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Date de création : 24.08.2008
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horreur

Publié à 14:50 par fandeloup Tags : voyage sur vie france homme coup place histoire argent air
horreur

39 corps dans le camion de l’horreur près de Londres : «J’aurais clairement pu être l’un d’eux»

Ce mercredi, 39 corps ont été découverts dans un camion en Angleterre. Lorsqu’il a appris le drame, Davoud, Iranien qui a réussi il y a deux ans à traverser la Manche dans un camion, s’est souvenu des pires années de sa vie.

 Le camion a été déplacé en fin d’après-midi afin de poursuivre les investigations et de récupérer les corps. AFP/Ben Stansall Par Louise Colcombet Le 23 octobre 2019 à 22h41 Il a connu tous les affres de la migration clandestine, ses espoirs déçus, ses dangers. En découvrant ce mercredi matin, à la une des médias anglais, le drame survenu dans la banlieue de Londres, Davoud (le prénom a été modifié) n'a pu que s'identifier à ces 39 personnes retrouvées mortes dans un camion frigorifique. « J'aurais clairement pu être l'un d'eux », lâche cet Iranien de 43 ans, pour qui les circonstances de cette tragédie ne laissent que peu de place au doute. Tout le renvoie en effet à ses propres tentatives pour rallier l'Angleterre, lors desquelles il s'est mis en danger en se cachant à l'arrière de poids lourds.

« Sept ou huit fois j'ai failli mourir asphyxié », lance-t-il. « Quand j'ai appris la nouvelle, j'étais au bord des larmes… J'ai eu l'impression de revivre cet épisode horrible de ma vie », témoigne l'homme.

Pendant deux ans et demi passés sur le littoral, de la pointe bretonne à la Belgique, il a tenté de franchir ce dernier rempart que constitue la Manche : Brest, Calais, Cherbourg, Le Havre, Dunkerque, les côtes belges…

L'homme a écumé les parkings et les aires de stationnements, avant finalement d'atteindre son but en 2017 sur « un coup de chance », dit-il. Les portables sont interdits « La seule façon de traverser, c'est en montant dans un camion. J'ai réussi à le faire une cinquantaine de fois, parfois en payant des passeurs, la plupart du temps tout seul, car je n'avais plus d'argent », raconte ainsi Davoud dont le périple depuis l'Iran lui aura coûté au total près de 40 000 euros, dont la moitié consacrée à cette ultime étape. Quand il était encore en fonds, lui aussi a eu recours au service des passeurs : 3500 euros le voyage , sans garantie de succès.

Les portables sont interdits et la promiscuité de mise -une bouteille en plastique vide est tolérée pour se soulager. « Les passeurs sont assez directs : avec un poids lourd classique, les chances de succès sont de 50 %, selon eux. Elles montent à 80 % avec un camion frigorifique et à 90 % pour une chambre froide de congélation car celles-ci ne sont jamais contrôlées. On me l'a proposé une fois. Quand le type a ouvert la porte et que j'ai vu l'air glacial et le givre, j'ai compris pourquoi… » raconte Davoud

Les camions réfrigérés, eux, sont très prisés. Leurs épaisses parois mettent plus facilement en échec les appareils des policiers, qui repèrent lors des contrôles la présence d'êtres humains grâce aux battements de cœur ou au gaz carbonique dégagé par la respiration. « Les passeurs nous disaient à chaque fois qu'il y aurait de l'air, de ne pas nous inquiéter…

Une fois, nous devions être près de 30 cachés dans ce frigo, mais très vite, au bout de deux ou trois heures, nous suffoquions déjà. Et comme les passeurs interdisent les téléphones pour ne pas se faire repérer, dans ces cas-là, il ne te reste plus qu'à frapper contre les parois en espérant que le conducteur ou un passant va venir t'ouvrir la porte… »

«Prendre un bus ou un train me rend malade» L'une de ces expériences a particulièrement marqué Davoud. « C'était encore un camion réfrigéré, nous étions peut-être 15, dont un bébé. On n'en pouvait plus, mais le conducteur du camion refusait de nous ouvrir, il a juste appelé la police. On était en train de s'asphyxier, on avait tous très peur pour ce bébé, c'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de morts ce jour-là », soupire-t-il. Malgré tout, il continuera ses tentatives, conscient du danger. « Il n'y a pas d'autres moyens, dit-il, alors le risque pour ta vie, tu le prends. »

 Déplacé à Caen après la destruction du camp de Grande-Synthe, Davoud a finalement réussi à grimper avec un ami dans un camion laissé sans surveillance, il y a presque deux ans. « Je pensais qu'on se ferait sortir au bout de dix minutes, comme d'habitude. Mais nous n'avons été contrôlés ni en France ni à l'arrivée. Incroyable…! Le conducteur était fou furieux mais c'était le plus beau jour de ma vie. » Davoud, qui a obtenu l'asile au Royaume-Uni et un petit boulot, s'estime chanceux, mais n'est pas indemne. « Cela impacte ma vie au quotidien. Prendre un bus on un train me rend malade, ça m'oppresse. Cette histoire, c'est juste horrible. »