BRETAGNE

Les rues sont désertes. Seuls deux chiens montent la garde à l’entrée du village. Plus loin plusieurs habitations sont en travaux. Avec environ 76 habitants (recensement de janvier 2013), Loc-Envel, situé à 24 km au sud de Guingamp, est la plus petite commune des Côtes-d’Armor.

Pour trouver signe de vie, il faut descendre la route sur une centaine de mètres pour pousser la porte du Ty Coat Café, le seul commerce du bourg. Lorsque nous entrons, la gérante, Cindy Le Lay, fait ses comptes. « Je vous libère la table, installez-vous. Que voulez-vous boire ? Un café maison ? »

La patronne, à 23 ans, a tout quitté il y a un an et demi pour lancer son commerce avec sa mère. Une opportunité plus qu’un plan de carrière, qu’elle ne regrette pour rien au monde.

« J’en vis très convenablement »

« J’étais en études à Brest. J’ai obtenu un BTS en gestion immobilière. J’étais en train de suivre une licence professionnelle patrimoine. Mais j’ai tout stoppé à la Toussaint pour monter le bar. Les locaux n’étaient pas très chers, nous n’avions rien à perdre », raconte l’intéressée, qui se trouve être la seule « jeune » du village, hormis trois enfants en bas âge.

« Beaucoup de gens se demandent comment cela peut marcher dans une si petite commune. Mais je vous assure, j’en vis très convenablement. » Il faut dire aussi que Cindy se donne les moyens d’exister. Sur le pont six jours sur sept, elle s’octroie un jour de congé, le mardi, seulement depuis quelques mois. Elle n’a pris qu’une semaine de vacances en un an et demi. En ouvrant parfois jusqu’à 1 h du matin.

« Quand j’ai commencé en mars 2015, il n’y avait pas eu de commerce à Loc-Envel depuis treize ans. Les habitants en attendaient beaucoup. C’est eux qui me font vivre. »

Les nombreux retraités et quelques agriculteurs de la commune viennent ainsi chaque jour prendre un café, un apéritif ou un digestif. Une façon aussi de partager des nouvelles fraîches.

Tombée amoureuse de Loc-Envel :

« Je suis au courant de tout ici, glisse-t-elle derrière son comptoir. Je passe même plus de temps à discuter avec les gens qu’autre chose… »

D’ailleurs, comment a-t-elle vécu le passage du milieu urbain à la ruralité ? « Ce n’est pas du tout la même façon de vivre. On est vraiment en campagne, isolé. Ne serait-ce que pour avoir du réseau, il faut aller plus haut près du cimetière. J’ai appris à faire sans. »

Par sa « tchatche » et son sourire toujours scotché sur son visage, Cindy Le Lay a réussi à fidéliser les clients du coin mais aussi d’ailleurs. Pourtant, la jeune patronne a fait le choix de ne pas habiter Loc-Envel mais de rester à Loguivy-Plougras, à une dizaine de minutes de là. « Sinon, il n’y aurait pas de limite. Tout le monde viendrait sonner chez moi à n’importe quelle heure pour me demander quelque chose… »

Tombée sous le charme de ce lieu unique, Cindy n’est pas prête à le quitter. D’autant plus que son affaire marche. Au point d’offrir le café pour la route ! « Vous paierez la prochaine fois, ça vous obligera à revenir. Kenavo ! »