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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour :
08.02.2013
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LA CHANTEUSE VOILÉE
(D'après Les célébrités de la rue, paru en 1868)
Celle qu'on désigna sous ce nom fut célèbre, même à côté de la Belle Madeleine, dont elle était la contemporaine ; on l'a vue, depuis 1805 jusqu'à 1815, venir s'adosser chaque soir contre le portail de Saint-Germain-l'Auxerrois. Elle avait vingt-cinq ans à cette époque : élégante de taille et d'une mise soignée, sa voix était douce et sympathique ; elle chantait avec succès les romances de Blangini et plaisait aux âmes tendres.
Couverte d'un long voile qui, descendant jusqu'à la ceinture, cachait entièrement ses traits, elle excita vivement la curiosité publique, qu'exaspère l'incognito et qui brûle de pénétrer tout mystère. Les lions du temps tentèrent de soulever le voile, mais ces siéges n'effrayaient pas l'anonyme qui connaissait les instincts de la foule et persistait à garder ses allures mystérieuses. Si elle s'humanisa en faveur de quelques élégants indiscrets qui détruisirent un peu le charme, en proclamant la laideur de la Chanteuse voilée, elle n'en conservait pas moins son prestige sur la foule, qui contribuait à son succès en inventant des légendes dont elle était l'héroïne.
Les versions étaient nombreuses, elles se transformaient parfois ; et quand elle eut adopté une romance qui eut un certain succès, un de ces romans invraisemblables qui commencent en ballon et finissent chez les Karakalpaks, on ne douta plus qu'enlevée par des pêcheurs de corail de l'Adriatique (!) on ne l'eût vendue au sultan qui, un beau soir, lui avait jeté la fine batiste.
La romance de la Chanteuse voilée a trop la couleur du temps pour que je me refuse le plaisir de la citer tout entière aux lecteurs. La voici dans sa naïveté vieillotte :
Conseiller est chose facile ;
On dit : « Gardez bien votre honneur ».
Hélas ! écoutez quel malheur
Poursuivait la pauvre Lucile...
Oh ! venez... ouvrez-lui vos cœurs,
À cette jeune infortunée,
Qui pour l'innocence était née,
Et toujours versa tant de pleurs !
À peine au sortir de l'enfance,
Je fuyais les vœux d'un barbon ;
Voilà qu'il m'enlève en ballon,
Avec lui, seule et sans défense...
Oh ! venez... ouvrez-lui vos cœurs,
À cette jeune infortunée
Qui, vers les astres entraînée,
Dans les airs versa tant de pleurs !
j'arrive en un lointain rivage ;
Un pâtre est mon libérateur...
Survient un peuple destructeur,
Et Lucile est dans l'esclavage.
Oh ! venez... ouvrez-lui vos cœurs,
À cette jeune infortunée
Qui, dans un cachot enchaînée,
Sous terre versa tant de pleurs !
J'avais su braver la colère
D'un sombre et farouche tyran ;
Mais le jeune fils du sultan
Avait encor su mieux me plaire.
Oh ! venez... ouvrez-lui vos cœurs,
 cette jeune infortunée
Dont la cruelle destinée
Fut partout de verser des pleurs.
Le dirai-je, hélas ! j'étais mère !
Nous voulons fuir, on nous surprend ;
Un supplice affreux nous attend,
Tout est sourd à notre prière...
Oh ! venez... ouvre-lui vos cœurs,
À cette jeune infortunée
Qui pour l'innocence était née,
Et toujours versa tant de pleurs !
Cette romance peint mieux que je ne saurais le faire, le geste et le costume de la Chanteuse voilée. C'est une époque qui revit par son côté burlesque.
On doit constater qu'à la même époque on organisa un succès en faveur d'une autre chanteuse non voilée, qu'on nommait ainsi par opposition à notre héroïne. La chanson favorite de cette dernière était : Gusman ne connaît plus d'obstacle. Elle se tenait dans le quartier du Louvre et portait un enfant suspendu à son sein.
LA BELLE MADELEINE
Le vrai pays inexploré, celui où la curiosité du voyageur trouve toujours un aliment, où le flâneur a devant lui des perspectives infinies, est encore ce Paris que nous habitons tous sans le connaître. Les types y abondent, nous les coudoyons à chaque pas, les remarquant à peine ; ils naissent, ils meurent, et nous ne nous rappelons plus qu'un chant bizarre ou un vêtement bariolé qui venait parfois frapper nos oreilles ou nos yeux.
En écoutant les récits des vieillards, je me prends à regretter la Belle Madeleine. Je la vois à l'entrée des Tuileries, adossée à la grille, son éventaire devant elle ; sa jupe relevée, sa croix d'or sur sa poitrine coquettement décolletée, coiffée de son bonnet de paysanne. C'était l'heure où on revenait des remparts, il était de bon ton d'entrer aux Tuileries, et Madeleine, offrant à la foule ses gâteaux de Nanterre, qui jouissaient alors d'une vogue qu'ils ont perdue depuis, chantait de sa voix aigre :
La Belle Madeleine,
Elle vend des gâteaux,
Elle vend des gâteaux,
La Belle Madeleine,
Elle vend des gâteaux
Qui sont tout chauds.
La Belle Madeleine était laide, fort laide même, elle spéculait sur le costume qui, sans être bien prononcé comme forme ni comme couleur (il rappelait celui des paysannes d'opéra-comique ), attirait les yeux de la foule. La jupe était courte, et les vieillards qui ont connu Madeleine, assurent que la jambe était maigre.
Le siècle était encore bon enfant, et la garde qui veille aux barrières du Louvre n'arrêtait pas comme vagabonds les types parisiens ; on permettait donc à la marchande d'offrir ses gâteaux à tout carrosse venant.
Tous les deux jours, Madeleine retournait à Nanterre, à pied, elle faisait sa provision de gâteaux et revenait à la grille ; plus tard, elle installa son four ambulant dans une arrière-boutique de la rue d'Argenteuil, cela ne l'empêchait pas de crier : Gâteaux de Nanterre !
Il se trouva un spéculateur qui voulut exploiter la célébrité de Madeleine et lui proposa d'ouvrir un bastringue aux Champs-Élysées. Une affiche du temps annonce que : « Les jolies demoiselles trouveront une compagnie brillante et choisie, des gâteaux toujours frais, du vin toujours vieux, et, en outre, des cabinets particuliers pour les amis de la décence. »
Il est probable que Madeleine craignit de lâcher la proie pour l'ombre, car je ne trouve pas trace de son établissement. Elle a dû mourir vers 1825. En consultant les vaudevilles du temps et les petits journaux, on retrouve souvent des allusions à la Belle Madeleine. Son portrait est assez commun ; le Cabinet des estampes en possède plusieurs, et, vers 181o, époque de sa plus grande vogue, presque tous les peintres en miniature du palais du Tribunat l'avaient représentée dans ces cadres d'échantillons qui leur servaient d'enseigne.
L'histoire se fait vite légende, et j'ai souvent entendu citer Madeleine comme un type gracieux. La Belle Madeleine n'était, je le répète, rien moins que jolie ; le portrait que j'ai eu sous les yeux, malgré les efforts d'un miniaturiste voué par état aux roses et aux lis, était celui d'une paysanne déjà vieille, à la peau hâlée et tannée. Ce portrait se voyait encore sous la Restauration dans les cadres des peintres qui habitaient les galeries du Palais-Royal. La Belle Madeleine n'a conservé son joli nom qu'à cause de sa chanson, qui lui a survécu ; elle figure dans quelques-unes de ces pièces de théâtre où on passait en revue les personnages à la mode.
Madeleine n'est pas un type bien caractérisé, quoique nos pères en aient conservé fidèlement le souvenir ; mais sous la Restauration, les types de la rue sont rares, et comme tel elle méritait la place que je lui donne ici.
Gouriet enregistre le nom de la Belle Madeleine, mais il ne lui consacre que quelques lignes, qui ne nous apprennent sur elle rien de bien caractéristique ; les nouveaux détails que je donne ici sont empruntés à Dumersan et aux vaudevillistes du temps ; le portrait est tiré du volume du Cabinet des estampes, Maniaques et Visionnaires, qui m'a été d'un grand secours pour la partie historique de ces études frivoles.
FANCHON LA VIELLEUSE
(D'après Les célébrités de la rue, paru en 1868)
Fanchon a traversé les âges, elle est devenue légendaire et a prêté son nom à toutes les jolies filles qui, lui empruntant encore et sa vielle et son mouchoir coquet, ont animé les promenades de Paris sous le Régent, sous la première République, sous le Directoire, l'Empire et la Restauration.
Fanchon est morte ! Vive Fanchon ! Elle est le rire et la gaieté d'une génération ; nos pères se sont habitués à ses folles chansons et à l'aigre mélodie de sa vielle ; et lorsqu'elle va où va toute chose, vite on invente une autre vielleuse, moins accorte peut-être, moins bonne fille à coup sûr, débitant avec moins de malice le couplet grivois, et portant avec moins d'élégance la basquine ornée d'une dentelle en surjet, mais qui, tant bien que mal, remplace celle qui n'est plus, comme Isabelle, la bouquetière, tient aujourd'hui l'éventaire de la Margot du dix-huitième siècle.
La vraie Fanchon, celle dont se préoccupent les mémoires du temps et que les burins reproduisent, dont l'apparition est constatée par Dulaure et Bachaumont, celle qui figure dans la jolie gravure de Saint-Aubin : les Remparts de Paris, l'alerte jeune fille qui donne son nom à la gracieuse façon de porter le mouchoir noué sous le menton, qui module la plaintive romance :
Aux montagnes de la Savoie,
Je naquis de pauvres parents...
débute dans la carrière en chantant aux barrières de Paris ; elle fréquente les cabarets et fait danser le peuple et les courtauds de boutique. Le dimanche, on la trouve aux remparts ; elle va de table en table et fait la ronde en tendant la main ; des remparts, elle descend aux boulevards, elle monte aux Maisons d'Or de l'époque, et, de là, reconduite par le premier financier venu, dans un élégant vis-à-vis, elle échoue dans un boudoir capitonné et sa vertu passe de vie à trépas sur un bonheur du jour. C'est, me direz-vous, l'histoire de toutes les gotons du dix-huitième siècle. Mais attendez la fin. Vous croyez que Fanchon devient un peu marquise et oublie sa vielle ; loin de là, et c'est ce qui fait d'elle un type ; elle se frotte aux élégants, il n'y a plus de bonne fête sans elle, mais sa chanson est de la partie. Au lieu d'une robe de bure, elle porte des étoffes Pompadour, elle coud un Chantilly à sa basquine ; elle remplace, par un large ruban de soie bleue (ce même ruban qu'un historien du temps assure être un cordon du Saint-Esprit, donné à la fin d'un souper par un prince en goguette), la bride de cuir qui retient sa vielle, et la voilà devenue vielleuse de Watteau, et digne de figurer dans les fêtes galantes.
La grande mode, après un souper fin, est de faire monter Fanchon et de lui demander des couplets, et quels couplets ! Nous voilà bien loin de la Savoie et de l'innocence de la fille des montagnes. La jeune Fanchon ne se fait pas prier, elle trempe ses lèvres dans le champagne et entonne gaiement. Elle devient indispensable : Nous aurons Fanchonse disait à cette époque, comme : Nous aurons Lambert, sous le règne illustre de la perruque.
Geoffroy, critique morose, mais qui classe une diva, parle de Fanchon dans son feuilleton du 13 pluviôse an XI :
« Fanchon joue de la vielle aux boulevards ; elle sait, à la fin d'un repas, animer la joie des convives par des chansons gaillardes ; et, ce qu'il y a de plus lucratif dans son art, elle va montrer la marmotte en ville. En un mot, c'est une artiste, ses petits talents deviennent à la mode ; l'or et l'argent lui pleuvent de tous côtés. Elle achète une terre considérable dans la Savoie, et à Paris un hôtel superbe qu'elle fait meubler magnifiquement ; elle y vit avec des officiers et des abbés, toujours la plus vertueuse fille du monde, et, ce qui n'est pas moins extraordinaire, toujours vielleuse. »
Voyez-vous l'ironique abbé, qui sait bien à quoi s'en tenir sur la vertu de Fanchon qui a sombré depuis longtemps ! Quoi qu'il en soit, la vielleuse thésaurisait et pouvait, quand elle le voudrait, renoncer à ses chansons ; il fallut qu'un amant de haute volée achetât sa charge de vielleuse ; elle se fit payer cher sa retraite ; le prix qu'elle y mit fut un petit hôtel dans le faubourg de Charonne.
On ne parle plus guère de Fanchon dans les mémoires ou journaux du temps à partir du moment où elle renonça à sa vielle. C'était une gracieuse chanteuse des rues, elle devint une triste courtisane, et je suis sûr que plus d'une fois elle regretta les remparts et sa chanson joyeuse.
Cependant si elle était fille à redemander ses chansons, elle était avant tout fille à garder les écus du financier : et la voilà peinte d'un trait.