Pendant près de 4000 ans, durant toute l'antiquité tant égyptienne que gréco-latine, le papyrus comme support de l'écriture a constitué un matériau exceptionnel confectionné à partir des tiges de Cyperus papyrus L. (Chlorocyperaceae) soigneusement sélectionnées. Ces tiges présentent sous l'épiderme un parenchyme palissadique épais, puis au centre de l'organe, une abondante moelle formée surtout d'un parenchyme de type aérenchyme. Le caractère spongieux de ce dernier est dû à la présence de larges lacunes disposées en canaux parallèles.
Les propriétés du support d'écriture dépendent essentiellement des parois cellulaires qui le constituent.
La récolte des tiges de papyrus se fait pendant les mois d'été, lorsque les tiges sont arrivées à maturité. Elle est représentée sur les parois de la tombe de Puyemrê à Thèbes.
Fresque de la tombe de Puyemrê à Thèbes .
La récolte se fait en bateau : un homme arrache les tiges, un autre lie les tiges en bottes tandis que le troisième conduit l'embarcation. Sur la rive, un personnage transporte les bottes tandis qu'un autre écorce les tiges fraîchement cueillies.
Rappelons un point de nomenclature : le même terme papyrus désigne à la fois la plante (dans ce cas la matière première) et le support d'écriture (le produit transformé). Il y a donc souvent une ambiguïté dans les textes. Le mot "charta" utilisé par les anciens auteurs est plutôt réservé au rouleau dans son ensemble, c'est-à-dire à la suite des surfaces collées bout à bout en bandes de plusieurs mètres constituant le "livre" égyptien, grec ou romain.
Le papyrus n'est ni un papier, ni un tissu.
Le papier fait intervenir une dissociation de fibres végétales. Dispersées à l'état individuel dans l'eau, elles constituent dans un premier temps une suspension très diluée, la pâte à papier, qui est ensuite décantée, pressée et séchée de façon à ce que les éléments en suspension se rassemblent en un mince feutrage.
Un tissu (textile) résulte, lui, de l'entrecroisement plus ou moins régulier des éléments unitaires.
La manufacture de papyrus en support d'écriture ne comporte ni dispersion cellulaire, ni trame. Il s'agit d'une apposition de lamelles découpées dans la tige écorcée, disposées bord à bord ou avec un léger chevauchement et superposées de façon croisée. La manipulation garde associées les cellules de l'aérenchyme et les faisceaux conducteurs. L'ensemble est pressé, longuement martelé, séché et poli de façon à réaliser un support aussi mince et uniforme que possible pour recevoir l'écriture
Zone de collage de deux "pages" dans un papyrus antique.
(Cliché Eve Menéi)
Coupe transversale en microscopie optique.
Papyrus antique.
On observe une forte densité de faisceaux conducteurs. Il s'agit sans doute de lamelles découpées dans la partie supérieure de la tige ou au niveau de l'écorce.
La feuille sèche de papyrus pouvait être polie au point qu'elle prenait un aspect lisse et satiné, ce qui donnait un papyrus de qualité supérieure.
La couleur des feuilles était aussi un critère de qualité, les plus blancs étant ceux de meilleure qualité. La couleur est liée à l'épaisseur du papyrus : plus la feuille est fine, plus elle sèche rapidement et plus elle est blanche. Ce phénomène a été observé tant pour les papyrus fabriqués actuellement que pour les papyrus anciens. Les enzymes de la plante entrent en jeu en catalysant l'oxydation des phénols en quinones colorées. La plante entière elle-même brunit au contact de l'air. Un fort martelage accélère l'oxydation et le brunissement. Cependant, pour les papyrus antiques, les conditions de conservation jouent un rôle important dans leur aspect actuel, en particulier, une exposition à la lumière peut être très néfaste.
La feuille de papyrus pouvait être utilisée telle que pour des lettres ou textes courts. La taille courante d'une feuille était de 16 à 30 cm de hauteur et de 20 à 30 cm de long, en quelque sorte l'ancêtre du format A4 !
papyrus moderne
Pour fabriquer un rouleau, plusieurs feuillets étaient collés (probablement à l'aide d'une colle de farine) avec un léger chevauchement (1 à 2 cm) . Couramment, une vingtaine de feuillets étaient accolés, parfois plus.
Le scribe écrivait de droite à gauche, en conséquence le rouleau était enroulé de gauche à droite, prêt pour être lu. Une marge de sécurité était laissée sur le bord droit ainsi que des marges supérieures et inférieures, afin de prévoir une altération possible des bords.
Le rouleau de payrus est resté l'unique forme du "livre" pendant toute l'antiquité classique. Au deuxième siècle après J-C. est apparu le codex, ancêtre du livre actuel.
Rouleau de papyrus antique.
Restauration d'un livre des morts.
Atelier de restauration du Musée du Louvre, Département des Antiquités Egyptiennes (Cliché Eve Menei).