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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Les départements et leur histoire - Rhone - 69

Publié à 10:38 par acoeuretacris
Les départements et leur histoire - Rhone - 69

Lyon

 

2ème partie

 

C'est ainsi que le Lyonnais et sa ville, après avoir subi sous ses comtes, puis ses archevêques, la domination des rois de Bourgogne transjurane et de Provence, et ensuite de l'Empire depuis le temps où Lothaire l'avait donné à sa sœur Mathilde, rentra sous la domination des rois de France, non plus comme un fief lointain et de mouvance incertaine, mais comme partie intégrante de la France royale. Une condition expresse de l'acte de réunion était que jamais un roi ne pourrait aliéner cette province et la donner en apanage.

En traitant l'histoire du Lyonnais, nous avons forcément laissé de côté cette autre partie du département actuel qui a été prise au Beaujolais. Nous avons vu que le Beaujolais (Bellojocensis ager), borné au nord par le Charolais et la Mâconnais, au sud par le Lyonnais et le Forez, à l'est par la Saône et à l'ouest par le Forez, avait commencé à jouir d'une existence distincte en 920, avec Bérard ou Bernard, fils puîné de Guillaume, comte de Lyonnais et de Forez. Son histoire et celle de la seigneurie ne sont pas connues jusqu'à Guichard, successeur d'un Béraud II, qui mourut vers 967.

Ce fut pendant longtemps une race pieuse que celle des sires de Beaujolais : Guichard Ier fit à l'abbaye de Cluny de nombreuses donations ; son fils, Guichard II, possédé du désir de visiter les Lieux saints, accorda, avant son départ, à l'église de Mâcon, réparation de quelques exactions et concéda à son évêque de grands privilèges ; Humbert Ier ne fut pas moins libéral, et voici en quels termes son fils Guichard III, qui lui succéda, rapporte dans la charte de fondation les motifs qui l'engagèrent à élever, en 1115, le prieuré du Joug-Dieu qui, en 1137, fut érigé en abbaye, et a été sécularisé à la fin du VIIe siècle, par sa réunion à la collégiale de Villefranche.

« Une nuit, dit la charte accordée en l'an 1118, étant seul dans ma demeure de Thamais, j'eus la vision suivante : six hommes vénérables, tout resplendissants de lumière, m'apparurent ayant des jougs à leur cou et tirant une charrue sur laquelle était appuyé le saint homme Bernard, abbé de Tyron, un aiguillon à la main, dont il les piquait pour leur faire tracer un sillon droit. A mesure qu'ils avançaient, je voyais sortir des fruits en abondance. Après avoir longtemps songé a cette vision, j'allai trouver l'abbé Bernard à qui j'offris ce même lieu de Thamais, avec ses dépendances pour y mettre des hommes qui, sous le joug du Seigneur, prieront continuellement pour moi et les miens ; ce qu'il m'accorda volontiers, et, pour conserver la mémoire de la vision dont je viens' de parler, je veux que ce monastère s'appelle le Joug-Dieu. »

En 1129, le même Guichard eut l'honneur de recevoir dans son château de Beaujeu le pape Innocent II, lorsque l'antipape Anaclet se fut rendu maître de Rome ; puis, mettant le comble à sa piété, il prit l'habit de religieux a Cluny, où il mourut en 1137.

Son fils Humbert II ne suivit d'abord pas la même voie de salut que ses prédécesseurs ; sa conduite fut d'une extrême licence ; mais bientôt touché de repentir, il passa en terre sainte et entra dans l'ordre des Templiers. Sa femme Alix, fille du comte de Savoie, sans le consentement de laquelle il avait pris ce parti, obtint du pape Eugène III, par le crédit de l'archevêque de Lyon et de l'abbé de Cluny, qu'il fût rendu à la vie séculière, sous la seule condition de faire une fondation pieuse.

Humbert revint alors de terre sainte et son retour fut un grand triomphe pour le clergé. « Les brigands, dit à ce sujet Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, les pillards des biens de l'Église, des veuves et de tout le pauvre peuple qui était sans défense, tremblèrent en le voyant reparaître. Il ne trompa l'attente ni des uns ni des autres. Il atterra tellement le vicomte de Mâcon, ce loup qui, le matin, le soir et la nuit ravageait nos terres, qu'il lui fut permis de dire avec Job : Je brisais les mâchoires du méchant et j'arrachais la proie de ses dents. »

Humbert n'avait pas perdu, en se convertissant, ses habitudes guerrières et son caractère ambitieux ; il porta ses armes chez les seigneurs voisins et se fit céder par Renaud III, sire de Beaugé de Bresse et d'une partie de Dombes, quelques châteaux et ce dernier pays. Nous avons vu comment Humbert sut empêcher les effets de la concession surprise par le comte de Lyonnais et de Forez au roi Louis VII, pour l'abbaye de Savigny. Sur la fin de ses jours, ce puissant baron se retira a Cluny, où il mourut en 1174.

Humbert III, son successeur, n'eut pas la piété de ses aïeux ; il continua la guerre contre le seigneur de Bresse et ne craignit pas de porter aussi ses armes sur les terres de cette abbaye de Cluny, où son père était mort et où reposaient ses cendres. Mais il fut le fondateur de Villefranche qui depuis est devenue la capitale du Beaujolais et joignit a ses domaines la seigneurie de Montpensier.

Guichard IV, fils de Humbert II, épousa la soeur de Philippe-Auguste et prit part à la croisade contre les Albigeois, avec Louis de France, plus tard Louis VIII. Ce sire de Beaujolais joua un rôle important dans la politique du temps ; il alla comme ambassadeur du roi de France trouver le pape Innocent III et l'empereur de Constantinople, qui le renvoya chargé de riches présents.

A son retour par Assise, il obtint de saint François trois religieux de son ordre qu'il amena a Villefranche, où il fonda pour eux le premier couvent que cet ordre ait eu en France. Sur les murs du cloître, encore subsistant a la fin du XIIIe siècle, on lisait : Guichard de Beaujeu, revenant ambassadeur de Constantinople, ramena trois compagnons de saint François d'Assise, fonda leur couvent de Pouillé-le-Châtel, l'an 1210, où ils demeurèrent six ans ; de là, furent amenés et fondés en ce lieu, par le même Guichard, l'an 1216. Entièrement dévoué à la maison de France, Guichard retourna avec Louis, en 1215, dans le Languedoc, puis l'accompagna dans son expédition d'Angleterre, où il mourut à Douvres (1216).

Son fils, Humbert IV, continua les relations d'amitié qui unissaient sa famille à la maison de France ; il fut nommé gouverneur du Languedoc par Louis VIII, et ce titre lui fut confirmé par Louis IX en 1227. Humbert prit part à toute la guerre désastreuse du Midi, et nous le reverrons dans ces départements malheureux qu'a ravagés la guerre des Albigeois. Baudouin II, empereur latin de Constantinople, ayant fait un voyage en Europe, en 1239, pour chercher du secours, fut reconduit dans ses États par Humbert. La dignité de connétable, que son cousin, le roi de France, saint Louis, lui accorda à son retour l'année suivante, fut la récompense de tous les services qu'il avait rendus à la maison royale. En 1248, le sire de Beaujeu suivit le roi dans son expédition en Égypte, et il y trouva la mort en 1250.

Après lui, Guichard V gouverna jusqu'en 1265 et, dit une vieille chronique, « fut fort plaint et regretté de toutes manières do gens quand il trespassa, car ce fut en son tems ung sage prince et de bonne conduite : par quoy ce fut une moult grant perte tant pour le royaume que pour son pays et ses parens. »

Humbert mourut sans postérité mâle ; sa fille, Isabelle, lui succéda, non sans contestation de la part de ses neveux, et transmit la seigneurie a son second fils Louis de Forez, qu'elle avait eu de son mariage avec Renaud, comte de Forez. Louis eut quelques démêlés avec les seigneurs voisins et les archevêques de Lyon, et mourut en 1290 ou 1291.

 

Son successeur, Guichard VI, gouverna jusqu'en 1331 et mérita d'être surnommé le Grand ; ses guerres furent nombreuses ; il prit part, entre autres, à celle de Flandre, avec Philippe de Valois, et commanda un corps d'armée à la bataille de Cassel, en 1228. Il mourut dans cette guerre, et son corps fut rapporté dans sa seigneurie et inhumé dans un tombeau qu'il avait fait faire exprès, dès sa jeunesse, à l'église de Belleville. Son épitaphe est curieuse ; nous la donnons comme un spécimen du latin de cette époque :

Ter et milleno primo ter quoque deno,
Princeps Guichardus, leo corde, gigas, leopardus,
Audax bellator et nobilitatis amator,
Nunquam devictus bello, pro militia ictus,
Vincitur a morte : coeli pateant sibi porta !

L'an mille trois [cent] et aussi trois fois dix plus un, le seigneur Guichard, lion par le cœur, géant, léopard, audacieux guerrier et ami de la noblesse, jamais vaincu à la guerre, frappé dans les combats, est vaincu par la mort ; que les portes du ciel s'ouvrent à lui !

 

Il avait été grand chambellan et seigneur gouverneur des rois Philippe le Bel, Louis le Hutin, Philippe le Long, Charles le Bel et Philippe de Valois. Son fils, Édouard Ier (1331-1351), « estoit fort dévot à la vierge Marie ; il mena quantité de gentils-hommes au voyage d'oultre-mer à ses propres couts et dépens et batailla longtemps contre ceux qui tenoient la loi de Mahomet. » Il fit aussi la guerre aux Anglais et périt dans un combat près d'Ardres, fidèle a l'alliance de sa famille avec la maison de France. Antoine, son fils, se distingua à la bataille de Cocherel (1364), puis s'attacha à la fortune de Bertrand Du Guesclin et mourut en 1374, a Montpellier.

Antoine ne laissait pas d'enfants ; ce fut Édouard II, petit-fils de Guichard VI, qui lui succéda. De ce seigneur datent les privilèges et immunités accordés à Villefranche, et dont il sera plus amplement question à l'article consacré à cette ville. Édouard eut à soutenir contre Marguerite, soeur du dernier baron de Beaujeu, une guerre pour la succession a la seigneurie ; il y eut accommodement, puis rupture, et enfin un traité définitif, en 1383, après des combats désavantageux pour Édouard et quelques conquêtes d'Amédée le Rouge, fils de Marguerite et du comte de Savoie, dans ses domaines.

Le fait capital du gouvernement d'Édouard fut sa double querelle avec le roi de France Charles VI, qui montre quelle extension avait prise l'autorité de nos rois et comment leur justice s'exerçait dans les seigneuries féodales. Édouard, était d'un caractère avide et hautain ; il avait saisi le douaire de Béatrix, femme de son prédécesseur ; celle-ci en appela au roi de cette violence. Un jugement fut rendu contre Édouard au parlement de Paris ; mais quand les huissiers royaux vinrent lui signifier l'arrêt, il les maltraita et les fit chasser. Un arrêt de corps fut signifié contre sa personne ; le comte se défendit contre les commissaires, sergents et archers du Châtelet envoyés pour l'exécution du jugement.

Mais enfin il fut pris et amené au Châtelet, détenu prisonnier, puis relâché seulement à l'intercession du comte de Savoie, et Charles VI signifia par les lettres de rémission : « qu'il souffrira lever dans sa seigneurie de Beaujeu les aides que Sa Majesté a imposés, comme aussi les arrérages des rentes échues ; faute de quoy ladite grâce sera sans nul effet. »

Mais rentré dans ses domaines, le baron ne devint pas plus circonspect et n'adoucit pas la rudesse de son caractère. II enleva une fille de Villefranche ; ajourné au parlement pour ce méfait, il fit jeter par les fenêtres du château de Perreux l'huissier qui vint lui faire la citation. Arrêté et conduit en prison à Paris, il courait risque de perdre la tête et rie fut sauvé que par le crédit du duc de Bourbon et moyennant la cession qu'il fit à ce prince du Beaujolais, au cas où il mourrait sans enfants légitimes. Le cas se réalisa quelque temps après, en 1400, et la baronnie entra ainsi dans les vastes États de la maison de Bourbon.

Un héritier de cette famille, Pierre IV, fils de Charles de Bourbon, obtint en 1475, de son frère aîné, héritier du duché, la baronnie de Beaujeu, et ce fut lui qui épousa la célèbre princesse Anne, fille de Louis XI, qui, pendant la minorité de son frère Charles VIII, poursuivit contre les derniers seigneurs la politique de son père, avec presque autant d'habileté que lui.

En 1488, les revenus du Beaujolais,. sinon le titre de seigneur, passèrent au cardinal Charles de Bourbon, en échange de ses droits sur le Bourbonnais dont Anne se saisit au nom de son époux ; puis, par une fille de Pierre de Beaujeu et d'Anne de France, Suzanne, le Beaujolais passa à Charles III, comte de Montpensier, dauphin d'Auvergne et ce fameux duc de Bourbon qui, chassé de France par la spoliation de Louise de Savoie, mère de François Ier, porta les armes contre sa patrie.

Le Beaujolais réuni à cette époque fut, en 1560, donné par François II a Louis le Bon, duc de Montpensier, et par succession parvint à Marie de Bourbon, épouse de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, et passa, du chef de cette princesse, à sa fille Anne-Marie-Louise d'Orléans, la fameuse Mademoiselle, née en 1627 et morte sans alliance publique en 1683. Le Beaujolais fit alors partie jusqu'en 1789 des possessions de la seconde famille d'Orléans.

On appelait Franc-Lyonnais une petite contrée d'environ deux lieues et demie de longueur sur une de largeur, s'étendant sur la rive gauche de la Saône ; elle contenait 13 paroisses exemptes de taille, d'où le nom qu'elle portait. Elle jouissait, disait-on, de ce privilège sous les rois de Bourgogne et les empereurs et ne s'était donnée à la France qu'à la condition qu'il serait maintenu.

Ce fut Louis XI qui, en 1477, la réunit a la couronne. Le Lyonnais, le Beaujolais, le Forez et le Franc-Lyonnais furent réunis en un grand gouvernement qui a subsisté jusqu'en 1790. Outre le gouverneur général, il y eut un lieutenant du roi et un grand bailli d'épée pour le Beaujolais et un sénéchal pour le Lyonnais. Toute la généralité ressortissait au parlement, à la cour des aides et à la chambre des comptes de Paris. Le présidial de Lyon date de 1552.

En 1790, lors de la répartition de la France en départements, on forma le vaste département de Rhône-et-Loire, qui, après le siège de Lyon par la Convention, fut scindé en deux, celui de la Loire, avec Montbrison pour chef-lieu, et celui du Rhône, qui conserva pour capitale Lyon, un instant appelé Commune-Affranchie (1793).

On a pu suivre, dans le récit que nous venons de faire, l'effacement graduel des influences provinciales jusqu'à leur absorption dans la grande unité française, résultat de la nouvelle division territoriale en 1790. A dater de cette époque surtout, l'histoire de Lyon sera l'histoire du Lyonnais et du département du Rhône tout entier.

Au XIXe siècle, l'habitant du Lyonnais, et cette description s'applique aussi bien à l'homme de la ville qu'à celui de la campagne, est plutôt petit que grand, plus souvent brun que blond ; image vivante du sol qu'il habite, ce n'est déjà plus le Nord et ce n'est point encore le Midi.

On décrit alors le Lyonnais comme sobre, actif, dur à la peine, humble et naïf de coeur ; d'un abord un peu timide, mais d'un commerce sûr et d'une amitié fidèle ; il est de moeurs douces et pures, il est resté l'homme de la tradition et de la famille ; chez lui, mieux qu'ailleurs, la probité en affaires a résisté aux entraînements de l'amour du gain ; il y a je ne sais quelle discrète mesure dans toutes ses actions ; la simplicité est comme un produit du sol ; sur les marchés de la campagne, rien ne distingue le plus riche cultivateur du métayer le plus modeste, et, en traversant les rues de Lyon, on ne devinerait jamais, à l'aspect de ces maisons aux murs sombres et aux portes basses, qu'elles renferment les comptoirs de négociants dont la signature est connue et respectée sur toutes les places de l'ancien et du nouveau monde.