Elle s'exprime rarement dans les médias. Pour la chronique "Ils ont fait l'actu" de franceinfo, Brigitte Macron s'exprime, notamment, sur son statut de femme de président, son influence auprès d'Emmanuel Macron, sa méfiance vis-à-vis des réseaux sociaux et sa vie à l'Élysée. Brigitte Macron réfute le titre de "première dame" et préfère celui d'"épouse du chef de l’Etat".
Elle revient aussi sur ses engagements, notamment aux côtés des soignants et de leurs patients : elle a ainsi décidé de reprendre l'opération Pièces jaunes, à la suite de Bernadette Chirac, et initié d'autres collectes de fonds ou de matériel. "Les premiers courriers [reçus à l'Élysée], c'était presque exclusivement des problèmes de santé. Je me suis dit que j'ai le devoir, les cinq ans où je suis là, d'être utile. Parce que quand vous êtes chef de l'État, vous êtes élu. Quand vous êtes le conjoint du chef de l'État, les gens ne vous ont pas voulu. Donc il ne faut pas vous imposer à eux. Et la seule manière pour moi de ne pas être importune, c'est d'aider."
franceinfo : Quand on est première dame, est-il important, primordial, d'avoir une activité connue, reconnue aux yeux des Français ?
Brigitte Macron : D'abord, je ne me sens pas "première dame". Je suis l'épouse du chef de l'État. J'essaie au mieux d'honorer cette fonction qui m'est tombée dessus. Mais si j'avais voulu, j'aurais peut-être pu continuer mon métier d'enseignante. Mais, c'est très, très compliqué parce que vous êtes sans cesse sous le regard des autres. Vous avez une sécurité qui vous accompagne partout. Vous avez une énorme responsabilité.
Cette maison, il faut qu'elle dise quelque chose de bien des Français. Il faut la gérer au mieux. Quand je dis gérer, c'est organiser. Un dîner d'État, ça s'organise. Quand nous sommes invités, quand le couple est invité, bien évidemment, on a un rôle à tenir. J'essaie donc de le tenir au mieux, de me renseigner auprès des diplomates, de voir auprès du protocole comment faire quand on arrive dans un pays qu'on connaît mal : que dire, que ne pas dire, comment être tout simplement ? Donc, quand on est un couple et qu'on est invité, c'est très difficile de dire "je n'y vais pas". Le président est allé au Royaume-Uni pour l'Appel du 18 juin. Je devais être avec lui. Au dernier moment, j'ai eu un petit souci ophtalmique. J'ai dû me faire opérer. J'ai dû dire que je faisais cette opération des yeux. J'ai dû appeler la princesse Camilla pour dire que je faisais cette opération. Sinon, il y avait un petit souci diplomatique : "Pourquoi ne vient-elle pas ?"
Est-ce que ce rôle vous pèse parfois ?
Je ne me pose pas la question. Quand on est l'épouse du chef de l'État, on a des devoirs. C'est cinq ans d'une vie. Vous avez des devoirs envers les Français. Donc j'estime que ce devoir, je dois le remplir. Je le fais avec cœur. Je ne dis pas que je le fais toujours bien, mais je le fais avec cœur. S'il y a des ratages, je m'en excuse auprès d'eux.
L'image que vous renvoyez auprès des Français compte-t-elle pour vous ?
Bien sûr que c'est important. Je sais que quelque part, je dis quelque chose de la France puisque je suis l'épouse du chef de l'État. Donc c'est important le regard qu'ils portent sur moi. Je veux simplement leur dire que j'essaie de faire au mieux, que je fais de mon mieux et que je les aime.
Est-ce qu'il vous arrive de regarder les réactions sur les réseaux sociaux ?
Très peu. Je ne suis pas à l'aise quand je ne peux pas répondre. C'est-à-dire que je ne suis pas à l'aise avec l'anonymat, avec les gens qui n'ont pas de visage.
Êtes-vous surprise par la violence sur les réseaux sociaux ?
Je ne la comprends pas. Pourquoi est-ce que systématiquement on a recours à cette violence ? Pourquoi l'autre devient ce que Sartre disait, "le trou de vidange de mon évier" ? Pour moi, l'autre, c'est mon alter ego, ce n'est pas l'ennemi. Je pense que les gens qui insultent sont profondément malheureux.
Vous êtes impliquée dans le monde éducatif, vous intervenez en soutien du monde des soignants, du monde médical. Tentez-vous parfois de faire passer des messages au président à partir de vos observations de terrain ou compartimentez-vous vos activités ?
C'est très compartimenté, c'est clair. Moi, je suis engagée sur des terrains qui ne sont pas politiques. Je me tiens à distance de la politique. D'abord parce que je l'ai dit très précisément, je n'ai pas de goût ni de compétence pour ça. À quel titre ferais-je de la politique ? Mais bien évidemment, tous les gens que je rencontre, ce que je fais, je lui en fais état.
Quand on me demande l'influence [que j'ai sur lui], c'est l'influence qu'on a dans un couple, de même qu'il a de l'influence sur moi, je peux en avoir sur lui. Mais on ne la mesure pas. C'est quelque chose qui fait partie de notre vie personnelle. On parle sans cesse, on se voit beaucoup. On vit ici, on travaille ici, on échange énormément. Mais, bien évidemment, jamais je ne me permets un conseil.
Cependant, dans les décisions prises par le président, sentez-vous parfois votre influence, votre "patte" ?
Ce serait trop prétentieux. Non. Il y a des gens qui sont dans son entourage dont je partage complètement les idées. Je suis totalement en empathie. Mais ils ne sont pas là grâce à moi, contrairement à ce que l'on a dit. Il y a beaucoup de fantasmes, ce qui est très difficile. La question que vous m'avez posée tout à l'heure [concernant les réactions sur les réseaux sociaux], ce sont les mensonges et les fantasmes qui s'imposent parfois, et c'est fou ce qu'ils ont la vie dure. C'est-à-dire que ça devient plus fort que la vérité. Quelquefois, quand je vois des choses totalement fausses, [je me demande] d'où ça sort. C'est ce que j'appelle "l'ordre du fantasme". Les gens pensent qu'on a des pouvoirs, qu'on fait des choses, qu'on ne fait pas. Entre nous, notre vie de couple est simple. On a une vie pas comme les autres. Certainement pas. Mais on a reconstitué une vie de couple à l'Élysée.
Cette vie de première dame depuis trois ans vous convient-elle ?
Je ne me pose pas la question. C'est la vie que j'ai à mener pendant cinq ans, donc je vais la mener. On l'a menée à notre façon, c'est-à-dire qu'il y a un appartement privé à l'Élysée. Et quand je dis qu'il est privé, personne ne rentre dans cet appartement, [il n'y a] que nous. Donc on arrive à avoir notre vie. On n'est pas sans cesse dans les salons, servis par des gens. On l'est quand on reçoit, quand on a du monde.
On se préserve, c'est ce qui fait que ça n'est pas compliqué. Cela aurait été intenable pour moi, si nous n'avions pas pu préserver cela. Comme nous l'avons préservé, nous sommes ici, nous sommes bien, c'est un honneur et c'est comme ça qu'on le reçoit, aussi bien lui que moi.
Diriez-vous que ces trois années passées à l'Elysée ont modifié la personne que vous êtes ?
Ça, je suis sûre que non. Pour une bonne raison : c'est que tous ceux qui m'ont quittée me retrouvent absolument intacte. Ils sont toujours un peu anxieux de dire : "Comment va-t-elle être ?" J'ai le même caractère. J'exerce ma liberté dans la contrainte. Je suis une femme très libre. Il y a des moments de contrainte, mais profondément je reste celle que j'ai toujours été. Je ne sais pas être autrement.
Est-ce que vous redoutez l'après-Élysée ?
Non, pas du tout. Pas du tout. L'avenir, quel qu'il soit, pose problème. Le passé, on peut s'y réfugier, car réconfortant et déterminé. Le présent peut nous réserver des surprises. Mais moi je vis résolument dans le présent. Je pense qu'il n'y a que ça qui existe. Le passé est là. Il ne faut surtout pas le réécrire ou le tuer comme on est en train de le faire avec les statues. Le passé, c'est constitutif de ce que nous sommes. Ça dit quelque chose de nous, même si c'est quelque chose qui ne nous plaît pas. Il est là, donc on doit accepter l'Histoire.
C'est très important de ne pas renier l'Histoire, de pas renier notre culture. Nous ne sommes que la somme de nos actes. Donc je vis résolument dans le présent. L'avenir, c'est toute cette incertitude, tout ce qui peut arriver. Donc bien évidemment, l'avenir peut être inquiétant. Mais l'avenir avec Emmanuel n'est pas inquiétant. C'est un homme solide, extrêmement rassurant et extrêmement gentil. On a beaucoup de chance. J'ai beaucoup de chance d'être mariée avec un homme comme lui et j'en ai tous les jours la certitude depuis plus de vingt ans.
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