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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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(né le 30 avril 1245, mort le 5 octobre 1285)
La contagion y régnait toujours, et la cavalerie maure enlevait tous les soldats qui s'éloignaient des palissades. Le roi de Tunis campait à deux lieues des croisés, et des succès récents avaient enflé son courage. Le roi de Sicile, qui commandait pendant la maladie de Philippe, résolut de s'emparer du golfe de Porto-Farina, qui pouvait seul faciliter les approches de Tunis. Secondé par le comte d'Artois et Philippe de Montfort, il attaqua les Sarrasins, qui eurent 5 000 hommes tués ou noyés.
Peu de temps après, leur armée, ayant reçu de nombreux renforts, osa s'approcher jusqu'à portée de l'arc du camp des chrétiens, en hurlant, dit Guillaume de Nangis, je ne sais quoi de terrible, et obscurcissant l'air d'une nuée de flèches. Elle fut repoussée avec une perte de plus de 3 000 hommes. Une grande bataille ne tarda pas à être livrée. Philippe était rétabli : il marcha aux ennemis avec les rois de Sicile et de Navarre. Le comte d'Alençon et les templiers furent chargés de la garde du camp. L'oriflamme avait été déployée.
Les Maures ne tinrent pas longtemps contre les croisés. Dans leur déroute ils abandonnèrent leur camp, et furent poursuivis jusqu'aux défilés des montagnes, d'où ils virent massacrer leurs malades et leurs blessés, piller leurs richesses, enlever leurs provisions, et, dans un vaste incendie, disparaître leurs tentes et leurs bagages.
Philippe ne savait encore à quoi se résoudre, lorsque le roi de Tunis fit demander la paix ; et le 30 octobre elle fut conclue aux conditions suivantes : une trêve de dix ans ; la franchise du port de Tunis ; tous les prisonniers rendus de part et d'autre ; les frais de la guerre fixés à deux cent dix mille onces d'or, payés moitié sur-le-champ au roi de France et à ses barons ; la liberté du culte accordée aux chrétiens dans le royaume de Tunis, avec la faculté d'élever des églises, de prêcher la foi et de convertir les musulmans : clause illusoire, qui ne fut insérée au traité que pour sauver l'honneur des croisés, et leur permettre d'annoncer qu'ils avaient accompli leur vœu.
Un des articles portait enfin que le tribut déjà payé par Tunis au roi de Sicile serait doublé pendant quinze ans, et que cinq années d'arrérages seraient acquittées immédiatement. Le traité venait d'être signé lorsque le futur roi d'Angleterre (Édouard Ier, qui n'avait pas encore succédé à Henri III) arriva avec sa femme, son frère, ses barons et une armée. Il désapprouva hautement la paix, s'enferma dans sa tente, refusa de prendre part aux délibérations, et même au partage de l'argent des mahométans : il demandait, il exigeait la guerre ; mais le roi de Sicile ne voulait que de l'argent, et il en avait obtenu.
D'ailleurs, le traité avait pour lui la sainteté des serments, la durée de la contagion et les lettres des régents de Philippe qui pressaient son retour. Le roi de France embarqua les os de Saint-Louis, ceux de son frère et ceux d'autres illustres croisés, tandis qu'Édouard allait seul entreprendre au milieu de nouveaux revers la guerre pour la délivrance des saints lieux.
Les vaisseaux de Charles et de Philippe mirent à la voile, et, après quarante-huit heures de navigation, entrèrent le 22 novembre à Trapani en Sicile. Une horrible tempête qui dura trois jours en fit périr un grand nombre qui était resté dans la rade. Quatre mille personnes de toute condition moururent dans les flots ; et mille, ayant gagné la terre, succombèrent aux fatigues de cette funeste journée.
Ce fatal événement n'empêcha pas les rois de France, de Sicile et de Navarre de s'engager, avec tous les comtes et barons, à partir dans trois ans pour une autre croisade ; et chacun jura de ne s'en point dispenser sans un sujet légitime, dont le roi de France serait juge suprême.
De toutes les croisades, celle-ci avait été la plus malheureuse : il y périt 30 000 hommes, et Philippe ne revint en France qu'avec des cercueils. Il arriva à Paris le 21 mai 1271, et fit faire de magnifiques obsèques aux illustres morts dont il rapportait les cendres. On les mit en dépôt à Notre-Dame. d'où on les transporta processionnellement à Saint-Denis. Le roi aida à porter sur ses épaules le cercueil de son père jusqu'à l'abbaye. On voyait encore au XIXe siècle au faubourg Saint-Laurent et sur le chemin de Saint-Denis des monuments de pierre qui avaient été élevés par ordre de Philippe aux sept endroits de la route où il s'était reposé en portant ce pieux fardeau.
Un incident singulier troubla cette auguste cérémonie. Le cortège funèbre trouva les portes de l'église fermées par ordre de l'abbé Matthieu de Vendôme, qui, pour le maintien des privilèges et de l'exemption de l'abbaye, refusait d'y laisser entrer en habits pontificaux l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris. Il fallut que ces deux prélats allassent les quitter au delà des limites de la seigneurie abbatiale, et le roi fut contraint d'attendre hors de l'église leur retour.
Les tombes royales reçurent, avec les corps de Saint-Louis, de la reine Isabelle et du comte de Nevers, celui d'Alphonse, comte d'Eu, fils de Jean de Brienne, empereur de Constantinople et roi de Jérusalem. Cette cérémonie funèbre fut suivie d'une autre où la joie publique devait éclater.
Philippe fut sacré à Reims le 30 août. Le lendemain il partit pour visiter les frontières du nord, et fut reçu dans Arras par le comte de Flandre. Il voulut ensuite connaître l'état du Poitou et du comté de Toulouse, qui, après la mort d'Alphonse, revenaient à la couronne. Il s'avançait du côté de Poitiers, lorsqu'il apprit que Roger-Bernard, comte de Foix, avait emporté d'assaut le château de Sompuy, où flottait la bannière royale.
Cité à comparaître devant Philippe, Roger s'y refusa ; et, comptant sur le nombre de ses vassaux et de ses forteresses, il résolut de soutenir sa rébellion les armes à la main. Philippe convoqua le ban et l'arrière-ban ; le rendez-vous était fixé à Tours. Le duc de Bourgogne, les comtes de Bretagne, de Blois, de Flandre, de Boulogne ; etc., y arrivèrent suivis d'un grand nombre de chevaliers, et l'armée se dirigea vers les Pyrénées.
Philippe fit son entrée dans Toulouse. Il reçut à Pamiers la visite du roi d'Aragon, son beau-père ; entra sur les terres du comte révolté, et arriva enfin devant le château de Foix. Cette forteresse, bâtie sur une montagne inaccessible, était réputée imprenable. Le comte s'y était renfermé avec ses meilleures troupes et un grand nombre de machines de guerre. Philippe fit serment de ne s'éloigner qu'après avoir soumis la place ; et tandis que les assiégés le défiaient avec jactance, il fit couper le pied de la montagne, et ouvrir dans les rochers un chemin praticable.
Roger, étonné, vit bientôt sa perte inévitable. il demanda à capituler ; mais Philippe exigea qu'il se rendît à discrétion et qu'il livrât toutes ses forteresses. Le comte vint se jeter aux pieds du roi ; il implora sa clémence : Philippe le fit charger de chaînes et conduire à Carcassonne, où on l'enferma dans une tour. Roger était en prison depuis un an lorsque, cédant aux prières du roi d'Aragon, Philippe le fit venir à Paris, l'arma chevalier, et le renvoya dans ses domaines.
Cet exemple de vigueur et de sévérité ne fut pas perdu, et la révolte du comte de Foix fut, selon Nangis, la seule qu'on vit sous ce règne. Édouard Ier, roi d'Angleterre, ayant succédé à Henri III (1274), s'empressa de venir à Paris comme vassal de Philippe pour les domaines qu'il possédait en France, et rendit hommage à son suzerain.
Bientôt le vicomte de Béarn ayant refusé de se connaître vassal d'Edouard, duc d'Aquitaine, fut poursuivi par ce prince, et se hâta d'interjeter appel à la cour de Philippe, qui convoqua son parlement. Édouard y fut cité ; épreuve humiliante pour un souverain. Il comparut, malgré sa répugnance, et se soumit à son juge, qui prononça en sa faveur.
Philippe assista la même année au concile général de Lyon. Les Grecs abjurèrent le schisme ; et la primauté du pape fut reconnue par les patriarches et les ambassadeurs de Michel Paléologue. Mais cette réunion des deux Églises ne fut pas durable ; et dès que Charles d Anjou, roi de Sicile, eut cessé de paraître redoutable, Constantinople cessa, de son côté, de reconnaître le pontife romain.
Le concile venait d'être terminé, lorsque Philippe épousa en secondes noces Marie, sœur de Jean, duc de Brabant (1275). Les fêtes furent magnifiques : tous les seigneurs y parurent en habits et en manteaux de pourpre et les femmes, portant des robes tissées d'or, étaient parées, dit Nangis, comme un temple. La tendresse de Philippe pour la nouvelle reine alarma un favori jusque-là tout-puissant, Pierre de la Brosse, son grand chambellan. Voulut-il brouiller ensemble le roi et la reine ? L'histoire offre quelques indices à ce sujet, et ne fournit aucune preuve.
Philippe perdit subitement Louis, son fils aîné, à l'âge de douze ans (1276). On crut à la cour que le jeune prince avait péri par le poison : on chercha le coupable ; et la Brosse jeta, dit-on, dans l'esprit du roi, des soupçons sur la reine, en insinuant qu'elle réservait le même sort aux deux autres fils de son maître (Philippe et Charles), afin d'assurer la couronne aux enfants du second lit. Ses intrigues retombèrent sur lui-même, et il fut jeté en prison.
A la première nouvelle de la disgrâce du favori, le duc de Brabant, qui avait craint de le poursuivre au temps de sa puissance, vint hautement demander justice, et offrit de défendre par le duel l'innocence de sa sœur. Personne ne se présenta pour soutenir l'accusation ; la reine se trouva justifiée ; la Brosse fut pendu, et tous ses biens furent confisqués. On l'avait aussi accusé d'entretenir des intelligences avec les rois de Castille et d'Aragon.
Il résulte du silence des historiens contemporains que le second crime du favori ne fut pas plus prouvé que le premier. On est étonné de voir Daniel avancer que le peuple applaudit à l'arrêt des barons, qui condamna la Brosse au gibet, lorsque Guillaume de Nangis, le seul historien contemporain de Philippe, dit positivement le contraire. Henri Ier, roi de Navarre et comte de Champagne et de Brie, mort suffoqué par la graisse (1274), avait laissé pour unique héritière sa fille Jeanne, âgée de deux à trois ans. Il avait ordonné, par son testament, qu'elle épousât un prince français.
Cette exclusion des naturels du pays mécontenta les grands, qui, refusant de reconnaître comme régente et tutrice la reine mère, Blanche d'Artois, sœur de Saint-Louis, élurent lieutenant général du royaume le sénéchal don Pedre Sanche de Montagu. Bientôt la couronne de Navarre, mal affermie sur la tête d'un enfant, réveilla les prétentions des princes voisins. Jacques, roi d'Aragon, soutint qu'elle lui appartenait par la donation de Sanche VII, qui l'avait institué son héritier (1231).
Alphonse, roi de Castille, plus attentif à résoudre un problème qu'à poursuivre une couronne, réclama cependant celle de Navarre, comme héritier de Sanche III, qui l'avait possédée et réunie à ses États. Ces deux souverains envoyèrent défendre leurs droits aux états de Navarre. Le lieutenant général et l'évêque de Pampelune se prononcèrent pour l'Aragonais ; un autre parti se déclara pour le Castillan ; un troisième, et c'était le plus faible, voulait que le roi de France, comme parent de la jeune princesse, fût invité à se charger de la tutelle. Le parti le moins juste, celui de l'Aragonais, prévalut ; et le roi de Castille commença la guerre.
La reine mère s'échappa secrètement avec sa fille, et vint demander à la cour de France asile et protection. Cette démarche acheva d'aigrir les seigneurs de Navarre. Les états arrêtèrent que Jeanne ne serait point reconnue reine si elle n'épousait Alphonse d'Aragon ; et ils résolurent d'employer tous leurs soins pour empêcher qu'un prince français ne montât sur le trône de Navarre.