POEMES et POETES

      La complainte de la Couturière !   

Il fait rêver mais qu'il est dur
Cet univers de la couture
Où pour être à la dernièr' mode
Je retouche et je racomode.

J'exerce mon métier au point dans les reprises
Et, sans gant, mes petites mains vont à leur guise.
C'est vrai, je vis à mes crochets, à mes languettes
Et sais faire des faux-filets à mes bavettes.
Mon travail peut être juteux selon la toile:
Et je gaze tout vaporeux avec les voiles.
Je fais appel à des patrons pour qu'ils m'épaulent
Et je prends lors quelques galons grâce à leur rôle  
Il fait rêver mais qu'il est dur
Cet univers de la couture
Où pour être à la dernièr' mode
Je retouche et je raccomode.

J'enfile, allègre, bien des chas avec aisance
Et la pelote sous mes doigts est d'évidence.
On m'attribue des doigts de fée, une bell' mine
Quand on voit comme est bien roulée ma p'tit' bobine.
Je sais broder des tas de mots comme à l'appel
Et me tiens bien sûr à carreau pour la dentelle:
Quand c'est coton, je suis voué aux durs labeurs
Et file la laine au rouet pendant des heures

Il fait rêver mais qu'il est dur
Cet univers de la couture
Où pour être à la dernièr' mode
Je retouche et je raccomode.

De fil en aiguille, j'ai l'art de bien des points
Et je tricote, maille à part, des "va et viens".
Sur mes machin's, j'aime rouler des mécaniques
Et sans un pli je sais couper court aux critiques .
Ne vous frottez donc pas à moi sinon je pique:
Le hérisson que j'ai au bras m'est bien pratique.
Je peux encor' sortir la griff' de mon label
Pour qu'on arrache admiratif tous mes modèles.

Il fait rêver mais qu'il est dur
Cet univers de la couture
Où pour être à la dernièr' mode
Je retouche et je raccomode.

Je sais pincer même sans rire à qui mieux mieux
Et taill' des costum's sans médir' pour qui le veut.
Je taill', cisaille et mets en pièce pour des bâtis
Et ma boîte à ouvrage en liesse est bien ravie.
Le savoir-faire en confection est exigé
Car pour boucler un' collection, faut du métier:
J'ai de l'étoff' plein à raz bord et puis du style
Pour fair' bouffer en bon dé d'or crêp' et mousseline
Et les mann'quins dès lors défilent 

(Ecrit par Louis Vibauver)