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Date de création : 27.11.2008
Dernière mise à jour : 08.02.2013
5848 articles


La saga des marques - La vache qui rit -

Publié à 09:35 par acoeuretacris Tags : marques
 
 
La vache qui rit, Marylyn de la marque 
 
A près de soixante quinze ans, la Vache qui Rit poursuit sa brillante carrière et n'a jamais été aussi moderne. Leader des fromages fondus en France, elle s'est également fait une belle place à l'étranger. 
 
 
 
Première boîte en métal dessinée par Léon Bel en 1921. La Vache qui Rit n'est pas encore commercialisée en portions. 
 
Sa puissance graphique et l'attention qu'elle a portée à l'évolution des goûts des consommateurs sont, au regard des stratèges d'aujourd'hui, le minimum obligatoire pour maintenir sa suprématie. Mais l'humour ne serait-il pas aussi un actif à porter au bilan de son succès? Véritable Coca-Cola français, avec l'humanisme, l'histoire et la culture en plus, la Vache qui Rit sort grandie de ses efforts de constance et s'impose comme un des grands symboles de ce siècle. Tout en s'affirmant comme un produit "bien de chez nous", elle ne symbolise pas moins l'archétype de la réussite industrielle. Si l'intuition de Léon Bel compte pour beaucoup dans ce succès, la Vache qui Rit est d'abord un pari graphique. Industriel astucieux, il s'adresse à l'un des plus grands dessinateurs et caricaturistes de l'époque : Benjamin Rabier (1) réussira l'exploit de faire rire une vache! 
 
 
 
Avis de passage de la société Bel, avec en illustration l’usine de Lons, avant la création de La Vache qui Rit. 
 
Et pourtant... "Mon métier est plus difficile qu'on ne croit à exercer. Dessiner des bêtes, c'est l'enfance de l'art. Leur donner une expression triste ou joviale, tout est là. Or, si l'on peut dresser un chien à faire le beau, à sauter dans un cerceau ou à traîner une petite voiture, il faut une patience à nulle autre pareille pour le faire rire ou pleurer. Passe encore pour le chien, mais faire rire une vache! J'ai passé des nuits blanches pour y arriver. 

J'avais loué à mon laitier une vache et son veau. J'entrepris de suite le veau, pensant qu'il serait plus sensible, étant plus jeune. Et bien pas du tout. C'est la mère qui s'est mise à rire en première, heureuse de me voir jouer avec son enfant" déclarait celui que l'on surnommera "l'homme qui fait rire les animaux"(2).
Et le coup d'essai se transforme en coup de maître. Léon Bel parvient ainsi à concilier l'art et l'industrie, la réussite économique et la véritable identité de marque.
 
Parmi les grandes marques internationales, combien jouissent d'un tel capital de sympathie? La vache, symbole nourricier, maternel et chaleureux, est un animal joyeux et intimement lié à l'enfance tout court, mais aussi à celle de l'humanité. Sacrée en Inde, elle figure dans les grottes de Lascaux, et jalonne toute notre culture mythologique. 

Mais à y regarder de plus près, la Vache qui Rit est-elle encore une vache? Au-delà de l'imagerie populaire, elle a surtout introduit l'humour et l'achat ludique dans les linéaires. Elle est adorée des petits. Tout y concourt. Elle se croque ou se tartine avec un plaisir constant au fil des générations. "Elle subit toutefois la désaffection des adolescents. 
 
 
 
Comment rendre une vache humaine? 
 
Dans cette période de recherche d'identité, elle est momentanément rejetée comme symbole de l'autorité parentale. Devenus grands, ces mêmes adolescents renouent avec l'animal, au travers de leurs propres enfants" explique Isabelle Guilmain, responsable du marketing. Un transfert affectif sur lequel joue aujourd'hui la campagne télévisée. 
 
 
 
Benjamin Rabier esquisse en 1925 dans sa propriété de Faverolles 
 
 
 
La publicité et le don d'ubiquité. 
 
Peu de concurrentes à la hauteur de ses sabots 
 
La Vache qui Rit ne serait-elle pas en fait l'une des marques les plus remarquables du monde? Chauvinisme mis à part, on est bien en peine de lui trouver des concurrentes à la hauteur de ses sabots.

Son symbole est simple, immédiatement compréhensible. Son irréalisme fait sa force: une vache rouge au faciès plus humain qu'animal qui, comble d'absurde, rit et porte des boucles d'oreilles.

Il fallait une audace certaine à l'époque pour oser l'imposer. Audace toute calculée. Le choix de Léon Bel répond même à une analyse qualifiée aujourd'hui de stratégique. Pendant la Grande Guerre, la société fondée en 1865 par Jules, son père, voit arriver dans le Jura où elle est implantée, les frères Graf.

Ces fabricants suisses ont mis au point un procédé de fabrication du fromage fondu.
Ce nouveau produit est plein d'avenir: il permet d'écouler les meules excédentaires. Fabriqué à partir de comté et d'emmental de qualité, il permet d'obtenir une pâte savoureuse. Il est économique et se conserve aisément dans des boîtes métalliques.
 

Léon Bel pressent que le procédé des frères Graf représente une opportunité à saisir. Il sous-traite le procédé puis s'associe très vite avec les industriels helvétiques. 
 
 
 
Second conditionnement, la vache devient rouge sur fond de paysage. 
 
Merci Wagner, pour la Walkyrie ! 
 
Reste que le principe du fromage fondu est une nouveauté en France. Léon Bel doit imposer la qualité de son produit pour lui faire une place sur le grand plateau des fromages traditionnels. "A l'époque, on trouve dans les épiceries, "l'Excellent", "le Mignon", "le Guilleret", souligne Guillaume Villemot(2). Léon Bel choisit de vanter la caution naturelle de son produit, à base de bon lait de vache, gommant ainsi les doutes du consommateur sur sa fabrication. Il va donc au plus simple et décore sa boîte ronde d'un bovin rigolard planté dans un décor campagnard. Il la dessine luimême, reproduisant de mémoire une vache que Benjamin Rabier, un de ses coreligionnaires, a croqué pendant la guerre. Légendes, rumeurs et hypothèses entourent souvent la création d'une marque. 
 
 
 
La Vache qui Rit est désormais vendue en portions. 
 
Le nom "la Vache qui Rit" serait né grâce à la femme de Léon Bel. Interprétant au piano un extrait de la Walkyrie de Wagner, elle provoque un déclic chez son mari: la Vache qui Rit est née. Celle-ci, hilare, dessinée en pied, est déposée le 16 avril 1921. Elle évoluera très vite grâce à Benjamin Rabier, toujours lui. Il teinte la vache en rouge, l'humanise et la pare de boucles d'oreilles en forme de boîtes de Vache qui Rit. Surprenant, ce projet fera hésiter Léon Bel qui l'adopte finalement en 1922. Ce graphisme animera les boîtes de Vache qui Rit jusqu'en 1950 où son attrait faiblit. Elle est alors jugée vieillotte dans son dessin. Elle s'affine, s'humanise encore, simplifie son expression. Le traité illustratif disparaît, le dessin devient signe. Depuis lors, tous les grands esthéticiens de l'image se sont penchés sur la mine de cette drôle de vache, dont l'agence Lonsdale qui lui donnera sa forme quasi définitive. Aujourd'hui, elle évolue encore par petites touches, imperceptibles pour le consommateur, signe selon Claude Dubois, directeur de la division des fromageries de la Vache qui Rit, "qu'elle a atteint une sorte de perfection et donc une intemporalité". 
 
 
 
La Vache qui Rit au Louvre,
illustration publicitaire réalisée par l'agence Chavane, 1955.
 
 
Locomotive du groupe Bel 
 
Cette évolution exemplaire, malgré la tentative criminelle de publicitaires de faire disparaître la vache au début des années quatre-vingt, accompagne les progrès constants du produit lui-même. L'histoire de la Vache qui Rit est jalonnée d'innovations : les portions préfigurent l'ère du grignotage et des repas déstructurés et leur ouverture est simplifiée par la languette en 1988. Le goût change également. Il n'a aujourd'hui plus rien de commun avec le produit d'origine. Les portions ont évolué vers plus d'onctuosité, de douceur. "Selon de récentes études, la Vache qui Rit est le produit typique de l'an 2000" commente Claude Dubois. Sain, riche en calcium, c'est un produit universel, doux, fondant, au goût caractéristique. La Vache qui Rit n'est pas du genre à regarder passer les trains. Elle répond aujourd'hui à de nouveaux besoins avec une version allégée, la mini-crème, spécial tartine, La Vache qui Rit au chèvre, noix ou jambon, Magic Circus pour les tout petits et riquiqui, des petites portions à grignoter toute la journée.
 
 
 
 
Première affiche dessinée par Benjamin Rabier et imprimée par Vercasson, en 1925. En filigrane, les débuts de la publicité comparative. 
 
Lancée par Léon Bel, elle conserve un rôle de locomotive pour l'ensemble des marques du groupe Bel. On doit à Monsieur Bel cet intérêt pour ce que l'on nomme aujourd'hui la veille marketing.
Dès 1926, il crée un service de publicité intégré qui réalise des sondages réguliers auprès des consommateurs.
Dès sa naissance, la Vache qui Rit utilise tous les vecteurs de la communication. Sponsor d'émissions de radios, d'une course cycliste, "les six jours de la Vache qui Rit", elle a également ouvert la voie en matière de publicité comparative.
 

Elle investit aujourd'hui trente cinq millions de francs, soit un des plus gros budgets publicitaires français dans le domaine des fromages. Si elle a imposé sa présence en affichage et en télévision, elle continue à s'associer à de grandes manifestations populaires. Ou à en organiser : elle figure ainsi dans le Guiness Book des Records pour l'organisation de la plus grande fondue du monde, à Dôle en 1992. 

Au fil des campagnes, une conviction s'affirme. Les consommateurs aiment "voir" leur vache favorite. La Vache qui Rit a bien le droit de faire des caprices de star. Elle peut se permettre d'imposer sa trombine radieuse bien au-delà du couvercle de sa boîte, puisque telle est la volonté de ses fidèles. 
 
 
 
Dès sa naissance, la Vache qui Rit utilise tous les vecteurs de communication : Ici une affiche pour une course de vélos sponsorisée, en 1925. 
 
Un prototype de marque internationale 
 
La star franchit les frontières et entame une carrière internationale.
Ses atouts? Facilité de conservation et faible coût. En cours de conquête sur certains marchés, la Vache qui Rit est déjà présente dans quatre-vingt neuf pays. Une situation que Bel doit à son fondateur qui, dès les années trente, s'est tourné vers l'étranger.
 

Son gendre Robert Fiévet, qui dirige encore la société avec son propre gendre Bertrand Dufort, œuvre toujours pour le développement de la marque hors Hexagone. 
 
 
 
Affiche de Morvan qui témoigne de la qualité naturelle des produits qui entrent dans la composition de la Vache qui Rit. 
 
La Vache qui Rit peut ainsi se prévaloir d'une présence significative en Belgique, Suisse, Grèce, Grande-Bretagne, Espagne, Etats-Unis et Canada, sans compter le Moyen-Orient. La grande force de la marque la Vache qui Rit réside dans sa traduction littérale dans toutes les langues. "Laughing cow" ou "Vaca que rie", ne la font souffrir d'aucune différence de perception d'un pays à l'autre.
Elle est, en ce sens, un prototype de marque internationale. Rançon de ce succès, la Vache qui Rit est, en quelque sorte, le "Vuitton de l'agro-alimentaire" !
 
 
 
 
Avis aux consommateurs: avec 50% de matière grasse, la Vache qui Rit ne peut être qu'un fromage de qualité. 
 
Dès ses débuts, la marque a dû lutter âprement contre la contrefaçon. Comme en témoigne la liste des marques de fromage, véritable anthologie de l'humour alimentaire : "Vache qui parle", "Vache qui lit", "Veau qui pleure", "Vache savante" et "Vache qui rue".
Son contrefacteur le plus sérieux fut incontestablement "la Vache sérieuse", que Bel, après dix ans de procès, réussit à évincer.
 

Son spectre continue toutefois de planer sur les parts de marché de la Vache qui Rit, puisqu'elle s'est réincarnée en "Vache Grosjean". 

Et la contrefaçon échevelée de la "star des vaches" continue dans le monde entier. Moins drôle que les "Happy Cow" et autres "Vache contente", certains plagiaires étrangers vont même jusqu'à reproduire la boîte dans ses moindres détails. "Le problème, s'insurge Claude Dubois, est qu'ils vendent sous notre emballage, un produit quasiment immangeable". D'autant que les secrets de fabrication, bien gardés, protègent l'avance technologique de la société Bel. 
 
 
 
La marque doit vivre comme ses consommateurs. Aussi, l'image du produit doit-elle être le moins statique possible. Pour la première fois, la vache révèle toute son anatomie et se dépense dans toutes sortes de situation. Ici le cyclisme. 
 
Une avance qu'attestent ses nombreux produits commercialisés aujourd'hui (Babybel, Bonbel, Samos, Kiri, Port Salut, etc).
Innovation phare : les Apéricubes. Lancés au début des années soixante, ils ne connaissent à ce jour aucune concurrence.
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Véritable anthologie de l'humour alimentaire, la liste des contrefaçons de la Vache qui Rit témoigne de la lutte que le groupe Bel a dû mener dès ses débuts. 
 
La marque doit manier élégance et humour 
 
 
 
"Si Andy Warhol avait été français, la Vache qui Rit l'aurait probablement autant inspiré que les soupes Campbell ou que Marilyn Monroe"Jean Perret. 
 
Que peut bien envier la Vache qui Rit à Coca-Cola? 99% de reconnaissance spontanée, 75% du marché de fromages fondus, cinq millions de portions vendues chaque jour dans le monde... Des chiffres qui se passent de commentaires. Produit de consommation affective, la Vache qui Rit pourrait bien avant la fin de ce siècle devenir, comme Coca-Cola, un style de vie. Celui où la préférence va aux marques qui savent marier élégance et humour 
 
 
 
 
 
La grande force de la marque: sa traduction littérale dans toutes les langues. 
 
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(1) Benjamin Rabier, l'homme qui fait rire les animaux de François Robichon (Ed. Hoëbeke, 1993)
(2) La Chevauchée de la Vache qui Rit de Guillaume Villemot et Vincent Vidal (Ed. Hoëbeke, 1991) - Le Livre des Marques, Jean Perret (Ed. Du May, 1993) - Email et Pub, 100 ans de plaques émaillées françaises de Pascal Courault et François Bertin (Ed. Ouest-France 1993)
 

Commentaires (1)

krystal
coucou je te souhaite un bon mardi bisou
http://angeoudemongif.centerblog.net


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