Evolution de l’écriture grecque
rondes sont l’omicron (O) et l’omega (W). En gravant au milieu du cercle un point ou une barre, on obtient le thêta (Q) et le phi (F). Enfin, le bêta est fait d’une barre et de deux moitiés de cercles (B) alors que le rhô ne présente qu’une panse supérieure (R).
L’intérêt d’une telle standardisation est pour Rémy Peignot, l’harmonie «quasi musicale (qui) naît du jeu rythmique des traits. (...) Dans l’assemblage des lettres, des notes en lignes et en page, le retour périodique de formes simples facilite la lecture; cela plaît à l’œil qui s’y retrouve».
De l’influence des supports sur le dessin des lettres
Toutefois, le dessin des lettres va se mettre à se redifférencier, cette fois en fonction du support d’écriture utilisé. L’écriture monumentale ou lapidaire, est celle que l’on va utiliser pour graver sur la pierre les documents officiels. De forme rectiligne et anguleuse, elle se distingue nettement des rondeurs de l’écriture des scribes maniant le calame. Dès le IVème siècle, l’écriture courante va être celle sur papyrus. Les Grecs ont en général, utilisé le papyrus de la même manière que les Egyptiens. A ses débuts, l’écriture sur papyrus était très proche de l’écriture épigraphique; appellée écriture scolaire, ses caractères ne sont pas liés entre eux, les mots ne sont pas séparés les uns des autres, les lettres E, S, W gardent leur forme anguleuse mais commencent à apparaître les formes arrondies dans les autres lettres. On ne laissait pas d’espace entre les mots et pour indiquer qu’on passait d’un sujet à un autre, on traçait un petit trait horizontal appelé paragraphos, qui signifie, «écrit sur le côté».
On écrivait en colonnes sur des bandes de parchemins ou de papyrus longues de six à neuf mètres et que l’on enroulait autour d’un bâton. Ces rouleaux prirent le nom de biblos du nom de la cité phénicienne qui fit connaître le papyrus aux Grecs. Un rouleau plus petit s’appelait biblion. Lorsque le rouleau faisait partie d’un ensemble on l’appelait tomos, c’est à dire la coupure.
alphabet grec
Les écritures grecques médiévales
A côté de cette écriture fondamentale, d’autres genres se développèrent très rapidement. L’écriture calligraphique était proche du type scolaire mais le gabarit des caractères, leur écartement, leurs enjolivements étaient calculés de façon à produire une impression artistique; c’est l’écriture des manuscrits. Elle évitait les ligatures, ne séparait pas les mots et était appelée également onciale ou parfois biblique, par qu’on la retrouve dans les trois grands manuscrits bibliques que sont le Codex Vaticanus, le Codex Sinaiticus et le Codex Alexandrinus.
L’écriture cursive était l’écriture courante, ou étirée comme disaient les Grecs eux-mêmes. Plus rapide que l’onciale, elle se distingua nettement de sa parente à partir du IIIème siècle av J-C. Les traits essentiels de la cursive étaient d’une part, la tendance à lier entre eux les caractères d’écriture, dans la mesure où leurs formes s’y prêtaient, et à en simplifier le tracé, à le rendre plus coulant.
Entre les deux, il existait une écriture administrative dite de chancellerie qui se rapprochait de la cursive mais ses lettres étaient grandes, grêles et stylisées, et l’écriture personnelle, celle des gens d’une certaine culture.
L’onciale évolua peu et subsista sous cette forme quand on substitua le parchemin au papyrus; elle resta le type même de librairie. La cursive subit elle une transformation radicale qui finit par aboutir à la minuscule. Cette dernière a dégagé et précisé une des caractéristiques alors embryonnaire de l’écriture de chancellerie, à savoir le système des quatres lignes. Les lettres de l’écriture monumentale, comme celle de l’onciale et de notre capitale latine, sont en effet toutes de la même hauteur: on peut en délimiter leur tracé par deux lignes.
Au début du IVème siècle, la chancellerie impériale, désormais fixée à Constantinople, imposa la cursive byzantine qui subit l’influence de la cursive latine contemporaine, au point que les deux écritures pouvaient facilement se confondre. Cette nouvelle cursive a joué un rôle décisif lors de la véritable renaissance qu’a connue au VIIIème siècle l’Empire byzantin. La nouvelle écriture grecque, celle qui est aujourd’hui encore employée tant pour les livres imprimés que dans la vie courante, la minuscule, s’est en effet formée à partir de la cursive: tout en gardant certaines ligatures usuelles et claires, elle a séparé les lettres, réintroduit, aux IXème et Xème siècles, certaines formes onciales, réduit la dimension des lettres et su allier à la clarté des onciales la fluidité et la rapidité des cursives; elle a conservé et régularisé l’usage des signes diacritiques, esprits et accents, introduits par les Alexandrins.
Exemple d’écriture
onciale grecque
Codex Sinaiticus, IVe siècle
Signe de civilisation
L’ALPHABET adapté en Grèce aux alentours du VIIIème siècle avant J-C eut un grand rôle dans l’histoire des civilisations. Il permit la conservation du savoir qu’allait accumuler l’hellénisme et assura sa transmission jusqu’à nos jours. Il permit également aux anciens Grecs de conserver les mouvements de leur esprit, leurs lois, leurs décrets, l’expression de leur piété, de transmettre leurs rites initiatiques, leurs méditations philosophiques, leurs comptabilités...
La Civilisation grecque est la première civilisation qui reposa en une si grande part sur l’écrit. Et ceci, grâce à la lecture facile d’un alphabet: la démocratie aurait-elle pu naître si les citoyens n’avaient pu avoir accès aux décrets et aux lois? Les écritures nées en Mésopotamie ou en Égypte réservaient la lecture à une élite au rôle social défini. La Grèce inventa la démocratie, laquelle semble bien être le corollaire d’une autre invention: la pédagogie. Or, comment éduquer sans l’écrit...?
Copie de l’inscription
de l’arc romain de Thessalonique
IIe siècle ap. J-C.