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Date de création : 09.08.2009
Dernière mise à jour : 31.01.2016
113496 articles


POEME VICTOR HUGO

quand nous habitions tous ensemble

Publié à 09:26 par angeoudemongif Tags : moi belle bonjour dieu nuit travail fleurs ange bleu anges pensées
quand nous habitions tous ensemble

Quand nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d’autrefois,
Où l’eau court, où le buisson tremble,
Dans la maison qui touche aux bois,

Elle avait dix ans, et moi trente ;
J’étais pour elle l’univers.
Oh ! comme l’herbe est odorante
Sous les arbres profonds et verts !

Elle faisait mon sort prospère,
Mon travail léger, mon ciel bleu.
Lorsqu’elle me disait : Mon père,
Tout mon cœur s’écriait : Mon Dieu !

A travers mes songes sans nombre,
J’écoutais son parler joyeux,
Et mon front s’éclairait dans l’ombre
A la lumière de ses yeux.

Elle avait l’air d’une princesse
Quand je la tenais par la main ;
Elle cherchait des fleurs sans cesse
Et des pauvres dans le chemin.

Elle donnait comme on dérobe,
En se cachant aux yeux de tous.
Oh ! la belle petite robe
Qu’elle avait, vous rappelez-vous ?

Le soir, auprès de ma bougie,
Elle jasait à petit bruit,
Tandis qu’à la vitre rougie
Heurtaient les papillons de nuit.

Les anges se miraient en elle.
Que son bonjour était charmant !
Le ciel mettait dans sa prunelle
Ce regard qui jamais ne ment.

Oh ! je l’avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin !
C’était l’enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin !

Quand la lune claire et sereine
Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,
Comme nous allions dans la plaine !
Comme nous courions dans les bois !

Puis, vers la lumière isolée
Étoilant le logis obscur,
Nous revenions par la vallée
En tournant le coin du vieux mur ;

Nous revenions, cœurs pleins de flamme,
En parlant des splendeurs du ciel.
Je composais cette jeune âme
Comme l’abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensées,
Elle était gaie en arrivant… —-
Toutes ces choses sont passées

Comme l’ombre et comme le vent !

o gouffre l ame plonge

Publié à 08:59 par angeoudemongif Tags : monde nuit
 o gouffre l ame plonge

Ô gouffre ! l’âme plonge et rapporte le doute.
Nous entendons sur nous les heures, goutte à goutte,
Tomber comme l’eau sur les plombs ;
L’homme est brumeux, le monde est noir, le ciel est sombre ;
Les formes de la nuit vont et viennent dans l’ombre ;
Et nous, pâles, nous contemplons.

Nous contemplons l’obscur, l’inconnu, l’invisible.
Nous sondons le réel, l’idéal, le possible,
L’être, spectre toujours présent.
Nous regardons trembler l’ombre indéterminée.
Nous sommes accoudés sur notre destinée,
L’œil fixe et l’esprit frémissant.

Nous épions des bruits dans ces vides funèbres ;
Nous écoutons le souffle, errant dans les ténèbres,
Dont frissonne l’obscurité ;
Et, par moment, perdus dans les nuits insondables,
Nous voyons s’éclairer de lueurs formidables

La vitre de l’éternité.

nous allions au verger cueillir des bigarreaux

Publié à 08:58 par angeoudemongif
nous allions au verger cueillir des bigarreaux

Nous allions au verger cueillir des bigarreaux.
Avec ses beaux bras blancs en marbre de Paros,
Elle montait dans l’arbre et courbait une branche;
Les feuilles frissonnaient au vent; sa gorge blanche,
O Virgile, ondoyait dans l’ombre et le soleil;
Ses petits doigts allaient chercher le fruit vermeil,
Semblable au feu qu’on voit dans le buisson qui flambe.
Je montais derrière elle; elle montrait sa jambe,
Et disait: -Taisez-vous!- à mes regards ardents;
Et chantait. Par moments, entre ses belles dents,
Pareille, aux chansons près, à Diane farouche,
Penchée, elle m’offrait la cerise à sa bouche;
Et ma bouche riait, et venait s’y poser,

Et laissait la cerise et prenait le baiser.

on vit on parle

Publié à 08:50 par angeoudemongif Tags : vie amour femme fille mort travail oiseaux pensée voiture livres
on vit on parle

On vit, on parle, on a le ciel et les nuages
Sur la tête ; on se plaît aux livres des vieux sages ;
On lit Virgile et Dante ; on va joyeusement
En voiture publique à quelque endroit charmant,
En riant aux éclats de l’auberge et du gîte ;
Le regard d’une femme en passant vous agite ;
On aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois !
On écoute le chant des oiseaux dans les bois
Le matin, on s’éveille, et toute une famille
Vous embrasse, une mère, une sœur, une fille !
On déjeune en lisant son journal. Tout le jour
On mêle à sa pensée espoir, travail, amour ;
La vie arrive avec ses passions troublées ;
On jette sa parole aux sombres assemblées ;
Devant le but qu’on veut et le sort qui vous prend,
On se sent faible et fort, on est petit et grand ;
On est flot dans la foule, âme dans la tempête ;
Tout vient et passe ; on est en deuil, on est en fête ;
On arrive, on recule, on lutte avec effort… –

Puis, le vaste et profond silence de la mort !

pleurs dans la nuit

pleurs dans la nuit

Je suis l’être incliné qui jette ce qu’il pense ;
Qui demande à la nuit le secret du silence ;
Dont la brume emplit l’œil ;
Dans une ombre sans fond mes paroles descendent,
Et les choses sur qui tombent mes strophes rendent
Le son creux du cercueil.

Mon esprit, qui du doute a senti la piqûre,
Habite, âpre songeur, la rêverie obscure
Aux flots plombés et bleus,
Lac hideux où l’horreur tord ses bras, pâle nymphe,
Et qui fait boire une eau morte comme la lymphe
Aux rochers scrofuleux.

Le Doute, fils bâtard de l’aïeule Sagesse,
Crie : — À quoi bon ? — devant l’éternelle largesse,
Nous fait tout oublier,
S’offre à nous, morne abri, dans nos marches sans nombre,
Nous dit : — Es-tu las ? Viens ! — et l’homme dort à l’ombre
De ce mancenilier.

L’effet pleure et sans cesse interroge la cause.
La création semble attendre quelque chose.
L’homme à l’homme est obscur.
Où donc commence l’âme ? où donc finit la vie ?
Nous voudrions, c’est là notre incurable envie,
Voir par-dessus le mur.

Nous rampons, oiseaux pris sous le filet de l’être ;
Libres et prisonniers, l’immuable pénètre
Toutes nos volontés ;
Captifs sous le réseau des choses nécessaires,
Nous sentons se lier des fils à nos misères
Dans les immensités.

II

Nous sommes au cachot ; la porte est inflexible ;
Mais, dans une main sombre, inconnue, invisible,
Qui passe par moment,
À travers l’ombre, espoir des âmes sérieuses,
On entend le trousseau des clefs mystérieuses
Sonner confusément.

La vision de l’être emplit les yeux de l’homme.
Un mariage obscur sans cesse se consomme
De l’ombre avec le jour ;
Ce monde, est-ce un éden tombé dans la géhenne ?
Nous avons dans le cœur des ténèbres de haine
Et des clartés d’amour.

La création n’a qu’une prunelle trouble.
L’être éternellement montre sa face double,
Mal et bien, glace et feu ;
L’homme sent à la fois, âme pure et chair sombre,
La morsure du ver de terre au fond de l’ombre
Et le baiser de Dieu.

Mais à de certains jours, l’âme est comme une veuve.
Nous entendons gémir les vivants dans l’épreuve.
Nous doutons, nous tremblons,
Pendant que l’aube épand ses lumières sacrées
Et que mai sur nos seuils mêle les fleurs dorées
Avec les enfants blonds.

Qu’importe la lumière, et l’aurore, et les astres,
Fleurs des chapiteaux bleus, diamants des pilastres
Du profond firmament,
Et mai qui nous caresse, et l’enfant qui nous charme,
Si tout n’est qu’un soupir, si tout n’est qu’une larme,
Si tout n’est qu’un moment !

III

Le sort nous use au jour, triste meule qui tourne.
L’homme inquiet et vain croit marcher, il séjourne ;
Il expire en créant.
Nous avons la seconde et nous rêvons l’année ;
Et la dimension de notre destinée,
C’est poussière et néant.

L’abîme, où les soleils sont les égaux des mouches,
Nous tient ; nous n’entendons que des sanglots farouches
Ou des rires moqueurs ;
Vers la cible d’en haut qui dans l’azur s’élève,
Nous lançons nos projets, nos vœux, l’espoir, le rêve,
Ces flèches de nos cœurs.

Nous voulons durer, vivre, être éternels. Ô cendre !
Où donc est la fourmi qu’on appelle Alexandre ?
Où donc le ver César ?
En tombant sur nos fronts, la minute nous tue.
Nous passons, noir essaim, foule de deuil vêtue,
Comme le bruit d’un char.

Nous montons à l’assaut du temps comme une armée.
Sur nos groupes confus que voile la fumée
Des jours évanouis,
L’énorme éternité luit, splendide et stagnante ;
Le cadran, bouclier de l’heure rayonnante,
Nous terrasse éblouis !

IV

À l’instant où l’on dit : Vivons ! tout se déchire.
Les pleurs subitement descendent sur le rire.
Tête nue ! à genoux !
Tes fils sont morts, mon père est mort, leur mère est morte.
Ô deuil ! qui passe là ? C’est un cercueil qu’on porte.
À qui le portez-vous ?

Ils le portent à l’ombre, au silence, à la terre ;
Ils le portent au calme obscur, à l’aube austère,
À la brume sans bords,
Au mystère qui tord ses anneaux sous des voiles,
Au serpent inconnu qui lèche les étoiles
Et qui baise les morts !

V

Ils le portent aux vers, au néant, à Peut-Être !
Car la plupart d’entre eux n’ont point vu le jour naître ;
Sceptiques et bornés,
La négation monte et la matière hostile,
Flambeaux d’aveuglement, troublent l’âme inutile
De ces infortunés.

Pour eux le ciel ment, l’homme est un songe et croit vivre ;
Ils ont beau feuilleter page à page le livre,
Ils ne comprennent pas ;
Ils vivent en hochant la tête, et, dans le vide,
L’écheveau ténébreux que le doute dévide
Se mêle sous leurs pas.

Pour eux l’âme naufrage avec le corps qui sombre.
Leur rêve a les yeux creux et regarde de l’ombre ;
Rien est le mot du sort ;
Et chacun d’eux, riant de la voûte étoilée,
Porte en son cœur, au lieu de l’espérance ailée,
Une tête de mort.

Sourds à l’hymne des bois, au sombre cri de l’orgue,
Chacun d’eux est un champ plein de cendre, une morgue
Où pendent des lambeaux,
Un cimetière où l’oeil des frémissants poëtes
Voit planer l’ironie et toutes ses chouettes,
L’ombre et tous ses corbeaux.

Quand l’astre et le roseau leur disent : Il faut croire ;
Ils disent au jonc vert, à l’astre en sa nuit noire :
Vous êtes insensés !
Quand l’arbre leur murmure à l’oreille : Il existe ;
Ces fous répondent : Non ! et, si le chêne insiste,
Ils lui disent : Assez !

Quelle nuit ! le semeur nié par la semence !
L’univers n’est pour eux qu’une vaste démence,
Sans but et sans milieu ;
Leur âme, en agitant l’immensité profonde,
N’y sent même pas l’être, et dans le grelot monde
N’entend pas sonner Dieu !

VI

Le corbillard franchit le seuil du cimetière.
Le gai matin, qui rit à la nature entière,
Resplendit sur ce deuil ;
Tout être a son mystère où l’on sent l’âme éclore,
Et l’offre à l’infini ; l’astre apporte l’aurore,
Et l’homme le cercueil.

Le dedans de la fosse apparaît, triste crèche.
Des pierres par endroits percent la terre fraîche ;
Et l’on entend le glas ;
Elles semblent s’ouvrir ainsi que des paupières,
Et le papillon blanc dit : —Qu’ont donc fait ces pierres ? -
Et la fleur dit : —Hélas ! -

VII

Est-ce que par hasard ces pierres sont punies,
Dieu vivant, pour subir de telles agonies ?
Ah ! ce que nous souffrons
N’est rien… — Plus bas que l’arbre en proie aux froides bises,
Sous cette forme horrible, est-ce que les Cambyses,
Est-ce que les Nérons,

Après avoir tenu les peuples dans leur serre,
Et crucifié l’homme au noir gibet misère,
Mis le monde en lambeaux,
Souillé l’âme, et changé, sous le vent des désastres,
L’univers en charnier, et fait monter aux astres
La vapeur des tombeaux,

Après avoir passé joyeux dans la victoire,
Dans l’orgueil, et partout imprimé sur l’histoire
Leurs ongles furieux,
Et, monstres qu’entrevoit l’homme en ses léthargies,
Après avoir sur terre été des effigies
Du mal mystérieux,

Après avoir peuplé les prisons élargies,
Et versé tant de meurtre aux vastes mers rougies,
Tant de morts, glaive au flanc,
Tant d’ombre, et de carnage, et d’horreurs inconnues,
Que le soleil, le soir, hésitait dans les nues
Devant ce bain sanglant !

Après avoir mordu le troupeau que Dieu mène,
Et tourné tour à tour de la torture humaine
L’atroce cabestan,
Et régné sous la pourpre et sous le laticlave,
Et plié six mille ans Adam, le vieil esclave,
Sous le vieux roi Satan,

Est-ce que le chasseur Nemrod, Sforce le pâtre,
Est-ce que Messaline, est-ce que Cléopâtre,
Caligula, Macrin,
Et les Achabs, par qui renaissaient les Sodomes,
Et Phalaris, qui fit du hurlement des hommes
La clameur de l’airain,

Est-ce que Charles Neuf, Constantin, Louis Onze,
Vitellius, la fange, et Busiris, le bronze,
Les Cyrus dévorants,
Les Égystes montrés du doigt par les Électres,
Seraient dans cette nuit, d’hommes devenus spectres,
Et pierres de tyrans ?

Est-ce que ces cailloux, tout pénétrés de crimes,
Dans l’horreur étouffés, scellés dans les abîmes,
Enviant l’ossement,
Sans air, sans mouvement, sans jour, sans yeux, sans bouche,
Entre l’herbe sinistre et le cercueil farouche,
Vivraient affreusement ?

Est-ce que ce seraient des âmes condamnées,
Des maudits qui, pendant des millions d’années,
Seuls avec le remords,
Au lieu de voir, des yeux de l’astre solitaire,
Sortir les rayons d’or, verraient les vers de terre
Sortir des yeux des morts ?

Homme et roche, exister, noir dans l’ombre vivante !
Songer, pétrifié dans sa propre épouvante !
Rêver l’éternité !
Dévorer ses fureurs, confusément rugies !
Être pris, ouragan de crimes et d’orgies,
Dans l’immobilité !

Punition ! problème obscur ! questions sombres !
Quoi ! ce caillou dirait : — J’ai mis Thèbe en décombres !
J’ai vu Suze à genoux !
J’étais Bélus à Tyr ! j’étais Sylla dans Rome ! —
Noire captivité des vieux démons de l’homme !
Ô pierres, qu’êtes-vous ?

Qu’a fait ce bloc, béant dans la fosse insalubre ?
Glacé du froid profond de la terre lugubre,
Informe et châtié,
Aveugle, même aux feux que la nuit réverbère,
Il pense et se souvient… — Quoi ! ce n’est que Tibère !
Seigneur, ayez pitié !

Ce dur silex noyé dans la terre, âpre, fruste,
Couvert d’ombre, pendant que le ciel s’ouvre au juste
Qui s’y réfugia,
Jaloux du chien qui jappe et de l’âne qui passe,
Songe et dit : Je suis là ! — Dieu vivant, faites grâce !
Ce n’est que Borgia !

Ô Dieu bon, penchez-vous sur tous ces misérables !
Sauvez ces submergés, aimez ces exécrables !
Ouvrez les soupiraux.
Au nom des innocents, Dieu, pardonnez aux crimes.
Père, fermez l’enfer. Juge, au nom des victimes,
Grâce pour les bourreaux !

De toutes parts s’élève un cri : Miséricorde !
Les peuples nus, liés, fouettés à coups de corde,
Lugubres travailleurs,
Voyant leur maître en proie aux châtiments sublimes,
Ont pitié du despote, et, saignant de ses crimes,
Pleurent de ses douleurs ;

Les pâles nations regardent dans le gouffre,
Et ces grands suppliants, pour le tyran qui souffre,
T’implorent, Dieu jaloux ;
L’esclave mis en croix, l’opprimé sur la claie,
Plaint le satrape au fond de l’abîme, et la plaie
Dit : Grâce pour les clous !

Dieu serein, regardez d’un regard salutaire
Ces reclus ténébreux qu’emprisonne la terre
Pleine d’obscurs verrous,
Ces forçats dont le bagne est le dedans des pierres,
Et levez, à la voix des justes en prières,
Ces effrayants écrous.

Père, prenez pitié du monstre et de la roche.
De tous les condamnés que le pardon s’approche !
Jadis, roi des combats,
Ces bandits sur la terre ont fait une tempête ;
Étant montés plus haut dans l’horreur que la bête,
Ils sont tombés plus bas.

Grâce pour eux ! clémence, espoir, pardon, refuge,
Au jonc qui fut un prince, au ver qui fut un juge !
Le méchant, c’est le fou.
Dieu, rouvrez au maudit ! Dieu, relevez l’infâme !
Rendez à tous l’azur. Donnez au tigre une âme,
Des ailes au caillou !

Mystère ! obsession de tout esprit qui pense !
Échelle de la peine et de la récompense !
Nuit qui monte en clarté !
Sourire épanoui sur la torture amère !
Vision du sépulcre ! êtes-vous la chimère,
Ou la réalité ?

VIII

La fosse, plaie au flanc de la terre, est ouverte,
Et, béante, elle fait frissonner l’herbe verte
Et le buisson jauni ;
Elle est là, froide, calme, étroite, inanimée,
Et l’âme en voit sortir, ainsi qu’une fumée,
L’ombre de l’infini.

Et les oiseaux de l’air, qui, planant sur les cimes,
Volant sous tous les cieux, comparent les abîmes
Dans les courses qu’ils font,
Songent au noir Vésuve, à l’Océan superbe,
Et disent, en voyant cette fosse dans l’herbe :
Voici le plus profond !

IX

L’âme est partie, on rend le corps à la nature.
La vie a disparu sous cette créature ;
Mort, où sont tes appuis ?
Le voilà hors du temps, de l’espace et du nombre.
On le descend avec une corde dans l’ombre
Comme un seau dans un puits.

Que voulez-vous puiser dans ce puits formidable ?
Et pourquoi jetez-vous la sonde à l’insondable ?
Qu’y voulez-vous puiser ?
Est-ce l’adieu lointain et doux de ceux qu’on aime ?
Est-ce un regard ? Hélas ! est-ce un soupir suprême ?
Est-ce un dernier baiser ?

Qu’y voulez-vous puiser, vivants, essaim frivole ?
Est-ce un frémissement du vide où tout s’envole,
Un bruit, une clarté,
Une lettre du mot que Dieu seul peut écrire ?
Est-ce, pour le mêler à vos éclats de rire,
Un peu d’éternité ?

Dans ce gouffre où la larve entr’ouvre son oeil terne,
Dans cette épouvantable et livide citerne,
Abîme de douleurs,
Dans ce cratère obscur des muettes demeures,
Que voulez-vous puiser, ô passants de peu d’heures,
Hommes de peu de pleurs ?

Est-ce le secret sombre ? est-ce la froide goutte
Qui, larme du néant, suinte de l’âpre voûte
Sans aube et sans flambeau ?
Est-ce quelque lueur effarée et hagarde ?
Est-ce le cri jeté par tout ce qui regarde
Derrière le tombeau ?

Vous ne puiserez rien. Les morts tombent. La fosse
Les voit descendre, avec leur âme juste ou fausse,
Leur nom, leurs pas, leur bruit.
Un jour, quand souffleront les célestes haleines,
Dieu seul remontera toutes ces urnes pleines
De l’éternelle nuit.

X

Et la terre, agitant la ronce à sa surface,
Dit : — L’homme est mort ; c’est bien ; que veut-on que j’en fasse ?
Pourquoi me le rend-on ?
Terre ! fais-en des fleurs ! des lys que l’aube arrose !
De cette bouche aux dents béantes, fais la rose
Entr’ouvrant son bouton !

Fais ruisseler ce sang dans tes sources d’eaux vives,
Et fais-le boire aux bœufs mugissants, tes convives ;
Prends ces chairs en haillons ;
Fais de ces seins bleuis sortir des violettes,
Et couvre de ces yeux que t’offrent les squelettes
L’aile des papillons.

Fais avec tous ces morts une joyeuse vie.
Fais-en le fier torrent qui gronde et qui dévie,
La mousse aux frais tapis !
Fais-en des rocs, des joncs, des fruits, des vignes mûres,
Des brises, des parfums, des bois pleins de murmures,
Des sillons pleins d’épis !

Fais-en des buissons verts, fais-en de grandes herbes !
Et qu’en ton sein profond d’où se lèvent les gerbes,
À travers leur sommeil,
Les effroyables morts sans souffle et sans paroles
Se sentent frissonner dans toutes ces corolles
Qui tremblent au soleil !

XI

La terre, sur la bière où le mort pâle écoute,
Tombe, et le nid gazouille, et, là-bas, sur la route
Siffle le paysan ;
Et ces fils, ces amis que le regret amène,
N’attendent même pas que la fosse soit pleine
Pour dire : Allons-nous-en !

Le fossoyeur, payé par ces douleurs hâtées,
Jette sur le cercueil la terre à pelletées.
Toi qui, dans ton linceul,
Rêvais le deuil sans fin, cette blanche colombe,
Avec cet homme allant et venant sur ta tombe,
Ô mort, te voilà seul !

Commencement de l’âpre et morne solitude !
Tu ne changeras plus de lit ni d’attitude ;
L’heure aux pas solennels
Ne sonne plus pour toi ; l’ombre te fait terrible ;
L’immobile suaire a sur ta forme horrible
Mis ses plis éternels.

Et puis le fossoyeur s’en va boire la fosse.
Il vient de voir des dents que la terre déchausse,
Il rit, il mange, il mord ;
Et prend, en murmurant des chansons hébétées,
Un verre dans ses mains à chaque instant heurtées
Aux choses de la mort.

Le soir vient ; l’horizon s’emplit d’inquiétude ;
L’herbe tremble et bruit comme une multitude ;
Le fleuve blanc reluit ;
Le paysage obscur prend les veines des marbres ;
Ces hydres que, le jour, on appelle des arbres,
Se tordent dans la nuit.

Le mort est seul. Il sent la nuit qui le dévore.
Quand naît le doux matin, tout l’azur de l’aurore,
Tous ses rayons si beaux,
Tout l’amour des oiseaux et leurs chansons sans nombre,
Vont aux berceaux dorés ; et, la nuit, toute l’ombre
Aboutit aux tombeaux.

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les malheureux

les malheureux

À MES ENFANTS

Puisque déjà l’épreuve aux luttes vous convie,
Ô mes enfants ! parlons un peu de cette vie.
Je me souviens qu’un jour, marchant dans un bois noir
Où des ravins creusaient un farouche entonnoir,
Dans un de ces endroits où sous l’herbe et la ronce
Le chemin disparaît et le ruisseau s’enfonce,
Je vis, parmi les grès, les houx, les sauvageons,
Fumer un toit bâti de chaumes et de joncs.
La fumée avait peine à monter dans les branches ;
Les fenêtres étaient les crevasses des planches ;
On eût dit que les rocs cachaient avec ennui
Ce logis tremblant, triste, humble ; et que c’était lui
Que les petits oiseaux, sous le hêtre et l’érable,
Plaignaient, tant il était chétif et misérable !
Pensif, dans les buissons j’en cherchais le sentier.
Comme je regardais ce chaume, un muletier
Passa, chantant, fouettant quelques bêtes de somme.
Qui donc demeure là ? — demandai-je à cet homme.
L’homme, tout en chantant, me dit : — Un malheureux.-

J’allai vers la masure au fond du ravin creux ;
Un arbre, de sa branche où brillait une goutte,
Sembla se faire un doigt pour m’en montrer la route,
Et le vent m’en ouvrit la porte ; et j’y trouvai
Un vieux, vêtu de bure, assis sur un pavé.
Ce vieillard, près d’un âtre où séchaient quelques toiles,
Dans ce bouge aux passants ouvert, comme aux étoiles,
Vivait, seul jour et nuit, sans clôture, sans chien,
Sans clef ; la pauvreté garde ceux qui n’ont rien.

J’entrai ; le vieux soupait d’un peu d’eau, d’une pomme ;
Sans pain ; et je me mis à plaindre ce pauvre homme.
— Comment pouvait-il vivre ainsi ? Qu’il était dur
De n’avoir même pas un volet à son mur ;
L’hiver doit être affreux dans ce lieu solitaire ;
Et pas même un grabat ! il couchait donc à terre ?
Là, sur ce tas de paille, et dans ce coin étroit !
Vous devez être mal, vous devez avoir froid,
Bon père, et c’est un sort bien triste que le vôtre !

— Fils, — dit-il doucement, — allez en plaindre un autre.
Je suis dans ces grands bois et sous le ciel vermeil,
Et je n’ai pas de lit, fils, mais j’ai le sommeil.
Quand l’aube luit pour moi, quand je regarde vivre
Toute cette forêt dont la senteur m’enivre,
Ces sources et ces fleurs, je n’ai pas de raison
De me plaindre, je suis le fils de la maison.
Je n’ai point fait de mal. Calme, avec l’indigence
Et les haillons, je vis en bonne intelligence,
Et je fais bon ménage avec Dieu mon voisin.
Je le sens près de moi dans le nid, dans l’essaim,
Dans les arbres profonds où parle une voix douce,
Dans l’azur où la vie à chaque instant nous pousse,
Et dans cette ombre vaste et sainte où je suis né.
Je ne demande à Dieu rien de trop, car je n’ai
Pas grande ambition, et, pourvu que j’atteigne
Jusqu’à la branche où pend la mûre ou la châtaigne,
Il est content de moi, je suis content de lui.
Je suis heureux.-

*

xxxxxxxxxxxxxxxx J’étais jadis, comme aujourd’hui,
Le passant qui regarde en bas, l’homme des songes.
Mes enfants, à travers les brumes, les mensonges,
Les lueurs des tombeaux, les spectres des chevets,
Les apparences d’ombre et de clarté, je vais
Méditant, et toujours un instinct me ramène
À connaître le fond de la souffrance humaine.
L’abîme des douleurs m’attire. D’autres sont
Les sondeurs frémissants de l’océan profond ;
Ils fouillent, vent des cieux, l’onde que tu balaies ;
Ils plongent dans les mers ; je plonge dans les plaies.
Leur gouffre est effrayant, mais pas plus que le mien.
Je descends plus bas qu’eux, ne leur enviant rien,
Sachant qu’à tout chercheur Dieu garde une largesse,
Content s’ils ont la perle et si j’ai la sagesse.

Or, il semble, à qui voit tout ce gouffre en rêvant,
Que les justes, parmi la nuée et le vent,
Sont un vol frissonnant d’aigles et de colombes.

*

J’ai souvent, à genoux que je suis sur les tombes,
La grande vision du sort ; et par moment
Le destin m’apparaît, ainsi qu’un firmament
Où l’on verrait, au lieu des étoiles, des âmes.
Tout ce qu’on nomme angoisse, adversité, les flammes,
Les brasiers, les billots, bien souvent tout cela
Dans mon noir crépuscule, enfants, étincela.
J’ai vu, dans cette obscure et morne transparence,
Passer l’homme de Rome et l’homme de Florence,
Caton au manteau blanc, et Dante au fier sourcil,
L’un ayant le poignard au flanc, l’autre l’exil ;
Caton était joyeux et Dante était tranquille.
J’ai vu Jeanne au poteau qu’on brûlait dans la ville,
Et j’ai dit : Jeanne d’Arc, ton noir bûcher fumant
A moins de flamboiement que de rayonnement.
J’ai vu Campanella songer dans la torture,
Et faire à sa pensée une âpre nourriture
Des chevalets, des crocs, des pinces, des réchauds
Et de l’horreur qui flotte au plafond des cachots.
J’ai vu Thomas Morus, Lavoisier, Loiserolle,
Jane Gray, bouche ouverte ainsi qu’une corolle,
Toi, Charlotte Corday, vous, madame Roland,
Camille Desmoulins, saignant et contemplant,
Robespierre à l’oeil froid, Danton aux cris superbes ;
J’ai vu Jean qui parlait au désert, Malesherbes,
Egmont, André Chénier, rêveur des purs sommets,
Et mes yeux resteront éblouis à jamais
Du sourire serein de ces têtes coupées.
Coligny, sous l’éclair farouche des épées,
Resplendissait devant mon regard éperdu.
Livide et radieux, Socrate m’a tendu
Sa coupe en me disant : —— As-tu soif ? bois la vie.
Huss, me voyant pleurer, m’a dit : —— Est-ce d’envie ?
Et Thraséas, s’ouvrant les veines dans son bain,
Chantait : — Rome est le fruit du vieux rameau sabin ;
Le soleil est le fruit de ces branches funèbres
Que la nuit sur nous croise et qu’on nomme ténèbres,
Et la joie est le fruit du grand arbre douleur. —
Colomb, l’envahisseur des vagues, l’oiseleur
Du sombre aigle Amérique, et l’homme que Dieu mène,
Celui qui donne un monde et reçoit une chaîne,
Colomb aux fers criait : — Tout est bien. En avant !
Saint-Just sanglant m’a dit : — Je suis libre et vivant.
Phocion m’a jeté, mourant, cette parole :
— Je crois, et je rends grâce aux Dieux ! — Savonarole,
Comme je m’approchais du brasier d’où sa main
Sortait, brûlée et noire et montrant le chemin,
M’a dit, en faisant signe aux flammes de se taire :
— Ne crains pas de mourir. Qu’est-ce que cette terre ?
Est-ce ton corps qui fait ta joie et qui t’est cher ?
La véritable vie est où n’est plus la chair.
Ne crains pas de mourir. Créature plaintive,
Ne sens-tu pas en toi comme une aile captive ?
Sous ton crâne, caveau muré, ne sens-tu pas
Comme un ange enfermé qui sanglote tout bas ?
Qui meurt, grandit. Le corps, époux impur de l’âme,
Plein des vils appétits d’où naît le vice infâme,
Pesant, fétide, abject, malade à tous moments,
Branlant sur sa charpente affreuse d’ossements,
Gonflé d’humeurs, couvert d’une peau qui se ride,
Souffrant le froid, le chaud, la faim, la soif aride,
Traîne un ventre hideux, s’assouvit, mange et dort.
Mais il vieillit enfin, et, lorsque vient la mort,
L’âme, vers la lumière éclatante et dorée,
S’envole, de ce monstre horrible délivrée. —

Une nuit que j’avais, devant mes yeux obscurs,
Un fantôme de ville et des spectres de murs,
J’ai, comme au fond d’un rêve où rien n’a plus de forme,
Entendu, près des tours d’un temple au dôme énorme,
Une vois qui sortait de dessous un monceau
De blocs noirs d’où le sang coulait en long ruisseau ;
Cette voix murmurait des chants et des prières.
C’était la lapidé qui bénissait les pierres ;
Étienne le martyr, qui disait : — Ô mon front,
Rayonne ! Désormais les hommes s’aimeront ;
Jésus règne. Ô mon Dieu, récompensez les hommes !
Ce sont eux qui nous font les élus que nous sommes.
Joie ! amour ! pierre à pierre, ô Dieu, je vous le dis,
Mes frères m’ont jeté le seuil du paradis !

*

Elle était là debout, la mère douloureuse.
L’obscurité farouche, aveugle, sourde, affreuse,
Pleurait de toutes parts autour du Golgotha.
Christ, le jour devint noir quand on vous en ôta.
Et votre dernier souffle emporta la lumière.
Elle était là debout près du gibet, la mère !
Et je me dis : Voilà la douleur ! et je vins.
— Qu’avez-vous donc, lui dis-je, entre vos doigts divins ?
Alors, aux pieds du fils saignant du coup de lance,
Elle leva sa droite et l’ouvrit en silence,
Et je vis dans sa main l’étoile du matin.

Quoi ! ce deuil-là, Seigneur, n’est pas même certain !
Et la mère, qui râle au bas de la croix sombre,
Est consolée, ayant les soleils dans son ombre,
Et, tandis que ses yeux hagards pleurent du sang,
Elle sent une joie immense en se disant :
— Mon fils est Dieu ! mon fils sauve la vie au monde ! —-
Et pourtant où trouver plus d’épouvante immonde,
Plus d’effroi, plus d’angoisse et plus de désespoir
Que dans ce temps lugubre où le genre humain noir,
Frissonnant du banquet autant que du martyre,
Entend pleurer Marie et Trimalcion rire !

*

Mais la foule s’écrie : — Oui, sans doute, c’est beau,
Le martyre, la mort, quand c’est un grand tombeau !
Quand on est un Socrate, un Jean Huss, un Messie !
Quand on s’appelle vie, avenir, prophétie !
Quand l’encensoir s’allume au feu qui vous brûla,
Quand les siècles, les temps et les peuples sont là
Qui vous dressent, parmi leurs brumes et leurs voiles,
Un cénotaphe énorme au milieu des étoiles,
Si bien que la nuit semble être le drap du deuil,
Et que les astres sont les cierges du cercueil !
Le billot tenterait même le plus timide
Si sa bière dormait sous une pyramide.
Quand on marche à la mort, recueillant en chemin
La bénédiction de tout le genre humain,
Quand des groupes en pleurs baisent vos traces fières,
Quand on s’entend crier par les murs, par les pierres,
Et jusque par les gonds du seuil de sa prison :
Tu vas de ta mémoire éclairer l’horizon ;
Fantôme éblouissant, tu vas dorer l’histoire,
Et, vêtu de ta mort comme d’une victoire,
T’asseoir au fronton bleu des hommes immortels ! -
Lorsque les échafauds ont des aspects d’autels,
Qu’on se sent admiré du bourreau qui vous tue,
Que le cadavre va se relever statue,
Mourant plein de clarté, d’aube, de firmament,
D’éclat, d’honneur, de gloire, on meurt facilement !
L’homme est si vaniteux, qu’il rit à la torture
Quand c’est une royale et tragique aventure,
Quand c’est une tenaille immense qui le mord,
Quand les durs instruments d’agonie et de mort
Sortent de quelque forge inouïe et géante,
Notre orgueil, oubliant la blessure béante,
Se console des clous en voyant le marteau.
Avoir une montagne auguste pour poteau,
Être battu des flots ou battu des nuées,
Entendre l’univers plein de vagues huées
Murmurer : — Regardez ce colosse ! les nœuds,
Les fers et les carcans le font plus lumineux !
C’est le vaincu Rayon, le damné Météore !
Il a volé la foudre et dérobé l’aurore ! —-
Être un supplicié du gouffre illimité,
Être un titan cloué sur une énormité,
Cela plaît. On veut bien des maux qui sont sublimes ;
Et l’on se dit : Souffrons, mais souffrons sur les cimes !

Eh bien, non ! — Le sublime est en bas. Le grand choix,
C’est de choisir l’affront. De même que parfois
La pourpre est déshonneur, souvent la fange est lustre.
La boue imméritée atteignant l’âme illustre,
L’opprobre, ce cachot d’où l’auréole sort,
Le cul de basse-fosse où nous jette le sort,
Le fond noir de l’épreuve où le malheur nous traîne,
Sont le comble éclatant de la grandeur sereine.
Et, quand, dans le supplice où nous devons lutter,
Le lâche destin va jusqu’à nous insulter,
Quand sur nous il entasse outrage, rire, blâme,
Et tant de contre-sens entre le sort et l’âme
Que notre vie arrive à la difformité,
La laideur de l’épreuve en devient la beauté.
C’est Samson à Gaza, c’est Épictète à Rome ;
L’abjection du sort fait la gloire de l’homme.
Plus de brume ne fait que couvrir plus d’azur.
Ce que l’homme ici-bas peut avoir de plus pur,
De plus beau, de plus noble en ce monde où l’on pleure,
C’est chute, abaissement, misère extérieure,
Acceptés pour garder la grandeur du dedans.
Oui, tous les chiens de l’ombre, autour de vous grondants,
Le blâme ingrat, la haine aux fureurs coutumière,
Oui, tomber dans la nuit quand c’est pour la lumière,
Faire horreur, n’être plus qu’un ulcère, indigner
L’homme heureux, et qu’on raille en vous voyant saigner,
Et qu’on marche sur vous, qu’on vous crache au visage,
Quand c’est pour la vertu, pour le vrai, pour le sage,
Pour le bien, pour l’honneur, il n’est rien de plus doux.
Quelle splendeur qu’un juste abandonné de tous,
N’ayant plus qu’un haillon dans le mal qui le mine,
Et jetant aux dédains, au deuil, à la vermine,
A sa plaie, aux douleurs, de tranquilles défis !
Même quand Prométhée est là, Job, tu suffis
Pour faire le fumier plus haut que le Caucase.

Le juste, méprisé comme un ver qu’on écrase,
M’éblouit d’autant plus que nous le blasphémons.
Ce que les froids bourreaux à faces de démons
Mêlent avec leur main monstrueuse et servile
A l’exécution pour la rendre plus vile,
Grandit le patient au regard de l’esprit.
Ô croix ! les deux voleurs sont deux rayons du Christ !

*

Ainsi, tous les souffrants m’ont apparu splendides,
Satisfaits, radieux, doux, souverains, candides,
Heureux, la plaie au sein, la joie au cœur ; les uns
Jetés dans la fournaise et devenant parfums,
Ceux-là jetés aux nuits et devenant aurores ;
Les croyants, dévorés dans les cirques sonores,
Râlaient un chant, aux pieds des bêtes étouffés ;
Les penseurs souriaient aux noirs autodafés,
Aux glaives, aux carcans, aux chemises de soufre ;
Et je me suis alors écrié : Qui donc souffre ?
Pour qui donc, si le sort, ô Dieu, n’est pas moqueur,
Toute cette pitié que tu m’as mise au cœur ?
Qu’en dois-je faire ? à qui faut-il que je la garde ?
Où sont les malheureux ? — et Dieu m’a dit : — Regarde.

*

Et j’ai vu des palais, des fêtes, des festins,
Des femmes qui mêlaient leurs blancheurs aux satins,
Des murs hautains ayant des jaspes pour écorces,
Des serpents d’or roulés dans des colonnes torses,
Avec de vastes dais pendant aux grands plafonds ;
Et j’entendais chanter : — Jouissons ! triomphons ! —-
Et les lyres, les luths, les clairons dont le cuivre
A l’air de se dissoudre en fanfare et de vivre,
Et l’orgue, devant qui l’ombre écoute et se tait,
Tout un orchestre énorme et monstrueux chantait ;
Et ce triomphe était rempli d’hommes superbes
Qui riaient et portaient toute la terre en gerbes,
Et dont les fronts dorés, brillants, audacieux,
Fiers, semblaient s’achever en astres dans les cieux.
Et, pendant qu’autour d’eux des voix criaient : — Victoire
A jamais ! à jamais force, puissance et gloire !
Et fête dans la ville ! et joie à la maison ! —
Je voyais, au-dessus du livide horizon,
Trembler le glaive immense et sombre de l’archange.

Ils s’épanouissaient dans une aurore étrange,
Ils vivaient dans l’orgueil comme dans leur cité,
Et semblaient ne sentir que leur félicité.
Et Dieu les a tous pris alors l’un après l’autre,
Le puissant, le repu, l’assouvi qui se vautre,
Le czar dans son Kremlin, l’iman au bord du Nil,
Comme on prend les petits d’un chien dans un chenil,
Et, comme il fait le jour sous les vagues marines,
M’ouvrant avec ses mains ces profondes poitrines,
Et, fouillant de son doigt de rayons pénétré
Leurs entrailles, leur foie et leurs reins, m’a montré
Des hydres qui rongeaient le dedans de ces âmes.

Et j’ai vu tressaillir ces hommes et ces femmes ;
Leur visage riant comme un masque est tombé,
Et leur pensée, un monstre effroyable et courbé,
Une naine hagarde, inquiète, bourrue,
Assise sous leur crâne affreux, m’est apparue.
Alors, tremblant, sentant chanceler mes genoux,
Je leur ai demandé : — Mais qui donc êtes-vous ? -
Et ces êtres n’ayant presque plus face d’homme
M’ont dit : — Nous sommes ceux qui font le mal ; et comme
C’est nous qui le faisons, c’est nous qui le souffrons ! -

*

Oh ! le nuage vain des pleurs et des affronts
s’envole, et la douleur passe en criant : Espère !
Vous me l’avez fait voir et toucher, ô vous, Père,
Juge, vous le grand juste et vous le grand clément !
Le rire du succès et du triomphe ment ;
Un invisible doigt caressant se promène
Sous chacun des chaînons de la misère humaine ;
L’adversité soutient ceux qu’elle fait lutter ;
L’indigence est un bien pour qui sait la goûter ;
L’harmonie éternelle autour du pauvre vibre
Et le berce ; l’esclave, étant une âme, est libre,
Et le mendiant dit : Je suis riche, ayant Dieu.
L’innocence aux tourments jette ce cri : C’est peu.
La difformité rit dans Ésope, et la fièvre
Dans Scarron ; l’agonie ouvre aux hymnes sa lèvre ;
Quand je dis : —La douleur est-elle un mal ? — Zénon
Se dresse devant moi paisible, et me dit : — Non.-
Oh ! le martyre est joie et transport, le supplice
Est volupté, les feux du bûcher sont délice,
La souffrance est plaisir, la torture est bonheur ;
Il n’est qu’un malheureux : c’est le méchant, Seigneur.

*

Aux premiers jours du monde, alors que la nuée,
Surprise, contemplait chaque chose créée,
Alors que sur le globe, où le mal avait crû,
Flottait une lueur de l’Éden disparu,
Quand tout encor semblait être rempli d’aurore,
Quand sur l’arbre du temps les ans venaient d’éclore,
Sur la terre, où la chair avec l’esprit se fond,
Il se faisait le soir un silence profond,
Et le désert, les bois, l’onde aux vastes rivages,
Et les herbes des champs, et les bêtes sauvages,
Émus, et les rochers, ces ténébreux cachots,
Voyaient, d’un antre obscur couvert d’arbres si hauts
Que nos chênes auprès sembleraient des arbustes,
Sortir deux grands vieillards, nus, sinistres, augustes.
C’étaient Ève aux cheveux blanchis, et son mari,
Le pâle Adam, pensif, par le travail meurtri,
Ayant la vision de Dieu sous sa paupière.
Ils venaient tous les deux s’asseoir sur une pierre,
En présence des monts fauves et soucieux,
Et de l’éternité formidable des cieux.
Leur oeil triste rendait la nature farouche,
Et là, sans qu’il sortit un souffle de leur bouche,
Les mains sur leurs genoux et se tournant le dos,
Accablés comme ceux qui portent des fardeaux,
Sans autre mouvement de vie extérieure
Que de baisser plus bas la tête d’heure en heure,
Dans une stupeur morne et fatale absorbés,
Froids, livides, hagards, ils regardaient, courbés,
Sous l’être illimité sans figure et sans nombre,
L’un décroître le jour, et l’autre, grandir l’ombre ;
Et, tandis que montaient les constellations,
Et que la première onde aux premiers alcyons
Donnait sous l’infini le long baiser nocturne,
Et qu’ainsi que des fleurs tombant à flots d’une urne
Les astres fourmillants emplissaient le ciel noir,
Ils songeaient, et, rêveurs, sans entendre, sans voir,
Sourds aux rumeurs des mers d’où l’ouragan s’élance,
Toute la nuit, dans l’ombre, ils pleuraient en silence ;
Ils pleuraient tous les deux, aïeux du genre humain,

Le père sur Abel, la mère sur Caïn.

mes vers fuirait doux et freles

Publié à 08:46 par angeoudemongif Tags : nuit jardin
mes vers fuirait doux et freles

Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’oiseau.

Il voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’esprit.

Près de vous, purs et fidèles,
Ils accourraient nuit et jour,
Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’amour.

les mages

les mages

Pourquoi donc faites-vous des prêtres
Quand vous en avez parmi vous ?
Les esprits conducteurs des êtres
Portent un signe sombre et doux.
Nous naissons tous ce que nous sommes.
Dieu de ses mains sacre les hommes
Dans les ténèbres des berceaux ;
Son effrayant doigt invisible
Écrit sous leur crâne la bible
Des arbres, des monts et des eaux.

Ces hommes, ce sont les poëtes ;
Ceux dont l’aile monte et descend ;
Toutes les bouches inquiètes
Qu’ouvre le verbe frémissant ;
Les Virgiles, les Isaïes ;
Toutes les âmes envahies
Par les grandes brumes du sort ;
Tous ceux en qui Dieu se concentre ;
Tous les yeux où la lumière entre,
Tous les fronts d’où le rayon sort.

Ce sont ceux qu’attend Dieu propice
Sur les Horebs et les Thabors ;
Ceux que l’horrible précipice
Retient blêmissants à ses bords ;
Ceux qui sentent la pierre vivre ;
Ceux que Pan formidable enivre ;
Ceux qui sont tout pensifs devant
Les nuages, ces solitudes
Où passent en mille attitudes
Les groupes sonores du vent.

Ce sont les sévères artistes
Que l’aube attire à ses blancheurs,
Les savants, les inventeurs tristes,
Les puiseurs d’ombre, les chercheurs,
Qui ramassent dans les ténèbres
Les faits, les chiffres, les algèbres,
Le nombre où tout est contenu,
Le doute où nos calculs succombent,
Et tous les morceaux noirs qui tombent
Du grand fronton de l’inconnu !

Ce sont les têtes fécondées
Vers qui monte et croît pas à pas
L’océan confus des idées,
Flux que la foule ne voit pas,
Mer de tous les infinis pleine,
Que Dieu suit, que la nuit amène,
Qui remplit l’homme de clarté,
Jette aux rochers l’écume amère,
Et lave les pieds nus d’Homère
Avec un flot d’éternité !

Le poëte s’adosse à l’arche.
David chante et voit Dieu de près ;
Hésiode médite et marche,
Grand prêtre fauve des forêts,
Moïse, immense créature,
Étend ses mains sur la nature ;
Manès parle au gouffre puni,
Écouté des astres sans nombre…
Génie ! ô tiare de l’ombre !
Pontificat de l’infini !

L’un à Patmos, l’autre à Tyrane ;
D’autres criant : Demain ! demain !
D’autres qui sonnent la diane
Dans les sommeils du genre humain ;
L’un fatal, l’autre qui pardonne ;
Eschyle en qui frémit Dodone,
Milton, songeur de Whitehall,
Toi, vieux Shakspeare, âme éternelle ;
Ô figures dont la prunelle
Est la vitre de l’idéal !

Avec sa spirale sublime,
Archimède sur son sommet
Rouvrirait le puits de l’abîme
Si jamais Dieu le refermait ;
Euclide a les lois sous sa garde ;
Kopernic éperdu regarde,
Dans les grands cieux aux mers pareils,
Gouffre où voguent des nefs sans proues,
Tourner toutes ces sombres roues
Dont les moyeux sont des soleils.

Les Thalès, puis les Pythagores ;
Et l’homme, parmi ses erreurs,
Comme dans l’herbe les fulgores,
Voit passer ces grands éclaireurs.
Aristophane rit des sages ;
Lucrèce, pour franchir les âges,
Crée un poëme dont l’œil luit,
Et donne à ce monstre sonore
Toutes les ailes de l’aurore,
Toutes les griffes de la nuit.

Rites profonds de la nature !
Quelques-uns de ces inspirés
Acceptent l’étrange aventure
Des monts noirs et des bois sacrés ;
Ils vont aux Thébaïdes sombres,
Et, là, blêmes dans les décombres,
Ils courbent le tigre fuyant,
L’hyène rampant sur le ventre,
L’océan, la montagne et l’antre,
Sous leur sacerdoce effrayant !

Tes cheveux sont gris sur l’abîme,
Jérôme, ô vieillard du désert !
Élie, un pâle esprit t’anime,
Un ange épouvanté te sert.
Amos, aux lieux inaccessibles,
Des sombres clairons invisibles
Ton oreille entend les accords ;
Ton âme, sur qui Dieu surplombe,
Est déjà toute dans la tombe,
Et tu vis absent de ton corps.

Tu gourmandes l’âme échappée,
Saint Paul, ô lutteur redouté,
Immense apôtre de l’épée,
Grand vaincu de l’éternité !
Tu luis, tu frappes, tu réprouves ;
Et tu chasses du doigt ces louves,
Cythérée, Isis, Astarté ;
Tu veux punir et non absoudre,
Géant, et tu vois dans la foudre
Plus de glaive que de clarté.

Orphée est courbé sur le monde ;
L’éblouissant est ébloui ;
La création est profonde
Et monstrueuse autour de lui ;
Les rochers, ces rudes hercules,
Combattent dans les crépuscules
L’ouragan, sinistre inconnu ;
La mer en pleurs dans la mêlée
Tremble, et la vague échevelée
Se cramponne à leur torse nu.

Baruch au juste dans la peine
Dit : — Frère ! vos os sont meurtris ;
Votre vertu dans nos murs traîne
La chaîne affreuse du mépris ;
Mais comptez sur la délivrance,
Mettez en Dieu votre espérance,
Et de cette nuit du destin,
Demain, si vous avez su croire,
Vous vous lèverez plein de gloire,
Comme l’étoile du matin ! —

L’âme des Pindares se hausse
À la hauteur des Pélions ;
Daniel chante dans la fosse
Et fait sortir Dieu des lions.
Tacite sculpte l’infamie ;
Perse, Archiloque et Jérémie
Ont le même éclair dans les yeux ;
Car le crime à sa suite attire
Les âpres chiens de la satire
Et le grand tonnerre des cieux.

Et voilà les prêtres du rire,
Scarron, noué dans les douleurs,
Ésope, que le fouet déchire,
Cervante aux fers, Molière en pleurs !
Le désespoir et l’espérance !
Entre Démocrite et Térence,
Rabelais, que nul ne comprit ;
Il berce Adam pour qu’il s’endorme,
Et son éclat de rire énorme
Est un des gouffres de l’esprit !

Et Plaute, à qui parlent les chèvres,
Arioste chantant Médor,
Catulle, Horace, dont les lèvres
Font venir les abeilles d’or ;
Comme le double Dioscure,
Anacréon près d’Épicure,
Bion, tout pénétré de jour,
Moschus, sur qui l’Etna flamboie,
Voilà les prêtres de la joie !
Voilà les prêtres de l’amour !

Gluck et Beethoven sont à l’aise
Sous l’ange où Jacob se débat ;
Mozart sourit, et Pergolèse
Murmure ce grand mot : Stabat !
Le noir cerveau de Piranèse
Est une béante fournaise
Où se mêlent l’arche et le ciel,
L’escalier, la tour, la colonne ;
Où croît, monte, s’enfle et bouillonne
L’incommensurable Babel !

L’envie à leur ombre ricane.
Ces demi-dieux signent leur nom,
Bramante sur la Vaticane,
Phidias sur le Parthénon ;
Sur Jésus dans sa crèche blanche,
L’altier Buonarotti se penche
Comme un mage et comme un aïeul,
Et dans tes mains, ô Michel-Ange,
L’enfant devient spectre, et le lange
Est plus sombre que le linceul !

Chacun d’eux écrit un chapitre
Du rituel universel ;
Les uns sculptent le saint pupitre,
Les autres dorent le missel ;
Chacun fait son verset du psaume ;
Lysippe, debout sur l’Ithome,
Fait sa strophe en marbre serein,
Rembrandt à l’ardente paupière,
En toile, Primatice en pierre,
Job en fumier, Dante en airain.

Et toutes ces strophes ensembles
Chantent l’être et montent à Dieu ;
L’une adore et luit, l’autre tremble ;
Toutes sont les griffons de feu ;
Toutes sont le cri des abîmes,
L’appel d’en bas, la voix des cimes,
Le frisson de notre lambeau,
L’hymne instinctif ou volontaire,
L’explication du mystère
Et l’ouverture du tombeau !

À nous qui ne vivons qu’une heure,
Elles font voir les profondeurs,
Et la misère intérieure,
Ciel, à côté de vos grandeurs !
L’homme, esprit captif, les écoute,
Pendant qu’en son cerveau le doute,
Bête aveugle aux lueurs d’en haut,
Pour y prendre l’âme indignée,
Suspend sa toile d’araignée
Au crâne, plafond du cachot.

Elles consolent, aiment, pleurent,
Et, mariant l’idée aux sens,
Ceux qui restent à ceux qui meurent,
Les grains de cendre aux grains d’encens,
Mêlant le sable aux pyramides,
Rendent en même temps humides,
Rappelant à l’un que tout fuit,
À l’autre sa splendeur première,
L’œil de l’astre dans la lumière,
Et l’œil du monstre dans la nuit !

II

Oui, c’est un prêtre que Socrate !
Oui, c’est un prêtre que Caton !
Quand Juvénal fuit Rome ingrate,
Nul sceptre ne vaut son bâton ;
Ce sont des prêtres, les Tyrtées,
Les Solons aux lois respectées,
Les Platons et les Raphaëls !
Fronts d’inspirés, d’esprits, d’arbitres !
Plus resplendissants que les mitres
Dans l’auréole des Noëls !

Vous voyez, fils de la nature,
Apparaître à votre flambeau
Des faces de lumière pure,
Larves du vrai, spectres du beau ;
Le mystère, en Grèce, en Chaldée,
Penseurs, grave à vos fronts l’idée
Et l’hiéroglyphe à vos murs ;
Et les Indes et les Égyptes
Dans les ténèbres de vos cryptes
S’enfoncent en porches obscurs !

Quand les cigognes du Caystre
S’envolent aux souffles des soirs ;
Quand la lune apparaît sinistre
Derrière les grands dômes noirs ;
Quand la trombe aux vagues s’appuie ;
Quand l’orage, l’horreur, la pluie,
Que tordent les bises d’hiver,
Répandent avec des huées
Toutes les larmes des nuées
Sur tous les sanglots de la mer ;

Quand dans les tombeaux les vents jouent
Avec les os des rois défunts ;
Quand les hautes herbes secouent
Leur chevelure de parfums ;
Quand sur nos deuils et sur nos fêtes
Toutes les cloches des tempêtes
Sonnent au suprême beffroi ;
Quand l’aube étale ses opales,
C’est pour ces contemplateurs pâles
Penchés dans l’éternel effroi !

Ils savent ce que le soir calme
Pense des morts qui vont partir ;
Et ce que préfère la palme,
Du conquérant ou du martyr ;
Ils entendent ce que murmure
La voile, la gerbe, l’armure,
Ce que dit, dans le mois joyeux
Des longs jours et des fleurs écloses,
La petite bouche des roses
À l’oreille immense des cieux.

Les vents, les flots, les cris sauvages,
L’azur, l’horreur du bois jauni,
Sont les formidables breuvages
De ces altérés d’infini ;
Ils ajoutent, rêveurs austères,
À leur âme tous les mystères,
Toute la matière à leurs sens ;
Ils s’enivrent de l’étendue ;
L’ombre est une coupe tendue
Où boivent ces sombres passants.

Comme ils regardent, ces messies !
Oh ! comme ils songent effarés !
Dans les ténèbres épaissies
Quels spectateurs démesurés !
Oh ! que de têtes stupéfaites !
Poëtes, apôtres, prophètes,
Méditant, parlant, écrivant,
Sous des suaires, sous des voiles,
Les plis des robes pleins d’étoiles,
Les barbes au gouffre du vent !

III

Savent-ils ce qu’ils font eux-mêmes,
Ces acteurs du drame profond ?
Savent-ils leur propre problème ?
Ils sont. Savent-ils ce qu’ils sont ?
Ils sortent du grand vestiaire
Où, pour s’habiller de matière,
Parfois l’ange même est venu.
Graves, tristes, joyeux, fantasques,
Ne sont-ils pas les sombres masques
De quelque prodige inconnu ?

La joie ou la douleur les farde ;
Ils projettent confusément,
Plus loin que la terre blafarde,
Leurs ombres sur le firmament ;
Leurs gestes étonnent l’abîme ;
Pendant qu’aux hommes, tourbe infime,
Ils parlent le langage humain,
Dans des profondeurs qu’on ignore,
Ils font surgir l’ombre ou l’aurore,
Chaque fois qu’ils lèvent la main.

Ils ont leur rôle ; ils ont leur forme ;
Ils vont, vêtus d’humanité,
Jouant la comédie énorme
De l’homme et de l’éternité ;
Ils tiennent la torche ou la coupe ;
Nous tremblerions si dans leur groupe,
Nous, troupeau, nous pénétrions !
Les astres d’or et la nuit sombre
Se font des questions dans l’ombre
Sur ces splendides histrions.

IV

Ah ! ce qu’ils font est l’œuvre auguste.
Ces histrions sont les héros !
Ils sont le vrai, le saint, le juste,
Apparaissant à nos barreaux.
Nous sentons, dans la nuit mortelle,
La cage en même temps que l’aile ;
Ils nous font espérer un peu ;
Ils sont lumière et nourriture ;
Ils donnent aux cœurs la pâture,
Ils émiettent aux âmes Dieu !

Devant notre race asservie
Le ciel se tait, et rien n’en sort.
Est-ce le rideau de la vie ?
Est-ce le voile de la mort ?
Ténèbres ! l’âme en vain s’élance
L’Inconnu garde le silence,
Et l’homme, qui se sent banni,
Ne sait s’il redoute ou s’il aime
Cette lividité suprême
De l’énigme et de l’infini.

Eux, ils parlent à ce mystère !
Ils interrogent l’éternel,
Ils appellent le solitaire,
Ils montent, ils frappent au ciel,
Disent : es-tu là ? dans la tombe,
Volent, pareils à la colombe
Offrant le rameau qu’elle tient,
Et leur voix est grave, humble ou tendre,
Et par moments on croit entendre
Le pas lourd de quelqu’un qui vient.

V

Nous vivons, debout à l’entrée
De la mort, gouffre illimité,
Nus, tremblants, la chair pénétrée
Du frisson de l’énormité ;
Nos morts sont dans cette marée ;
Nous entendons, foule égarée
Dont le vent souffle le flambeau,
Sans voir de voiles ni de rames,
Le bruit que font ces vagues d’âmes
Sous la falaise du tombeau.

Nous regardons la noire écume,
L’aspect hideux, le fond bruni ;
Nous regardons la nuit, la brume,
L’onde du sépulcre infini ;
Comme un oiseau de mer effleure
La haute rive où gronde et pleure
L’océan plein de Jéhovah,
De temps en temps, blanc et sublime
Par-dessus le mur de l’abîme
Un ange paraît et s’en va.

Quelquefois une plume tombe
De l’aile où l’ange se berçait ;
Retourne-t-elle dans la tombe ?
Que devient-elle ? On ne le sait.
Se mêle-t-elle à notre fange ?
Et qu’a donc crié cet archange ?
A-t-il dit non ? a-t-il dit oui ?
Et la foule cherche, accourue,
En bas la plume disparue,
En haut l’archange évanoui !

Puis, après qu’ont fui comme un rêve
Bien des cœurs morts, bien des yeux clos,
Après qu’on a vu sur la grève
Passer des flots, des flots, des flots,
Dans quelque grotte fatidique,
Sous un doigt de feu qui l’indique,
On trouve un homme surhumain
Traçant des lettres enflammées
Sur un livre plein de fumées,
La plume de l’ange à la main !

Il songe, il calcule, il soupire,
Son poing puissant sous son menton ;
Et l’homme dit : Je suis Shakspeare.
Et l’homme dit : Je suis Newton.
L’homme dit : Je suis Ptolémée ;
Et dans sa grande main fermée
Il tient le globe de la nuit.
L’homme dit : Je suis Zoroastre ;
Et son sourcil abrite un astre,
Et sous son crâne un ciel bleuit !

VI

Oui, grâce aux penseurs, à ces sages,
À ces fous qui disent : Je vois !
Les ténèbres sont des visages,
Le silence s’emplit de voix !
L’homme, comme âme, en Dieu palpite,
Et, comme être, se précipite
Dans le progrès audacieux ;

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le pont

Publié à 08:43 par angeoudemongif Tags : moi fond dieu nuit
le pont

J’avais devant les yeux les ténèbres. L’abîme
Qui n’a pas de rivage et qui n’a pas de cime,
Était là, morne, immense ; et rien n’y remuait.
Je me sentais perdu dans l’infini muet.
Au fond, à travers l’ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m’écriai : — Mon âme, ô mon âme ! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n’apparaît,
Et pour qu’en cette nuit jusqu’à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions d’arches.
Qui le pourra jamais ! Personne ! ô deuil ! effroi !
Pleure ! — Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetai sur l’ombre un œil d’alarme,
Et ce fantôme avait la forme d’une larme ;
C’était un front de vierge avec des mains d’enfant ;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend ;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l’abîme où va toute poussière,
Si profond, que jamais un écho n’y répond ;
Et me dit : — Si tu veux je bâtirai le pont.
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.

— Quel est ton nom ? lui dis-je. Il me dit : — La prière.

n envions rien

Publié à 08:42 par angeoudemongif Tags : bonne coeur belle femme fleurs oiseaux pensée
n envions rien

O femme, pensée aimante
Et coeur souffrant,
Vous trouvez la fleur charmante
Et l’oiseau grand;

Vous enviez la pelouse
Aux fleurs de miel;
Vous voulez que je jalouse
L’oiseau du ciel.

Vous dites, beauté superbe
Au front terni,
Regardant tour à tour l’herbe
Et l’infini:

-Leur existence est la bonne;
-Là, tout est beau;
-Là, sur la fleur qui rayonne,
-Plane l’oiseau!

-Près de vous, aile bénie,
-Lys enchanté,
-Qu’est-ce, hélas! que le génie
-Et la beauté?

-Fleur pure, alouette agile,
-A vous le prix!
-Toi, tu dépasses Virgile;
-Toi, Lycoris!
-Quel vol profond dans l’air sombre!
-Quels doux parfums!—
Et des pleurs brillent sous l’ombre
De vos cils bruns.

Oui, contemplez l’hirondelle,
Les liserons;
Mais ne vous plaignez pas, belle,
Car nous mourrons!

Car nous irons dans la sphère
De l’éther pur;
La femme y sera lumière,
Et l’homme azur;

Et les roses sont moins belles
Que les houris;
Et les oiseaux ont moins d’ailes

Que les esprits!