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Alfred Dreyfus, né à Mulhouse le 9 octobre 1859 et mort à Paris le 12 juillet 1935, est un officier français d'origine alsacienne et de confession juive. Il a été victime, en 1894, d'une machination judiciaire qui est à l'origine d'une crise politique majeure des débuts de la IIIe République, l'affaire Dreyfus (1894-1906). Durant ces années de troubles, une large partie de l'opinion française se divise entre dreyfusards et anti-dreyfusards.
Biographie
Alfred Dreyfus est issu d'une vieille famille de confession juive installée en Alsace depuis plusieurs siècles. Son grand-père était un modeste commerçant de Rixheim, non loin de Mulhouse. Son père, Raphaël Dreyfus, créa à Mulhouse une petite filature de coton et les affaires prospérant, il y ajouta une usine de tissage. Il permit ainsi à sa famille de faire partie de la bourgeoisie mulhousienne. Raphaël se maria avec Jeanne Libmann-Weill, le couple eut neuf enfants, dont sept survécurent. Alfred Dreyfus est le benjamin de la famille, il passa son enfance dans la maison familiale rue du Sauvage puis dans une maison cossue, rue de la Sinne, à Mulhouse. Sa mère étant tombée malade à la suite de sa naissance, sa sœur aînée Henriette fut pour cet enfant timide comme une seconde mère.
La quiétude de la vie familiale est perturbée par la guerre franco-allemande de 1870, la défaite française et la perte de l'Alsace-Lorraine. Après la signature du traité de Francfort, l'Alsace-Moselle est annexée par l'Empire allemand en 1871. Mosellans et Alsaciens ont cependant la possibilité de garder la nationalité française mais ils doivent dans ce cas quitter leur domicile et partir pour la France. En 1872, les Dreyfus optent pour la nationalité française et quittent l'Alsace pour Paris.
La famille s'installe d'abord à Bâle, en Suisse, puis, en 1873, Alfred Dreyfus est envoyé poursuivre ses études à Paris, où il passe le baccalauréat et entre au collège Sainte-Barbe pour préparer le concours d'entrée à l'École polytechnique. Il est reçu, à 19 ans, 182e sur 236.
Alfred Dreyfus épouse, le 18 avril 1890, Lucie Hadamard (23 août 1869-14 décembre 1945), issue d'une famille aisée de diamantaires originaire de Metz. Le couple a deux enfants : Pierre (5 avril 1891-28 décembre 1946) et Jeanne (22 février 1893-30 avril 1981).
Début de carrière militaire
Il entre à l'École polytechnique en 1878, à 19 ans. En 1880, il en sort 128e sur 286, et accède, avec le grade de sous-lieutenant, à l'École d'application d'artillerie de Fontainebleau.
Au tournant des années 1880, la grande majorité des officiers généraux sont légitimistes ou bonapartistes. L'état-major reste attaché à l'ordre moral, et hostile à la République et à la démocratie, perçues par beaucoup d'officiers comme hostiles à l'armée.
Alfred Dreyfus reste deux ans à Fontainebleau, où il est bien noté par ses supérieurs. Le 1er octobre 1882, il est nommé lieutenant au 31e régiment d'artillerie du Mans. À la fin de 1883, il est affecté aux batteries à cheval de la 1re division de cavalerie de Paris. L'appréciation de ses supérieurs est élogieuse : « intelligent […], consciencieux […], zélé […], officier plein d'entrain, très hardi cavalier, instruit, intelligent, excellent lieutenant de batterie à cheval […], meilleur lieutenant du groupe des batteries ». En septembre 1889, il est nommé capitaine au 21e régiment d'artillerie, détaché comme adjoint à l'École centrale de pyrotechnie militaire de Bourges. Dans le même temps, il prépare les examens d'admission à l'École de guerre, où il est reçu le 20 avril 1890, la veille de son mariage.
Alfred Dreyfus entre à l'École de guerre à l'automne 1890. Les appréciations de ses supérieurs sont une nouvelle fois excellentes. En novembre 1892, il en sort avec la mention « très bien », classé 9e sur 81. Il est ainsi appelé en tant que stagiaire à l'état-major de l'armée, au ministère de la Guerre, le 1er janvier 1893, avec le grade de capitaine. En tant que stagiaire, il passa successivement dans chacun des bureaux de l’état-major.
À partir de 1892, dans son journal, La Libre Parole, Édouard Drumont, laissant libre cours à son antisémitisme, mène une vigoureuse campagne contre la présence d'officiers juifs dans l'armée française. Or, Alfred Dreyfus ne bénéficie pas du soutien d'officier de haut rang, ni d'homme politique. Sa fortune personnelle, son origine alsacienne et juive, susciteraient jalousie et méfiance.
En septembre 1894, la section de « statistique » (en réalité le service d'espionnage et de contre-espionnage de l'armée), soustrait à l’ambassade d'Allemagne un bordereau révélant qu'il existe un traître dans l'armée française. Alfred Dreyfus, dont l'écriture ressemble à celle du bordereau, apparaît rapidement comme le suspect idéal pour plusieurs raisons : les ambitions politiques et la crainte d'être « débarqué » du ministre de la Guerre Auguste Mercier et l'antisémitisme de l'état-major et singulièrement du service de « statistique ».
Le 15 octobre, il est arrêté et incarcéré à la prison du Cherche-Midi pour espionnage au profit de l'Allemagne. Il passe en conseil de guerre à Paris le 19 décembre 1894 ; le procès se déroule à huis clos. Dreyfus est défendu par un avocat pénaliste talentueux, Edgar Demange, de confession catholique, choisi par son frère Mathieu. Cet avocat tente de démontrer à la Cour l'insuffisance des charges pesant sur l'accusé puisque les différentes expertises en écritures produites se contredisent ; l'une de celles-ci a été effectuée par Bertillon.
Mais, contre toute attente, Dreyfus est condamné le 22 décembre à l'unanimité pour trahison, « à la destitution de son grade, à la dégradation militaire, et à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée », c'est-à-dire au bagne en Guyane. Il n'est pas condamné à mort, cette peine ayant été abolie pour les crimes politiques depuis 1848.
Pour les autorités, la presse et le public, les quelques doutes d'avant procès sont dissipés. Son cas est évoqué devant la Chambre des députés et il ne trouve alors aucun défenseur, pas même en la personne de Jean Jaurès qui le condamne à la tribune ou de Clemenceau, les deux soulignant que la peine de mort venait d'être appliquée à un jeune soldat insolent en vertu du Code de justice militaire.
Alfred Dreyfus est dégradé le 5 janvier 1895, dans la cour d'honneur de l'École militaire de Paris, devant une foule hostile.
À 9 heures, encadré par une escouade de six artilleurs sabre au clair et accompagné par un lieutenant de la Garde républicaine, le capitaine Dreyfus, sabre à la main et revolver en sautoir, avance sous un roulement de tambour, au centre d'un carré formé de quatre mille soldats (chacun des régiments de la garnison de Paris a envoyé deux détachements, l'un de soldats en armes, l'autre de recrues) et où se tient le général Darras à cheval, grand officiant de la cérémonie, suivi du colonel Fayet, major de la garnison. Entre deux détachements, une tribune spécialement aménagée est réservée aux invités, politiques, diplomates et journalistes accrédités, parmi lesquels Barrès, chantre du nationalisme, et Léon Daudet, polémiste antisémitec. Une foule de milliers de personnes, tenue à distance derrière les grilles de la cour Morland, crie notamment : « À mort Judas ! Mort au juif ! ».
Le greffier du Conseil de guerre, M. Vallecalle, lit le jugement. Le général crie ensuite : « Alfred Dreyfus, vous êtes indigne de porter les armes. Au nom du peuple français, nous vous dégradons ! ». Dreyfus, les deux bras tournés vers l'armée, crie en écho « Soldats, on dégrade un innocent ! Soldats, on déshonore un innocent ! Vive la France ! Vive l'armée ! » L'adjudant Bouxin de la garde républicaine arrache les insignes de son rang, galons d'or du képi et des manches, épaulettes, boutons dorés de son dolman noir, bandes rouges du pantalon. Il brise le sabre sur une de ses cuisses et laisse tomber à terre les deux tronçons rompus. Entouré de quatre artilleurs, Dreyfus en guenilles, doit défiler autour de la place d'armes. La cérémonie dure quelque dix minutes.
Le 21 février 1895, Alfred Dreyfus est embarqué sur le Ville-de-Saint-Nazaire, qui accoste à l'île Royale le 8 mars. Gardé secrètement sur l'île Royale, il pose pied sur l'île du Diable cinq jours plus tard.
Les conditions de détention sont pénibles : il est surveillé jour et nuit par des gardiens relevés toutes les deux heures. Il a interdiction de parler à ses geôliers, qui ne peuvent à leur tour lui parler. Sa liberté de mouvement est limitée aux 200 mètres à découvert entourant la case, local de 4 × 4 m, où il loge. Lucie, son épouse, n'est pas autorisée à le rejoindre contrairement aux lois de 1872 et 1873. Le climat équatorial est particulièrement éprouvant, chaleur et sécheresse alternant avec des pluies torrentielles.
À partir du 14 avril 1895, le prisonnier tient son journal mais l'interrompt le 10 septembre 1896 « tellement las, tellement brisé de corps et d'âme ».
En septembre 1896, la nouvelle de son évasion, répandue par la presse britannique à l'instigation de Mathieu Dreyfus pour que son frère ne tombe pas dans l’oubli, est reprise par les journaux français mais démentie le lendemain. Néanmoins, par précaution, le ministre des Colonies, André Lebon, ordonne de faire construire une double palissade autour de sa case et de le faire mettre aux fers, la nuit, du 6 septembre au 20 octobre 1896. De jour comme de nuit, Dreyfus est consigné dans sa case.
Sa santé et son moral déclinent rapidement. Le bagnard Charles Benjamin Ullmo, qui occupe la case après Dreyfus, raconte que celui-ci disait parler aux requins et que ceux-ci venaient à l'appel. Il dort avec l'aide de calmants prescrits par le médecin des îles, écrit à sa femme, à son frère, au général de Boisdeffre, chef d'état-major des armées, au président de la République, alors que sa correspondance est inspectée minutieusement. Dans ses lettres, Dreyfus défend constamment son honneur, clame son innocence, demande la réouverture de l'enquête. Le courrier lui arrive avec deux mois de retard, certaines de ses lettres ne parviennent pas à sa femme et certaines lettres de son épouse ne lui sont pas transmises : elles sont, à partir de mars 1897, recopiées par « une main banale ». Il remplit ses cahiers du nom de sa femme et de figures géométriques. Tenu dans l'ignorance complète des progrès concernant son dossier, il n'essaie toutefois jamais de s'évader ou de tenter une quelconque violence à l'encontre des autorités du bagne.
En mars 1896, le lieutenant-colonel Georges Picquart, devenu chef du service de renseignements (section de statistique) en juillet 1895, intercepte un document, le « petit bleu », qui ne laisse aucun doute sur les accointances de son auteur, le commandant Esterhazy, avec l'ambassade d'Allemagne. Il découvre par ailleurs que le dossier secret comportant des pièces couvertes par le secret militaire, communiqué au conseil de guerre pendant le délibéré, à l'insu de la défense, est vide de preuves.
L'affaire Dreyfus naît à ce moment-là, à la suite de l'acquittement du véritable traître, Ferdinand Walsin Esterhazy, au moment où Émile Zola publie « J'accuse… ! » dans L’Aurore du 13 janvier 1898, une lettre adressée au président Félix Faure où il affirme que Dreyfus est innocent. L'État engage alors un très médiatisé procès en diffamation à rebondissements, au terme duquel Émile Zola est condamné au maximum de la peine. L'Affaire éclate alors au grand jour et divise les grands courants politiques de l'époque en clans « dreyfusards » et « anti-dreyfusards ».
Parmi les autres défenseurs d'Alfred Dreyfus se situe notamment l'écrivain Charles Péguy, dont la librairie Bellais, qu'il fonde en 1898 avec l'argent de son épouse, sert de quartier général aux « dreyfusards » du Quartier latin ; d'autres dreyfusistes se réunissaient ailleurs car « le dreyfusisme fut éclaté, hétérogène voire hétéroclite et eut au moins une dizaine de ces quartiers généraux : la rédaction de L’Aurore, celles des Figaro, des Droits de l’Homme, du Journal du Peuple, du Radical, de La Revue blanche, la librairie Stock, le bureau de Lucien Herr, etc. ».
Son cas, à nouveau évoqué à la Chambre des députés, provoque un scandale dans le cadre de crises ministérielles. Les « preuves » produites par le ministre de la Guerre devant la Chambre se révèlent être des faux commis par les militaires. L'auteur de ces fausses pièces, le colonel Henry, interrogé par le ministre de la Guerre Godefroy Cavaignac le 30 août 1898, reconnaît les faits. Mis en état d'arrestation, il est emprisonné au fort du Mont Valérien le jour même. Le lendemain matin, il est retrouvé mort dans sa cellule, couvert de sang, la gorge ouverte, un rasoir à la main.
Après l'arrêt de la Cour de cassation annulant le premier jugement, Dreyfus est rapatrié pour être jugé par un second conseil de guerre, à Rennes. Le procès public débute le 7 août 1899 ; Alfred Dreyfus y comparait physiquement affaibli. Maurice Barrès qui assiste au procès, retient un instant son fiel antisémite et dresse ce portait de Dreyfus :
« Toute la salle bougea d'horreur et de pitié mêlées quand Dreyfus parut. Sa figure mince et contractée ! […] ce pauvre petit homme qui, chargé de tant de commentaires, s'avançait avec une prodigieuse rapidité. Nous ne sentîmes rien à cette minute qu'un mince flot de douleur qui entrait dans la salle. On jetait en pleine lumière une misérable guenille humaine. Une boule de chair vivante, disputée entre deux camps de joueurs et qui depuis six ans n'a pas eu une minute de repos, vient d'Amérique rouler au milieu de notre bataille. Mais déjà Dreyfus a gravi les trois marches de l'estrade, la nouvelle station de son calvaire […] »
Le 9 septembre, le jury le reconnaît à nouveau coupable de trahison, mais lui accorde le bénéfice de circonstances atténuantes et le condamne à dix ans de détention. Dreyfus, sur le conseil de ses avocats, signe alors une demande de pourvoi en cassation. Son état de santé fait craindre à certains de ses proches les conséquences d'une nouvelle détention. Après un débat qui divise les chefs de file des dreyfusards (Clemenceau, Jaurès, Millerand…), Mathieu Dreyfus convainc son frère de renoncer à son pourvoi en cassation et de signer un recours en grâce. Le 19 septembre 1899, le président de la République, Émile Loubet, gracie Alfred Dreyfus. Mais le combat pour la reconnaissance de son innocence n'est pas terminé pour autant.
La grâce de Dreyfus ouvre la voie à l'apaisement des esprits. Une loi d'amnistie concernant « tous les faits criminels ou délictueux connexes à l'affaire Dreyfus ou ayant été compris dans une poursuite relative à l'un de ces faits », excepté le jugement de Dreyfus - qui peut ainsi poursuivre sa demande de révision - est votée par le Parlement en décembre 1900.
Mais la grâce obtenue, la liberté acquise et le retour à la vie ordinaire retirent à Dreyfus le statut de martyr dont l'avaient paré les dreyfusards. Il attire sur sa personne les rancœurs de certains d'entre eux (Labori, Picquard, Péguy…), qui n'acceptent pas qu'il ait privilégié sa vie privée au combat emblématique pour la justice. Il lui est reproché d'avoir négocié la grâce avec le gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau et de ne pas manifester assez de reconnaissance envers ceux qui se sont engagés pour lui. Pour plusieurs personnalités, il n'est plus un innocent persécuté supportant avec stoïcisme son martyre ; il a renoncé à être un symbole en restant en dessous de la cause qu'il représentait.
Cependant, Alfred Dreyfus souhaite toujours se pourvoir en cassation mais a besoin pour ce faire qu'apparaissent des faits nouveaux non établis au procès de Rennes. Les 6 et 7 avril 1903, Jean Jaurès qui mène le combat à la Chambre des députés, en donnant lecture d'une lettre du général de Pellieux datée du 31 août 1898, est interrompu par le président du Conseil de l'époque, Henri Brisson, qui en séance, affirme que le gouvernement n'en avait pas eu connaissance. Le fait nouveau est là, le général André, ministre de la Guerre, est chargé de mener une enquête. Alfred Dreyfus dépose une requête en révision le 25 novembre 1903. La chambre criminelle de la Cour de cassation rassemble les pièces du dossier et les examine jusqu'au 19 novembre 1904. De plus, deux rapports sont remis à la chambre criminelle, l'un sur un faux du commandant Henry et l'autre sur l'expertise graphologique de Bertillon. Le travail d'enquête est terminé le 14 mai 1905. Il ne reste qu'à statuer. Il est décidé de ne le faire qu'après les élections législatives de mai 1906. Le marathon judiciaire ne prend fin que le 12 juillet 1906, lorsque les chambres réunies de la Cour de cassation rendent l'arrêt suivant :
« Attendu en dernière analyse que de l'accusation portée contre Dreyfus rien ne reste debout,
Et que l'annulation du jugement du Conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse, à charge, être qualifié de crime ou délit ;
Attendu dès lors que, par application du paragraphe final de l'article 445 du code d'instruction criminelle, aucun renvoi ne doit être prononcé ;
Par ces motifs,
Annule le jugement du Conseil de guerre de Rennes, qui le 9 septembre 1899, a condamné Dreyfus à dix ans de détention et à la dégradation militaire […] ;
Dit que c'est par erreur et à tort que cette condamnation a été prononcée ; [...] »
Alfred Dreyfus est ensuite réintégré dans l'armée avec le grade de chef d'escadron. Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur, le 20 juillet 1906 et décoré au cours d'une cérémonie officielle dans la cour de l'École militaire où la troupe lui rend les honneurs. Le 25 juillet, présenté au président de la République, Armand Fallières, il informe celui-ci de son intention de prendre sa retraite.
Toutefois, son ancienneté mal calculée ne lui donne pas le rang qu'il aurait dû avoir. Alfred Dreyfus nommé commandant de l'artillerie pour l'arrondissement de Saint-Denis, le 15 octobre 1906, tente quelques démarches auprès du président du Conseil, Georges Clemenceau, et du ministre de la Guerre, le général Picquart, pour obtenir le grade de lieutenant-colonel, auquel il aurait pu prétendre si son temps de détention avait été intégré à son ancienneté de service, sans succès. Il fait alors valoir ses droits et est mis à la retraite, le 25 octobre 1907.
En 1908, il est victime d'un attentat par balles et blessé au bras lors de la cérémonie de transfert au Panthéon des cendres d'Émile Zola, son défenseur. L'auteur de l'attentat, le journaliste antisémite Louis Grégori, est acquitté, lors de son procès.
Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, en tant que chef d'escadron d'artillerie de réserve, il est affecté à l'état-major de l'artillerie du camp retranché de Paris ; puis, à partir de 1917, au parc d'artillerie de la 168e division. Il participe aux combats du Chemin des Dames et de Verdun. En septembre 1918, il est élevé au grade de lieutenant-colonel et, le 9 juillet 1919, promu officier de la Légion d'honneur.
Après la Grande Guerre, prématurément vieilli, il mène une vie paisible dans son appartement parisien entouré de ses proches. Souffrant pendant plusieurs mois, il part en Suisse se faire opérer ; à son retour, il reste alité, soigné par son gendre médecin, et meurt le 12 juillet 1935. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse.
Il a survécu à tous ceux qui l'avaient soutenu : Auguste Scheurer-Kestner, le premier à être convaincu de son innocence, est mort en 1899, Émile Zola en 1902, Bernard Lazare en 1903, le général Picquart en janvier 1914, Jean Jaurès assassiné le 31 juillet 1914, Charles Péguy tué au combat, le 5 septembre 1914, Fernand Labori, l'un de ses avocats au procès de Rennes, en 1917, Joseph Reinach en 1921, Anatole France en 1924, Edgar Demange, son avocat tout au long de l'affaire, en 1925, Georges Clemenceau en 1929, Mathieu Dreyfus, le « frère admirable », en 1930. Quant au véritable espion, Esterhazy, réfugié en Angleterre sous une fausse identité, il meurt en 1923.
Peu de temps avant sa mort, Alfred Dreyfus avait résumé ainsi sa vie à son petit-fils : « Je n'étais qu'un officier d'artillerie, qu'une tragique erreur a empêché de suivre son chemin. »
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