Statistiques

Date de création : 09.04.2012
Dernière mise à jour : 19.11.2024
18319 articles


Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· Cinéma (1154)
· A à Z : Sommaire (355)
· Mannequin de charme (945)
· Musique (399)
· Monde : France (2738)
· Calendrier : Événements (333)
· Département : Meuse (265)
· Cinéma : Films à classer (153)
· Calendrier : Naissances (246)
· Mannequin (210)

Rechercher
Abonnement au blog
Recevez les actualités de mon blog gratuitement :

Je comprends qu’en m’abonnant, je choisis explicitement de recevoir la newsletter du blog "dessinsagogo55" et que je peux facilement et à tout moment me désinscrire.


Thèmes

gif google background image voyage société sur france vie monde homme enfants article place travail argent annonce cadre soi femmes centre sport livre pouvoir maison center cadre

Articles les plus lus

· Bienvenue sur
· Alessandra Sublet
· Lui : Célébrités nues
· 28 septembre : Naissances
· Loto (jeu de la Française des jeux)

· Feodor Vassiliev et Valentina Vassilyev : 69 enfants nés
· Renaud : Hexagone (Paroles et explications)
· Omar Sharif
· A (Sommaire)
· Mannequin de charme : Sommaire
· Culotte : Sous les jupes des filles
· Julia Channel
· Femme
· Brigitte Lahaie
· Maureen O'Hara

Voir plus 

Derniers commentaires

Nazisme : comment ils ont formaté la jeunesse

Nazisme : comment ils ont formaté la jeunesse

  Femmes allemandes portant des bébés dans un Lebensborn durant la Seconde Guerre mondiale© Keystone-France / Contributeur/Getty Images  

 

Nazisme : comment ils ont formaté la jeunesse

 
 
 
Pour asseoir leur "Reich de mille ans", les nazis ont sélectionné et mis au pas des millions d’enfants. Un tri impitoyable pour ceux qui ne répondaient pas à leurs critères.

Mitraillette au poing, les soldats de la 86e division d’infanterie de l’armée américaine progressent dans les rues de Steinhöring, un gros bourg bavarois situé à une quarantaine de kilomètres à l’est de Munich. Ce 3 mai 1945, la présence de SS y a été signalée. Par petits commandos, les GI quadrillent le village, fouillent les habitations une à une. Un détachement d’une dizaine d’hommes pénètre dans une imposante bâtisse de trois étages, à la façade blanche et aux balcons abondamment fleuris. Les fantassins envahissent les couloirs. L’un d’eux pousse la porte d’une chambre… et se fige : la pièce est remplie de très jeunes enfants, abandonnés à eux-mêmes – certains sont nus. Tous semblent affamés et désorientés. Les GI ne sont pas au bout de leurs surprises. La vaste demeure rassemble plus de 300 bambins, des nouveau-nés, jusqu’à des garçons et des fillettes de 6 ans. Au milieu de ce chaos errent quelques mères hagardes, des femmes enceintes et une petite équipe d’infirmières. Les Américains ne le savent pas encore, mais ils viennent de pénétrer dans la première Lebensborn (littéralement «Source de vie») conçue par les SS. Dans ces pouponnières, imaginées par le Reichsführer Heinrich Himmler en 1936, étaient élevés des enfants de «type aryen», amenés à constituer l’élite du futur empire nazi.

 

Au XIXe siècle, les cadres politiques prussiens faisaient déjà des jeunes une priorité, comme le rappelle l’historien Gilbert Krebs dans son ouvrage Etat et société sous le IIIe Reich (éd. Presses Sorbonne Nouvelle). Ministres et responsables politiques de l’époque répétaient en substance ce slogan : «Qui tient la jeunesse maîtrise l’avenir. » La vision des nazis est beaucoup plus radicale. Il ne s’agit pas uniquement de former les petites têtes blondes pour assurer le développement du pays. Ils veulent aussi sélectionner des enfants de «race pure» qui deviendront plus tard les cadres dirigeants du Reich ou ses loyaux serviteurs.

 

Hitler veut une jeunesse allemande «dure comme l’acier»
 

Ce projet apparaît dans les écrits d’Adolf Hitler. Dans Mein Kampf, rédigé vers 1924, le leader nationaliste souhaite que le régime totalitaire qu’il appelle de ses vœux intervienne sur les natalités en opérant un tri parmi les géniteurs. Cet Etat raciste, écrit le futur Führer, «devra prendre soin que seul l’individu sain procrée des enfants.» Pour lui, une personne handicapée n’a pas de valeur sociale et doit donc s’abstenir d’avoir une descendance. Dans son Zweites Buch (Deuxième livre), écrit en 1928 mais non publié de son vivant, Hitler est encore plus précis. Il y célèbre la cité guerrière grecque de Sparte, où les bébés difformes, malades ou de mauvaise constitution étaient jetés dans un ravin. Cette pratique, estime-t-il, est «beaucoup plus décente et mille fois plus humaine que de préserver, comme nous le faisons aujourd’hui, des sujets pathologiques.»

 

Le leader nazi pose aussi les bases – rudimentaires – de ce que serait l’éducation idéale sous sa dictature. Il préconise de se débarrasser d’un système hérité des Lumières, qui met au cœur de l’enseignement des valeurs intellectuelles et humanistes, et qui fait de l’enfance une période protégée. Il insiste sur la nécessité de consacrer plus de temps au sport : «Il ne devrait pas se passer de jour où le jeune homme ne se livre, au moins une heure matin et soir, à des exercices physiques.» La préférence d’Hitler va à la boxe qui, selon lui, «exige des décisions rapides comme l’éclair et donne au corps la souplesse et la trempe de l’acier.» Les sports de combat ont aussi l’avantage de donner aux jeunes Allemands une inébranlable confiance en eux-mêmes. Car le système d’éducation et de culture, selon Hitler, doit les convaincre qu’ils sont supérieurs aux autres peuples. Les enfants et les adolescents ont un autre intérêt aux yeux des nazis. Ils composent une masse manipulable, prompte à s’enflammer pour les idéaux radicaux. Ils sont aussi plus facilement mobilisables que leurs parents pour renverser l’ordre existant.

 

Ce projet dément et meurtrier de sélection et d’endoctrinement des plus jeunes va être mis en pratique quelques mois après l’arrivée au pouvoir des nazis. Le 14 juillet 1933, une loi entérine le programme eugéniste du nouveau gouvernement pour favoriser la naissance d’enfants au sang «pur». «La jeunesse allemande doit être rapide comme un lévrier, solide comme du cuir et dure comme de l’acier», annonce Hitler dans un discours la même année. Les nazis stérilisent massivement des patients atteints de maladies héréditaires ou congénitales. Une étude menée par l’historienne allemande Gisela Bock évoque quelque 400 000 stérilisations en Allemagne et dans ses territoires annexés entre 1934 et 1945.

C’est aussi dans ce cadre qu’apparaissent les Lebensborn. Le journaliste d’investigation Boris Thiolay a consacré un ouvrage au sujet (Lebensborn : la fabrique des enfants parfaits, éditions Flammarion), dans lequel il retrace le destin d’enfants nés dans des institutions belge et française. Car les Lebensborn ont essaimé en Europe. Dix établissements sont créés en Allemagne et neuf en Norvège, le berceau supposé de la «race nordique», présentant des cheveux blonds, yeux bleus, nez droit, crâne allongé (dolichocéphalie)… Trois sont également installés en Pologne, deux en Autriche, un au Danemark, un aux Pays-Bas, un en Belgique ou encore un au Luxembourg. C’est un manoir de l’Oise, à Lamorlay, en forêt de Chantilly, qui abrita l’unique Lebensborn créée par les nazis en France (le site existe toujours et est devenu un centre de la Croix-Rouge en 1980). «En incitant des êtres soi-disant supérieurs à procréer, explique Boris Thiolay, les nazis pensent fonder une Herrenrasse, une “race des seigneurs”, amenée à régner sur le monde dans un Reich, qui, pensent-ils, doit durer 1 000 ans.»

 

Des moyens importants sont investis dans cet abominable projet. Etablis dans de luxueuses bâtisses à la campagne, les Lebensborn ne manquent jamais de nourriture, même au plus fort de la guerre. Des patrouilles de SS les surveillent en permanence. Et les jeunes mères sont suivies par le meilleur personnel médical. Les parents candidats à l’inscription de leur future progéniture doivent passer devant des examinateurs qui s’assurent de la «pureté» de leurs origines et pratiquent sur eux des tests anthropométriques pour s’assurer qu’ils correspondent aux canons de beauté aryens.

Concrètement, les pères, en grande majorité des SS, sont invités à concevoir au moins quatre enfants avec leur épouse légitime. Ils ont aussi reçu l’ordre secret, émanant d’Himmler, de faire des enfants hors mariage avec d’autres femmes. «Les habitants voisins des Lebensborn voyaient défiler des berlines et en sortir des officiers avec des jeunes femmes, poursuit Boris Thiolay. Il y avait de quoi fantasmer ! La plupart des gens pensaient qu’il s’agissait de sortes de bordels pour les cadres du régime. Ce n’était évidemment pas du tout le cas.»

 
 

Quelque 20 000 enfants grandissent dans ces maternités haut de gamme. Les bébés qui ont le malheur de présenter un handicap subissent ce que les nazis appellent un «traitement spécial» : ils sont euthanasiés. Cette politique d’extermination ne concerne pas que les Lebensborn. Au total, de 1938 à la fin de la guerre, ce sont entre 5 000 et 8 000 nourrissons présentant des malformations qui sont envoyés dans des Kinderfachabteilung, des unités pédiatriques spéciales. Le personnel leur administre alors des médicaments toxiques à haute dose (phénobarbital, scopolamine…) ou les prive de nourriture pour leur ôter la vie.

Un autre volet de cette politique de sélection se met en place au début des années 1940. Sous la houlette d’Himmler, une nouvelle fois, des enfants correspondant aux critères raciaux nazis sont kidnappés dans les régions occupées de l’Est. En Russie, en Biélorussie, en Ukraine, en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, et surtout en Pologne, des centaines de milliers de jeunes, principalement âgés de 2 à 6 ans, mais aussi jusqu’à des adolescents de 16 ans, sont généralement d’abord repérés par des infirmières dévouées au régime. Accompagnées de SS, elles arrachent les enfants à leurs familles puis les conduisent en Autriche ou en Allemagne. Là, les plus «purs» sont adoptés, les autres envoyés au front ou contraints au travail forcé. On estime aujourd’hui qu’en ce qui concerne la Pologne, où plus de 200 000 jeunes ont été raflés, moins de 15 % ont retrouvé leurs véritables parents à la fin de la guerre.

 

 
95 % des adolescents passent par les Jeunesses hitlériennes

 

Les enfants qui échappent à la machine à trier meurtrière des nazis sont ensuite encadrés pour devenir de dévoués serviteurs du Reich. Comme le note l’historien Gilbert Krebs, l’endoctrinement supplante l’enseignement de l’école, le catéchisme des Eglises et l’éducation des parents. Ses principes rigoureux sont anti-intellectuels et donnent la priorité au développement des capacités physiques. Ils prônent la foi dans le Führer et placent les intérêts de la communauté au-dessus de celle de l’individu.

L’embrigadement des jeunes couvre toute l’enfance et l’adolescence. Il a pour but de former de bonnes mères de famille et des troupes serviles. Les fillettes, à partir de 6 ans et jusqu’à 10 ans, peuvent adhérer aux Küken («Poussins»). Entre 10 et 18 ans, elles s’inscrivent dans deux autres organisations, le Jungmädelbund (Ligue des jeunes filles) puis le Bund Deutscher Mädel (Ligue des jeunes Allemandes). En ce qui concerne les garçons, ils entrent dans les Hitlerjugend (Jeunesses hitlériennes) dès l’âge de 10 ans pour une durée de huit ans. «Ensuite, nous ne les rendons surtout pas à leurs géniteurs, explique Hitler lors d’un discours devant les dignitaires nazis, en 1938. Nous les faisons entrer dans le Parti, le Front du Travail, la SA ou la SS.» Ce traitement doit transformer les jeunes en nationaux-socialistes convaincus. Pour ceux qui conserveraient en eux des «traces de conscience de classe ou de morgue sociale», Hitler prévoit que «la Wehrmacht se chargera pendant deux ans de les en guérir. Ils ne retrouveront plus la liberté de toute leur vie».

 

Alors qu’elles comptaient 100 000 membres en 1932, les Jeunesses hitlériennes rassemblent 8,7 millions d’adolescents et de jeunes adultes au début de 1939, soit près de 95 % des garçons allemands. En uniformes – chemises brunes, culottes noires –, les Hitlerjugend apprennent la discipline, font beaucoup de sport et subissent l’endoctrinement de leurs moniteurs. L’hygiène corporelle et le sens du sacrifice occupent une place prépondérante dans cette idéologie. Le premier des «dix commandements de la santé» qu’ils doivent respecter est rédigé ainsi : «Ton corps appartient à la nation, ton devoir est de veiller sur toi-même.» Défilés au pas, parfois avec des armes, pratique du vol en planeur, de la motocyclette, du tir... Aucun des ces jeunes ne se rendit compte que tout cela était une préparation à la vie militaire.

 

Au cours de la guerre, les jeunes sont chargés de missions de plus en plus nombreuses et dangereuses. D’abord limitée à la propagande, l’aide aux moissons ou à des collectes diverses (argent, vêtements…), leur action s’étend bientôt à l’encadrement des plus petits envoyés à la campagne pour les protéger des bombardements, l’aide à la défense passive ou à la défense anti-aérienne. A partir de 1944, ils participent au Volkssturm («Tempête du peuple»), les milices populaires qui aident la Wehrmacht à défendre le Reich. Ces nouvelles recrues fanatisées ont un impact faible sur l’issue des combats, mais surprennent par leur folle témérité. Près de 4 500 Hitlerjugend (sur les 5 000 jeunes défenseurs engagés) perdent la vie en tentant de repousser l’attaque des Alliés à l’ouest de Berlin. Leur sacrifice ne fait que retarder l’inévitable encerclement de la ville.

 

Fascinés, embrigadés, sacrifiés, les enfants allemands disparaissent par milliers lors de la Seconde Guerre mondiale. Certains périssent dans les décombres des villes bombardées, d’autre meurent de froid et de faim lors de leur fuite sur les routes de l’exode. Les survivants perdent parfois leur maison, des membres de leur famille… Ceux que Hitler, dans sa folie, imaginait dominer le monde finirent souvent traumatisés, incapables même de témoigner de l’expérience terrible qu’ils avaient vécue.