NOEL ET JOUR DE L'AN

C'était la veille de Noël, voilà fort longtemps. Louis, un jeune bûcheron, rêvait devant l'âtre de la cheminée. Il n'avait pour tout compagnon qu'un gros chien jaune maussade. Personne n'avait songé à l'inviter pour ces fêtes car les villageois le considéraient comme un étranger. Ils le traitaient avec beaucoup de méfiance, depuis son arrivée dans la contrée. Le jeune homme somnolait quand des coups martelèrent la porte de la cabane avec insistance.

- Ouvrez-moi, commandait une voix, je me suis égaré dans la neige !

Louis ouvrit sans se faire prier. Il savait que coucher dehors, par une nuit aussi froide, pouvait se révéler bien périlleux. Un homme se tenait sur le seuil de la porte. Louis le dévisagea discrètement, les traits ridés de l'inconnu incitaient à penser qu'il était âgé. Mais quand il pénétra dans la maison, ses gestes et sa démarche, remplis de vitalité, démentirent sa première impression.

Le voyageur s'installa immédiatement devant la cheminée. Il offrit dos et mains aux flammes du foyer avec une joie évidente. - J'espère que m'accorder l'hospitalité, une veille de Noël, ne vous importune pas trop ? demanda-t-il.

Son regard se posa sur la table de bois où une mauvaise soupe semblait constituer l'unique plat. Il ajouta, un sourire malicieux au coin des lèvres:
- Mais si je m'invite, il serait peut-être plus poli que je participe à ce repas !

Il posa sur le sol un sac à dos dont il entreprit de vider le contenu. Il en sortit d'abord une nappe blanche et de la vaisselle dorée à l'or fin avec lesquelles il garnit la table avant d'y déposer des mets étranges que Louis ne connaissait pas : des fruits ambrés, des viandes déjà cuites, aux chairs parfumées. Tout sentait diablement bon, il en avait l'eau à la bouche ! Le visiteur l'invita à se joindre à lui pour déguster ce festin de roi. Et tandis qu'il parlait, parlait, parlait, de sa vie passée, Louis mangeait avec entrain.

Il se régalait ferme pendant que l'inconnu contait ses nombreux voyages dans des pays lointains. Des récits que Louis, la bouche pleine, écoutait, émerveillé. Quand ce fut l'heure de dormir, l'invité fouilla une nouvelle fois dans son curieux sac :
- J'allais oublier votre cadeau de Noël !

Il tendit au jeune homme un simple bâton de bouleau, percé dans toute sa longueur. Et comme Louis paraissait surpris, il ajouta : - Ce n'est pas un bâton comme les autres. Si vous soufflez dans ce chalumeau, vous verrez un diablotin apparaître dans l'âtre. Il dansera pour vous, dans votre cheminée.

Louis voulut le remercier, mais le sommeil l'agrippa avant qu'il ne puisse dire un seul mot. Au petit matin, le froid le réveilla. Il constata immédiatement que le voyageur était déjà parti. Le feu était éteint et la cabane paraissait encore plus morose que la veille. Le chien jaune boudait à ses pieds. Il se souvint de son cadeau magique. Il souffla de toutes ses forces à l'intérieur du morceau de bois, en direction des cendres. Aussitôt, les braises se réveillèrent. Des flammes se mirent à danser dans le foyer comme des petits diablotins obéissants. Elles illuminèrent toute la pièce et elles saluèrent Louis avec ardeur.

Ainsi l'homme lui avait fait un cadeau bien précieux, inconnu jusqu'alors : un instrument à rallumer le feu, sans se brûler les moustaches ! Louis était un garçon généreux et peu rancunier, il fit découvrir cette belle invention aux villageois. Il ne fit pas fortune, non, mais il gagna l'estime de ses voisins.

Et plus jamais il ne fut seul, une veille de Noël.