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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Voyage... Salton Sea, mer fantôme

Publié à 10:28 par acoeuretacris Tags : voyage salton sea
Voyage... Salton Sea, mer fantôme

Pélicans blanc sur la rive nord de la Salton Sea

 

Salton Sea, mer fantôme

 

Née d’une erreur humaine, cette «mer» artificielle plantée dans le désert californien a, un temps, été fréquentée par la jet-set hollywoodienne. Mais l’excès de sel a brûlé la faune et la flore. Aujourd’hui, au milieu des motels et des marinas abandonnés, excentriques de tout poil et retraités en caravanes veulent encore profiter de ce paradis perdu.

 

Ça pourrait être un pélican normal. Gracile. Sauf qu’il a une pince à linge sur le « nez ». Tout l’esprit de Salton Sea sur un panneau de l’Office du tourisme qui ne nie plus une image qui a fini par le dépasser. Il est vrai que l’odeur d’une mer interne en train de mourir, c’est particulier. Et c’est ce qui est en train d’arriver à la Salton Sea, 97 000 hectares incongrus d’eau salée en plein désert californien, à -69 m d’altitude et à deux heures à l’Est de San Diego, ex-place to be du tout-Hollywood dans les années 60, devenue aimant à freaks de tout poil. Un autre panneau sur la seule aire d’accueil autour de la mer proclame « Attack Of The Killer Salinity ! », façon parodie de film de zombies, pour expliquer comment la salinité de l’eau a entraîné faune et flore dans un ballet morbide. Décès de milliers de poissons au Nord, sanctuaire pour oiseaux rares au Sud. « Un coin parfois fatal, souvent diabolisé, étrangement superbe, et juste bizarre », selon le National Geographic.

 

Sur la lunaire plage de North Shore, le premier pied posé à terre, très Neil Armstrong, croustille sous la semelle. En guise de sable, des millions de carapaces de berniques enserrent une incroyable marina abandonnée, piquée d’un ancien yacht-club au design fifties rétro-futuriste, tout en alu. Il est signé de l’architecte Albert Frey, inventeur du « desert modernism » cher à Palm Springs, et n’a pas bougé. Cette beauté d’apocalypse s’est greffée sur un paysage à couper le souffle : les eaux se confondent avec le ciel et le silence est absolu, seulement interrompu par la sirène de quelque train de fret sans fin, au loin.


Pourtant, il s’en est fallu d’un cheveu pour que le coin ne devienne un nouveau Las Vegas. Tout commence en 1901, lorsque des investisseurs détournent la Colorado River vers le lit d’un ancien lac asséché, le Salton Sink. Quatre ans plus tard, les digues cèdent. Les autorités mettront dix-huit mois à canaliser le nouveau lit du fleuve. Née d’une erreur humaine, la nouvelle Salton Sea y gagnera une malédiction qu’elle traîne depuis, comme le raconte très bien l’halluciné documentaire narré par John Waters, Plagues and Pleasures on The Salton Sea (2006). Entre plaies et plaisirs, la mer va se voir entretenue par les rejets en eaux salées d’après-irrigation de l’Imperial Valley, devenue agricole. Quelques décennies plus tard, les poissons de mer, encore introduits par l’homme, y pullulent et en font un argument pour appâter les familles de pêcheurs du dimanche via une pléthore de films promotionnels kitsch. La Salton Sea ? Palm Springs, la mer en plus. C’est la ruée. Dans les années 50 et 60, on y croise Frank Sinatra, les Beach Boys, Sonny Bono et Cher. Yacht-club, marinas, courses de bateaux…

 

Rivage psychotrope

Les infrastructures qui breloquent aujourd’hui sur ses rives datent de cet âge d’or. Derrière les maisons de tôle et les caravanes rapiécées, la digue de l’époque dissimule un rivage psychotrope. L’eau est toujours là, elle clapote aux pieds d’ex-poteaux de téléphone tordus. Là où elle s’est retirée, squelettes de maisons et de caravanes sont enfouis à mi-hauteur sous une croûte de sel durci. Là, un fauteuil club et un synthétiseur édenté montent la garde, là-bas, une télé et un frigo semblent attendre un propriétaire sorti faire une course. C’est ce que découvre hébété un couple de retraités venu de San Diego ce jour-là : ils ont acheté aux enchères, pour 1 000 dollars, une langue de terrain sur 4th Street. « Merde, râle le mari en tournant son plan en tous sens, on devrait être pile dessus. » Oui, 4th Street devrait être là. Devrait. Depuis 1976, c’est une parcelle pieds dans l’eau, apparemment…


Quelques kilomètres plus loin, à la pointe sud-est de la mer, le bled de Niland, 1 200 habitants, confirme que, malgré les tuiles écologiques, l’autochtone assume son choix de vie. Leonard Knight est de ces esprits libres. A 76 ans, il dit être venu du Vermont en ballon et s’être crashé au pied d’une colline, qu’il repeint depuis de slogans bibliques aux couleurs psychédéliques. Sa « Salvation Mountain » est devenue un Site d’Art Populaire, dûment classé. « Je n’allais rester qu’une semaine, jure-t-il, la peau burinée. Et puis la montagne m’a donné cette argile, les gens me donnent de la peinture. J’en suis à 64 000 litres », poursuit l’exalté Leonard.

 

Utopie hippie

Juste derrière Salvation Mountain, Slab City, une base militaire désaffectée sans eau ni électricité où des milliers de retraités, qui vivent à l’année dans leur motor-home, viennent chaque hiver cohabiter avec les quelques locaux qui survivent 365 jours par an dans la fournaise. A quoi s’occupent ces seniors ? Ils jouent aux cartes (dans des caravanes regroupées en clubs), font du golf (sur un 18-trous cahoteux dans la rocaille), se baignent dans une source d’eau chaude… Gary Crawford, 68 ans, ne raterait un hiver ici pour rien au monde, c’est un symbole de sa liberté d’errer. « J’ai été marié à 19 ans, rit cet ex-conducteur de camions-citernes à la chevelure blanche impeccablement plaquée par une raie sur le côté. Tout vendre et prendre la route, c’était un but. Je l’ai fait en 2004 et je suis venu ici. » Ici, à partager les « slabs » (littéralement « dalles de béton ») avec les locaux. Si l’utopie hippie a pris du plomb, ou du moins pas mal de drogues dans l’aile, seniors et ermites partagent cette grisante sensation « de vivre dans le dernier endroit libre et gratuit des Etats-Unis », assène Rescue Rabbit, ferrailleur hirsute, qui a transformé une vieille Golf en dépanneuse.


A Salton City,  les investisseurs ne se bousculent plus et c’est aussi bien ainsi. Autre marina fantôme, autre golf 9-trous du désert, le Sidewinder. Hormis quelques camping-caristes aventureux, les tonnelles du café de Johnson’s Landing n’attirent plus grand monde. Il en faudrait plus pour paniquer Jim, son serveur, qui ne se verrait pas habiter ailleurs car il a un argument de choc : « J’aime pas bien la neige, ça, c’est sûr. » Alors il attend, mollement, l’éventuelle réhabilitation – en cours – qui sauvera la mer interne.

 

Réhabilitation

Elle a failli venir, d’ailleurs. Sonny Bono, chevalier blanc de la Salton Sea au Sénat, avait été entendu et un vaste projet allait enfin aboutir au milieu des années 90. Pas de chance, la vedette s’est tuée dans un accident de ski en 1998. Mais personne ne baisse les bras : sur les rives de Salton Beach, dernière étape, de petites cahutes numérotées avec bancs, électricité et barbecues attendent leur heure. Marinas décrépites, esprits libres, rêves de résurrection et palmiers décapités s’ajoutent à ce cocktail de magnificence et de désolation. Le film promotionnel Miracle In The Desert, avec ses skieurs nautiques qui font bonjour en Super-8, résonne encore, prophétique : « Le futur, c’est maintenant », proclamait il y a cinquante ans la voix nasillarde du speaker. Il avait raison. Parce que les vacances de l’avenir, climatiquement réchauffées, pourraient bien arborer ça et là quelques plaies et plaisirs qui rythment la vie de la Salton Sea. Autant s’entraîner tout de suite…

 

une petite vidéo 

http://video.google.fr/videosearch?q=salton+sea&hl=fr&emb=0&aq=f#