de la peine. Un jour j'ai posé la question à un monsieur, qui m'a aussitôt répondu "Mais ne t'inquiète pas, elles ne sont pas malheureuses: une vache c'est bête, ça ne ressent rien, ça ne pense à rien."

Sûr que ça m'arrangeait bien de le croire, surtout parce que ça me délivrait d'un poids: si les vaches ne pensent à rien et ne ressentent rien, et bien tant mieux, comme ça elles ne sont pas malheureuses!

En plus la parole d'un homme, quand on a 8 ans, c'est juste sacré et définitif: j'ai imprimé ça dans ma tête et ça a duré un sacré bout de temps... Un des petits mensonges perpétués (perpétrés, devrais-je dire!) de générations en générations, qui deviennent quasiment des vérités presque indéboulonnables et qui assurent la bonne conscience des humains et la pérennité du système de consommation.

Renforcé par toutes les expressions dévalorisantes et si répandues dans notre langue du genre "Cette fille a un regard de vache", ou encore ""C'est une grosse vache"... Toutes sortes de choses qui poussent à considérer les vaches (veaux, bœufs, taureaux) comme des animaux stupides, lents à la détente, incapables de ressentir quoi que ce soit etc.

Ah non, tiens: les vaches c'est "lent à la détente et stupide", mais les taureaux c'est "noble et fier, et des adversaires redoutables et dangereux!": paradoxe odieux de l'humain qui sait toujours inventer ce qui l'arrange, parce que les vaches et les bœufs (lents et stupides) on les assassine en douce dans des abattoirs, mais les taureaux (redoutables adversaires!) on les assassine en public et au son des fanfares dans les arènes, il est donc important qu'il y ait des légendes différentes pour chaque sexe de bovins!

Et si on ouvrait un peu les yeux, non?