Le feu
Maîtrise et techniques
Le feu n’est pas une invention de l’homme bien évidemment mais par contre, il a su inventer les techniques pour le maîtriser.
Le feu est considéré comme une conquête d’Homo erectus mais il semblerait, d’après certaines découvertes récentes, que la maîtrise du feu remonterait à une date bien antérieure. La maîtrise du feu a donné à l’homme un avantage décisif sur les autres espèces. Grâce au feu, nos ancêtres pouvaient mieux se protéger des prédateurs, se chauffer, s’éclairer et améliorer leur alimentation.
En s'affranchissant de l'état animal, l'homme a conçu un univers totalement nouveau. L'histoire de son émergence en tant qu'espèce à part se confond avec celle des inventions préhistoriques : de l'outil de la préhistoire à l'art préhistorique, l'homme n'a cessé de mettre des objets et du sens entre lui et le monde à l'état de nature. À l'inverse des inventions de l'Histoire, celles de la préhistoire répondaient toutes à un besoin vital. À la fin du néolithique, l'humanité avait atteint un tel niveau technique et culturel que certaines populations n'ont plus évolué pendant des millénaires
Les premières traces de la maîtrise du feu
Jusqu’à présent, on pensait que la maîtrise du feu remontait à environ 500 000 ans et que c’était une conquête d’Homo erectus.
Deux découvertes remettent peut-être cette chronologie en cause.
En avril 2004, des chercheurs israéliens pensent avoir découvert la preuve de la domestication du feu par l’homme il y a 790.000 ans.
L’équipe de Naama Goren-Inbar a mis au jour des graines, du bois et du silex brûlé sur le site archéologique de Gesher Benot Ya’aqov, au nord d’Israël. Répartis sur plusieurs points particuliers, ces traces d’olivier, de vigne sauvage et d’orge brûlés pourraient être les vestiges d’anciens foyers allumés par la main de l’homme. (Revue Science du 30 avril. 2004).
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont passé au crible plus de 20.000 échantillons de graines et de fruits et plus de 50.000 échantillons de bois. Une faible proportion présentait des preuves de combustion, rapportent les auteurs, qui écartent ainsi l’hypothèse d’un feu naturel.
Reconstitution d'Homo erectus . By Ideonexus
La grotte de Zhoukoudian, en Chine, est le site le plus riche d’Asie en fossiles d’Homo erectus.
On y a également découvert de nombreux outils en quartz. Des strates noirâtres à plusieurs mètres de profondeur et sur plusieurs mètres de long ont été interprétées comme la preuve que l’homme entretenait du feu dans la grotte.
Cependant, aucun foyer classique n’y a été retrouvé. Par contre, des dents et des crânes d’animaux sont brûlés.
Cette grotte nous apprend donc qu’Homo erectus y a pénétré, y a laissé des outils et des ossements et que ces hommes connaissaient le feu.
Les vestiges de Zhoukoudian sont vieux de 500 000 à 1,5 millions d’années avant notre ère. Cependant, à ce jour, un doute subsiste. Tous les paléontologues ne sont pas d’accord et on ne sait pas vraiment s’il s’agit de feux spontanés ou de foyers entretenus.
Restes d'un foyer retrouvé à Etiolles (France) et datant du paléolithique supérieur. (Muséum national d'Histoire naturelle, Paris) . By Sylvain Souit
Une découverte effectuée en Afrique de l’Est, à Chesowanja, près du lac Baringo au Kenya, ferait remonter la maîtrise du feu à 1,4 millions d’années.
Les traces d’un foyer semblent indiscutables.
Le feu a-t-il fait l'homme ?
Quand l’homme a apprivoisé les flammes, il a franchi une étape fondatrice, qui le distinguait pour toujours des autres espèces animales. Car le pouvoir qu'il a ainsi acquis sur les animaux et la nature lui a ouvert de nouvelles voies. Avec la bipédie, l'outil, l'enterrement des morts et l'art, la maîtrise du feu constitue l'un des facteurs déterminants de l'hominisation.
La maîtrise du feu est-elle née par accident ?
L'homme a-t-il cherché à reproduire ces grandes flammes qui mangeaient littéralement la forêt lorsque la foudre s'abattait inopinément sur un arbre ?
Nous ne le saurons jamais.
Il existe des traces de feu utilisé par l'homme pour faire cuire des animaux en Afrique du Sud et au Kenya, datées respectivement de- 1,5 et- 1,4 millions d'années. Mais, en l'absence de foyer, il se peut qu'il ne s'agisse que d'incendies exploités par l’homme, et non du produit d'une maîtrise technique.
En revanche, il y a au moins 500 000 ans, le feu semble être devenu indispensable à l'homme, comme s'il était arrivé à un stade de son évolution où il ne pouvait plus s'en passer.
Illustration d'un Homo erectus qui utilise la technique de la percussion oblique-lancée. (Cleveland Museum of Natural History) By Hairymuseummatt
Le premier site connu est probablement celui de la grotte de l’Escale (Bouches-du-Rhône, France). Si on accepte de le dater de Mindel I, il s’agit alors du plus ancien foyer d’origine humaine.
Note : Glaciation de Mendel: deuxième glaciation de l'ère quaternaire qui s'est étendue entre -650 000 à -350 000 ans environ.
-500 000 : Début de la glaciation de Mindel (Mindel I)
-450 000 : Interstade Mindel I.: réchauffement
-400 000 : Glaciation de Mindel II.
Les plus anciens foyers reconnus apparaissent à partir d'environ 400 000 ans : Menez-Dregan à Plouhinec, Lunel Viel en France ou Vértessz?'l?'s en Hongrie.
Ces foyers sont incontestables car on note à côté de petits foyers remplis d’os brûlés et de charbon d’os, de nombreux galets aménagés.
Les techniques du feu
Il est difficile de déterminer précisément quelles techniques ont été utilisées par Homo erectus, puis par Homo sapiens, pour obtenir le feu.
Les preuves matérielles manquent.
Les techniques d’obtention du feu se divisent en deux grandes catégories :
André Leroi-Gourhan a intégré cette division dans une classification tripartite, désormais classique :
La percussion oblique-lancée : elle emploie la projection d’étincelles sur une matière aisément combustible (étoupe, feuilles sèches, ect.), à l’aide de pierres dures (quartz, silex) que l’on percute contre d’autres pierres dures ou contre des nodules métalliques (pyrites de fer).
Illustration Sophie Astruc
La percussion oblique-posée : c’est une technique par friction. Elle emploie le frottement ou le sciage continu d’une pièce de bois avec une autre pièce de bois généralement plus dure. La chaleur ainsi dégagée est fournie à une matière très facilement inflammable. Les formes modernes de cette technique sont l’allumette chimique et le briquet à molette.
Illustration Sophie Astruc
La percussion circulaire : le feu est obtenu par rotation d’une baguette de bois dur introduite dans une cavité creusée dans une pièce de bois plus tendre. Le mouvement de rotation rapide que l’on imprime à la baguette directement avec les paumes de la main, ou indirectement à l’aide d’une courroie, produit un échauffement suffisant pour allumer les matières combustibles.
Illustration Sophie Astruc
Les usages du feu
Les vestiges de foyers utilisés comme calorifères prouvent que nos ancêtres se servaient du feu pour se chauffer.
La fonction d’éclairage du feu ne peut être documentée avec certitude que pour la période très tardive du magdalénien, lorsque apparaissent les premiers vestiges de lampes.
Au paléolithique supérieur, la lampe à graisse éclairait le fond des grottes.
Un bloc de calcaire ou de grès représentant une petite cuvette servait de support. Cro-Magnon y brûlait du suif de boeuf ou de cheval. Un peu de lichen servait de mèche.
Lampe à graisse. (Cleveland Museum of Natural History) . dinosoria.com
Le feu a-t-il été employé comme arme ? Une des spécialistes de la question, Catherine Perlès, souligne : »Rien ne ressemble plus, pour un archéologue, à un incendie de prairie d’origine naturelle qu’un incendie de prairie allumé par l’homme. »
Cette incertitude, faute de traces indiscutables, n’invalide pas cependant le rôle du feu comme arme défensive.
La datation de la cuisson des aliments présente le même degré d’incertitude.
La poterie n’a pas une origine unique. Ses principes ont été découverts très tôt par diverses populations de chasseurs-cueilleurs qui fabriquent, dès le paléolithique supérieur, des figurines et des récipients en argile cuits au four.
Il est clair que la poterie s’est développée dès que les populations se sont sédentarisées, avec la pratique de l’agriculture et de l’élevage.
Parmi les principaux sites recelant des vestiges de poterie datant du VIIe millénaire avant notre ère, il faut citer Çatal Höyük en Anatolie ; Ramad III et Bouqras III en Syrie ; Sesklo en Thessalie ; Néa Nicomedia en Macédoine ou encore cap Ragnon dans le sud de la France.
La chronologie de la maîtrise du feu est donc encore bien incertaine. Les prochaines découvertes nous permettront sans doute d’en apprendre davantage.