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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Les departements et leur histoire -L'Ille et Vilaine - 35 -

Publié à 18:12 par acoeuretacris Tags : Départements
Les departements et leur histoire -L'Ille et Vilaine - 35 -
(Région Bretagne)

Le chef-lieu du département d'Ille-et-Vilaine a été autrefois la capitale de la Bretagne. Nous allons, à son occasion, tracer une rapide esquisse de l'histoire de cette province ; ce sera évidemment faire en même temps l'histoire du département.

La Bretagne jouit d'une grande renommée. C'est un pays qui attire l'attention, qui impose, qui saisit par le caractère original du sol et des habitants, par sa destinée singulière. Presqu'île poussée au milieu de l'Atlantique par les dernières ramifications des montagnes européennes ; éloignée de tous les foyers de la civilisation antique ; noyée au milieu des brumes de l'Océan aussi bien que cette Cornouailles d'Angleterre, sa soeur, qui lui envoya tant de fois des habitants ; sol de granit qui ne soutient le choc éternel des flots de l'Océan, à son extrémité, que par un indestructible entassement de rochers ; fertile seulement sur ses bords, tout autour, le long de la mer, tandis que le milieu , traversé dans sa longueur par la double chaîne des montagnes Noires et des monts d'Arrée, l'échine de la Bretagne, comme les appellent les paysans bretons, ne renferme guère que ces landes couvertes de genêts et d'ajoncs, qui sont, dans la province, aux terres cultivées comme 27 est à 100. Un moine comparait la Bretagne à la couronne de sa tonsure.

Une population celtique l'occupait avant l'invasion romaine. Elle l'avait nommée, dans sa langue, Armorique, c'est-à-dire pays de la mer. Elle se divisait elle-même en plusieurs peuplades ou cités : Curiosolites, dans le pays où s'élève Dinan ; Diablintes, sur le territoire d'Aleth et Dol, avec une portion de la Normandie ; Rhedones, au confluent de l'Ille et de la Vilaine ; Namnètes, sur la Loire, là où est Nantes ; Lexobiens, dans le pays qu'on appelait Dumnonie (Tréguier et Saint-Brieuc) ; Osismiens, dans le Finistère, où ils avaient fondé Kemper et Léon ; Vénètes, enfin, dans le Morbihan, la cité la plus puissante.

Les cités armoricaines, suivant l'usage celtique, se divisaient en tribus, semblables aux clans d'Écosse, et en familles, dont les chefs étaient comme autant de petits souverains. C'étaient les mactierns et les tierns, dont les dignités subsistèrent jusqu'au XIe siècle. Une assemblée et un tribunal, composé des principaux membres de la tribu , décidaient les affaires et les causes importantes. Dans les circonstances difficiles, seulement, les cités armoricaines, comme les peuples de la Grande-Bretagne, élisaient un penteyrn ou brenhin.

L'Armorique avait une grande importance dans le monde celtique. Elle était pour la Gaule le sanctuaire sombre et redouté du druidisme, dont les monuments mystérieux et étranges couvrent son sol encore aujourd'hui. Des relations fréquentes la rattachaient à la Grande-Bretagne, métropole, en quelque sorte, du druidisme.

César ne soumit pas sans difficulté l'Armorique. Elle fournit 36 000 combattants à l'armée de 266 000 hommes que la Gaule opposa au conquérant. Elle parut d'abord se soumettre dès la simple apparition du lieutenant Crassus. Mais, l'hiver suivant, tandis que César était en Italie , les cités armoricaines se coalisèrent, refusèrent les vivres sur lesquels comptaient les légions et se révoltèrent. César accourut et triompha par son génie , malgré les efforts des Vénètes, réfugiés sur leurs énormes vaisseaux.

Les Romains occupèrent fortement l'Armorique, en établissant des garnisons à Léon, à Kemper, à Carhaix, et même dans les solitudes des monts d'Arrée. Ils la firent entrer dans la IIIe Lyonnaise, et ne cessèrent point de lutter contre l'esprit d'indépendance des habitants, surtout contre la religion druidique, qui était l'âme de la résistance.

Jamais ils n'en purent triompher complètement, et aussitôt que l'ébranlement de leur empire offrit à l'Armorique quelque espoir de reconquérir cette indépendance, elle le saisit. Dès l'année 284, elle reçoit dans son sein une émigration venue de la Bretagne ; une autre en 364 ; une troisième en 383, lorsque Maxime se fit proclamer empereur dans la Grande-Bretagne. Maxime nomma gouverneur de l'Armorique un de ses lieutenants, Mériadec, qui prit part à ses victoires, et qui, après sa chute, attira sur le continent les Bretons qui avaient servi la cause malheureuse de l'usurpateur.

Théodose, pour se concilier les chefs de l'Armorique , confirma la distribution de terres faites par lui aux Bretons fugitifs, qui furent appelés Bretons Lètes : et ce nom a été transporté à la Bretagne par certains auteurs, qui l'ont surnommée pays de Létanie. L'invasion barbare du commencement du Ve siècle servit de signal à l'Armorique et à la Bretagne pour se révolter de concert, vers 409, et pour reprendre leur ancienne organisation, ce que Zosime exprime par ces mots : « S'érigèrent en république. » Un peu plus tard, en 418, les Bretons, incapables de défendre seuls cette indépendance reconquise, et forcés de fuir devant les incursions des Pictes et des Scots, émigrèrent chez les Armoricains. Ceux-ci accueillirent avec bienveillance cette invasion amie, et c'est de ce moment que leur pays prit le nom de Bretagne, tandis que l'île qui l'avait porté jusque-là reçut bientôt après celui d'Angleterre, d'une des populations nouvelles, les Angles, qui s'y établirent.

L'empire romain n'avait pu déraciner la religion druidique ; quand il tomba, des collèges de druides existaient encore en Bretagne. Mais là, comme partout ailleurs, il avait servi d'introducteur au christianisme, qui allait triompher de ce qui avait résisté aux efforts du polythéisme romain.

Dès la fin du IIIe siècle après J.-C., saint Clair prêchait en Armorique. L'Évangile trouvait alors plus d'obstacles chez les magistrats romains que chez les druides ; la chute de l'empire, au lieu d'arrêter ses progrès, ne fit donc que les aider dans la Bretagne. Des collèges druidiques devinrent des couvents, et des archidruides devinrent des évêques. L'Église, au reste, avait l'habileté de faire les plus larges concessions à l'opiniâtreté religieuse des peuples conquis, et ce ne fut que longtemps après qu'elle se montra sévère contre les superstitions introduites par eux dans son dogme ou dans ses pratiques au VIIe siècle ; le concile de Nantes ordonna de briser les pierres et d'arracher les arbres autour desquels les paysans se rassemblaient encore dans un but d'idolâtrie.

Délivrée de l'empire romain, l'Armorique, que nous appellerons désormais Bretagne, eut à se défendre contre les barbares : Alains, Wisigoths, Francs, l'attaquèrent tour à tour ; tantôt elle fut envahie, tantôt elle repoussa les agresseurs et les poursuivit jusque sur leur territoire. Les principaux défenseurs du pays sortirent de la Cornouailles , sans que cette partie de la Bretagne établit pourtant sa supériorité sur les autres. La péninsule était une sorte d'Heptarchie formée des pays d'Aleth, de Tréguier, de Goëllo, de Léon, de Cornouailles , de Vannes.

 

Le grand choc de l'invasion barbare avait porté aussi bien sur les Bretons de l'île que sur ceux de la péninsule. Ceux qui n'avaient pas émigré auparavant, devant les attaques des Pictes et des Scots, émigrèrent cette fois devant les Saxons, après avoir longtemps résisté. Le héros de cette résistance nationale fut Arthur, que la tradition fait sortir de son île et voyager dans la Bretagne continentale ; Arthur toujours attendu par les Bretons et si célèbre au moyen âge avec la Table ronde.

L'est de la Bretagne fut seul soumis par les Francs. Clotaire Ier occupait Rennes, Nantes, Aleth, et imposait sa suzeraineté même au comte de Léon. Chilpéric, son successeur, recevait un tribut du comte de Vannes. La diversion produite par les guerres de la Neustrie et de l'Austrasie délivra la Bretagne, et Charlemagne eut à la reconquérir. Ce n'est que par trois expéditions, dont la dernière surtout fut considérable, qu'il y réussit ; conquête fort imparfaite, puisqu'il n'inscrivit pas la Bretagne dans son dernier testament.

A peine fut-il mort, que les Bretons proclamèrent de nouveau leur indépendance, et tentèrent de se donner de l'unité en nommant roi un de leurs mactierns, Jarnithin. Jarnithin n'eut point de successeur immédiat, quoiqu'il eût deux fils, ce qui prouve le peu de consistance de cette royauté non héréditaire. Morvan, comte de Léon et de Cornouailles, qui fut élu roi en 818, est resté populaire à cause de sa lutte contre Louis le Débonnaire. Il tomba sous la francisque, comme dit le poète chroniqueur de l'époque, et les Francs pénétrèrent dans les épaisses forêts de la Bretagne.

Nouvelle révolte sous Wiomarch, successeur de Morvan, et comblé en vain des présents de l'empereur. Enfin Louis le Débonnaire donna le gouvernement de la Bretagne à Noménoë, qu'il avait précédemment nommé comte de Vannes, et ce Noménoë servit avec plus d'habileté que les Bretons eux-mêmes la cause de l'indépendance bretonne, en faisant de sa vie deux parts : tant que vécut Louis le Débonnaire, il lui resta fidèle et ne se servit de l'autorité qu'il avait reçue que pour donner force et unité au pays par une bonne administration ; puis, Louis mort, il se considéra comme dégagé du serment qu'il lui avait prêté, et, prenant le titre de roi, il affranchit de la domination de Charles le Chauve la Bretagne devenue redoutable.

Le petit-fils de Charlemagne, battu sur les bords de la Vilaine, se retira (845). Ses successeurs ne furent pas sans faire de nouvelles tentatives : elles n'eurent point de succès, et, ce qu'ils purent faire de mieux, ce fut de ramener indirectement la Bretagne sous leur dépendance. Charles le Simple, en effet, donna la suzeraineté des terres bretonnes à Rollon, devenu son vassal comme duc de Normandie, en 912. Les patriotes bretons ne veulent point, il est vrai, que ce mot terres bretonnes désigne, dans le traité de Saint-Clair-sur-Epte, la Bretagne, mais seulement le pays d'Avranches, de Coutances, et quelques districts des comtés de Rennes et de Nantes, conquis par les rois francs.

Cette opinion, appuyée sur de graves autorités, est très probable. Mais ce qui est aussi très certain, c'est que cette extension du mot terres bretonnes à toute la Bretagne eut lieu de fort bonne heure, puisque les rois d'Angleterre et les rois de France se considérèrent successivement comme suzerains de la Bretagne, par l'intermédiaire du duché de Normandie.

Arrière-fief de la France, la Bretagne le devint de l'Angleterre après la conquête de ce pays par les Normands, et le redevint de la France après la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste. L'hommage que prêtaient les ducs de Bretagne n'était point lige, comme le fit si bien entendre le duc François II à Louis XI : « Monseigneur, tel hommage que mes prédécesseurs vous ont fait, je vous le fais, mais ne l'entends et ne vous le fais point lige. »

Les descendants de Noménoë régnèrent jusqu'en 874. Le dernier fut Salomon III. Ils avaient été sans cesse inquiétés par les Normands, contre lesquels plusieurs d'entre eux avaient lutté avec énergie.

Alain Barbe-Torte, héritier, par les femmes, des souverains précédents, donna naissance à une dynastie nouvelle. Constance, fille de Conan IV, porta ensuite le duché aux Plantagenets, par son mariage avec Geoffroy, troisième fils de Henri II (1164) ; puis, les Plantagenets s'étant éteints en Bretagne avec Arthur, que son oncle Jean sans Terre fit périr, l'héritière Alix épousa Pierre de Dreux, petit-fils de Louis le Gros par une branche cadette (1212), et de Pierre de Dreux sortit la dynastie qui eut pour derniers représentants les derniers souverains de Bretagne, François II et Anne , qui épousa Charles VIII.

Dans cet intervalle prit place la rivalité de Charles de Blois et de Jean de Montfort, épisode considérable de la guerre de Cent ans. Ce sanglant débat, qui livra longtemps la Bretagne à l'influence anglaise, eut pour cause une question de succession en ligne collatérale. Jeanne de Penthièvre avait des droits supérieurs à ceux de Monfort ; mais celui-ci prétendait la précéder en sa qualité de mâle, en quoi il méconnaissait le caractère féodal du duché de Bretagne, où les femmes ont toujours succédé.

La plupart des grands seigneurs féodaux ont réussi, au moyen âge, aussi bien que les rois, à réduire leurs vassaux. Les ducs de Bretagne commencèrent leur tâche de très bonne heure et y travaillèrent avec beaucoup d'énergie et d'habileté. Main Barbe-Torte et ses successeurs agrandirent le domaine ducal des comtés de Rennes, de Nantes, de Cornouailles, de Léon, de Vannes ; Pierre de Dreux entra en lutte ouverte avec le clergé et la noblesse de Bretagne et remporta une victoire signalée.

L'autorité des ducs fut depuis ce temps presque absolue, réserve faite toutefois de la large part d'indépendance revendiquée et retenue sans cesse par les illustres familles bretonnes. Contre celles-ci, les ducs s'appuyèrent quelquefois sur la bourgeoisie : Conan III affranchit plusieurs communes.

Cependant, si l'on excepte Morlaix et Saint-Malo, les municipalités bretonnes eurent rarement le caractère démocratique et révolutionnaire des communes du nord-est de la France. Le tiers état fut admis dans l'assemblée des états de la province, à peu près dans le même temps qu'en France dans l'assemblée des états généraux ; ce qui montre avec quel ensemble ce progrès s'accomplissait dans toutes les parties de notre pays. C'est à l'assemblée de Ploërmel, en 1309, que parurent pour la première fois les députés du tiers état breton.

Les législateurs de la Bretagne sont Hoël le Grand , à qui remonte le droit coutumier de la province, Jean II et Jean III, qui fit réunir toutes les coutumes du pays avec des emprunts aux Établissements de saint Louis. Divers pays avaient, en outre, leurs usances particulières.

L'éloignement de ce département du coeur du pays l'a préservé des commotions violentes qui ont agité la France en 1870-.1871. Toutefois, ses enfants n'ont pas été les derniers à verser leur sang pour la patrie en danger, et les mobiles d'Ille-et-Vilaine ont glorieusement pris part aux combats livrés, sous les murs de Paris, contre l'ennemi commun.