>> Toutes les rubriques <<
· Animaux - Oiseaux - (58)
· Mythologie Greco-romaine- (74)
· La(les)mode(s) - (17)
· Années 50 - (37)
· Arbres et arbustes (22)
· Préhistoire - (25)
· Au Jardin - (27)
· Parcs , réserves naturelles, zoos... (49)
· Bonjour + texte (589)
· Cadeaux de mes ami(e)s - (582)
Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
5848 articles
Comme le département de la Haute-Garonne a pour chef-lieu Toulouse, l'ancienne capitale du Languedoc, c'est à son histoire que nous allons rattacher celle de la province tout entière. Les deux versants des Cévennes méridionales (car on peut désigner ainsi d'une manière générale l'ancienne province de Languedoc) étaient occupés à l'époque gauloise par les Volces. Selon Amédée Thierry, les Volces s'y étaient établis seulement entre 250 et 281 avant J.-C., et, selon d'autres autorités, bien antérieurement.
Ces Volces, toujours selon Amédée Thierry, étaient un peuple belge, qui se serait transporté, on ne sait à quelle époque, des rives de l'Escaut aux rives de la Garonne. Il se fonde principalement sur l'orthographe donnée à leur nom par quelques auteurs anciens, qui ont écrit Bolcae ou même Bolgae. On a répondu avec assez de raison que cette substitution du b au v ne prouvait que fort peu, attendu que, dans la bouche des hommes du midi de la France, ces deux lettres sont deux soeurs qui se ressemblent beaucoup, et que l'on a toujours prises l'une pour l'autre.
D'ailleurs, les auteurs anciens, lorsqu'ils ont représenté la Gaule comme divisée en trois grandes nations : Belges, Celtes et Aquitains, ont toujours attribué aux Celtes tout le pays compris entre la Seine et la Marne au nord, la Garonne au sud, sans jamais dire que les Belges, situés au nord, aient eu une enclave au midi, entre les Celtes et les Aquitains. Admettons donc que les Volces étaient des Celtes. Ils se divisaient en Volces Tectosages et Volces Arécomiques. Les Tectosages occupaient la partie occidentale et de beaucoup la plus considérable du territoire commun, c'est-à-dire à peu près le pays compris entre la Garonne, le Tarn, les Pyrénées et l'Hérault ; les Arécomiques étaient renfermés entre l'Hérault et le Rhône.
C'est dans le pays des Tectosages qu'était située Tolosa : c'était même leur capitale. Ils étaient très remuants. Dès 333 avant J.-C., nous voyons des Tectosages en Illyrie. En 281, ils forment l'avant-garde, sous leur chef Cambaulus, de la fameuse expédition des Gaulois en Grèce et au temple de Delphes. Quatre ou cinq ans après, ils s'en vont, en compagnie des Trocmes et des Tolistoboïes ou Tolostoboüs (de Tolosa ?), s'installer au beau milieu de l'Asie Mineure, après avoir traversé l'Hellespont, et ce sont eux qui tiennent le premier rang dans celte colonie, qui valut au pays occupé le nom de Galatie. Comme, dès ce temps-là, les écrivains grecs les appellent Tectosages, il est évident que ce nom ne vient pas, ainsi qu'on l'a prétendu, des deux mots latins, tecti et sagum (couverts de la saie gauloise).
Lorsque les aventuriers tectosages, au lieu de se fixer dans les pays lointains, préféraient revenir chez eux chargés de butin, sans doute ils rapportaient peu de germes de civilisation des riches contrées qu'ils avaient pillées. Mais ces Grecs, dont ils avaient visité le pays en barbares, les visitèrent à leur tour en hommes civilisés. « Si l'on veut étudier la topographie de cette contrée, dit un savant toulousain, M. du Mège, en se dirigeant de l'embouchure de l'Hérault, près d'Agde, en passant par Toulouse, vers l'embouchure de l'Adour, les noms des localités, les monuments qu'on y a découverts ou que l'on y retrouve encore, montreront comme échelonnés une immense ligne de comptoirs ou d'établissements grecs, qui touchaient aux deux mers eu traversant dans toute sa longueur l'isthme qui les sépare. » On sait que le langage parlé aujourd'hui dans la Gascogne, l'ancienne Novempopulanie, offre avec la langue grecque d'étonnantes analogies que Scipion Dupleix a relevées dans un dictionnaire, et l'on connaît ces noms de Samos, Sestos, d'Abydos, de Scyros, etc., portés encore de nos jours par quelques bourgades de la même contrée. C'étaient, suivant une antique, mais peu recommandable tradition, des Doriens, partis à la suite d'Hercule, qui étaient venus s'y établir.
Les Tectosages livrèrent complaisamment passage à Annibal. Leurs frères, les Arécomiques, entraînés par les intrigues de home, essayèrent en vain de l'arrêter ; il passa en ravageant leur territoire. Un siècle après (120 ans avant J.-C.), Domitius Ahenobarbus apparaissait à son tour à la tête des légions romaines. Déjà les Salyens et les Allobroges étaient soumis : les Volces suivirent cet exemple.
Leur pays fut d'abord réuni à la province romaine, mais il en fut détaché en 117 et forma dès lors une province particulière, appelée Gaule Narbonnaise, du nom de Narbonne, récemment fondée. Il fut divisé en trois cantons, dont les chefs-lieux étaient Toulouse, Narbonne et Nîmes. Le préteur y venait présider les assemblées annuelles ou conventus. A côté des lois romaines, qui leur étaient imposées, les Volces avaient conservé leurs lois celtiques.
Malgré la modération avec laquelle ils étaient traités, l'invasion des Cimbres, la révolte de Sertorius amenèrent chez eux des mouvements qui furent, au reste, sévèrement réprimés. Pompée leur enleva une partie de leurs terres, qu'il donna aux Marseillais. Loin de les dompter, le châtiment les irrita. La révolte devint violente ; les Tectosages allèrent assiéger Narbonne, que le proconsul Mareus Fonteius ne délivra qu'avec peine (75 ans avant J.-C.).
Accablés de contributions et de levées d'hommes qui les épuisèrent, ils accusèrent devant le sénat romain cet impitoyable proconsul ; Cicéron le défendit et basa sa défense sur la nécessité de dompter un peuple toujours prêt à secouer le joug de Rome. Il leur impute le siège du Capitole, et s'écrie : « Aujourd'hui même, leurs députés, la tête altière, l'air arrogant, semblent menacer Rome d'une nouvelle guerre si on ne leur accorde pas la destitution de Fonteius, leur proconsul... » Il ne néglige pas non plus, pour les rendre plus odieux, de signaler la barbarie de leurs sacrifices humains ; « coutume effroyable, dit-il, qu'ils ont conservée jusqu'à nos jours. » Soit que l'illustre avocat ait exagéré l'esprit indépendant des Tectosages, soit que les mesures terribles du proconsul les eussent, en effet, réduits à l'impuissance, les Volces ne prirent aucune part à la résistance nationale lors de l'invasion de César, et se rangèrent tout de suite sous les aigles de Crassus. César, en reconnaissance, leur rendit les terres que Pompée avait transportées aux Marseillais, du même coup dépouillant ses ennemis, enrichissant ses alliés et détruisant l'œuvre de son rival. Enfin, il envoya chez eux des colonies pour réparer les pertes que leur population avait faites, et admit plusieurs d'entre eux dans le sénat, qu'il recomposa alors.
Dans la guerre civile d'Octave et d'Antoine, les Volces se déclarèrent plutôt pour l'ancien lieutenant de César que pour son jeune et ambitieux héritier, peut-être par un effet de leur opposition continuelle au parti sénatorial, dont Octave venait de se rapprocher. Ils se soumirent pourtant au traité de partage qui les fit passer dans le lot de ce dernier. Mais, quand il fut empereur, ils se révoltèrent deux fois (39 et 30 ans avant J.-C.), et le proconsul Valerius Messala Corvinus fut obligé de les battre, sur les bords de l'Aude et sur ceux de la Garonne. Pour se les attacher, Auguste vint en personne présider à Narbonne l'assemblée des députés de toute la Gaule. Il exempta de l'impôt personnel les habitants de la Narbonnaise et mit cette province au nombre de celles qui relevaient du sénat.
En récompense, il reçut d'eux des autels et des honneurs divins. Au témoignage de Strabon, la Narbonnaise bénit le règne de Tibère, grâce à la prospérité dont elle jouit sous le gouvernement d'Antistius Labeo. Elle ne remua ni sous ce prince ni sous Claude ; mais, sous Néron, elle s'associa à la révolte de Vindex et de Galba. Elle résista à Vitellius, mais fut obligée de se soumettre. Ces événements ne nuisirent point à sa prospérité, qui fut au comble sous les Antonins. Au IIIe siècle, elle reçut le christianisme, puis les doctrines manichéennes, que l'arianisme suivit de près. Ainsi, de bonne heure, ce pays fut envahi par les hérésies orientales, qui devaient s'imprimer plus fortement encore dans l'esprit de ses populations par le séjour des Goths, et, plus tard, donner naissance en se transformant, à l'hérésie albigeoise.
Cependant, la circonscription et la dénomination de la Narbonnaise avaient un peu changé. En 278, Probus en avait détaché la Viennoise. Valentinien Ier, ayant donné à la Provence le nom de Narbonnaise seconde, l'ancienne Narbonnaise eut le titre de Narbonnaise première. A l'intérieur, ses cités étaient au nombre de six : des Narboniens, Narbonne ; des Tolosales, Toulouse ; des Béterriens, Béziers ; des Némausiens, Nîmes ; des Lutéviens, Lodève ; des Uzétiens, Uzès.
L'invasion des barbares visita de bonne heure la Narbonnaise. Dès 405, les Vandales de Crocus viennent y tourbillonner et se faire écraser près d'Arles, par le second Marius. Le gros de leur nation arrive l'année suivante, passe sur le pays comme un ouragan, et s'en va disparaître en Espagne, avec les Suèves et les Alains. C'est ensuite le tour dés Goths. Ceux-ci se font céder la Narbonnaise par Honorius ; mais Ataulf n'ose y demeurer et l'abandonne à son rival, le comte Constance. C'est son successeur, Wallia, qui, repassant au nord des Pyrénées, y installa véritablement les Wisigoths, et fit de Toulouse sa capitale. Le littoral fut toutefois maintenu par les armes d'Aétius, sous la domination d'Honorius, et ce n'est qu'en 459 que la Narbonnaise tout entière fut perdue pour l'empire. Les Wisigoths l'appelèrent Septimanie ou Gothie.
Trop de conquêtes perdit les Wisigoths. Envie, roi belliqueux, en étendant son empire jusqu'à la Loire (473), en se faisant céder l'Auvergne par l'empereur Nepos (475), allait au-devant des Francs. Malgré la modération que son ministre Léon imprima à son gouvernement, les évêques catholiques, ceux surtout des pays qu'il venait d'acquérir, Sidoine Apollinaire, par exemple, qu'il retint plusieurs années en prison, n'en étaient pas moins pleins d'horreur pour ce monarque arien, de sympathie pour le roi catholique des Francs. Son fils, Alaric II, fut vaincu à Vouillé et ne conserva en Gaule que la Septimanie proprement dite, le pays entre les Cévennes et la Méditerranée, les Pyrénées et le Rhône. La plus utile conquête qu'eût faite Euric était encore celle d'une partie de l'Espagne, qui servit de refuge à sa nation chassée.
Les fils de Clovis, voulant venger leur soeur Clotilde, vinrent battre Amalaric sous les murs de Narbonne, mais sans lui rien enlever. Au contraire, Théodebert, en 533, s'empara sur les Wisigoths de Lodève, d'Uzès et du Vivarais. Ils furent donc réduits à une portion de la Septimanie, de Nîmes à Carcassone inclusivement. Récarède reprit Lodève dans ses guerres avec Gontran. Quant à cette partie de l'ancienne Narbonnaise qui était située au nord des Cévennes, elle fut possédée par les descendants de Clovis, qui se la partagèrent. Le Toulousain passa successivement à Charibert, à Chilpéric, à l'usurpateur Gondovald (584), à Gontran, à Childebert, à Thierry, à Clotaire II, à Dagobert.
Sous Dagobert se passa un fait fort important pour l'Aquitaine et la Septimanie franque. Ce monarque les détacha de son royaume et en fit don à son frère Charibert, qui prit le titre de roi de Toulouse (630). A la vérité il les lui reprit bientôt, mais il les rendit sous le nom de duché d'Aquitaine, relevant du royaume des Francs, aux enfants de son frère, Boggis et Bertrand. Ces deux princes devinrent les souverains nationaux du Midi, et les partages que les descendants de Dagobert se firent encore de l'Aquitaine et de la Septimanie furent plutôt nominaux que réels. En 688, Eudes, fils de Boggis, succéda à son père et à son oncle comme duc d'Aquitaine ou de Toulouse.
C'est sous Eudes que parurent les Sarrasins (719). Ils envahirent d'abord la Septimanie des Wisigoths sous l'émir Zama, puis se portèrent sur Toulouse. Eudes les battit (721). Leur seconde invasion fut conduite par Ambiza : elle passa par la Septimanie et se dirigea vers la Bourgogne (725). La troisième fut celle d'Abdérame (732), dont l'immense armée, dans sa déroute, ravagea le pays de Toulouse. La Septimanie ou Gothie Narbonnaise resta aux Arabes, malgré les efforts de Charles Martel. Ils en furent chassés seulement par Pépin le Bref.
C'est alors que s'engagea la lutte mémorable d'Hunold, fils d'Eudes, et de Waïfre, fils d'Hunold, contre les Francs ; lutte terminée en 768 par la soumission de toute la Septimanie. Pépin y établit des comtes chargés de représenter son autorité, mais laissa aux habitants leurs privilèges et l'usage du code théodosien. Charlemagne confia le gouvernement du Toulousain à un certain duc Chorson, puis à Guillaume au court nez, si célèbre dans les romans, et bientôt après (780) incorpora la Septimanie dans le royaume dont il apanagea son fils Louis. Le partage de 817 divisa la Septimanie en deux portions : l'une, comprenant Toulouse et Carcassonne, demeura annexée à l'Aquitaine, et ce fut le royaume de Pépin II ; l'autre, comprenant le reste, fut attribuée à Lothaire. Cette séparation, que le partage de 839 effaça au profit de Charles la Chauve, reparut dans le régime féodal.
Charles le Chauve s'était fait représenter dans le marquisat de Toulouse par Warin ; mais celui-ci avait un rival dans son gouvernement, c'était ce fameux comte Bernard, autrefois l'amant de l'impératrice Judith, et qui actuellement soutenait les droits du fils de Pépin. Charles vint en personne assiéger Bernard dans Toulouse et le fit prisonnier ; il se le fit amener dans le monastère de Saint-Sernin, l'accueillit à bras ouverts, et pendant l'embrassade lui enfonça un poignard dans le coeur, disant : « Malheur à toi, qui as souillé le lit de mon seigneur et de mon père ! » Son père était peut-être justement l'homme qu'il égorgeait. Pépin n'était pas abattu cependant. Guillaume, fils de Bernard, qu'il avait investi à la place de son père, défendit Toulouse et contre le roi de France et contre les Normands, qui avaient remonté la Garonne jusque-là.
Malheureusement Pépin fut livré à Charles le Chauve, qui repartit devant Toulouse. Ce n'était plus Guillaume qui défendait la place, mais Frédelon. Vainqueur,. Charles, au lieu de dépouiller ce vaillant comte, le maintint dans son gouvernement (849). Frédelon est le père de l'illustre maison des comtes de Toulouse. Son successeur, Raymond Ier, perdit un instant sa capitale, que lui enleva le marquis de Gothie. Car la séparation dont nous parlions tout à l'heure s'était renouvelée. Bernard, fils de Raymond, pour ne le céder en rien aux marquis de Gothie, ces rivaux redoutables, se fit appeler à la fois duc et marquis de Toulouse.
Dès lors, cette maison va toujours s'agrandissant, Eudes, quatrième comte, acquiert l'Albigeois par un mariage. Raymond Il, qui vient ensuite, se fait investir du marquisat de Gothie par Charles le Simple, à la mort de Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine. Raymond-Pons s'empare du pays d'Uzès et du Vivarais, puis se fait céder l'Auvergne et le Gévaudan par Raoul, qui vint en personne le visiter et qui acheta à ce prix élevé son hommage. Ainsi une étendue considérable et toujours croissante de territoire formait aux comtes de Toulouse une domination compacte, qui s'étendait jusqu'au Rhône et à la Méditerranée.
A la vérité, cette unité souffrit une interruption. Une branche cadette, à laquelle le Rouergue avait été cédé précédemment, obtint en outre par un traité de partage le marquisat de Gothie, moins cette portion du pays de Nîmes qui confine au Rhône et à la mer, et que les comtes de Toulouse conservèrent sous le nom de comté de Saint-Gilles. Guillaume Taillefer, qui fit celte concession, s'en dédommagea bien en épousant Emma, fille du comte de Provence, laquelle à la mort de son père (1024) lui valut l'acquisition d'une partie de ce comté. Enfin, les affaires des descendants de Frédelon étaient en si bonne voie que, dès le XIe siècle, Guillaume IV, neuvième comte, s'intitulait duc et comte du Toulousain, de l'Albigeois, du Quercy, du Lodévois, du Périgord, du Carcasses, de l'Agénois et de l'Astarac ; c'était donc, comme on peut le voir, un puissant et redouté seigneur.
Les comtes de Toulouse sont de vrais types des seigneurs méridionaux, toujours éveillés, remuants, en quête de quelque province, de quelque femme ou de quelque aventure, légers, amis du plaisir, peu scrupuleux, plus habiles, ce semble, en politique -et en galanterie qu'en guerre.. Raymond-Pons II épousait Almodis, femme d'Hugues de Lusignan encore vivant. Almodis, il est vrai, le quitta peu' de temps après pour un troisième époux. Guillaume IV s'en allait quereller Guillaume d'Aquitaine jusque dans Bordeaux, se faisait battre et prendre ainsi que sa capitale, qu'on lui rendait pourtant à condition d'être sage désormais.
Ne sachant que faire, il part, et c'est vers Rome que son inquiète activité le conduit ; il visite le pape. A son retour, il trouve une femme chemin faisant et l'épouse : c'est Emma, fille du comte de Mortain. Revenu à Toulouse, il faut qu'il se mêle du débat de l'évêque Isarn et des moines de Saint-Sernin, ce qui le fait excommunier par Grégoire VII. Mais il cède aussitôt et abandonne l'évêque dont il soutenait la cause, comme pour montrer que ce qu'il en fait c'est uniquement pour passer le temps. Dernière boutade : il va en pèlerinage en terre sainte, selon l'usage, et il y meurt (1093). Nous ne voulons pas dire cependant que la piété n'ait pas eu de part aux pèlerinages et aux expéditions fréquentes des comtes de Toulouse en Orient. Las de leur propre mobilité, ces hommes du .Midi devaient éprouver le besoin de tourner leur ardeur vers les graves et consolantes pensées de la religion.
Guillaume mourait sans enfants. Il avait cédé ses États à son frère Raymond,. comte de Saint-Gilles. Raymond de Saint-Gilles avait fidèlement suivi les traditions de famille. Excommunié d'abord par le pape pour avoir épousé sa cousine, il s'était séparé d'elle, puis était allé quérir une autre épouse en Sicile. Il en avait ramené Mathilde, fille du comte Roger, avec de magnifiques présents. Un peu plus tard, il célébra ses troisièmes noces avec une fille naturelle d'Alphonse VI, roi de Castille. Il n'en eut pas moins la visite du pape Urbain II en 1095, et deux ans après, ayant réglé ses affaires, fait aux églises de nombreuses donations et laissé ses États à son fils Bertrand, il se croisa et partit pour la terre sainte à la tête de ses nombreux vassaux et de cent mille hommes. Il se montra un des chefs les plus sages et les plus braves de la première croisade. Il avait fait voeu de mourir en Palestine et tint parole : il mourut, en effet, au siège de Tripoli, après avoir refusé deux fois le trône de Jérusalem (1105).
A l'occasion de la croisade, la maison de Toulouse, comme toutes les autres, se choisit des armoiries. C'était : une croix clichée, vidée, pommetée et alésée d'or sur un champ de gueules. L'imagination tout enflammée du prestige de la terre sainte, les comtes, de Toulouse négligeaient un peu leurs États. Ils avaient cependant de dangereux voisins dans les ducs d'Aquitaine. Le jeune Bertrand fut pendant deux ans chassé de Toulouse (1098-1100).
Bientôt il part à son tour pour la Palestine et laisse le comté à son très jeune frère Alphonse (1109). Alphonse était né en Orient pendant la première croisade, ce qui l'avait fait surnommer Jourdain. Guillaume d'Aquitaine, soutenu par le vicomte de Béziers, dépouilla sans peine ce pauvre enfant. Alphonse s'eu alla en Provence. Quatorze ans après (1123), comme il était en guerre avec le comte de Barcelone, qui le tenait assiégé dans Orange, il vit arriver à son secours les Toulousains, qui le délivrèrent après s'être délivrés eux-mêmes. Il revint à Toulouse, mais n'y demeura pas constamment. En 1131, il assiste au nombre des douze pairs au sacre de Louis VII ; en 1140, il se rend en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle ; à son retour, il félicite ses sujets d'avoir résisté au roi de France, qui avait voulu s'emparer de Toulouse au nom d'Éléonore de Guyenne.
Enfin, après avoir eu à tenir tête à plusieurs de ses vassaux ligués contre lui avec le comte de Barcelone, il s'en alla, en 1148, comme son père et son frère, mourir en terre sainte, empoisonné, dit-on, par la reine de Jérusalem. Il s'y était rendu en compagnie d'un fils et d'une fille naturels, qui furent faits prisonniers pas les musulmans, et la fille fut épousée par le sultan Noureddin. Ce fut un des comtes les plus chers aux Toulousains, qui lui devaient leurs principaux privilèges.
Raymond V eut un règne fort agité. Raymond-Trencavel, vicomte de Béziers, et Guilhem VI, seigneur de Montpellier, lui retirèrent leur hommage pour le transporter au comte de Barcelone. Il les battit, les fit prisonniers et ne les relâcha qu'en les obligeant à le reconnaître de nouveau pour leur suzerain (1153). Mais plus tard ils violèrent leur serment et renouèrent la ligue, soutenue cette fois par Henri II, roi d'Angleterre. Henri se présenta devant Toulouse et essaya de s'en emparer au nom d'Éléonore de Guyenne devenue sa femme.
L'intervention de Louis VII l'obligea de se retirer. Mais Raymond n'en avait pas moins fort à faire avec Alphonse, roi d'Aragon et comte de Barcelone. Il avait épousé Constance, soeur de Louis VII, épouse en premières noces d'Eustache de Blois, et à ce dernier titre qualifiée de reine d'Angleterre. Mais bientôt il l'avait répudiée pour prendre la veuve et l'héritière de Raymond-Bérenger, comte d'Arles. Alphonse, qui avait des droits sur cet héritage, le lui enleva, et Richard Coeur de Lion s'étant joint à tous ses ennemis en 1189, il eût succombé à cette coalition formidable si Philippe-Auguste n'était pas devenu son allié contre le roi d'Angleterre. On l'appelait le bon Raymond. Il aimait et protégeait les troubadours. La paix lui eût bien mieux convenu que ces guerres continuelles ; et cependant il mourut fort à propos pour n'en pas voir de plus terribles (1194).
Raymond VI était déjà marié quand il devint comte de Toulouse. Mais, comme Richard Coeur de Lion lui offrit la main de sa soeur Jeanne, veuve du roi de Sicile, avec l'Agénois pour dot et un traité fort avantageux, il n'hésita pas à congédier sa première femme. Par ce traité, richard renonçait à tous ses droits sur Toulouse et rendait le Quercy. Un peu plus tard Jeanne étant morte, Raymond épousa Éléonore, sœur du nouveau roi d'Aragon, Pierre II, dont l'alliance lui fut désormais acquise.
On peut remarquer combien les comtes de Toulouse étaient considérés : ils épousaient des soeurs et des veuves de rois. Malheureusement une tempête effroyable s'amoncelait déjà sur cette brillante puissance dont personne alors n'eût soupçonné la chute prochaine. Nous parlons de la croisade contre les albigeois, déjà racontée ailleurs avec plus de détail que nous ne le ferons ici (voir l'histoire du département du Tarn). Dès 1165, le concile de Lombers avait anathématisé les albigeois. Raymond VI, au gré du pape Innocent III, ne les traita pas avec assez de sévérité. Pierre de Castelnau lui fut envoyé et périt assassiné.