De même, si certaines personnes acceptent en dehors d'une logique sexuelle la représentation des parties intimes de l'être humain, comme les naturistes, elles ne peuvent accepter la représentation réaliste de l'acte sexuel - pour des raisons très variables, allant de la pudeur à l'association de l'acte sexuel à quelque chose de honteux ou de bestial, qui tend à abaisser la dignité de l'Homme (argument auquel on peut opposer celui de l'acte de se nourrir que nous partageons aussi avec les animaux et que l'on élève plus aisément au rang d'art, contre-argument auquel on peut opposer la défécation que nous partageons avec les animaux et que nous ne pratiquons pas en public). Mais pour d'autres, ce n'est pas l'acte qui est honteux, mais le fait de s'exhiber et de se livrer au désir d'autrui en niant ainsi sa propre dignité humaine (on s'abaisse à n'être qu'un moyen de satisfaction). Dans ces cas, la pornographie est alors synonyme de vulgarité ou d'obscénité.
Publié à 17:51 par dessinsagogo55
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On trouve des représentations d'actes sexuels dans la plupart des sociétés humaines depuis la préhistoire. Mais les fonctions de ces représentations restent mal connues : ainsi, on associe souvent de telles scènes à des rites de fécondité de l'Antiquité au Moyen Âge (qui restent cependant hypothétiques).
Selon les sociétés, la représentation de la sexualité est soumise à des normes différentes qui sont souvent liées aux définitions qu'elles donnent de la sexualité : les célèbres sculptures érotiques des temples de Khajurâho en Inde, qui s'intègrent dans une architecture religieuse, n'avaient certainement pas le même statut que les photos pornographiques vendues « sous le manteau » dans les cités occidentales au XIXe siècle. La définition même de la pornographie change donc selon les sociétés, on trouvera dans les sculptures médiévales (y compris dans les cathédrales) des scènes qui peuvent paraitre aujourd'hui obscènes mais qui à l'époque visaient certainement d'autres objectifs.
Publié à 17:49 par dessinsagogo55
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La représentation pornographique est par ailleurs étroitement liée aux techniques artistique, littéraire ou autre. Les romans du marquis de Sade s'inscrivent dans la tradition littéraire française du XVIIIe siècle dont ils constituent à la fois un chef-d'œuvre et un extrême. Les gravures qui les accompagnent, aussi insupportables soient-elles, recourent en revanche à des techniques graphiques de l'époque qui sont bien souvent peu innovantes d'un point de vue formel.
Aujourd'hui, la pornographie est un enjeu de débat sociétal essentiellement à cause des moyens de reproduction technique (selon l'expression de Walter Benjamin) — photographie, cinéma, vidéo, Internet — qui donnent à ces images une audience quasiment universelle. Le réalisme de l'image photographique ou cinématographique a également modifié notre perception de la pornographie : alors que toute représentation littéraire ou artistique était jusque-là frappée du sceau de l'imaginaire (l'écrivain a pu imaginer ce qu'il raconte, et le peintre reconstituer ce qu'il nous montre), la photographie, même si elle est mise en scène de façon artificielle et parfois même manipulée, nous montre quelque chose qui indubitablement a existé, a effectivement eu lieu (cf. les analyses de Roland Barthes sur la Chambre claire). Cette forme nouvelle de pornographie en tire incontestablement un pouvoir de fascination inédit qui explique la large diffusion de ces images mais également les débats qui les entourent : le sort des actrices pornographiques (beaucoup moins souvent des acteurs...) est au cœur des débats — sont-elles contraintes ? le font-elles uniquement pour l'argent ? est-ce un métier comme un autre ? — tandis que les modèles éventuels des célèbres estampes japonaises ou des sculptures érotiques hindoues suscitent moins l'interrogation.
Si l'on retient de la Grèce et de Rome des images des rituels de Komos et Bacchus, dans tout l'Empire romain, les représentations sexuelles sont très fréquentes, aussi bien gravées sur des céramiques sigillées que peintes à l'intérieur des lupanars afin de satisfaire les clients en leur laissant sous les yeux de véritables œuvres d'art ou plus simplement en cherchant à préciser l'éventuelle spécialité d'une prostituée.
En Chine, une riche littérature existe et de nombreux artefacts (peintures et sculptures) montrent une liberté de représentation de la sexualité. En Inde également, la culture a produit de nombreuses représentations d'actes sexuels notamment à l'extérieur des temples, car la culture valorisait la sexualité dans sa dimension « sacrée »
Oubliant quelques textes explicites de François Villon (1431-1463), certains voient dans François Rabelais un précurseur de la pornographie moderne. Son Pantagruel a d'ailleurs été condamné en 1533 comme ouvrage « obscène » par la Sorbonne. Mais cette condamnation portait sans doute moins sur l'obscénité du livre que sur son esprit général (que l'on peut qualifier de carnavalesque), trop éloigné des enseignements de l'Église. L'œuvre de Rabelais témoigne en outre d'une mentalité pour laquelle la sexualité faisait encore pleinement partie de la vie humaine et n'était pas considérée comme un sujet « tabou », interdit à la représentation et au discours commun. À cette époque, une catégorie comme la « pornographie » était en fait inconnue, et l'accusation d'obscénité visait beaucoup plus des comportements que des représentations (écrites ou graphiques).
Les guerres de religion qui déchirent peu après l'Europe et le mouvement de la Contre-Réforme qui va s'ensuivre modifient cependant profondément les mœurs de l'époque : d'une part, la dévalorisation de la « chair » dans ce contexte de religiosité exacerbée sera générale au XVIe siècle et au XVIIe siècle, tandis que l'Église cherchera à contrôler les comportements les plus intimes de ses fidèles (par l'entremise de la confession notamment). C'est également à cette époque que naissent en réaction les premiers textes libertins qui, s'inscrivant dans la modernité opposent la vérité de nature aux doctrines religieuses et aux dogmes. Si les représentations pornographiques ne sont pas prioritairement visées, elles sont les victimes de ce climat général de « puritanisme » (au sens courant du terme) qui s'installe en Europe : c'est alors qu'on repeint des feuilles de vigne sur les fresques de Michel-Ange au Vatican.
C'est à l'époque de la Réforme et de la Contre-Réforme que l'on situe la distinction occidentale entre ce qui serait « érotique » (le nu artistique, par exemple) et ce qui serait « pornographique », c'est-à-dire illicite et condamné à la clandestinité (même si ce ne sont pas les termes employés à l'époque classique). La contrainte exercée sur les mœurs fait donc à ce moment de la pornographie un exercice de liberté et de subversion. C'est le cas notamment en France avec l'expansion de la littérature libertine au XVIIIe siècle avec des auteurs aussi différents que Diderot (Les Bijoux indiscrets), Crébillon fils (Le sopha, Les Égarements du cœur et de l'esprit), Fougeret de Monbron (Margot la ravaudeuse), et bien d'autres auteurs aujourd'hui oubliés. Les œuvres du marquis de Sade constituent l'aboutissement extrême et singulier de cette littérature dont il donne une version qui peut apparaitre particulièrement noire et cruelle (le "sadisme" de l'auteur va jusqu'au meurtre d'hommes, de femmes et d'enfants). En Angleterre, Les Mémoires de Fanny Hill de John Cleland appartiennent à la même tradition "libertine".
La littérature « pornographique » émerge néanmoins progressivement dans l'espace public à partir de la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, en particulier après la Première Guerre mondiale dans le climat de liberté des années folles. Des auteurs comme Pierre Louÿs, Apollinaire (Les Onze Mille Verges), Henry Miller, Anaïs Nin, parmi d'autres, lui donnent ses lettres de noblesse.
Par ailleurs, avec la photographie puis le cinéma sont nées de nouvelles images pornographiques « prises sur le vif » et d'un réalisme inédit. Ces images circulent pendant de nombreuses années « sous le manteau » avant d'apparaître progressivement au grand jour. Les pays scandinaves sont les premiers à autoriser la diffusion de telles images, notamment sous couvert d'éducation sexuelle (Je suis curieuse de Vilgot Sjöman, Suède, 1967) .
Le principal obstacle à la pratique libre de la sexualité s'explique par l'opposition des religions, pour lesquelles la sexualité ne doit être accomplie que dans le cadre privé, entre personnes mariées, et pour lesquelles certains actes sexuels sont interdits. La pornographie est définie comme un péché. Mais avec le recul progressif des religions, tout particulièrement en Occident, on commence à assister à une véritable révolution sexuelle. Dans les années 1970 seulement, les films pornographiques sont autorisés dans les salles de cinéma en France et dans la plupart des pays occidentaux. Différentes restrictions sont cependant mises à cette diffusion, en particulier une interdiction générale aux mineurs. En France notamment, une loi nouvelle rend la production plus difficile avec le classement X qui multiplie les contraintes de diffusion : alors que certains films pornographiques (ou jugés comme tels) étaient diffusés sur les écrans des cinémas des « Grands Boulevards », cette nouvelle loi taxe fortement les cinémas réputés pornographiques, qui deviennent un secteur « spécialisé » et marginalisé. On assiste ensuite à la disparition quasi-totale de ces salles dans les années 1990, conséquence, entre autres, de l'apparition de la cassette vidéo.
Dans ce contexte où la sexualité est devenue omniprésente dans différents médias, certains s'interrogent sur les effets sociologiques et psychologiques de cette survalorisation du sexe (ou sexualisation excessive). Le cinéma pornographique présente, outre les caractéristiques et les comportements hors norme des acteurs (notamment dû aux effets de montages), une sexualité qui se focalise sur la génitalité et la performance. Ainsi représentée, la pornographie véhicule de vieux mythes sur la sexualité (rôle actif de l'homme, focus sur l'orgasme coïtal de la femme, recherche de l'orgasme simultané du couple, etc.).