L’écrin d’or gravé qui avait été volé dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 avril, a été retrouvé ce samedi soir. C’est un objet patrimonial à la valeur inestimable, car historique. Fabriqué par un orfèvre parisien, le reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne a connu bien des tribulations.

Ce qui est écrit sur le reliquaire :

Le reliquaire d’Anne de Bretagne n’est pas une simple boîte en or, en forme de cœur, rehaussée d’émail, qui a servi à transporter le cœur de la duchesse en grande pompe, de Blois, où elle est décédée en 1514, à Nantes. Il reproduit sur ces faces extérieures et aussi intérieures des inscriptions en lettres romaines.

Benoît de Cornulier, professeur émérite de linguistique à l’université de Nantes, auteur d’une importante Théorie du vers , a proposé, en 2010, une note sur ces vers. Que l’on peut retrouver sur son site.

Sur les faces extérieures, daté du 9 janvier 1513, « on peut comprendre à peu près ceci : En ce petit récipient / d’or pur / repose un cœur, le plus grand / que jamais dame eut au monde (…) Sa vertu libérale / croissait de mieux en mieux. / Mais Dieu en a repris / La meilleure part (c’est-à-dire la part spirituelle) ; / et cette part terrestre / dans un grand deuil nous reste. »

Selon le spécialiste, « sur chaque face externe du reliquaire, les huit lignes ne correspondent pas à un huitain de petits vers, mais à un quatrain d’alexandrins. »

L’auteur présumé des paroles en vers :

Autour de la couronne, il y a aussi une inscription circulaire, « qu’on peut lire à peu près comme suit : Cœur de vertus orné, dignement couronné . »  

                                                                                                                                                              Enfin, à l’intérieur du reliquaire, dans chacune de ses deux moitiés, figurent d’autres inscriptions. « Ce troisième quatrain s’adresse au cœur de la reine », révèle Benoît de Cornulier. Un cœur paré de toutes les vertus : il est « pudique » , « magnanime et franc ».

« L’auteur des paroles en vers n’est pas identifié, précise l’universitaire. Il me semble seulement qu’il aurait été naturel que ces vers soient commandés à André de la Vigne, poète secrétaire de la reine, présent à Blois dans cette période des funérailles et de la confection du reliquaire. »

Du couvent des Carmes à la monnaie de Paris :

Alors que le corps de la Duchesse était inhumé dans la nécropole royale de la basilique Saint-Denis, le cœur dans son écrin voyage donc de Blois à Nantes et est placé, le 19 mars 1514, dans le tombeau parental, dans l’église du couvent des Carmes (qui n’existe plus et se trouvait rue des Carmes). Il connaît ensuite bien des tribulations, comme le raconte fort précisément Marie-Hélène Jouzeau, dans le Dico de Nantes .

En 1590, pour éviter à l’organe royal un débordement de la Loire, il est exhumé. En 1727, le maire de Nantes, alerté par des rumeurs de détournement du reliquaire, veut en avoir le cœur net. Il fait ouvrir le tombeau. L’écrin d’or est là, mais il est plein d’eau. Pendant la Révolution, le reliquaire est à nouveau ouvert. On est en 1791. Il est à nouveau gorgé d’eau.

Démonté, le tombeau est transféré dans la cathédrale en 1817, mais l’écrin part pour la Monnaie de Paris, puis au cabinet des Médailles de la bibliothèque royale, pour quelques mois. Il est récupéré par la Ville de Nantes en septembre de la même année et oublié dans une armoire de l’hôtel de ville pendant plus de trente ans. L’État le réclame en 1852, mais le conseil municipal de Nantes s’y oppose.

En 1886, l’écrin est enfin exposé :

Date clef : 1886. Pour la première fois, la municipalité accepte que l’écrin soit exposé. Et qu’il le soit au musée départemental hébergé par la Ville, dans la chapelle de l’Oratoire. En 1896, le reliquaire rejoint le musée Dobrée.

« Dans l’entre-deux-guerres, conclut Marie-Hélène Jouzeau, une vive polémique oppose le conservateur des musées du château, propriété de la Ville de Nantes, qui entend en faire un symbole de l’héritage breton de Nantes, et celui du musée Dobrée, qui s’oppose vigoureusement à la restitution du reliquaire au patrimoine communal. Presque un siècle après, le débat, plus feutré, n’est toujours pas tranché. »