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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Les départements et leur histoire - Lozère - 48 -

Publié à 15:31 par acoeuretacris Tags : Départements
Les départements et leur histoire - Lozère - 48 -

suite et fin

 

Alors le Gévaudan se divisait en pays haut et pays bas : le haut était presque tout entier dans les montagnes de la Margeride et d'Aubrac ; le bas faisait partie des hautes Cévennes, et occupait la montagne de la Lozère. Cette montagne forme une chaîne connue sous divers noms, et qui s'étend jusqu'aux frontières du Rouergue et du diocèse d'Alais ou basses Cévennes. C'est là qu'est Le Pont-de-Montvert et le Bougès, une des montagnes de la Lozère dont le plus haut sommet, couvert de bois de hêtres, en a pris le nom d'Altefage, mot corrompu du latin, et qui signifie un hêtre élevé. Ces lieux sauvages servaient d'asiles aux proscrits. Comme les chrétiens dans les catacombes, ils s'y réunissaient la nuit, lisant la Bible, chantant des psaumes et s'exhortant au courage et à la patience.

Or, il y avait au Pont-de-Montvert un prêtre d'une famille noble et guerrière : il s'appelait l'abbé du Chayla. C'était un homme naturellement impérieux, sombre et violent ; mais, à la suite de graves maladies, il se relâcha de ses austérités. « Il mena, dit son biographe, une vie moins dure. » Il allait à cheval, pratiquait un peu moins l'abstinence, le jeûne, et traitait bien ses hôtes. Il paraît qu'il aimait aussi le jeu. Il avait été missionnaire à Siam. De retour dans son pays natal, il avait été nommé inspecteur des missions des . Cévennes ; animé d'un zèle que plusieurs, ajoute son biographe, ont traité d'indiscret, il faisait une rude guerre aux protestants. Pour mieux réussir, il prit avec lui une mission volante, composée de plusieurs missionnaires, tant séculiers que réguliers, et se transportait partout où il y avait des hérétiques à combattre ; mais, loin de travailler pour le bien de la religion et de l'État, sa mission ne leur suscitaient que des ennemis.

Il avait fait de son château une prison, et ce que l'on racontait des tortures qu'il y faisait subir à ceux qu'il voulait convertir le rendait la terreur de la contrée. Un jour, à la tête d'une compagnie de soldats, il surprit une assemblée de protestants dans les montagnes. Plus de soixante personnes des deux sexes qui s'y étaient réunies pour prier furent enlevées ; l'abbé commença par en faire pendre quelques-unes et fit conduire les autres dans son château ; cependant plusieurs parvinrent à s'en échapper, convoquèrent leurs frères et leur firent le récit de ce qu'ils avaient souffert. Ils disaient que l'abbé faisait fendre des poutres avec des coins de fer et forçait ensuite ses prisonniers de mettre leurs doigts dans ces fentes dont il faisait retirer les coins.

C'est ce qu'on appelait les ceps de l'abbé du Chayla. A ce terrible récit, la colère et le désespoir se peignent sur tous les visages. Tous jurent de venger leurs frères persécutés. Ils s'arment et se rendent à l'entrée de la nuit au Pont-de-Montvert, devant le château : le silence y régnait, lés portes en étaient barricadées : l'abbé, qui avait eu vent de la conjuration, s'était mis en état de résister. Il avait avec lui quelques soldats et des domestiques résolus à vendre chèrement leur vie. Mais les assaillants enfoncent les portes, et mettent le feu au château. Déjà le toit est en flammes ; l'abbé essaye de se sauver à l'aide d'une échelle de corde par une fenêtre qui donnait sur le jardin mais, en glissant, il se laisse tomber et se casse une jambe.

Néanmoins il parvient à se traîner dans une haie vive qui servait de clôture au jardin ; il y est bientôt découvert. « Allons garrotter ce persécuteur des enfants de » Dieu, » s'écrièrent les assaillants ; et craignant pour sa vie, le malheureux abbé vient se jeter aux pieds de leur chef ; en vain celui-ci voulut-il le sauver ; plusieurs de sa troupe reprochèrent à l'abbé toutes ses violences, ajoutant qu'il était temps de les expier. « Hé ! mes amis, leur criait le pauvre abbé, si je me suis damné, en voulez-vous faire de même ? » A ces mots il fut frappé. « Voilà pour ce que tu as fait souffrir à mon père ! » lui dit l'un. « Voilà pour avoir fait condamner mon frère aux galères ! » ajouta un autre. On dit qu'il reçut cent cinquante-deux blessures. Il expirait au moment où l'on arrivait à son secours.

Telle est la version protestante de la mort de l'abbé du Chayla. Voici maintenant la relation catholique d'après son biographe, M. Rescossier, doyen du chapitre de Marvejols : sur le soir, il y eut une conférence avec les autres missionnaires, dans laquelle on parla des peines du purgatoire ; et sur la fin on agita cette question : si ceux qui souffraient le martyre étaient sujets à ces peines.

Rescossier raconte que, chacun s'étant retiré dans son logis pour se coucher, on le vint avertir qu'il y avait quelques étrangers qui commençaient à arriver dans le lieu. Il crut que c'était une fausse alarme, jusqu'à ce qu'il entendit un grand tumulte de gens qui avaient investi sa maison et qui tiraient des coups de fusil contre les fenêtres. Croyant qu'ils ne demandaient que l'élargissement de quelques prisonniers qu'on avait pris dans les assemblées des fanatiques, il donna ordre qu'on les fit sortir. Ces malheureux ne virent pas plus tôt la porte ouverte qu'ils se jetèrent en foule dans la maison ; ils enfoncèrent une porte d'une salle basse où on avait dressé un autel pour y dire la sainte messe, et, ayant fait un bûcher au milieu de cette chapelle, ils y mirent le feu pour faire périr M. l'abbé dans l'incendie de cette maison. Il essaya de se sauver par la fenêtre à l'aide de ses draps de lit ; mais ces liens n'étant pas assez longs, il tomba d'assez haut. Cette chute fracassa une partie de son corps ; il se 'raina dans des broussailles, où il resta jusqu'à ce qu'il fût découvert, à la faveur de la lumière que jetait l'incendie de sa maison.

On courut sur lui ; on le traîna par la rue de ce bourg (Le Pont-de-Montvert) qui va au pont. On lui fit toutes les insultes imaginables, le prenant par le nez, par les oreilles et par les cheveux, le jetant par terre avec la dernière violence, et le relevant en même temps, vomissant mille injures atroces contre ce saint prêtre, lui disant qu'il n'était pas aussi proche de la mort qu'il pensait, qu'il n'avait qu'à renier sa religion et à commencer de prêcher le calvinisme pour se garantir du péril. Cette proposition scandalisa notre saint abbé, qui demanda à faire sa dernière prière.

On lui permit ce qu'il demandait. Alors, se jetant à genoux au pied de la croix qui est sur le pont, et élevant les mains vers le ciel, il recommanda son âme à Dieu avec une ferveur extraordinaire. Ces impies, transportés de rage de le voir à genoux au pied de cette croix, ne purent plus se retenir. Celui qui les commandait donna le signal de tirer un coup de fusil dans le bas-ventre de notre saint abbé. Alors cette troupe se jetant sur. lui comme à l'envi, et chacun voulant avoir la satisfaction de lui donner le coup de la mort, ils criblèrent tout son corps de coups de poignard. Ceux qui ont fait la vérification de ses blessures ont rapporté qu'il en avait vingt-quatre de mortelles, et que les autres étaient dans un si grand nombre, qu'on ne pouvait les compter.

L'abbé du Chayla fut enseveli à Saint-Germain-de-Calberte, dans le tombeau qu'il y avait fait préparer de son vivant ; et son convoi fut suivi de toute la population catholique des paroisses voisines du Pont-de-Montvert. On se dira qu'il aurait mieux fait de se contenter de l'emploi de missionnaire sans y joindre celui d'inspecteur ; car par là il avait aigri tous les esprits en dénonçant leurs prédicants et ceux qui assistaient à leurs assemblées, ou en faisant renfermer leurs enfants dans des séminaires et dans des couvents pour y être instruits ; mais, dit encore .son biographe, peut-on nier qu'il ne soit permis à un prêtre de dénoncer ceux qui sont rebelles à l'État et à la religion ?

 

Tel fut le prélude de l'insurrection des camisards, l'un des événements les plus remarquables de l'histoire du XVIIe siècle. « Comparable dans son commencement à une étincelle qu'une goutte d'eau eût pu éteindre, elle s'alluma, dit un historien, au point de fixer toute l'attention de la cour, qui craignait avec raison que l'embrasement ne devînt général. » Alors, en effet, les montagnards cévenols se réunirent et s'armèrent pour la défense commune. Ils choisirent pour chefs les plus braves d'entre eux : Roland, Cavalier, Ravenel, et Catinat.

Roland s'établit dans les montagnes, et Cavalier dans la plaine. Pendant trois ans que dura cette guerre, l'on vit une poignée d'hommes mal armés, sans expérience, tenir tête à des troupes régulières, nombreuses et aguerries, commandées par des généraux habiles : Montrevel, qui se plaignait de voir sa réputation compromise avec « des gens de sac et de corde, » fut remplacé par Berwick et Villars.

Ces derniers, en ouvrant des routes à travers les Cévennes, abrégèrent la durée de cette guerre en facilitant aux troupes les abords de ces montagnes et en rendant impossibles les soulèvements des protestants. Ces routes furent en même temps un bienfait pour le pays et réparèrent un peu les souffrances que ses habitants avaient éprouvées pendant un demi-siècle ; souffrances dont le souvenir arrachait des larmes à l'évêque Fléchier, et qui n'auraient pas eu lieu si les prêtres des Cévennes avaient suivi ses sages conseils.

Quant à Jean Cavalier, le héros des camisards, après avoir traité de la paix avec le maréchal de Villars, en 1704, il passa en Angleterre, y prit du service et mourut gouverneur de Jersey.

Avant 1789, le Gévaudan avait ses états particuliers, qui chaque année s'assemblaient alternativement à Mende ou à Marvejols ; ils étaient présidés par l'évêque de Mende, qui s'y rendait assisté de son grand vicaire ; mois celui-ci n'y avait ni rang ni voix délibérative. Seulement, en l'absence de l'évêque, il présidait. Cinquante membres, y compris l'évêque président, composaient l'assemblée ; savoir : sept du clergé, vingt de la noblesse et vingt-deux du tiers état. Un chanoine, député du chapitre de Mende le dom d'Aubrac, le prieur de Sainte-Énimie, le prieur de Langogne, l'abbé de Chambons, le commandeur de Palhers et le commandeur de Gap-Francès y représentaient le clergé. Huit barons, qui entraient annuellement aux états du pays et par tour de huit en huit ans aux états généraux du Languedoc ; savoir : les barons de Toumels, du Roure, de Florac, de Bèges (auparavant de Mercoeur), de Saint-Alban (auparavant Conilhac), d'Apcher, de Peyre, de Thoras (auparavant Senarer) ; douze gentilshommes possesseurs de terres, ayant le titre de gentilhommeries ; savoir : Allenx, Montauroux, Dumont, Montrodat, Mirandal, Séverac, Barre, Gabriac, Portes, Servières, Arpajon et La Garde-Guérin, dont le possesseur prenait dans l'assemblée la qualité de consul noble de La Garde-Guerin ; tels étaient les représentants de la noblesse.

Ceux du tiers étaient : les trois consuls de Mende, soit que les états se tinssent à Mende ou à Marvejols. ; les trois consuls de Marvejols, quand les états se tenaient dans cette ville, et seulement le premier consul quand ils s'assemblaient à Mende ; un député de chacune des seize villes ou communautés. Quant aux barons et aux gentilshommes, ils pouvaient se faire représenter par des envoyés qui n'avaient pas à faire preuve de noblesse ; il suffisait qu'ils fussent d'un état honorable, tel que celui d'avocat ou de médecin. Chaque année, l'assemblée instituait ou confirmait le syndic et le greffier ; c'étaient les officiers du pays. A Marvejols, un bailli et des officiers royaux ; à Mende, un bailli et des officiers nommés par l'évêque administraient alternativement la justice du bailliage du Gévaudan. Ces deux baillis étaient alternativement commissaires ordinaires dans les assemblées du pays.

A la Révolution, le Gévaudan forma le département de la Lozère. C'était avant ce temps un pays stérile et pauvre : les habitants quittaient leurs montagnes pour aller cultiver la terre dans les provinces méridionales. Ils passaient en grandes bandes jusqu'en Espagne, dans le royaume d'Aragon.

On prétend qu'ils en rapportaient beaucoup d'argent ; mais, s'ils mettaient à contribution la paresse des Espagnols en travaillant pour eux, d'un autre côté, ils étaient peu estimés de ceux-ci, qui les regardaient comme des mercenaires et les appelaient gavachos, terme de mépris que par la suite ils ont étendu à tous les Français. Certains écrivains , grands amateurs d'étymologies, prétendent même que c'est de l'ancien nom des Gabales que les Espagnols ont formé le mot gavacho, dont ils se servent comme d'un sobriquet injurieux.

Plus tard, cependant, les montagnards des Cévennes trouvèrent dans l'industrie des ressources contre la pauvreté. Ils n'émigrèrent plus et s'occupèrent à tisser des cadis et des serges dont la renommée se répandit jusque dans les pays étrangers. « Il n'y a presque pas de paysan qui n'ait chez lui un métier sur lequel il travaille dans la saison où il ne cultive pas la terre, et surtout pendant l'hiver, qui est très long dans ces montagnes durant six mois entiers. Les enfants mêmes filent la laine dès l'âge de quatre ans. » Ainsi s'exprimait un voyageur en 1760.

Tel était encore au XIXe siècle ce pays. Vivant au milieu d'âpres montagnes, dans une contrée pauvre et aride, exposés aux atteintes d'un climat rigoureux, les cultivateurs de la Lozère, dit M. Dubois, ont nécessairement des moeurs agrestes, des habitudes rudes et grossières. Néanmoins, leur caractère est bon et simple. Ils sont naturellement doux et même affables envers les étrangers, paisiblement soumis aux autorités qu'ils respectent, remplis de vénération et de dévouement pour leurs parents qu'ils aiment.

Leur vie est alors laborieuse et pénible. La plupart ont à lutter contre la stérilité naturelle du pays qui les environne. Leur nourriture est simple et frugale : elle Se compose de laitage, de beurre, de fromage, de lard, de vache salée, de légumes secs, de pain de seigle. Ils y joignent des pommes de terre ou des châtaignes. Leur boisson habituelle est l'eau de source ; mais on les accuse d'aimer le vin et de se laisser aller à l'ivrognerie quand les foires ou d'autres occasions les conduisent dans les villages où se trouvent des cabarets. Leurs habitations, généralement basses et humides, sont incommodes et malsaines. Les trous à fumier qui les avoisinent répandent à l'entour des miasmes putrides.

Les cultivateurs sont fort attachés à leur religion et aiment les cérémonies religieuses : tous, catholiques et protestants, ont un égal respect pour les ministres de leur culte. Ils conservent aussi avec ténacité leurs vieilles habitudes, tiennent a leurs préjugés, à leur routine agricole, au costume grossier qu'ils portent depuis leur enfance. Ils sont peu empressés de changer, même quand leur intérêt doit profiter du changement. Leur lenteur, leur apathie et leur indifférence suffisent pour raire avorter tous les projets d'améliorations.

Les jeunes gens ont un grand attachement pour leur village : ils se soumettent avec répugnance à la loi qui les astreint au service militaire, et le département est un de ceux où l'on compte le plus de retardataires ; néanmoins, lorsqu'ils ont rejoint leur bataillon, ils se montrent soldats intrépides et disciplinés. Ils sont d'abord très propres aux fatigues de la guerre, étant d'une constitution forte et d'un robuste tempérament.

Au XIXe siècle, les habitants des villes ont plus d'aménité dans le caractère que les habitants des campagnes ; comme eux, ils sont économes et laborieux et cependant hospitaliers et charitables. Les habitants de la Lozère ont généralement de l'intelligence, de l'esprit naturel et un jugement sain. S'ils paraissent moins cultiver les lettres et les arts, du moins réussissent-ils mieux dans l'étude des sciences naturelles et mathématiques.