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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
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Paris autrefois-costumes et moeurs au début du XIXème

Publié à 14:57 par acoeuretacris Tags : paris autrefois costumes et moeurs XIXe

Fin

L'AURORE DU XIXe SIÈCLE
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Dans le camp des femmes, on ne voyait que bas-bleus du ton le plus tendre au plus foncé : MMmes de, Chastenay, « adaptatrice » de romans étrangers ; la comtesse Beaufort d'Hautpoul, amie des Muses Mme Kennen, nouvelliste ; Mmee de Vannoz, auteur du poème de la Conversation, joli clair de lune du poète Delille, et enfin Mme de Choiseul-Meuse, femme d'esprit aimable, qui ne dédaignait pas d'écrire des contes badins qui étaient comme un écho affaibli des crébillonnades du XVIIIe siècle. Au demeurant, ce fut un salon qui, bien qu'ouvert à deux battants, sentait terriblement le renfermé, distillait l'ennui, et où, selon le joli mot de Bonaparte, quand Mme de Genlis voulait définir la vertu, elle en parlait toujours comme d'une curieuse et bizarre découverte.


Le départ de la Voiture de Saint-Cloud,
Place de la Concorde 1806

Un dernier salon-littéraire en faveur à cette époque où l'esprit des belles-lettres et des arts revenait en France, était celui de Lucien Bonaparte dont Fontanes, Legouvé, Joseph Chénier et Népomucène Lemercier, Chateaubriand et Dorat-Cubières étaient les hôtes assidus. Les réceptions se multipliaient de jour en jour davantage ; sur la fin du Consulat, c'était à qui, dans le monde officiel et dans la haute finance, tiendrait plus brillante assemblée à Paris ; aussi Gallais, l'observateur des mœurs du jour, notait avec clairvoyance cette singulière manie des réceptions dans des petites pages philosophiques qui semblent écrites d'hier :

« Ceux qui jouissent d'une grande fortune, écrivait-il, ont encore le petit défaut de recevoir de nombreuses sociétés. On veut avoir beaucoup de carrosses à sa porte, beaucoup de convives à sa table, la foule dans son salon ; on veut faire dire qu'on a Tout Paris, on veut que les passants émerveillés du grand nombre de fenêtres éclairées s'écrient : Que cela est beau ! qu'ils sont heureux là dedans ! et pourtant on y bâille, on y périt de tristesse, et, sans la petite vanité de pouvoir dire le lendemain : J'étais au bal dii duc de W..., au dîner de M. de R... », on resterait volontiers chez soi.


La Galerie du Musée du Louvre, 1806

Les deux plus grandes passions des Déesses de l'an VIII furent la gloire et le plaisir ; assister aux revues, aux parades, voir défiler dans les rues nos troupes victorieuses qui marchaient sur les fleurs et le soir courir au bal, aux soirées officielles, aux théâtres, telle fut la vie de notre société parisienne lorsque le Consulat fut solidement assis. Les trois sœurs du Premier Consul, Mmes Élisa Baciocchi, Pauline Leclerc et Caroline Murat, rivalisaient de luxe et étaient à la tête du mouvement mondain, ainsi que Mmeq Regnault de Saint-Jean-d'Angély, Méchin, Visconti, Hainguerlot, après toutefois Mme Bonaparte qui n'abdiquait pas le sceptre de la haute mode et de l'élégance la plus décorative. Les émigrés qui étaient rentrés en France eurent le pouvoir de ressusciter les anciens bals de l'Opéra qui depuis dix ans avaient disparu des divertissements publics.



Le 24 février 1800, la salle de la rue de Louvois fut ouverte à une foule travestie et masquée, qui venait là assoiffée de bruit, de couleur, d'intrigues. Les femmes de tous les inondes rêvèrent de longs jours sur la confection de leurs costumes et dominos pour ces bals de carnaval qui furent très brillants et pleins de fantaisie. Les dominos noirs et de couleur étaient cependant en majorité ; les hommes portaient le frac et le masque. Bosio nous a laissé du bal de l'Opéra une estampe précieuse qui représente la salle en pleine animation. La grande affaire était d'intriguer sous l'incognito.

« On raconte, dit le Bibliophile Jacob, que Mme Récamier, si charmante et si séduisante à visage découvert, perdait sous le masque toute sa timidité, quoiqu'elle ne se fût jamais décidée à employer le tutoiement autorisé dans ces causeries aventureuses. Les hommes d'État, les plus grandes dames, les princes eux-mêmes aimaient ,à se montrer au bal de l'Opéra. Dans un de ces bals, le prince de Wurtemberg reconnut Mme Récamier qui refusait de se faire connaître ; il lui enleva une bague en se promenant et lui écrivit le lendemain : « C'est à la plus belle, à la plus aimable, mais toujours à la plus fière des femmes que j'adresse ces lignes en lui renvoyant une bague qu'elle a bien voulu me confier au dernier bal. »

Le bal de l'Opéra conserva jusqu'à la fin de l'Empire, si nous en croyons les contemporains, le ton et le caractère du plus grand monde.

Les quelques émigrés qui avaient pu ouvertement revenir de l'étranger avaient apporté une certaine confusion dans les modes. Quelques-uns arboraient la bourse à cheveux et les dentelles, d'autres la perruque poudrée, divers autres la queue ; il y eut antagonisme entre les perruquiers de l'ancien régime et les coiffeurs modernes. La coiffure de Bonaparte favorisa les Titus, mais la tenue des récalcitrants faisait une véritable mascarade dans la rue.



Les femmes qui poussaient à l'ancien régime, par caprice ou par coquetterie, étaient cependant ennemies de la poudre, parce qu'elles tremblaient que la réforme ne les atteignît, et qu'on ne finit par les grands paniers, après avoir commencé par les chignons et les crêpés. Elles voyaient juste, car quelques douairières de la cour de Louis XV avaient soutenu qu'on ne pouvait être jolie avec les modes grecques et romaines, et que la corruption des mœurs ne datait que du moment où on avait porté les cheveux courts et des robes qui dessinaient les formes. Mme Bonaparte était à la tête de l'opposition ; il lui appartenait de défendre la grâce et le bon goût ; de plus, elle détestait la gêne et la représentation trop officielle ; les vêtements empesés lui faisaient peur.



La toilette cependant était une partie de sa vie ; mais il lui fallait les costumes du jour, les robes décolletées à taille haute, les vêtements souples, la coiffure romaine avec bandeau, bandelettes sous une résille d'or lui enveloppant la tête. On ne conçoit pas Joséphine en perruque poudrée, avec jupes à falbalas ; elle n'avait pas les grâces mièvres et délicates des femmes du règne de Louis XVI ; sa nature puissante n'avait point besoin d'être étoffée ; une robe de cachemire moulant son torse et laissant les bras et la poitrine à nu, une tunique à la Cornélie, voilà ce qu'il fallait à sa beauté exubérante Les nombreuses toilettes que lui fournissait Leroy ou Mlle Despaux, bien que d'une richesse extrême de garniture, étaient toujours d'une coupe savante, voluptueuse et simple.

Les femmes les plus attentives à suivre la mode portaient sous le Consulat de longues jupes de perkale des Indes, d'une extrême finesse, ayant une demi-queue et brodées tout autour, telles que Mlles Lolive et Beuvry, les lingères à la mode, avaient le génie de les exécuter ; les ornements du bas étaient des guirlandes de pampres, de chêne, de laurier, de jasmins, de capucines. Le corsage des jupes était détaché ; il était taillé en manière de spencer ; cela s'appelait un canezou ; le tour et le bout des manches Amadis étaient brodés de festons ; le col avait pour garniture ordinaire du point à l'aiguille ou de très belles malines...



Sur la tête on avait une toque de velours noir, avec deux plumes blanches ; sur les épaules, un très beau schall de cachemire de couleur tranchante ; quelquefois on attachait à la toque noire un long voile de point d'Angleterre, rejeté sur le côté ; la toilette était de la sorte aussi élégante que possible. On voyait également des redingotes de mousseline de l'Inde doublées de marceline et brodées en plein d'un semis de fleurs ou d'étoiles ; toutes les femmes, au premier temps du Consulat, apparaissaient neigeuses, dans une symphonie de blanc. Le règne des cheveux à la Titus passa peu à peu ; on se coiffa avec des regrets assortis, avec les mèches de cheveux abaissés sur le front ; la mode des turbans et des chapeaux de satin reprit faveur : presque tous étaient blancs. Voici, du reste, d'après La Mésangère, quelques indications de précieuses à noter :

« Encore des voiles sur la tête, encore des demi-fichus de tulle avancés sur les joues ; des turbans ovales, des chapeaux de crêpe ou de florence très négligemment drapés, quelques capotes anglaises à fond rond et plat, ayant par devant un très large bord, qui, prenant la direction du fond, forme voûte et met le visage dans un enfoncement. Quelques Titus, force coiffures en cheveux longs, perpendiculairement relevés et fixés, ce que l'on nomme à la chinoise, sur le sommet de la costumes tête. Pour le matin, des cornettes à peine nouées sous le menton ou des calottes de tulle brodé auxquelles s'adapte quelquefois une longue et large barbe qui fait tour et demi. Pour monter à cheval, des chapeaux de feutre à long poil, d'un gris roussâtre, dont le bord est relevé tantôt à droite, tantôt à gauche, quelquefois sur le devant, et qui ont pour ornement une ou deux plumes d'autruche frisées de la couleur du chapeau. »



Telles étaient, au début du siècle, les principales coiffures à la mode.

Parmi les bijoux, on citait, comme article d'un grand débit, les croix bordées de perles ou de diamants et les bracelets formés d'un ruban d'or tricoté. Les peignes à l'antique exerçaient toujours l'industrie des joailliers ; on renchérissait chaque jour sur l'élégance et sur la pureté d'exécution des dessins du cintre où les diamants, les pierres fines et les camées trouvaient place. Les douillettes commençaient à se répandre ; on les portait longues, rasant la terre, avec grandes manches retroussées sur le poignet et collet en rotonde.



La couleur était bronze florentin, ramoneur foncé, gros bleu ou puce. Les spencers, généralement en Florence noir, avaient de très petits revers et le collet en rotonde. Après les schalls longs de cachemire et les schalls carrés de drap fin, brodés en or, ceux qui étaient le plus en vogue étaient les schalls de six quarts, en perkale teinte en rouge cramoisi, en bruis terre d'Égypte ou en gros bleu, ayant pour bordure une broderie au crochet, de soie de couleur. Des différentes manufactures des environs de Paris sortaient des schalls teints, à grands ramages, que l'on nommait schalls turcs parce que leurs dessins affectaient une allure orientale. Pour les demi-parures, quelques élégantes faisaient broder en blanc des demi-fichus de tulle ponceau, amarante ou gros vert.

Les éventails étaient de crêpe noir, blanc ou brun, brodés de paillettes d'or, d'argent ou d'acier. Les dessins formaient des arabesques, des saules pleureurs, des cascades et des gerbes ; ces éventails étaient relativement petits, cinq ou six cadrans à pouces de longueur. Les montres de cou, avec recouvrement de fleurs, se portaient plus que jamais parmi les élégantes. Les gants étaient très hauts, couvrant le bras entièrement et sans boutons, soit blancs, soit paille, soit d'un ton vert passé exquis. Jamais les femmes ne portèrent mieux le gant plissé qui s'harmonisait si délicieusement avec les costumes du temps.



Le langage, la table, les meubles, tout était devenu la proie de la mode ; la variété dans le luxe était portée à un tel point qu'une femme mise à la romaine se croyait tenue de recevoir dans un appartement romain et cette même femme, par esprit de genre, devait faire chaque jour non seulement sa toilette mais celle de son appartement. Se mettait-elle en grecque ? vite, les meubles grecs ; – prenait-elle le turban et la tunique turcs ? aussitôt les sophas et les tapis de Turquie déployaient leur coloris éclatant ; – se vêtait-elle en Égyptienne ? il fallait sortir momies, sphinx, pendule en monolithe, et disposer à l'instant en tente orientale sa chambre de réception.

Le meuble favori était le lit qui était ordinairement de citronnier ou d'acajou, forme bateau, avec ornement en or pur finement ciselé ; les cachemires et les mousselines des Indes, bordés de dentelles, étaient employés pour rideaux ; les coussins se recouvraient de point anglais ; les couvertures, de satin brodé. On se ruinait pour un lit de parade.

Dans les réceptions, tous les appartements étaient grands ouverts et éclairés, et, tandis que la maîtresse du logis s'occupait très gracieusement des soins de son salon, les invités étaient admis à se promener partout, en curieux, admirant les canapés antiques, la chambre grecque, le lit romain et le boudoir chinois.

La société d'alors ; dans son milieu flottant, était encore on ne peut plus mélangée. Il existait à peine une ligne de démarcation entre ce qu'on appelait jadis la bonne et la mauvaise compagnie. Dans les réunions en public tout se confondait, les filles et les femmes du monde, les nobles et les parvenus ; la société ne réglant plus les rangs, chacun était forcé de conserver jalousement le sien.


Une halte au Parc de Bagatelle
Costume de sport en 1807

Les grands dîners, au dire des contemporains, n'étaient plus qu'un monstrueux rassemblement de gens qui ne s'étaient jamais vus ou qui n'osaient s'avouer l'endroit où ils avaient fait connaissance ; il n'y avait là qu'un rapprochement d'êtres que le hasard ou l'opinion semblait avoir séparés pour jamais, un mélange où chacun redoutait de demander quel était son voisin, un chaos où l'on voyait tous les partis paraître d'abord réunis et montrer tour à tour le bout de l'oreille clans la discussion ; une réunion de femmes qui racontaient tout haut ce que jadis elles eussent rougi de faire même en secret ; un assemblage de jeunes gens bruyants, provocants, inouïs de fatuité ; une confusion où l'on parlait tout à la fois de politique, de mode, de parties fines, d'intrigues, de spectacles et de spéculation.

Au moment des jours gras, tous les lieux publics n'offraient à Paris qu'une masse mouvante, tant l'affluence y était grande ; tous les passages, toutes les rues étaient obstrués par les mascarades, plus ou moins plaisantes, plus ou moins riclicules, que la foule suivait avec des clameurs de gaieté bien voisines de la folie et de l'extravagance ; chaque guinguette semblait être un temple de Bacchus livré aux excès et à l'intempérance des Bacchantes ; chaque cabaret devenait le théâtre bruyant d'une orgie où les grosses farces excitaient à grands
cris le gros rire d'une multitude grotesque ; chaque maison même avait son bal masqué, et depuis les plus petits jusqu'aux plus fortunés, tous les habitants de Paris consacraient les jours gras par quelque réjouissance extraordinaire ; partout c'était un dîner de famille, une réunion de carnaval où la folie, agitant tumultueusement ses grelots, – comme on disait alors, – électrisait
toutes les têtes ; partout les rires, les plaisirs et la danse, exhalant toutes les peines passées, effaçant les malheurs présents, ne laissaient pour toute sensation à leurs disciples en clémence que le délire d'une joie extravagante ; l'eau, le gigot et les pommes de terre, disgraciés et proscrits de toutes les tables faisaient place à la dinde, grasse et dodue, extraordinairement arrosée par le vin à quinze ; l'oie farcie se montrait orgueilleusement sur les tables bourgeoises et modestes, où le poulet trop vulgaire ne semblait plus de mise.


Le Boulevard des Petits Spectacles, 1808

La classe opulente, dégagée ces jours-là de toute morgue, libre de toute fierté, cette classe non moins folle, non moins extravagante que celle où le besoin met malheureusement des bornes aux désirs et à la gaieté, se livrait, de son côté, à toute l'avidité des plaisirs ; et le luxe, favorisant à grands frais les caprices ruineux de la coquetterie et le faste de l'orgueil, créait, pour ainsi dire, des tableaux enchanteurs que l'oeil, agréablement surpris, ne pouvait se lasser d'admirer.

« Les révolutionnaires enrichis commençaient à s'emménager dans les grands hôtels vendus du faubourg Saint-Germain raconte, à la date de son arrivée à Paris, Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe. En train de devenir barons et comtes, les Jacobins ne parlaient que des horreurs de 1793, de la nécessité de châtier les prolétaires et de réprimer les excès de la populace. Bonaparte, plaçant les Brutus et les Scawola à sa police, se préparait à les barioler de rubans et à les salir de titres... Entre tout cela poussait une génération vigoureuse, semée dans le sang et s'élevant pour ne plus répandre que celui de l'étranger ; de jour en jour s'accomplissait la métamorphose des républicains en impérialistes, et de la tyrannie de tous dans le despotisme d'un seul.