Handicap par une blessure au dos, le décathlonien Kévin Mayer a réussi à conserver son argent de Rio. − ANDREJ ISAKOVIC / AFP
JO de Tokyo : Kevin Mayer, l'argent au bout de l'effort
AVEC LE CŒUR - Arrivé à Tokyo avec l'objectif de ramener l'or olympique, Kevin Mayer doit se contenter de l'argent, comme à Rio en 2016. Le détenteur du record du monde, touché au dos, a toutefois réussi à dépasser la douleur pour accrocher un podium.
Yohan ROBLIN - Publié aujourd’hui à 15h46, mis à jour à 16h45
Il est allé au bout de lui-même. Au bout de ce qu'un champion de sa trempe peut donner. Gêné par une douleur au dos, qui l'avait ému aux larmes après les premières épreuves mercredi, Kevin Mayer s'est arraché, jeudi 5 août, pour conserver sa médaille d'argent glanée à Rio. Mal embarqué après une première journée très en-deça de ses espérances, le vice-champion olympique a réussi à se remobiliser pour aller chercher le même métal, cinq ans plus tard, au Stade olympique de Tokyo.
Il a bouclé le décathlon avec un total de 8726 points derrière l'intouchable Damian Warner, le premier homme à dépasser les 9000 points aux Jeux (9018 points, 5e plus gros total de l'histoire). L'Australien Ashley Moloney (8649 points) a remporté la médaille de bronze. Ce résultat est presque héroïque tant le Français, détenteur du record du monde, n'a quasiment jamais été dans ses standards habituels au cours de ses deux jours de labeur. "Le rendez-vous de ma vie est gâché", avait-il confié. Il avait toutefois limité les dégâts à la hauteur, avec un saut à 2,08m, soulagé par la prise d'anti-inflammatoires.
À la traîne à mi-parcours (5e), le champion du monde 2017 a su puiser dans ses ressources mentales et physiques pour ne pas repartir bredouille du Japon. Il a réussi, au courage, à refaire une partie de son retard lors de la deuxième partie du concours. Après avoir dépassé ses peurs à la perche (5,20m), où il n'a plus excellé depuis les Mondiaux de Doha, Mayer a laissé sortir tout ce qu'il avait au fond de lui au javelot. Sur son deuxième lancer, il a claqué un 73,09m, effaçant son record personnel, pour monter sur la deuxième marche du podium. Délivré par cette performance, dont lui seul a le secret, il n'a eu plus qu'à assurer sur le 1500m, échouant finalement à 292 petites unités de la médaille en or qu'il était venue chercher.
Je ne pouvais pas espérer mieux- Kevin Mayer, vice-champion olympique du décathlon
"J'ai fait épreuve après épreuve. Je ne savais pas quand ça allait lâcher et ça n'a pas lâché. Cette hauteur et ce javelot, ce que c'était bon ! Ce sont les deux seules épreuves où il ne faut pas de la vitesse, mais juste un bon placement. C'est celles que j'ai réussies et qui montrent mon vrai potentiel. Sur le javelot, je croyais que j'avais fait 70m et finalement, c'était 73m donc j'ai explosé de bonheur", a savouré le double vice-champion olympique au micro de France 2. "À chaque fois que j'étais dans le dur, j'ai pensé à mes proches qui n'étaient pas là. Réussir ça dans mon état physique. J'ai été vice-champion à Rio en optimisant mon potentiel et là j'ai une nouvelle médaille en pensant abandonner. Je ne pouvais pas espérer mieux."
Car, certes ce n'est pas de l'or, mais c'est de l'argent qui vaut presque autant, vu les circonstances. Avec sa médaille, la 27e de la délégation tricolore au Japon, Kevin Mayer vient aussi ouvrir le compteur de l'équipe de France d'athlétisme dans ces Jeux. Avant lui, ni les hurdleurs sur 110m haies (Pascal Martinot-Lagarde, 5e, et Aurel Manga, 13e) ni le lancer du marteau (Alexandra Tavernier, 4e, et Quentin Bigot, 5e), pas plus que les autres athlètes français engagés, n'étaient parvenus à monter sur les podiums. À Tokyo, sauf surprise de Yohann Diniz sur 50km marche vendredi, il devrait être le seul médaillé. Un fiasco qui fait mauvais genre, cinq ans après les six breloques ramenées de Rio, et surtout à moins de trois ans des JO de Paris.