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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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Castres
2ème partie
Le plan tracé par le pape était de ménager le comte, s'il ne paraissait pas empressé à secourir les hérétiques. Milon n'avait été nommé légat que pour donner le change a Raymond, qui s'était plaint de la raideur de l'abbé de Cîteaux.
La conduite indécise du comte de Toulouse favorisa les vues d'Innocent. Dans une assemblée réunie par lui à Aubenas (Vivarais), son neveu, Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, Albi, Rasez, Carcassonne, lui conseillait valeureusement de convoquer tous ses amis, de mettre en défense toutes ses places fortes et de tenir tête à l'orage.
Effrayé d'un si grand danger, le comte répondit qu'il ne voulait pas se brouiller avec l'Église. II se rendit a Valence, où l'appelait le légat, et lui remit les clefs de sept de ses plus forts châteaux ; il se laissa ensuite conduire a Saint-Gilles. Là, en présence de vingt archevêques ou évêques, il fit amende honorable ; on lui mit au cou une étole, et le légat, le tirant par cette étole, l'introduisit dans l'église en le flagellant ; enfin la croix parut sur sa poitrine en signe qu'il allait prendre les armes contre ses propres sujets.
L'armée s'ébranla, passa par Montpellier, fondit sur Béziers, dont nous raconterons ailleurs la catastrophe. L'esprit de cette guerre se résume dans ce mot, qui, malheureusement, appartient bien à l'histoire d'Arnaud-Amaury : « Tuez-les tous, Dieu saura bien distinguer les siens. » - « Brûlez-les tous deux, disait de même Simon de Montfort ; si celui-ci parle de bonne foi, le feu lui servira pour l'expiation de ses péchés ; s'il ment, il portera la peine de son imposture. »
Après Béziers, ce fut le tour de Carcassonne, où fut pris traîtreusement le vicomte Raymond-Roger, qui mourut en prison peu de temps après, de dysenterie, dit-on. Il laissait un fils en bas âge, Raymond Trencavel II, né en 1207.
Le bel héritage des quatre vicomtés que cet enfant semblait destiné a recueillir lui fut enlevé, et le légat l'offrit successivement au duc de Bourgogne, aux comtes de Nevers et de Saint-Pol, qui tous le refusèrent. « Le légat, fort malcontent et embarrassé, offrit en dernier lieu la seigneurie à Simon, comte de Montfort, lequel la désirait et la prit. » Pour intéresser l'Église à lui conserver ces nouveaux domaines, Simon ordonna qu'un cens de trois deniers, par feu ou par maison, serait levé au profit de la cour de Rome, sans compter une redevance annuelle dont il fixa la somme.
Le chef des croisés n'occupait encore que Castres dans l'Albigeois ; il s'y rendit en personne, s'empara de Lombers, où cinquante chevaliers avaient formé un complot pour s'emparer de sa personne ; il entra dans Albi, dont l'évêque lui ouvrit les portes. Une révolte, excitée par le roi d'Aragon, ne tarda pas à le chasser de presque toutes ces places ; mais il y rentra bientôt l'épée à la main ; une bulle du pape le confirma dans la possession d'Albi (1210).
L'Albigeois était le chemin de Toulouse. Le comte voyait avec terreur approcher les croisés. Il courut à Paris et de Paris à Rome. Philippe-Auguste, qui approuvait peu la croisade et qui en avait refusé le commandement sous prétexte « qu'il avait à ses côtés deux grands lions menaçants, le roi d'Angleterre et l'empereur d'Allemagne, » lui donna une lettre pour le pape. Innocent se montra bien disposé en sa faveur.
Mais les légats, plus zélés que le pape, l'évêque de Toulouse, Fouquet, troubadour transfuge, l'abbé de Cîteaux, Simon de Montfort, ne voulaient point se laisser arracher leur proie. Le concile d'Arles (1211) dicta au comte. des lois de fer. Raymond et le roi d'Aragon, Pierre II, qui intercédait en sa faveur, attendirent longtemps à la porte du concile, en plein air, « au froid et au vent. » Enfin on leur remit la charte qui contenait des conditions inacceptables.
Cette charte fut utile à Raymond ; il la montra partout, et ses sujets, chevaliers ou bourgeois, jurèrent de périr plutôt que d'accepter un tel esclavage. L'évêque Fouquet fut chassé de Toulouse ; défense faite aux habitants de donner des vivres aux croisés. Montfort, qui venait de prendre Lavaur, échoua devant la capitale du Languedoc.
La campagne fut tenue habilement et avec succès pendant l'hiver par les capitaines albigeois, particulièrement le comte de Foix. Montfort n'avait que peu de troupes dans cette saison ; la plupart des croisés ne donnant que le service de quarante jours, « le flot de la croisade tarissait vers L'automne pour ne revenir qu'au printemps. » (H. Martin.) II s'occupait de régler la conquête, de distribuer des fiefs aux hommes de la langue d'oil. Les moines se pourvoyaient de leur côté ; l'abbé de Cîteaux était élu évêque de Narbonne, et accolait à ce titre celui de duc ; l'abbé de Vaux-de-Cernai devenait évêque de Carcassonne.
Pierre II d'Aragon, libre du côté de l'Espagne par la bataille de Las Navas de Tolosa, intervint plus énergiquement. Raymond, qui était son beau-frère, remit entre ses mains « ses terres, son fils et sa femme. » Les représentations de Pierre émurent un instant le pape, qui suspendit la prédication de la croisade Hais, à l'instigation des chefs croisés, Innocent III revint sur ses dispositions indulgentes et exhorta Pierre à abandonner « le toulousain. »
Pierre n'en fit rien, et, le 10 septembre 1213, il assiégeait Muret. La grande bataille qu'il livra devant cette place, et qui lui coûta la vie, fut le coup fatal des Albigeois. Toulouse prise fut démantelée. Simon de Montfort fut institué « prince et monarque du pays » par les canons du concile de Montpellier, confirmés par le pape. Le quatrième concile de Latran, solennelle assemblée de 71 archevêques, 412 évêques et plus de 800 abbés et prieurs (1215), renouvela sa réfutation des doctrines hétérodoxes, le symbole de Nicée, et prescrivit des mesures qui, dans le Languedoc, devaient prévenir le retour de l'hérésie.
Le concile ratifia la fondation de deux ordres religieux nouveaux, spécialement établis en vue de l'hérésie albigeoise. « L'Église avait été ébranlée par la prédication hétérodoxe ; Dominique entreprit de la soutenir par la création d'un ordre exclusivement destiné à prêcher la foi catholique, et, sous les auspices de l'évêque Fouquet, il jeta les fondements de l'ordre des Prêcheurs dans Toulouse même, la métropole de l'hérésie. L'Église avait été attaquée au nom de l'inspiration mystique et du renoncement évangélique, François d'Assise transporta le mysticisme et la réalisation littérale de la pauvreté et de l'humilité chrétienne dans le sein de l'Église ; il fonda un ordre de moines qui renonçaient absolument, non plus seulement à la propriété individuelle, ainsi que les autres moines, mais a la propriété collective, et faisaient vœu de ne vivre que d'aumônes. »
C'est en vain que, du sein même de l'assemblée catholique, quelques voix courageuses protestèrent contre les effets désastreux de la croisade, qu'un chevalier ajourna le pape au jour du jugement s'il ne rendait pas au fils du vicomte de Béziers et d'Albi son héritage, que l'archidiacre de Lyon lui-même s'écria, montrant Fouquet : « Cet évêque fait vivre dans le deuil plus de cinq cent mille hommes, dont l'âme pleure et dont le corps saigne ! »
Innocent III, disposé à s'attendrir, ne put réserver au fils de Raymond VI que le marquisat de Provence, « s'il s'en rendait digne. » Tout le reste fut donné à Simon de Montfort, qui alla demander au roi Philippe-Auguste l'investiture du comté de Toulouse et du duché de Narbonne (1216), et qui se vit accueilli partout dans les campagnes de la langue d'oil à ce cri : « Béni soit celui qui. vient au nom du Seigneur ! ».
Les peuples de la langue d'oc pleuraient leur brillante et gracieuse civilisation broyée sous le fer des masses d'armes et jetée au feu des bûchers. « Ah ! s'écrie un troubadour, Toulouse et Provence, terre d'Agen, Béziers et Carcassonne, quelles je vous vis, et quelles je vous vois ! »
La mort d'Innocent IIII (1216) et celle de Simon de Montfort (1218) mirent fin à la première période de la guerre des Albigeois. Amaury, fils de Simon, confirmé dans la possession des conquêtes paternelles par le pape Honorius III, entra dans Albi. De son côté, Raymond VI entra dans l'Albigeois, qui devint le théâtre de la lutte. Raymond VII, lui ayant succédé (1222), enleva Albi à son rival, qui était dans le même temps attaqué d'un autre côté par Raymond Trencavel II, héritier des quatre vicomtés (1224). Amaury s'enfuit en France. L'hérésie releva la tête.
En 1222, Amaury avait offert à Philippe-Auguste ta cession de tous ses droits sur le comté de Toulouse. Ce monarque les avait refusés, et avait seulement autorisé son fils Louis à prendre part à la croisade. Devenu roi, Louis VIII reprit la croix et accepta l'offre d'Amaury ; puis avec 100 000 hommes il assiégea Avignon.
Le Languedoc, pendant ce temps, se soumettait à lui ; il parut à Albi et y séjourna quelque temps ; il reçut le serment de fidélité des habitants par l'intermédiaire de l'évêque, et c'est dans cette ville qu'il régla le sort des pays acquis par lui à la couronne ; il en confia le gouvernement a Humbert de Beaujeu, qui, bientôt abandonné à lui-même, déploya beaucoup d'énergie et d'habileté à poursuivre la guerre contre les hérétiques et contre Raymond VII.
Enfin le comte de Toulouse céda. En 1229, il reçut l'absolution de la main du cardinal légat dans l'église de Notre-Dame de Paris. Il s'engageait a démanteler trente une places fortes de ses États, entre autres, dans l'Albigeois, Lavaur, Gaillac, Rabastens, Montaigu, Puicelci ; les châteaux de Cordes et de Penne étaient remis à Louis IX pendant dix ans. La partie de l'Albigeois située sur la rive gauche du Tarn était réunie, avec Albi, au domaine royal ; la rive droite demeurait au comte. Castres fut inféodé a Philippe, neveu de Simon de Montfort.
Les deux parties de l'Albigeois eurent chacune un sénéchal, l'une pour le roi, l'autre pour le comte. Celle-ci était divisée en sept bailliages. La vaine tentative faite plus tard par Raymond VII, avec le secours de Henri III, roi d'Angleterre, et du comte de la Marche ayant échoué, Raymond Trencavel II, l'héritier dépouillé des quatre vicomtés, vendit tous ses droits a Louis IX, moyennant une pension de 600 livres sur la sénéchaussée de Beaucaire (1247).
Le siècle ne s'écoula pas sans que l'Albigeois de la rive droite du Tarn fût réuni à la couronne. Jeanne, fille de Raymond VII, et son mari, Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, en héritèrent à la mort de Raymond, et quand ils moururent à leur tour, ce pays fut réuni par les commissaires de Philippe le Hardi au domaine royal (1271).
La soumission du comte de Toulouse consomma la défaite de l'hérésie. Lui-même était obligé de se tourner contre elle, et s'engageait, par le traité de 1229, à payer pendant deux ans deux marcs d'argent, et, dans la suite, un marc à quiconque livrerait un hérétique, à confisquer les biens des sectaires, à les exclure des charges publiques, comme les juifs. II ordonna même de raser les maisons des protecteurs et fauteurs des hérétiques.
Saint Louis envoya a ses baillis une ordonnance dans le même sens, et le concile de Toulouse organisa l'inquisition permanente en établissant que les évêques « députeraient dans chaque paroisse un prêtre et deux ou trois laïques de bonne réputation, » qui visiteraient « toutes les maisons depuis le grenier jusqu'à la cave. » L'obligation de dénoncer commençait à quatorze ans pour les hommes, à douze ans pour les femmes ; on devait alors prêter un serment.
Les hérétiques convertis devaient porter sur la poitrine deux croix de couleurs tranchantes. Le concile de Narbonne (1244) obligea les hérétiques en voie de conversion a se présenter tous les dimanches a l'église, le corps en partie nu, avec une poignée de verges pour recevoir la discipline. Le comte de Béziers (1246) établit la peine du feu pour tous les partisans qui refuseraient d'abjurer. Le concile d'Albi (1254) ordonna la construction de prisons dans chaque diocèse pour recevoir les hérétiques.
Le pape Grégoire IX, en 1233, prétendit donner plus de rigueur encore à l'Inquisition en attribuant aux frères prêcheurs des pouvoirs absolus, supérieurs même à ceux des évêques. Les protestations de Raymond VII, de Louis IX, du haut clergé de France ne l'arrêtèrent pas. Raymond fut de nouveau excommunié ; mais toutes les populations étaient pour lui, et en plusieurs lieux maltraitèrent les inquisiteurs dominicains.
Ceux-ci n'en continuèrent pas moins leur sanglante mission jusqu'au règne de Philippe le Bel, qui d'abord envoya des commissaires (1302), puis vint lui-même (1304) dans le Languedoc pour faire cesser la tyrannie des dominicains. Un édit rendu par lui à Toulouse ordonna que les commissaires royaux visiteraient avec les inquisiteurs les prisons de l'Inquisition et veilleraient à ce qu'elles servissent « pour la garde et non pour la peine des prisonniers ; » que les évêques ou leurs vicaires instruiraient le procès des accusés sur le sort desquels il n'aurait pas été statué. Un peu plus tard, un décret du concile de Vienne, confirmé par Clément V, défendait aux inquisiteurs de procéder contre les hérétiques « sans le concert des évêques diocésains. »
Alors seulement, après un siècle de souffrances terribles, le Languedoc respira et le châtiment de l'hérésie albigeoise fut arrêté. Chose singulière, ruinée en Languedoc, elle s'était réfugiée et se relevait dans les pays étrangers, principalement en Lombardie . c'est de là qu'on vit dès lors partir souvent deux à deux, suivant la règle, des ministres parfaits, qui allaient à leur tour, à travers mille dangers, vêtus de bure, vivant d'aumônes, exhorter les habitants du Languedoc à leur rester fidèles.
L'histoire de l'Albigeois sera courte à achever après que nous avons terminé celle de l'hérésie albigeoise. Ce pays souffrit des guerres des Anglais et plus encore des ravages des routiers, quoiqu'il n'ait jamais été un des principaux théâtres de ces grandes luttes nationales.
Il fut agité au temps des guerres de religion comme toutes les contrées de la France. Les hérétiques y furent durement traités, et pourtant, en 1569, ils y possédaient trente-huit villes, bourgs ou villages, dont Gaillac, Lombers et Réalmont. L'année suivante, le fléau de la guerre cessant, celui de la famine commença avec accompagnement de fièvres pestilentielles, qui sévirent cruellement dans les pays d'Albi et de Castres.
Après la mort de Henri III, la Ligue établit son influence dans l'Albigeois. L'évêque d'Albi, d'Elbène, dont elle se méfiait, fut dépouillé de ses biens, et, en 1592, Antoine-Scipion de Joyeuse, maréchal de France de la création de Mayenne, battit les royalistes près de Montets ; ceux-ci eurent leur revanche à Vilennet, où ils enlevèrent le camp de Joyeuse, et ce malheureux maréchal alla en fuyant se noyer dans le Tarn. Son frère, Henri de Joyeuse, prit sa place dans le commandement et convoqua des états à Albi pour obtenir des subsides. Albi et Gaillac étaient les seules villes qui restaient à la Ligue. La paix de Folembray (1596) replaça tout le pays sous l'autorité royale.
Sous Louis XIII, la révolte du duc de Rohan et des protestants donna lieu à des événements militaires dans l'Albigeois. Lombers, Réalmont furent assiégées. Mais les protestants furent battus par le duc d'Angoulême, qu'accompagnait Alphonse d'Elbène, évêque d'Albi. Ce même évêque changea de rôle plus tard, et, moins fidèle à la cause royale, fut un des instigateurs de la révolte du duc d'Orléans, et jeta Albi et son diocèse dans le parti des rebelles. Les capucins et les jésuites d'Albi tournèrent contre lui les populations, et, quand la révolte fut apaisée, une commission ecclésiastique, nommée en vertu d'un bref d'Urbain VIII, le déposa (1634).
Depuis ce temps, on peut dire que les événements politiques n'ont que peu troublé le repos de l'Albigeois. La Révolution n'y commit que peu de violences. L'affaire de Fualdès, après la chute du premier Empire, fut la seule qui y réveilla les émotions endormies.
En 1790, l'Assemblée constituante avait réuni en un département les diocèses de Lavaur et de Castres ; cette dernière ville avait été choisie pour chef-lieu ; elle fut privée de ce titre par le Directoire, qui, pour la punir de quelques mouvements séditieux, le transféra à Albi. Le Concordat (1802) supprima le siège archiépiscopal d'Albi, érigé sous Louis XIV (1676) aux dépens de l'archevêché de Bourges, et comprit tout l'Albigeois dans le diocèse de Montpellier ; mais, sous la Restauration, ce siège fut rétabli, avec les évêchés de Cahors, Rodez, Perpignan et Mende pour suffragants.