Comme une impression de déjà-vu… Aux Etats-Unis et au Canada, l’enseigne Costco a annoncé jeudi limiter les achats à quelques unités sur plusieurs produits, dont le papier toilette. Si on n’en est pas encore là en France, les tensions sur le papier font planer le risque d’une augmentation des prix sur tout le secteur du produit papier, voire de pénuries dans certains.
Leader en France des produits d’hygiène, avec ses marques Lotus, Okay ou Tena, Essity tire l’alarme. Depuis un an, le groupe « subit une augmentation de ses coûts de 30 % », relève le groupe auprès du Parisien. Une hausse qui, malgré « de nombreuses mesures pour tenter de limiter (son) impact », comme la réduction des emballages, ne peut aux yeux du groupe qu’être répercutée, face à une « augmentation soudaine et soutenue dans la durée du coût des matières premières, emballages, transport et énergies ».
« La vague est tellement forte que la grande distribution doit accepter de refléter cet impact, et partager l’effort avec nous, industriels, en prenant à sa charge une partie de la hausse », signalait lundi dans Les Echos, Arnaud Lafleur, le vice-président d’Essity. Autrement dit : les distributeurs doivent accepter de payer plus, quitte à augmenter le prix en rayons.
Une augmentation des prix « inéluctable »
« Une augmentation des prix pour les produits à base de papier est inéluctable : la hausse des coût est tellement forte qu’une entreprise papetière ne peut se permettre de ne pas la répercuter », explique au Parisien Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses (Copacel). Nul ne veut aujourd’hui pronostiquer le montant de l’augmentation sur le prix du rouleau.
Comment en est-on arrivé là ? La crise du papier est semblable à la crise des matières premières qui touche tous les secteurs. Le coup de frein donné au début de l’épidémie, en mars 2020, puis la reprise plus rapide et plus forte que prévu ont bouleversé les marchés. Certains pays comme la Chine qui ont redémarré plus rapidement que d’autres ont de fait déstabilisé la géographie des échanges et des conteneurs, menant à une explosion du coût des transports… et les délais de livraison. « On a une tension sur la matière première qu’est la pâte à papier, produite principalement en Amérique du Sud et en Scandinavie », explique Paul-Antoine Lacour. La Copacel pointe une explosion des prix des matières premières en l’espace de huit mois de + 44 % pour la pâte de résineux et + 47 % sur la pâte de feuillus…
Et ce n’est pas tout. Popee, lancée il y a deux ans, a pour ambition de produire du papier toilette issu de papier recyclé. Problème : ce papier provient, pour une grande majorité, des déchets des entreprises. « Pendant la crise, avec le confinement et le télétravail, les gens sont moins venus en entreprise donc il y avait moins de papier à recycler », explique Audrey Destang, à la tête de l’entreprise. Pire : les grands groupes, mis en difficulté par les problématiques de transport, s’y sont intéressés, faisant monter le cours du papier recyclé à des niveaux jamais atteints.
Une énergie toujours plus chère
À ces problématiques, il faut aussi ajouter les difficultés liées au coût de l’énergie qui explose aussi. Lundi encore, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a annoncé une nouvelle augmentation du prix du gaz à compter du 1er octobre, ce qui aura une incidence sur le prix de l’électricité. « Sur les marchés de gros de l’énergie, les prix de l’électricité ont progressé de plus de 200 % en septembre 2021 par rapport à septembre 2020 », note la Copacel, qui relève aussi une augmentation du prix du gaz de plus de 300 % depuis le début de l’année et une « augmentation très marquée des quotas de CO2 ». Autant d’éléments qui font bondir les coûts de production.
Faut-il craindre une pénurie de papier ? « Peut-être pas, note Paul-Antoine Lacour. Mais il peut y avoir des tensions sur certains secteurs. » La presse et le milieu de l’édition sont particulièrement concernés, « avec des difficultés très fortes pour le tirage de papier ». Et pour le papier toilette et autres produits d’hygiène ? « Tout dépend de la manière dont les entreprises travaillent commercialement », explique le délégué général de la Copacel, qui évoque « des tensions et des délais plus longs ».
Aux premiers jours du confinement, en mars 2020, les rayons de papier toilette avaient été dévalisés par des Français inquiets, créant de fait une pénurie, la logistique n’arrivant pas à suivre malgré une offre existante.
Une augmentation du prix du papier toilette, et plus globalement des produits à base de papier, serait un nouveau coup dur pour les ménages français. Selon un relevé de l’Insee sur le mois d’août, les prix ont augmenté de 1,9 % en un an, après une hausse 0,6 % sur le mois. Audrey Destang évoque, elle, une idée pour éviter que le papier toilette ne vienne grever le porte-monnaie des Français : « Le papier toilette a une TVA de 20 % aujourd’hui, on pourrait le considérer comme un produit de première nécessité et y appliquer une TVA de 5,5 %. »