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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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- Toulouse -
- 2ème partie -
Ce fut le signal. Cent mille croisés descendent sur les bords de la Méditerranée ; Béziers, Carcassonne succombent. Raymond court auprès de Philippe-Auguste, qui n'ose écouter ses plaintes, auprès du pape, qui l'amuse de vaines promesses. Pendant ce temps, Simon de Montfort lui enlève toutes ses places, et enfin la bataille de Muret ruine la dernière espérance du comte de Toulouse (1213). Pour épuiser toutes les ressources, il va trouver en Angleterre le roi Jean et n'en obtient rien. Alors il abdique dans les mains du légat, espérant que le pape lui rendra ses États à titre de fief du saint-siège. Au contraire, le concile de Montpellier les adjuge à Simon de Montfort (1215).
Reste en dernier recours la pitié d'innocent III : Raymond retourne à Rome avec son fils. Innocent montre pour eux des dispositions bienveillantes, mais lui-même était entraîné ; il décida pourtant que les terres à l'est du Rhône seraient mises en séquestre pour être plus tard rendues au jeune comte, « s'il en était digne. » Innocent meurt, les deux Raymond reviennent et sont accueillis triomphalement. Par une guerre vive, ils disputent leurs États à Simon de Montfort, qui, enfin, est tué sous les murs de Toulouse (1218). Son fils, Amaury, trop faible pour lutter tout seul, appela à son secours Louis de France, qui, devenu roi en 1223, accepta le legs qu'il lui fit des domaines enlevés à la maison de Saint-Gilles. Dans cet intervalle, Raymond VI mourut (1222), et, quoiqu'il eût toujours protesté de son orthodoxie, quoiqu'on n'eût pas en réalité à lui reprocher autre chose que sa douceur envers les hérétiques, les longs efforts de son fils ne purent obtenir pour ses restes la sépulture consacrée ; son corps, enfermé dans un cercueil de bois, demeura exposé à la porte du cimetière Saint-Jean, où on le voyait encore au XIVe siècle.
Raymond VII eut quelque répit. Louis VIII, à peine maître d'Avignon, mourut en chemin (1226), de sorte que la couronne tomba sur la tête d'un mineur. Mais la régente, Blanche de Castille, ne voulut rien abandonner des droits que son époux avait acquis par la cession d'Amaury. Dès 1227 la guerre recommençait contre Raymond. Il fut vainqueur à Castelsarrasin, mais la cruauté avec laquelle il traita les vaincus ranima le feu de la croisade. Accablé par des forces supérieures, il consentit l'année suivante à accepter la médiation de l'abbé de Grandselve et du comte de Champagne, et se rendit à Meaux.
Là fut conclu le désastreux traité, ratifié à Paris le jeudi saint, 12 avril 1229, au parvis Notre-Dame ; Raymond promit au roi, au légat. et aux prélats assemblés de poursuivre à outrance les hérétiques, et pour ce qui concernait ses États, on l'obligea de parler ainsi : « Le roi, me voulant prendre à merci, donnera en mariage ma fille que je lui remettrai à l'un de ses frères ; il me laissera tout le diocèse de Toulouse ; mais, après ma mort, Toulouse et son diocèse appartiendront au frère du roi qui aura épousé ma fille et à leurs enfants, à l'exclusion de mes autres héritiers ; et si ma fille meurt sans postérité, lesdites possessions appartiendront au roi et à ses successeurs. Le roi me laissera l'Agénois, le Rouergue, la partie de l'Albigeois qui est au nord du Tarn, et le Quercy, sauf la ville de Cahors. Si je meurs sans autres enfants nés d'un légitime mariage, tous ces pays appartiendront à ma fille, qui épousera un des frères du roi, et à leurs héritiers. Je cède au roi et à ses hoirs à perpétuité tous mes autres pays et domaines situés en deçà du Rhône dans le royaume de France ; quant aux pays et domaines que j'ai au delà du Rhône dans l'empire (marquisat de Provence venaissin), je les cède à perpétuité à l'Église romaine entre les mains du légat. Je détruirai à ras terre les murs de la ville de Toulouse et comblerai ses fossés ; il en sera fait de même de trente autres villes et châteaux. Pour l'exécution de ces articles, je remettrai aux mains du roi le Château-Narbonnais et neuf autres forteresses, qu'il gardera dix ans durant. »
Quand il eut fait cette triste déclaration, accompagnée d'une promesse de 10 000 marcs d'argent aux églises, de 10 000 marcs d'argent au roi, Raymond fut admis dans la cathédrale pour y recevoir l'absolution. « Ce fut pitié, dit Puylaurens, que de voir un si grand homme, lequel si longtemps avait résisté à tant et de si grandes nations, conduit jusqu'à l'autel, nu en chemise, bras découverts et pieds déchaux. »
Avec Raymond VII succomba la nationalité distincte des peuples du midi de la France, cette nationalité qui se marquait par une civilisation, une langue particulières, différence si bien sentie alors qu'elle fit désigner ces contrées sous le nom de Languedoc.
Nous n'avons point employé jusqu'ici, pour ne point faire d'anachronismes, cette dénomination, qui n'apparaît, en effet, qu'au XIIIe siècle. Quoique certains auteurs prétendent la faire dériver de l'allemand land, Goth (pays des Goths), il est incontestable que la véritable étymologie est langue d'oc, c'est-à-dire langue où oui se dit oc, par opposition aux pays de la langue d'oil, pays du nord de la France, où oui s'écrivait alors oil. Joinville a écrit, on ne sait par quel caprice, langue torte. Cette nationalité dissidente fut donc enveloppée dans la vaste unité catholique, dont elle se séparait par des doctrines hétérodoxes, et l'inquisition, introduite dans le pays, fut chargée de l'y retenir ; puis, du même coup, dans l'unité française, dont elle dut accepter les moeurs et le génie plus sévères.
Rien n'est plus triste que la fin de la vie de Raymond VII. Puissance déchue, humiliée, étroitement surveillé, obligé de persécuter ses sujets malgré ses secrètes sympathies, s'épuisant en efforts inutiles pour l'aire réhabiliter la mémoire de son père, réussissant à se réconcilier lui-même avec l'Église, mais ne pouvant parvenir à son but caché, qui était de prolonger au delà de lui-même la ligne mâle de la maison de Saint-Gilles, dans l'espoir qu'elle se relèverait quelque jour, il voulait à tout prix avoir des fils, et se rendit au concile de Lyon pour faire casser son mariage avec Marguerite de La Marche ; il comptait épouser Béatrix, héritière du comte de Provence ; un plus puissant la lui enleva.
Son dessein était deviné et traversé par des intrigues que la force appuyait. Sous le prétexte d'un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, il se rendit en Espagne pour négocier une autre alliance et ne réussit pas. Enfin, pour mieux paralyser ses efforts, saint Louis lui envoya l'impérieuse invitation de le suivre à la croisade de 1248, dorant du reste cette dernière rigueur d'offres brillantes, lui promettant le duché de Narbonne, 20 000 francs pour le voyage, et le pape lui promettait aussi 2 000 marcs sterling.
Il mourut avant de partir pour cet exil, dont l'idée seule, salis doute, lui donna le coup de la mort. Du moins, avant de descendre au tombeau, le dernier des Saint-Gilles voulut donner à ses sujets une preuve suprême de sa tendresse, et protéger autant qu'il était en lui leur avenir livré à des mains étrangères. Il fit un testament où il confirmait les privilèges et coutumes dont jouissaient les barons, chevaliers et autres vassaux, les églises, les villes, les châteaux et les villages de ses domaines, avec défense de leur causer aucun préjudice touchant les tailles et autres impositions qu'ils lui avaient accordées, non par devoir, mais de leur propre volonté.
La noblesse d'Aquitaine, qui devait dominer pendant plusieurs siècles sur une grande partie du midi de la France, relevait au XIe siècle de deux suzerainetés principales, le duché d'Aquitaine et le comté de Toulouse ; elle se divisait en deux groupes très distincts, composés, le premier et le plus nombreux, d'hommes de sang romain et de sang goth ; le second et le moins fort, d'hommes de race tudesque.
Les nobles romains, héritiers des villas de leurs pères, transformées depuis longtemps en châteaux, avaient réussi à conserver, à travers les invasions, l'influence attachée au prestige de la naissance et aux richesses ; c'étaient eux qui possédaient la majeure partie du sol et des populations rurales. Les nobles germains, au contraire, représentant ces Francs violemment jetés dans le pays par les irruptions de Pépin et de Charlemagne, n'avaient point relativement des possessions territoriales aussi étendues, mais ils occupaient les hauteurs du pouvoir. Les ducs, les comtes, les vicomtes, les marquis, dernière expression de l'occupation la plus récente et la plus tenace, étaient de race franque partout, excepté en Gascogne ; la race romaine et la race gothique, produit de la vieille conquête, fournissaient les barons inférieurs et la plupart des évêques. Toutefois, ces deux éléments hétérogènes, réunis sous la forte pression de la féodalité, constituaient un seul corps, mais qui n'avait de vie et de mouvement que ce que lui en prêtaient les traditions de Rome. Celles-ci imprimaient encore leur couleur néo-latine sur tous les faits sociaux.
Chaque seigneur, visant l'indépendance, pressurait ses vassaux pour y parvenir, et leur arrachait incessamment leur sang et leur argent. Outre les impôts transmis avec fidélité par la tradition du fisc romain et que les barons avaient hérités du roi et. maintenus comme la décime ou taille réelle, la scriptura ou droit de pacage, les redevances de la douane ou tonlieu (teloneum), une foule d'autres droits particuliers s'étaient établis, selon les caprices et les besoins individuels des barons. Les ducs et les comtes jouissaient premièrement du droit des trésors qui leur attribuait l'entière propriété de toute matière métallique trouvée dans leurs domaines.
Ils avaient ensuite le droit de naufrage ou de varech ; Le droit d'établissement des foires et marchés ; le droit de marque ou de représailles, dont les puissants abusaient, quoiqu'il ne dût s'exercer, selon les jurisconsultes, qu'après le jugement et contre le contumace ; le droit de chasse ; le droit de ressort ou d'évocation des causes à leur tribunal ; le droit de sauf-conduit ou de guidage ; le droit des noces établi par Caligula ; le droit de couronne consistant dans un cercle d'or surmonté de roses d'or ou d'argent, qu'on offrait au duc le jour de son sacre ; le droit de sceau pour les chartes données ; et enfin le droit de justice.
A ces droits purement féodaux se joignaient ceux que les seigneurs imposaient aux marchands. Longtemps le commerce avait été anéanti par les invasions des musulmans et des Scandinaves ; lorsque nos côtes furent délivrées de ces barbares visiteurs, une certaine activité commerciale se réveilla, des navires furent construits dans nos ports où se nouèrent des relations internationales ; mais cette sécurité relative n'existait point à l'intérieur.
Aussitôt que les marchands voulurent remonter les rivières, s'ils n'eurent point à solder, comme jadis, le droit d'entrée, le droit de salut, le droit de pont, le droit de rive, le droit d'ancrage, le droit de déchargement et le cespilaticum pour la place où l'on posait les marchandises débarquées, il fallut qu'ils payassent l'aubaine en passant sous les tours des seigneurs riverains, le péage en s'arrêtant dans leurs ports, et tant d'oboles par ballot en exposant leurs marchandises en vente dans les foires qui appartenaient aux barons ou aux monastères.
Ceux qui voyageaient sur les routes n'étaient guère plus heureux. A chaque pas, leurs lourds chariots étaient forcés de s'arrêter devant des châteaux, des bastilles, des haies qui devenaient comme autant de douanes, où ils avaient à se libérer de quelques redevances, sans quoi ils couraient risque d'être pillés.
L'agriculture, qui avait souffert plus encore que le commerce pendant les invasions, n'était pas moins enchaînée dans son développement ; à peine si l'avidité féodale laissait aux serfs ruraux le temps de défricher un sol où la charrue à chaque sillon se heurtait à des ruines, à des ossements, à des tronçons d'armes. Dès que le serf avait semé, le seigneur était impatient de recueillir, et il se faisait sa part avec tant d'injustice et d'inhumanité, que le malheureux qui avait arrosé cette moisson de ses sueurs périssait souvent de faim dans sa chaumière vide, après avoir porté les gerbes dans les greniers du donjon.
Voici, sur ces déplorables abus, un témoignage qui n'est pas suspect ; c'est le fragment d'une lettre écrite par Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, à saint Bernard de Clairvaux : « Personne n'ignore combien les seigneurs séculiers oppriment la classe rurale et les serfs ; ces maîtres injustes ne se contentent pas de la servitude ordinaire et acquise, mais ils s'arrogent sans cesse les propriétés avec les personnes, et les personnes avec les propriétés : outre les redevances accoutumées, ils leur enlèvent leurs biens trois ou quatre fois dans l'année, et, aussi souvent que la fantaisie leur en prend, ils les grèvent d'innombrables services, leur imposent des charges cruelles et insupportables, et ainsi les forcent presque toujours à abandonner leur propre sol et à fuir dans les pays étrangers. »
Si l'on en croit les moines, le sort de leurs serfs était beaucoup plus doux. Hormis la liberté, ils possédaient tout ce qui suffit à l'existence animale, la paix et d'assez bons maîtres ; ceux-ci ne les vendaient jamais, fidèles à la maxime chrétienne qu'un vil métal ne pouvait payer l'être racheté. par le sang du Messie. Ils ne leur imposaient pas non plus de fardeau au-dessus de leurs forces. Mais, bien que tempéré par l'influence des idées évangéliques, cet esclavage n'était pas moins la consécration du fait odieux de la propriété humaine, que la loi nouvelle semblait avoir voulu détruire.
En 1298, Philippe le Bel avait aboli la servitude de corps et de vasselage dans la sénéchaussée de Toulouse ; mais cette ordonnance n'avait jamais été reconnue, tant les vieux usages étaient difficiles à déraciner. Les conditions sociales n'avaient pas changé. Les hommes étaient toujours divisés en quatre classes séparées complètement, et placés dans la vie avec une inégalité monstrueuse.
Aux derniers degrés de la société, on trouvait toujours ce bétail servile abruti par quinze siècles d'esclavage et qui ne concevait pas d'autre existence que de naître, travailler et mourir pour le seigneur. Ces malheureux formaient deux groupes, on pourrait presque dire deux espèces, où la servitude allait se graduant : ainsi les serfs de corps appartenaient au seigneur, qui pouvait les vendre, les donner, les échanger contre tout objet mercantile, comme bon lui semblait ; ils n'avaient de volonté et d'initiative que la sienne. Les serfs de corps et de glèbe étaient les anciens mancipia de Rome, encore attachés au domaine du seigneur et l'arrosant, de père on fils, de leurs sueurs héréditaires. Ils ne pouvaient faire un mouvement ni les uns ni les autres sans se heurter au joug féodal. S'ils tuaient une vache, le bailli venait chercher le foie pour le seigneur ; s'ils voulaient couper leurs raisins, il fallait apporter la première charge et la plus belle au seigneur ; si le seigneur contractait un emprunt, ils devenaient forcément ses cautions ; s'il faisait la guerre, ils se battaient pour lui et à leurs dépens ;' s'il était pris, ils le rachetaient. Toutes les fois qu'il l'exigeait, ils étaient tenus de le suivre en armes. Toutes les fois que le désoeuvrement le poussait hors de son château, il avait le droit, lui et sa suite, de disposer de leur logis, de leur pain, de leur vin, de leurs volailles.
Ce qui échappait à la rapacité du seigneur, quand il n'était ni évêque, ni abbé, ni clerc, l'Eglise venait le chercher sous forme de dîme. Les serfs ne vivaient donc dans le labeur et l'angoisse que pour que le clergé et la noblesse pussent vivre dans le loisir et l'abondance ; or les nobles et les clercs leur enlevant tout, il ne leur restait que leur dégradation morale et une affreuse pauvreté. Les masures où croupissaient misérablement ces populations étiques étaient chaque jour visitées par la fièvre, la famine et la peste, tandis que, derrière les murs opulents du château ou de l'abbaye, la santé animait de ses fraîches couleurs les joues de la châtelaine et fleurissait l'embonpoint vermeil de l'abbé.
Un philanthrope, couronné en 1771 par l'Académie d'Amiens, le docteur Maret, donnait, dans un Mémoire d'une véracité non contestée, le résultat de ses consciencieuses recherches sur l'état sanitaire de ces temps néfastes : il y eut dix famines dans le Xe siècle, vingt-six dans le XIe, deux dans le XIIIe. On déterrait les morts, et l'on mit en vente de la chair humaine. Quant aux épidémies, on compte treize pestes dans le Xe siècle, vingt-quatre dans le XIe et deux dans le XIIe.
En face d'une pareille existence, on comprend que la pensée de l'affranchissement était le rêve passionné et incessant de toute intelligence que la servitude et la misère n'avaient pas éteinte. Ces affranchissements devinrent moins rares à l'époque des croisades, alors que les nobles faisaient argent de tout pour s'équiper et satisfaire au sentiment belliqueux qui s'était emparé du monde chrétien. Le taux variait selon le temps et le pays ; plusieurs documents du XIIe siècle mentionnent le prix de 250 sols.
Mais que de restrictions à la liberté ainsi obtenue ! On en pourra juger par quelques extraits des lois somptuaires établissant la ligne de démarcation non pas entre les serfs et leurs anciens seigneurs, mais entre les bourgeois enrichis des municipes et les barons.
« Que nulle femme en ses robes, ni en ses vêtements de laine, ni sur son chaperon, disaient vers 1274 les consuls de Montauban, ne porte orfroi, ni argent broché, ni aucune parure d'or, d'argent, de perles, de soie, ni d'autres pierres précieuses ; d'hermine, de loutre, de gris, ni aucun autre ornement cousu ou brodé sur le drap, mais seulement drap et bordures de peaux ou de sandale. Qu'elle ne porte chaînes d'argent, ni fermoirs, ni agrafes et ne fasse faire robe de sandale, de pourpre, de samit, de drap d'or ou de soie. On autorise toutefois lesdites femmes à porter sur leurs mantelets une tresse de soie fine du prix de 5 sols tournois et des cordons également de soie, mais sans or ni argent sur leurs robes. »
Tous les détails de la vie étaient réglés avec une tyrannie aussi minutieuse : « Que nulle dame ni autre femme de la ville ou de son territoire ne fréquente sa voisine, à moins qu'elle ne soit sa parente au second degré, sa cousine germaine, celle de son mari, ou plus proche encore, ou bien sa commère ; et que ces fréquentations ne puissent avoir lieu que le dimanche, et non un autre jour de la semaine. Sont exceptées toutefois les baladines et femmes de mauvaise vie. Une amende de 5 sols frappera celles qui iraient à l'encontre.
« Que nulle dame ou autre femme ne s'avise d'inviter à des noces ou à quelque sorte de festin que ce soit plus de quatre personnes. Sont exceptées les baladines ou femmes de mauvaise vie. Que nul homme ni aucune femme ne fasse ni ne présume faire invitation et repas, sous prétexte de fiançailles et de noces, avant d'aller à l'église. Que nul homme ou aucune femme n'aille courir les rues avec une fiancée. »
Les consuls et magistrats municipaux avaient profité des leçons de la féodalité ; les amendes remplaçaient les droits seigneuriaux. Tout homme ou femme qui entrait de jour dans le jardin, vigne ou pré d'un autre sans sa permission, était puni d'une amende de 12 deniers. Le même délit était taxé à 1 denier tournois pour une bête grosse, et à une obole pour brebis, chèvres ou chevreaux. Les maraudeurs surpris la nuit dans les vignes et jardins encouraient la peine de 20 sols d'amende, et les marchands qui vendaient à faux poids celle de 60.
Les bouchers ne pouvaient mettre en vente que de la viande bonne et saine au jugement des consuls. Il ne leur était permis de gagner qu'un denier par sol, sous peine de 60 sols d'amende et de punition corporelle si la viande semblait mauvaise. Il était expressément défendu de vendre un objet avant qu'il eût paru sur la place publique.
Les testaments écrits ou faits verbalement devant des témoins dignes de foi étaient valables, pourvu que les enfants ne fussent pas fraudés, bien qu'on n'eût pas suivi d'ailleurs les formes du droit. Si quelqu'un épousait une femme apportant 1 000 sols pour dot, le mari lui en assurait 500 à titre de donation nuptiale. Si la femme mourait avant lui, il conservait la jouissance de cette dot sa vie durant, et la dot, après son décès, revenait aux héritiers de la femme. Que si, au contraire, celle-ci survivait à son mari, elle recouvrait sa dot. Cette législation, équitable en apparence, entraînait malheureusement des contestations fréquentes et coûteuses. Les paroles grosses ou contumélieuses coûtaient à ceux qui les avaient proférées 24 deniers : 12 pour le délit, et 12 pour la criée de la peine.
On payait pour avoir tiré malicieusement l'épée contre quelqu'un, même sans le frapper, 20 sols d'amende, 30 sols s'il était blessé et que le sang coulât ; 60 s'il perdait un membre, plus les dommages intérêts. L'homicide, outre la peine capitale, entraînait la confiscation de tous les biens du coupable. Les adultères surpris en flagrant délit et nus, par un ou deux consuls ou par deux habitants dignes de foi, devaient courir nus par la ville, ou payer 100 sols d'amende.